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Full text of "Histoire de l'Autriche depuis la mort de Marie-Thérèse jusqu'a nos jours"

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HISTOIRE 



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L'AUTRICHE 



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Goalommien* — Tjpog. Albbbt PONSOT et P. BPODARD. 



HISTOIRE 



DE 



L'AUTRICHE 

DEPUIS LA MORT p£ MÂRIË-THËRËSE 

jusqu'à nos jours 

LOUIS ASSELINE 



-•-ia««->^B»0«^-^ 



PARIS 

LIBRAIRIE GERMER BÂILLIËRE ET €>« 

PROVISOIREMENT, PLACE DE l'ODÉON, 8 f' 

La librairie sera transférée i08. Boulevard Saint-Germain, 

le 1" Octobre 1877. 

4877 ^ 

Toni droits réserréi. 



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TABLE DES MATIÈRES 



iHnooucnoN • • . ix 

Index bibuogbaphique xxi 

LIVRE !•'. — DE LA MORT DE MAME-THÉRÈSE A LA RENONCIA- 
TION DE FRANÇOIS DE LORRAINE - HABSBOURG A LA COURONNE 
UCPÉRIALE D'ALLEMAGNE. (l'AUTRICHE ALLEMANDE. — LUTTES 
CONTRE LA RÉVOLTÏTION ET L*EMPIRE. — 1780-1804.). .. 1 

CHAPITRE I«'. — Règne de Joseph II. — L'unité administrative. 

— Réfonnes religieuses. — Réformes sociales^ économiques, 
militaires et judiciaires. — Résistance des nationalités. — 
Exposé de l'histoire et de la constitution des Hongrois. — Les 

. Roumains. — Révolte des Pays-Bas. — Démêlés avec la Prusse. 

— Guerre avec la Turquie. — Mort de Joseph II 1 

CHAPITRE IL — Léopold II. — Abandon du système de Joseph. 

— Traité avec la Prusse et paix avec la Porte. — Soumission 
des Pays-Bas. — Pacification de la Hongrie. — Les Serbes. — 
Transylvanie , 31 

CHAPITRE III. — Entrée en lutte avec la Révolution française. 

— Pilnitz. — Mort de Léopold. — François. — Alliance avec 
la Prusse, — Campagnes de 1792 et de 1793. — Affaires de 
Pologne; deuxième partage. — Thugut. — Campagne de 1794. 

— Paix de Bâle entre la France et la Prusse 41 

CHAPITRE IV. — Troisième partage de la Pologne. — Conspira- 
tion de Martinovics en Hongrie. — Campagnes de 1795-1797. 

— Préliminaires de Léoben. — Traité de Campo-Formio. — 
Ck>ngrè8 de Rastadt. — Campagne de 1799. — Alliance austro- 



Vï TAM,EaWS ii'ATIÈftBS 

russe : Zurich. -*- Marengo. et'IloketiliBdeB. *-*' Paix de Luné - 
yiile, — FinaUfeôs eutriehiennes. '^.^Biète 'hotigreise de i&02. 
— Réorganisation de rAUemaigbe. -• Empiré 'hénédiikàtréld^u- 
triehe. .: -..-... ^i .....,*...- 1 f • *.* •]•}• 'r rt t- / i i^f 



Il -1 . ' . I 



ulL r^ DK LA FANDATIOîi DE . ^ EMP^J^E o!f ÇTRIÇHE A. LA 

; RÉyOLpjION DE 1848., [sDITE DES LUTTES CONTRE l'eM^I^ïî./ 

CONGRÈS PE VIENNE. — APSOLUTISME, 18C|4-1848j) .^,,^ ,,, , ^ ^1 

CHAPITRE !«'. — Empire français e*!; royaunie d'Italie. -^ Nou- 

Vefllè côàlltlbn. — Cam^iagné de 48061 — Gapitulàtièn d*Ulmi — 

Prtise de Vîeiilie. — Austerlitz. — Part dé Presbowg. -^ Dfete 

^ 'hongroise • dé 1805. — If^apoléon'et les' H^mg^oi*; *^Gonfédéra- 

•' tîttat àii' Rhin. — PréVisions-de Geûta* -^ Mîûistèrfe Stadioïii — 

' Diètèf «cmgpolde de 1807»et 1«08. — EMt^erue-tfErfurt.w. '81 

CaiAPitRÉ II./— Càmpagjcie de 1809. — Èckmûhl. . ^' Deuxième 
prise de Vienne. — Êssling. — Bataille de Raab'. -f- Wi^am. 

— Paix de Vienîie.*— ïhsuirectîon du'TyroT."-^ Mariage de 
Maric-Louiée. -i- Tihaùfeé^.^^-^" ÔaaqiierDtrté? de î^lï.'^' Diète 
hongroise de 1811-18*2.'' -i'MrdiaHdn"dè'l'A'tttrichei -^ Ôatanlle 
de Leipzig. — CamtyagAe dè'Pifenfcé. -^ Tf àité 'de PëWs. . ./' 91 

GHAPITOE III. — Congrès deViefline. — L^. Pologne. '-^ -h^^^^ 
butiçn de territoires. — Nouvelle constitmUon^âUèiii^^çlç.j — 
Waterloo. — Metternich et la réaction en Autri^çhe^ rjf^La 
société. — Le peuple. — Les nationalités. — L'Eglise.'— Fi- 
nances. — La Lombardo-Vénétie. — La Hongrie. — La Sainte- 
AlUanee. — Réveil de FAUemâ^ne; ^ Résolotion»^ dô^C^HUid. 

— -Congrès de< Troppau, d« La^ach -et de. yérone* — Le ^iel- 
. '})erg. — La police^, —.Affaires turques- .,.,,, ^,.,pj,,,« 101 

CHAPITRE IV. — La révolution de 1830. — InsijiiTjeftipn, de3 
^ Qon^agnes* ^r. Insurrection de Pologne. — Agitaiion en AÏle- 
,j m^n^, 7- pé^plution 4e .Vj^enné; — ^fongrié : Diète de jl825 
..et renwss^njçe. — Diète d^ 1832. ^ Mort,dQ^j;ançois. '■ — Fer- 
, dijaan4il''' tt L^s B^ândiera, —pie ^. — AjBfjpires ^urgues de 
.,1840, ' — ^yéi^pm^nte rj^^ Gçîllicie^ -y Cra<fovie^. .,...^.".,1., ,^133 

LlVftEjnl — i)Tp La ilévôLUTïoii de f 848' a la gc^rre d'iïa- 

.' LIE EN 1859 (lutté DES 1^ATiÔNA1;ïTÉS. — DESPOTISME ' DE 
BACH ET DE SCHWARZENBERG. — GUERRE DE CRIMÉE. — GUERRE 

d'italie.) .'....'.."..«.'..'.... i^ 

' . .1*' 

CHAPITRÉ I«>f. — 1848. ^ Situation de rem{)ipè : HdiiigWe, Croatie, 
Slavonie, Dalmatie; Serbes; eonfififl^militfiire»;*Tran87iiranie; 



TABLE MS MATliRBS VII 

• Crallide ; Bohême. — Réyohitioas en Allemagne. — Journées 

. 4e Buur». -^ Fuites de Mettemich. — Constitution du 25 avril. 

*-^ FerdiaoïaBd à Insprûck. ^ Journées de mai • 155 

CHAPITRE IL — Hongrie. — Diète de 1847. — Kossuth. — Minis- 
tère Batthyani. — Lois hongroises de 1848. — Insurrection 
serbe. — JeUacic. — Insurrection des Roumains. — Bombar- 
dement de Prague. -^ Pologne. — Italie : défaites de Charles- 
Albert : 182 

CHAPITRE III. — Débats de la diète hongroise. — Jellacic entre 
ejfiHongrie^ — Bataille de Pakozd. — Vienne : massacre du 

ministre Latour. Ferdinand àOhnûtz. — Bombardement 

de Vienne. — Bataille de Schwechat. — AVindisgraêtz. — 
Abdication de Ferdinand : François-Joseph. — Prise de Buda- 

- Pesth. — Le gouTemement hongrois à Débreczen. — Bataille de 
Godollœ. — Bem en Transylvanie. —Constitution du 4 mars 1849. 

— Déclaration d'indépendance de la Hongrie. -^ Intervention 
russe,— "Capitulation de Vilagos. — Supplices d*Arad. — Novare. 

— Venise...... 203 

CHAPITRE rV. — Ministère Schwarzenberg. — Bach. — Réaction. 

— Parlement de Francfort. —:. Archiduc Jean. — Parlement 
d'Erfiirth^ — Conférences d'Olmûtz. — Dix ans d'absolutisme. 

— Voiévodine serbe. — Finances. » Abolition de la Constitution 
du 4 mors. — Concordat de 1855. — Zollverein. — Guerre de 
Cmiiéè. — ' Congrès de Paris. — Guerre d'Italie. — Solferino. — 

.Villafranca. ; ; 235 

LIVRE rV. -^ DB LA &CERRE d'ITALIE A NOS JOURS. — (TENTA- 
TIVES CONSTïTTTTIONNELLES. — GUERRE CONTRE LA PRUSSE. — 
LE DUALISME AUSTRO-HONGROIS, 1859-1876.) 263 

CHAPITRE I*r. — Hésitations constitutionnelles. — Conseil de 
Tempire. — Constitution du 20 octobre 1860. — Constitution du 
26 février 1861. — Déak. — Diète hongroise de 1861 et son 
adresse. -^ M. de Schmerling. — Tchèques, — M. de Reichberg. 

— Affaires d'Allemagne. — Congrès de Francfort. — Affaires du 
Slesvig-Holstein. — Paix de Vienne. — Affaires de Pologne. 263 

CHAPITRE IL — Préliminaires de Sadowa. — Conférences de 

. Gastein et coi^venjtixui. — . Ministère. Belcredi. — La diète de 

Francfort vote l'exécution fédérale contre la Prusse. — Sadowa. 

— Italie : Custozza et Lissa. — Traité de Prague 288 

CHAPITRE III. — Le dualisme. — M. de Beust. — Exposé de 
la Constitution de décembre et du mécanisme dualiste. — 
Gonstitntioii 4e la Cisleithanie. — Constitution de la Translei- 
thaoie* -^ Lms 4M)nfessionneUeâ. — Finances. • • • • 306 



VIII 



TABLE DES MATIÈRES 



CHAPITRE IV. ~ Politique extérieure. — Fête des tireure alle- 
mands. — Mouvements des nationalités : Bohême; Croatie- 
Gallicie ; Roumains. ^ Révolte du Cattaro. — Serbes. — Minis- 
tère Potooki. — Guerre franco-allemande. — Ministère Hohen- 
wart. — Entrevues dllsch, de Gastein et de Saltzbourg. — 
Chute de M. de Beust : M. Ândrassy. ^ Réforme électorale 
de 1873. — Conclusion 326 



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; M- 



! ■ » i ; 



'Il 



INTRODUCTION 



Avant d'entrer dans l'histoire de l'Autriche depuis la 
mort de Marie-Thérèse, il est indispensable d'avoir une 
notion très-exacte et très-nette de la formation territo- 
riale et de l'ethnographie de cet empire compliqué. On 
ne comprendrait rien à la série des faits, si préalable- 
ment on ne se rendait pas compte du milieu spécial où 
ils se sont produits. 

L'empire d'Autriche s'est formé de matériaux dispa- 
rates, juxtaposés, sans qu'aient pu les fusionner les di- 
vers systèmes de centralisation essayés ensemble ou 
séparément par les hommes d'état de cet empire : cen- 
tralisation par la bureaucratie — par le despotisme 
politique — par le despotisme religieux — par la ger- 
manisation — par le militarisme. Le plus récent sys- 
tème, à l'essai duquel nous assistons et qu'on appelle le 
DuaUsmej paraît déjà voué aux mêmes échecs. Certes, 
elle était ingénieuse, l'idée de couper l'empire en deux 
pour essayer dans chaque moitié ce qui n'avait pu 



réussir daD8 Tensiemblei il étail sédnvsaivtj de ^ëe dir^ 
ôntre^ Allemands et Magyai^ :; Pmsqu^après tan*' de 
luttes*, nm» Ti'BLy&iis ^ nous: abeôrbeir iba daAs-rauipey 
centraUôons chaciiti dan^ ïiotre: sqphèi^ej'moî Mïeiûiawdlî 
en deçà d^e iB,L^tha,^èn 'germanisant les Tchèques' de là' 
Bohièîlnie- et d\ft laMoi'a'^îei leis Polonais et les^ Rûttién^ 
de la Gallide, les SlbvÀq;àes delà Moravie et deikt Silén 
si^èj'les S^bo-Cï'oated de là DiJmatlej' lès-^ovèwesf de 
]a< Garînthiev de la Styrie et dQ la 6ai*niblev3iesiltailiefi8 
du Tyrbl et des 'bords de = i'AdmtâJque ; vôois/ Magyar, 
aU^tfèlà^ de l|i liieithà, en m^gyarisant les^ Sei^p^Grôa^es 
d)é'lk>Gi^Ofttie;'dè'la Slavonie,-des «onfins' milttûreéiet db 
la^olé>tt^dîjrei'les'^B;ouhiabts^' deila Tibasjdhrahie tet'âes 
comptais dti'Sud;leB'âla9â^«iieSides'.(»}mltat6 durNord; ;i 
Mais on à vàin^meiit dé^dbfê) lè itérer 'Oèn^aîiBa* 
tettr .' Pesth fee heurte àUîi'mêïÈi'es diffifsultée qae'Vifenmei 
et- ne^ pésoul! ^as pluâ la qttebtion crte^ey- laJ'qnié&ttori 
8él*e, la^ttestiônf Tottmaiïie, que ^iknmf ner^tiômphi 
de là kïuè«stî<yh ' tchè^iie,^ de la question' polonaisei'de^ lé 
question mthèna. G'est qu?e dans eetempi'fe lentemewl 
fotftié'pfetk* les ^Habsbourg, èbaqbe race^ oônserré* son 
type, sa langue j ^on îiïdlvldiââtHté 'et qde ièette 'hiOsaï^ 
^& • mfenogrâphiqttè n''à jamais^ c'dto^tiiâî ' ton '{>ëuif)le 
ofiMélHeU; eottifae'^l y a tin; ï)euple' Mttçàis 'Ot* ^«H 
féupïf^ àA^lrisi De plus ^chacune d'elles a éftê^reubteà! 
i'tmpifëk (tes titl'e*' divéts : eohquéte, kchat^ liteage^ 
hérltagée,' life^ë conseritelnent'; Or lè-bas lefr ' tradition^ 
hifetoriques joiient^n rAlcprépoladéraèt : ledniît pubKb 
sY appuie beaucoup plus sur les trtrlBs, les paTcheifains; 
les 'ôonti'ats pbudreuxvque sui? le-'cb^ô^è^ ôâttfrelî^t s«# 
l'intérêt' gënércrf. îieôVeyaiumeè^et les^provîAdt^'^evewdF 



mTftODUCTIOK XI 

quônileut aaiociMiie M. nom de pacta»* originaire» li^ 
brem^nt eon^nti&tet; qu'ils considèrent comme ayant 
toujoui!s- Iftlc^ de loi. Fi^uron&tnoua la Bretagne réda** 
Di^iune existence à part, iavoquant 1^ stipulatîopA 
in QonlarÉjt 4ei mariiag^ d'Mne et de Cbarles YIU, .pré-. 
teod^Htifue'ae 4ontiratilûL; assuira jume a4n)iiiiati:atioi) 
paiiticftilidre et;l!i}saga officiel de la langue arnior^aîneiy 
dt>argwmetitaRt:de la svdte de siècle» où elle a eomstitùé 
lui^ùodividi^aUtié hi^cfriqiie douée- d-une destinèi^ prqpi^q 
eiid'ueilyitialLfcé:eonti0iii€f^J?$isQ)iS:le même effort' d^tn^r 
gkfttiiûn pont la iPvovôDi^K ]^mxv h Btorn, poiir> lai^anr 
dînei Reppésenlbons-nous > ces. proYiqee^. . ctie^-qb wt : infatih 
gAlesn0ni>^toft l0Ura-pj|rleiilentat4p4e)a^^v:daA$ Iieur 
littëfatfnd^ dtmlsiJtei%rsi';li'a4i^QQ&ll0ca}q$). £laiQ!s la« pous- 
ftièir^^^leuirft iu^ldV6S[(4^t çt4»f9 les. plus lointains ^onve- 
pii!3id^l(liipisatiioi)dlitér 4^ points de résistance ft^oo^re 
te>{}0«iivpiQipenAQalri'^&â,otaires aux Lpuië Xi, aux- Ri^he- 
l«l^ffiiiaiix.iM«9'3yiV,n>yattt jamais v^ creuser entre 
li$iHtp^s#ietileiiir'pré8Qi)t le gtand(o$âé d*«un B9| et no^s 
M»TyH)i9tUAe «id^e appro<5bante de ce qui se pa^se dam 
TAutTiobei.} M fçst t^utel|t.^lé de son hiâloii^ ifi^éri^jL^re» 

: -ijÈ.tnfUo#0^4'a)^ordla.fbr99Qiajtio(Qier^^^ ;- f/. 

I i!,|illlips^i /^ffluefut jda Dfoïub^, ^séparait au ix- »M^ : te 
8ftvi^e,^fl^îiiqttp dfV r€ryaun>e deÉf H^m m Âv^^* 
ÇhffifieD^gpe i<;o«qui|t ce .ngr^iuia© enpluftieurs! qflfmp^^r 
gaep>.(7JÏ|r78H)'^J; il;.4?onfia à^desHÇpmt^ ou; ijnaçgraves 
l^'gouyerneme^tjd^ la > zone, militaire qu'il , avait créée 
dQ.Oe.Qi^téfpQur la ptu^tection' de ses domaines et qui 
n^ttt Je jd^ùip^ de MmeJm Amtriaoa (marche orieptate). 
G0S maiig^il^igi si<^u8iJi0ui94e4îros;parvinreiii. à rendre 
^eiiai^jA^tédjitaire,dan8tlettr;faniil]Qt la f^n^lle d6 



xn INTRODUCTION 

Bambergou Babenberg. Ilar^oreat :dea empereurs Tin^ 
vestiture des conquêtes qu'Us faisaient: sur les .Hongrois^ 
tribus ouralcMiltalques ou de race jaune lOiélangée.d-é^ 
léments turcs dont les rapides. cavaUerS, induits par 
A^pad, avaient envabi la vaUée du Daattbe« Pisu àpeu^ 
ils arrondirent ces pi?ovinces qui ont seujes, droit au 
nom d'Autriche (Haute Autriche, linz; et/Basaè-Au'* 
triche, Vienne) et formèrent de Tancienne àiarohe aux 
limites indécises un fief compact et homogène. En 1156, 
Fi^déric Barberouase leur conféra le titre de duc, hâré- 
ditaii:e à perpétuité; 

Alpra, ai^^ur de ce noyau des pays de l'Eus et de la 
Salza, commepç^ çç travail d'anneppon de, prof^^© en 
proche d'où est sortie rAuJrifjJie. moderne. En 1192^ les. 
ducs autrichiens se vii^nt léguer Jia Stylée (Gra^tz) pax 
son possesseur mort sans enfenjts. /Aut coi^p^^aceniient 
du xiii* siècle, ils achetèrent la Car^iole^. (Ji^ayMch) . 
1650 marcs d'argent. Quand, à Textinction de l^np^f^fp^ 
de Bamberg (1346), ces possessions passèrent àOttoi^ar^f 
roi de Bohême et beau-frère du ;deroipr des Bamberg, 
elle^ étaient déjà, trèsrrespectables. , 

En 1273, un petit gentilhomme d'Argovie, Rodolphe 
de Habsbourg» fut élu empereur d'Allemagp^. En 43^78^. 
iljd^fit et tua à la bataille de Marckfeld le puî^siant! 
Ottokar, eten 1232 la diète d'Augsboprgd^égua. à ses 
deux fils la possession de l'Autriche, de la Styrie et de 
la Garniole. La maison de Habsbpu^g; était. fondée,, et 
se? ducs, empereurs ou. noA;, reprirent ,le'travail\d'an- 
nexion des Bcunberg. ' 

En 1335, ils reçoivient par investiture impériajb la 
Garinthie (Klagenfurth), à la mort de son dernier due. 



INTRODUCTION XIII 

SbrgHeffite à la grande boa^he (Mauhtach) leurlègae le 
Tyrol, auqud par des acquisitions successives ils par-* 
viennent à donner ses limites naturelles de lltalie, de 
la Suisse et de la Bavière. Ils réunissent les comtés de 
Goritzet dô Gradisoa. Vers 1375, les habitants de Trieste 
se donnent à eux librement pour échapper à la domi« 
nation de Venise ; 

Bientôt «Couvre pour la maison d'Autriche cette ère 
des grands mariages qui soudainement lui valut une si 
énorme extension et que résuma le distique railleur de 
Hathias Corvin tant de fois cité : « Bélïa gérant aUi.:, 5) 

Le 20 août 1477, Ferrant Maximillèn, fils de Pfé- 
déric III, épouse Marguerite, héritière- de Gharles-le- 
Téméraîre. Leuï* fils Philippe le Beau épouse à son 
tour Jeannerla-Péllè, héritière d'Aragon et de Castille, 
dont il a Gfiàflèà-Quint et ï'erdinand. En 1522, Gharles- 
QrfHll'*c^îS& à ^ôn 'frère Ferdinand toutes les possessions 
allèihàiides dé la maison d'Autriche, et la même année 
FèpcKnahd épouse Anne Jagellon, sœur et unique héri- 
tière de liiuis, roi de Bohême et de Hongrie. Gé splen- 
dide héritage ne tarde pas à s'ouvrir : Louis succombe 
sdoa tés coups des Turcs à la fameuse bataille de 
ïfôhacz (1526) et son beau-frère Ferdinand t^éçoît la 
Bohême iavec ' ses dépendances (Moravie, lés deux Lti- 
saces) et la Hongrie avec ses partes anneùcse (là Croatie, 
la Slavônië, et les droits éventuels à la Dalhiâtîe coh- 
quise par les' VéAitiens). 

En 1699^ là Transylvanie, indépendante sous ses prin- 
ces depuis 1526, est réunie à l'empire, cédée, après la 
défaite dé Zentfïa, par Michel II Abaffl. ' 

La paix de PàssarowîtTr donne en 1718 à TAutrièhe le 



XIV IWTII^^WPION 

Baaat 4e i T«iii«lw«r^ eeaâioa< ùonSrmM ^n = 4 !739f < paf if 
irai^é de fiel^raple* Piu6r t&rd ifs Turiost cèdent ^eaeom, 
par letràîté de;Kama4gl,: 6n 1777^ J(a Bukovine.: < ij 
En 1772, le grand crime du pi^^m^er pialHagé'âe^to 
Poloigt»etlivre!à:rAiiilrtôhe la GialUme ori€fntate, etite'C^^ 
alème\ptii^t (l(795).la>Gallici^<oeeidenta)64St»fiQ| p!^i&&- 
iant itoujduiis ^et -qaaiid mème^ le» Hab^oûrg acquièrent 
au. traité de Ûdmpo^otÉiio (1791) llstriev k Dàlmalie 
fétniienne icrt les* 'Bouches du Gattaro ; à eefaii de LuQoé- 
^Ite {tSÙà) le» évèchés de Tnsnte t^ de^BMxens^Eni 184(1, 
4èErn9^An^k6s<S(si {iuremiBiit let •simpltaient la ville libre; de 
^raèbvib cMasonridièrriiloire. "/ ^.» 

• MNoU8>n'aion6iOû[itotidinii&,dBnd'ee fa^Mbde )et'peiit<4étiire 
addë tableali'de'faufbifHiiatiqnifisrriteriale de VAutiâche;, 
que les pays qui, au momeiDit .^ittinous^^crivetia, .foiii 
-pairtte iété^ante deila mOnaireUe.iiMab'^lQB^'^tres 
pays out'loijirrà tour étéréunis^' séjpajrês) reotoqpuâ» 
puis définiiivÀmeikt enlevés à lad^minalioii des-fiato- 
bourg iJès Pays^baë (Bel^qiiÀ< actuelle) .qu-^ilalontipti^*- 
aëdéAiide)i774ià i^OOsle* (rdyausnafLaoaJyBiM-VéliHieifi 
-qti'ils^ oht «pevdu'en !B59) et m iê6B ■; ' les diomai6ed. ;héfî^ 
éftaires daens le - Bcisgau ^^libèurg^ fit^ ¥ieux-*firâi»K^ 
ttédéa ou g^aaid-ducbé ditf Baidetii m r » : >. i .< ./, ,-, 

i.iQaeUesisotitlés'ratcôsreiiiOontàcri éur^ciAciilifiÉiei^aief?- 
xftoirBcqui's'ètend^idnilac ideGoilstdnoeiÎHstpi'aU fond^da 
iflroisaafit'dleB BMJeatuèiBC.Karp0lbe6<eti(tej^u 
qué'ju8(^'à la -Yisftule«?i!Voici les; résultais' dJ9s«p1ita tiré- 
jcenteâ sfoti^ques^ L'^Kaàtitpdèyestien: liaiieillë. olaitière 
<le laiplus' haute irapoutahaeviiKar^'i^flibite^ombiiei qtt'tinh 
voquaient les ÂllemMidd pour geréiAhtedf; llAxiltfic^i et 
o^estle iioitibre' e^em qulnvorqaent les âtavHs-pbur 



itéelAim^îîJn i târut^t rôle^dans 'l'«mpire t 'Les< e1iifilheft> sont 
Un spiidttti^<ébri&4la¥pbicUr6'4a'âflk^ 

iiMci lait^ai^Itlon^d'Vifpi^b'lé ^isècifinséhifent 4ié é969ir«ki 
^fCK^kJdiema^ffiB'ébf&e Uieuf mMlicnDi' 455^800 -indiividtd ;■ Ià 
liàeeiiiii^ei^Yeéiàei^ âiilllôiis A4ô;4^i;ikira€e itmgrotse 
-0«(Riag^âPé'iSy6& eh»j[inilllûdni8 «Sâd^jOdO- ft hi'raiie'/alàie 
i^èicr trffîsrtsiUièni^j4eav60&i (Lefe aoth-eis/saocis tB>p1féftèiar- 
tbnti(|U'i)iiipe4itlacMBBlii^fdriikdi)ri 
nîens, Grecs, Albanais, etc., eè liie'fld^nnertb diailknte 
miScl iparU ^es^âigglomératftonBj r ilîis«l/&Qn( ide' aoteiVIce* 
rpèbâtÉiï1f^uigUa>i]âieeJffémitix{ûË^ douoie 

' nljéi^rti^dceéBMitilvfcmefiefallemandes- fivM Ja Hiaiite 
AaQri(!to'iet^it»Haîbichéi/deh SahKboui^ i(10û<jO/0« d'AUeh 
iSÉiAls^'iji la>Ba8BeiAiitmèhe (97*0/01) JLeffiAUemandsbdfiit- 
iiy|fi[elitodaiikj)a 'Sl^è'i(«âiCl(M^i-là. Claidathiè <7S.a^G^.^.Ife 
fffM^ët'h&i30^»mihBV^f^^f^/&}; eJi/gllésîéîls^fotni^nitla 
iitt»iié'Jâ6f3lau|^ofMllatSiMy (âô jQf^i^;>En>Bobè«ertl68r AUfr- 
Jiiibii;â6ithd:i4a)i6{ton4iiplusi 1^ 391 0/iftnet^eii!iM6- 

ravie pour 25 0/0. Danshkû Hbiîi^^^i-ijIsi.fcirineBti'Uii 
1^t(p9'4»it(àSÙi,Qm Indhiidufi, iâ'ft/g ^0 da-la' >pop||la- 
4lo^ (tolala ,i i^lr^ i^IsuR» ibt <Dràh 9^ vs^ 
^Ml;dû0^ JbOj||/â)0/0^èla|poiiulaidolk M|l8isacasS>ai)i 1^ 
-imnoiiil^dhiiëikisiaàiitrerf pvbVfnbei^jiAii/totistl, dam.Tenr 
«câitble (èsi to@i5l0ithaiik[«qJdJiiB>gQÛYe7iieni&,: où- ils ont 
*llé^iiiDhia>qpolitÂqpiie;ia:di»mistrftti]fa ett.fiiianciiènet, ik 
^ptfteëollMAdt ^ûfùAah. papalédmai i / 
lijiLps^fioiil^oââl du Magyars^ jsesla éo lewf^^raûe '^nifiur 



XYI INTHODUCTIOIV 

rope: avûc tes Tm'Gf;, fornie&t dans la HoiigFii^.nn^^roa]^e 
deqlfâAre miyions 700,Q0Q ittdiyi<ia&,: ou 45 O/P^ie la: 
population iotâley et éam la Transylvanie» soos le iiam ' 
de Szeklers ou Sieules, un autre gv<m|>e de 530^000 in^t 
dmduB, otL 26 (^0 de la population de la priocipauté. 
Au'tûtai, dans là Tranftttitbiajiie qui leuir esili^céa pdi-r- 
tiquemes^et administratiyement, comme la GiskiyianiA 
1^^ aux Àlldmand&» ks Magyare représentent 'âSjO/û .de 
la population. < « -i 

iD^yjant oefi deux race» pkoéeis à la iCte de chacune 
dfié beàiiehes du Dualisïlie: inventé €si tout .au. moins 
ecmsdoré pàrMi de Beust, se dresse la arace dave, plus 
nombreuso è^éiU tendâ^E^ >!es> Allemands, et Jes HcKngrois ' 
réunfe. ^ '';••: 1- 

Il faut distinguer les Slaves du Ndrd j et les Slaves du 
Sud ou Yougo Slaves, séparés lés nns;diés> autres pas les 
pays hongrois et par les pays allemands. : ^^ •(' ' ; i. 

Les Slaves du\Nord^ au nomhre de plus' de)dauie 
millions^ comprennent les Tchèques de la Bohèùiey de 1 
la Moravie et de la Silésiè^ les Slova^eedes comitals' du î 
nord fie daHoffgrie) les Poloilais de la Gallide, les Bu^ 
thènes ou Petits-^Rtiseesde la Gallicie ot de la Bukoiâne^ 
Liss .Tobèques^ Moraves et Slovsufues représenten/tiea! 
Bohème 66 0/0 et en Moravie 74i 0/0 de la populatiodou 
Les' Slovaques entrent pôlir 17 0/0 dans la population 
dé la Hon^ie^ Les Polonais représentent- 43 0/0 en 
Gallieie, 29 0/0 en Silésie, mai^ ils ont 'pour tivaux 
n^omériques en Gallicie les Jiuêhènes qui. représeontent 
45 0/0 et qui s'élèvent dans la Bukovine à 52 0/0^ Au 
total, l'élément slave septentrional est deprès de 55 0/0 
dans la Gisleithanie. 



IIITRODUCTION XTH 

lus&'ïoago^SiaVès, au nombre de quatre aillions 
250,<X)0j ediàprenaeirt : le groupe serbo-erfnte qui hsr 
bile Ja Crostie^ la Slavonié, la Daimaiie, le Banal et las 
afiddAd içônfiois militaires, et le g£0\xpê>shwne(m 'sriskde 
dang la Stjrie, la Qarinthie, la Gamiole et Tlstm. Les 
Serbo^roates s'édèrent jusqu'à 88 0/0 eh Dalmatie,94 0/0 
ôfifGroatie^Slavoniet 84 0/0 dans les anoieiiB oonAns mi* 
litairefr, 26 CyO dans les proymoesde Trieste et de QotH^i 
les Slovènes à 90 0/0 en Gamiole, 59 0/0 à IMëste^o^ 
riiz/ 36D/0 en Styrie, 280/0 en Garinthie; Au totcd, lès 
Yougo-Slaves représentent 30 0/0 de la pepulatfoû dd 
la .Transkâtluttie^ en retranchant leô SUbxéB^» et- les 
Serbo'Clirùates qui iomi partie de IsaGiMi^hànie (Gamiole, 
Trieste-Goritz, Styrie, Garinthie etDalmatie surtout dont 
ils ne cessent de réclaii^r raniiexioh à ia Grôatie) et en 
ajontaat te icxmtié^nt des confins militaires dernière* 
ment abolis et ré|^artis entre diverses provinces. 

•Iiataeè latine, représentée par les iSoi^mam^ et par 
left' Itcdtetis^ iexiste surtout dans' la Transleithanie. Les 
BoUQïainsf, qui provieonent, croitH>n, d!un mél»nge'de 
Daces et de colûnd romains, forment 57 0/0 de la^opnla- 
tm de la 'Transylvanie et 12 0/0 de celle <le Itî Hongrie. 
Bn C&sleHhanie, on les trouve à Tétat de groupement' 
daikS'la Bokovine (43 0/0 de la population), et dans leà' 
ex-confins miUtaires (13' OfV), Us ont été longtemps op* 
prbnésv à peine tolérés, bien que de leur sein soient 
sertis Jean- Huiiyadé et Mathias Gorvin et récemnaent 
e&eo4?e ils: ne égaraient paâ^mème, malgré lemr nombre, 
parmi lestroâ nations >de Tranâylvaiue ; aussi leurs re- 
^ndicktions sonti-elles énergiques. 

Les Italiens sont surtout répandus dans Trieste^io- 



XVIII tNTRÔÛtJCT'IOÏ^ 

rite (37 0/0) et tlaris le 'T3^^ôï (42 0/0).' lié forment' îin 
peu pÎTis tjtie le dlxîèrtt^e de la population de ta^Dal- 
matîe. H y a à, TViesté imparti itaHànûsimé qui y ôii' 
dMt !larhïex:ion dii' graiïd^ôrtde rAdriàtiquë à ïltâliè;' 
îl' y a aussi' défe aspliràtions séparatistes tt^és-reniùantès 
et'très-éhergiqùeédatis1èT>T0l. ' '" ' ' ' ' 
"Oh peut dire, en Résumé, que sut les 35 à i3& mil- 
Uàné d'habitants^ iiué i*Austro-Hbngrié ' nourrit sur les 
624,073 kit carrée, il y a 46 0/0 de Slaves, 26 O/Ô d'Alle- 
niÀilds, 15 1)/0 de lià^ars, 10 0/0 de Latins et 3 0/0 de 
trffeti^*divêrses, surtout; de Juifé. 

Ce f àï)leau^^eul donne une première idiée de là cbm- 
piéxtt'é dès' question^ qui s 'agitent en Âutrîclie. Toutes 
ces nationalités jùktàpoéé^s luttent contre 'lé pouvoir 
central, ' mais dé plù's elles* Itittèiit'eïïtrfe elles jusque" 
dahsTêtroite enceinte d'une prdvihéé.'Dkns la' (jàllièië. 
Polonais et Rûthènes se dètésteiit; dans la'-fifalïsyï- 
vanie, les Roumains se débattent sous lè ptèrf dèFMil- 
gyars, des Szeklers et des Saxons. On connaît les Tréven-' 
dications des Croates et dès Serbes contre les Magyars : 
elles ont sauvé le despotistne autrichien eiï ^49. 
; Ce qui ajoute encore à ces difflcultéô, c'est qu'aux 
fronfièréfe mèmfes de l'Autriche, existent des points d'at- 
ti*aôtidri' qui agissent sûr ses différentes nationalités. Le 
Pm^érmahémè sôllibite ses Altemands et le Pûnstavisme 
ses "Téhèques, sies Croates, ses' Sei'beset ses Ruthèue». 
Enfin la prinéî^atité iù^épéndàitiô deSëi^bié éfet t^e^i-dée 
par quelques-uns, ftiêtoè après sisfs récents màffieurs, 
comme une sorte àe Piémont dahtibien, tfestîné à unir: 
les Yougo-Slaves sinon dans uii èrisèriiblé nibttàWhiqûe, 
au moins dans une libre fédération. * • • • 



ficielet factice, dont les,é][é^Qi^ts,,sqnt.9^3^c^se.^oil^-^^ 
cijl;és ç^ uûç. force . ceij^^rifugççt ^onit l'avjanîr.,fatal^st 
la'fUslo^tion^ :. réfprm^^ ceptr^ljsat^ce^ à wjr^^ce. (^ç, 
^•^^^A fffï if^^îPÎ^"^™^ (^W^aucra^iqu^ et. poUçâ^ de, 
^V)TO^^ ab^plpti^ifl^ jifl^itaire, a^p^^ et^rel^^, 
gieux des ScWarzenberg,et|deë^3aç^,,parlea^e;[)^ri^^ 
^M^ ^P.§?^??fS^WnÇiV.fAdéraii?i?î^ç'ti^^^ ^1- 

h 




séyérapime^t j)^^tiq|:^^e|,pçir. Ip9 Habsbqurgs, habiles à 
^^Kfi^Wil^AiM^P^?!^^^ haines réciproque? de?. 
^WfîW'^fiHn^^. ^P i^^W^^ qu>ne . CQ|0^dinatio^ et< 
'iftHW% è'W^^^ ?^r^î^^ depuis lougtepapp conduiU 

. Qu^^ »^ J'^i^ff e ^e^ft^iieur^ fie i:Autr^clie, pHe, ^r. 
résume f^>J!i^Vi^ PP^fl^î d'uixç,part,luUe, contre l^.Pru8f|B 
¥ft, y^jatJ.l^c).H^'fi,.,çûîa!i,éwl^epi^^^ ^^t^ ipor^lenf^t .^^u 
njpqfi^ gjçfipi^fjiquq ejt, çopte^ qui.yeut ahsorr* 

% aiest^ii^ppijLt? d^yea, eti^yçc %ueUe, pftr le par^a^e. 
4ç,la,^^|QCTie,i qlle ja, VwpFp4epce' de ,?g û^e)fcj4:e,4(rçç,t^ 
m^^,fl09^c|.; d^^jV^tf^» — ,4çeHç poçtjipp .de isoq. 
^fi9ff^,ï fe^WW^«î^«t,p^4^ de; nos. J<?i?j^. ~. lutte» 
eitf^^îipie ç9^t]Çiç.J[a.I)^ypJ^^pn.^pi]u^ toui^a^e? fqfpie^; 
ppflT, gu^, jl^ ,f^tçp^^fSW«ï^t.M^S ^cpou^sas. du. debp?»,fit , 
^.Kjt|^P*igfl,l^s.ff|fiç^,^Q^Ve^^ ne.jnçttçnt.pas en p^ril, 
l'équilibre si laborien$ement étalai eutr^ les ip^t^îiaux 



XX INTRODUCTION 

hétérogènes de Tempire; Timmobilisme européen de- 
vait garantir Timmobilisme intérieur. 

Sadowa a fermé à l'Autriche le monde germanique 
et a placé le centre d'intérêts de l'empire sur le Da- 
nube. Elle s'est difficilement résignée à cette situation 
prévue par Gentz dès 1804 et la voici, en 1876, devant 
le double péril du renouvellement du pacte dualiste et 
de la question d'Orient. 

Ceci dit, nous pouvons entrer avec quelques fils con- 
ducteurs dans cette histoire touffue et sans unité, qui à 
vrai dire se compose de vingt histoires différentes et où 
nous avons dû, pour être clair, beaucoup abréger et 

distribuer par grandes masses nos innombrables maté- 
riaux. 



• ' < .1 i-'< ^ 



INDEX filfiLIOGMPHIQUE 



Nous n'ayons^ pas vouhi' citer au bas de chaque pàgei oos 
sources et les nombreux documents qui nous ont servi. Mais, 
sans mentioiiiier les sources allemandes et austro-magyares, 
nous cpoyoBSTetiû^lir un devait» de i<>yai!rtè: et»^ "reconnais- 
sance en indiquant ici les principaux ouvrages français. 

Citons d'abord les deux excellents volumes trop peu connus 
de M. Alfred Michiels : Histoire de la politique autrichienne 
depuis Marie-Thérèse (2« édition, Dentu , 1861, i vol.); 
Histoire secrète du gouvernement autrichien (3« édition, 
Dentu, 1861, 1 vol.). 

Marcel de Serres : Voyage en Autriche, 4 vol. 1814. 

A. de Gerando : La Transylvanie et ses habitants, 2® éd. 18S0, 
2 vol. — De Vesprit public en Hongrie depuis la Bévolution 
française, — Essai historique sur Vorigine des Hongrois, 
(1 vol.) 

H. de Sybel : Histoire' de VEtJtrùpe pendant la Révolution 
française (3 vol. in-8% Germer Baillière, 1869-1876). 

E. Sayous : Histoire des Hongrois et de leur littérature poli'^ 
tique de 1790 à 1815. (1 vol., Germer Baillère, 1872). Puisé 
aux sources. 

Saint-René Tallandier : BoJiéme et Hongrie^ xv* siècle, — 
xix« siècle, i vol. 1869. 

Gamier-Pagès : Histoire de la révolution de 1848, in-8»* 

Louis Léger : Le monde slave; voyages et littérature é 
i vol. 1873. — La Bohême historique. 1 vol. 1867. 

Daniel Livy : L'Autriche-Hongrie : ses institutions et ses 
mtionalités. 1 vol. 1871. 

Anonyme : Les Serbes de Hongrie, leur histoire, leurs pri"" 



Xxn INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 

vilégeSf leur église, leur état politique et social. 1 vol. 1873. 
Œuvre de première main, de la science la plus accomplie. 

Iranyi et Chassin. Histoire politique de la révolution de 
Hongrie, 1 vol. 1859: 

Félix Martin : Guerre de Hongrie en 1848 et 1849, 1 vol. 1850. 

Becueil des traités, conventions et actes diplomatiques, con- 
cernant l'Autriche et l'Italie, 1703-1859, 1 vol. 1859. 

Smolka : Autriche et Russie, avec une préface de M. Henri 
Martin. 1 vol. 1869. 

Comte de Mûlineu : Les finances de V Autriche. 1 voL 1875* 

De Laveleye : La Prusse et VAutriche après Sadowa, i vol. 
1869. 

Léonard Chodzko : Les massacres de Gallicie et Cracovie^ 
confisquée par VAutriche en 1846, 1 vol. 1861. 

Anonyme : Le Pays Yougo-Slave (Croatie-Serbie), son état 
physique et politique, sa fonction dans Véconomie générale de 
r Europe, 1 vol. 1874. 

Auguste Himly : Histoire de la formation territoriale des 
états de V Europe centrale. 2 vol. in-8». 1876. 

J'indiquerai en outre : la collection de la Revue des Deuah 
Mondes et notamment les articles de MM. H. Desprez, E. de 
Langsdorf, Klaczko , G. Perrot , Sayous , V. Cherbuliez, 
Alexandre Thomas, Cyprien Robert, Albert Dumont, Bamberg, 
André Gochut, etc», les collections du Journal des Débats, du 
Mémorial diplomatique, de VOfficiel, de la Réforme économi- 
que, de V Annuaire encyclopédique (très-informé sur TAustro- 
Hongrie), de V Annuaire Lesur, de V Annuaire des Deux-Mondes, 
de YAlmanach de Gotha, du Tour du monde (articles de 
MM. Duruy, G. Perrot, Yriarte, etc.), de la Correspondance 
Slave, etc., etc. 



HISTOIRE 



DE L'AUTRICHE 



LIVRE I" 



DE LÀ MORT DE MARIE -THÉIIÊSE A LA RENONCIATION DE FRANÇOIS 
DE LORRAINE -JHABSpOURG A LA COURONNE IMPÉRIALE d' ALLE- 
MAGNE. (l'aUTB^CHB ALLEMANDE. — LUTTES CONTRE LA RÉVO- 
LUTION. ET LyEMPIRE. — 1780-1804.) 



CHAPITRE I" 



Règne de Joseph IL — L'unité administrative. — Réformes reli- 
gieuses. — Réformes sociales^ économiques, militaires et judi- 
ciaires. — Résistance des nationalités. — Exposé de l'histoire 
et de la constitution des Hongrois. — Les Roumains. — Ré- 
volte des Pays-Bas. — Démêlés avec la Prusse. — Guerre avec 
la Turquie. — Mort de Joseph IL 



Marie-Thérèse mourut le 29 novembre 1780, laissant 
pour successeur son fils Joseph II, déjà empereur d'Al- 
lemagne depuis 1765. Le cercueil de la virile et dévote 
souveraine fut insulté comme celui de Louis XIV : on 
ni jeta des pierres; un régiment de grenadiers dut 

ASSELINB. 1 



2 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

Tescorter jusqu'à son dernier asile. Elle laissait TAu- 
triche intérieurement et extérieurement dans une situa- 
tion difficile. 

A l'extérieur , la Prusse grandissait prospère sous 
Frédéric II qui devait survivre six ans à Marie-Thé- 
rèse. Cette Prusse, qu'il avait prise avec 2186 milles 
carrés et 2,240,000 habitants , Frédéric la léguait à 
son successeur étendue à 3452 milles carrés, peuplée 
de 5,430,000 habitants et dans un irréprochable ordre 
financier. La monarchie des HohenzoUern avait déjà 
conscience de sa mission : se mettre à la tête du monde 
germanique en rejetant l'Autriche hors de l'Allemagne : 
c'était l'unique préoccupation de ses souverains et de 
ses hommes d'Etat vis-à-vis d'une rivale qui, depuis 
Charles-Quint, était devenue surtout hispano-latine et 
la représentante de l'idée catholique contre la Réforme. 

L'alliance française, cette chimère réalisée à l'éton- 
nement du monde, grâce à la déplorable politique des 
ministres et des maîtresses de Louis XV, allait cesser 
d'être avantageuse, car la France devait devenir aussi 
fatalement l'ennemie de l'Autriche, au nom des idées 
révolutionnaires, que la Prusse au nom du germanisme 
et de la réforme. Vainement Marie-Thérèse avait placé 
sa fille Marie-Antoinette sur le trône de France et son 
autre fille Marie-Caroline sur le trône des Deux-Siciles : 
ces alliances avaient mêlé sans résultats politiques le 
sang des Bourbons à celui des Habsbourg-Lorraine. 

L'acquisition d'une partie de la Pologne, dans l'o- 
dieux partage de 1772, mettait l'Autriche en contact 
direct avec la Russie , aussi désireuse de la chasser du 
monde slave que la Prusse de la bannir du monde 
allemand. 

En Italie, les Habsbourg avaient travaillé pour leur 
part à l'agrandissement du petit royaume de Sârdaigne 
qui plus tard devait être l'occasion de leur expulsion 
de la. péninsule. A la paix d'Aix-la-Chapelle en 1748, 
Marie-Thérèse céda le haut Novarrais et Vigevano à 



REGNE DE JOSEPH II 3 

Charles-Emmanuel III, celui-là même qui disait en par- 
lant de ritalie qu'il voulait manger Tartichaut feuille 
à feuille. 

A l'mtérieur, l'Autriche offrait le spectacle de plu- 
sieurs états féodaux plus ou moins pénétrés dans 
leurs institutions particulières de l'esprit du moyen- 
âge et où la lutte des religions compliquait celle des 
nationalités. Sans doute la Pragmatique-Sanction de 
Charies VI, édictée en 1713, et dont le but était d'éta- 
blir l'union indissoluble de tous les états de la monar- 
chie, avait été successivement adoptée par les diverses 
diètes de l'empire, mais cette union n'existait que sur le 
papier. Les Hongrois, par la convention de Szathmar 
(1711), avaient consenti à ce que la couronne de Saint- 
Etienne fût désormais héréditaire dans la maison de 
Habsbourg, mais ils avaient stipulé que cette royauté 
ne serait reconnue et ne produirait d'effets légaux 
qu'autant que le Habsbourg de Vienne se serait fait cou- 
ronner à Pesth avec l'antique cérémonial et aurait prêté 
serment à la constitution autonome du royaume. Si la 
Bohême, épuisée et morne depuis le gigantesque égor- 
gement que Ferdinand II lui avait fait subir, ne protes- 
tait plus, elle était désaffectionnée et ne demandait que 
1 occasion de manifester son hostilité traditionnelle. Les 
Pays-Bas autrichiens (la Belgique moderne) étaient prêts 
à se soulever. Les autres états étaient invinciblement 
attachés à leurs chartes locales, même à celles qui con- 
sacraient les plus odieux abus du passé, servage, corvées, 
exemptions d'impôt, inégalités sociales, etc. 

L'héritier de cette situation difficile, Joseph II, était 
alors âgé de trente-neuf ans. Il apportait sur le trône 
catholico-féodal des Habsbourg des idées toutes mo- 
dernes et un système politique bâti de toutes pièces au 
nom d'un idéal d'unité puisé dans la raison pure. Son 
principal éducateur, le ministre Bartenstein, l'avait fami- 
liarisé avec les idées du xviii* siècle, surtout dans leur 
sens anti-papal, mais sans le pousser plus loin que ce 



4 HISTOIRE DE L AUTRICHE 

qu'on appelle actuellement le vieux catholicisme. Le 
cerveau du nouvel empereur offrait quelque peu limage 
de son empire : des matériaux juxtaposés, mais non 
fondus en un harmonieux ensemble. 

En 1765, à la mort de son père, il avait été élu empe- 
reur d'Allemagne, titre devenu à peu près nominal, car 
le Saint-Empire romain, comme le disait Voltaire, n'é- 
tait plus depuis longtemps ni saint, ni empire, ni romain. 
L'antique machine constitutionnelle impériale, rajustée 
tant bien que mal par le traité de Westphalie, fonction- 
nait à peine et les Habsbourg n'avaient jamais vu dans 
ce titre qu'un moyen de servir leurs propres intérêts 
et non de travailler à l'unilé allemande. Mieux valait 
l'énorme fortune que Joseph recevait de son père Fran- 
çois de Lorraine, empereur spéculateur, agioteur et 
banquier, qui se consolait dans le négoce d'être simple 
prince-époux. Réduit lui-même par son impérieuse mère 
au rôle de prince-fils, il occupa ses loisirs à des voyages 
et à des études militaires. Du 18 avril au 30 mai 1777, 
il exécuta son célèbre voyage en France, qui acheva de 
TafiFermir dans sa volonté de faire de l'Autriche un état 
moderne, laïque et fortement centralisé. 

Dès son avènement, il se mit à l'œuvre, sans tenir 
compte de l'énorme complexité d'intérêts, de traditions 
et de tempéraments ethnographiques à laquelle U 
allait se heurter. Semblable à ces philosophes du 
xviii« siècle qui construisaient de toutes pièces dans leur 
cabinet un plan gouvernemental destiné à être indiffé- 
remment adapté à l'équateur ou au pôle, il voulut, dans 
le court espace d'un règne, mener à bien une besogne 
à laquelle il fallait plus d'un siècle ; il ne réussit 
qu'à montrer l'impuissance pour le bien du despotisme 
même le mieux intentionné. On a eu raison de remar- 
quer que son programme était presque entièrement 
celui réalisé dix ans plus tard par notre assemblée 
constituante, mais un individu ne peut faire ce que fait 
un peuple librement représenté : même dans une Au- 



L UNITÉ ADMINISTRATIVE 5 

triche débarrassée du dominant problème des nationa- 
lités et des droits historiques, il eût été inhabile à 
accomplir comme roi ce que la Révolution accomplit en 
France par la souveraineté populaire. Quand il répondait 
à une marquise de Versailles qui lui demandait s'il 
sympathisait avec les insurgés républicains d'Amérique : 
« Mon métier à moi, madame, est d'être royaliste », il 
faisait prévoir la stérilité de ses réformes. Nous verrons 
qu'en plus d'une occasion, il imita ce monarque oriental 
qui voulait que ses sujets fussent heureux sous peine de 
mort. 

Il commença par refuser de se faire couronner et de 
prêter serment aux constitutions locales : puis il établit 
brusquement l'unité administrative en divisant tout 
l'empire en treize départements : l<>Gallicie,2* Bohême, 
30 Moravie et Silésie, 4* Basse-Autriche, 5* Autriche 
centrale, Styrie et lUyrie, 6"* Tyrol, 7® Autriche anté- 
rieure (Souabe), 8® Transylvanie, 9® Hongrie et Banat, 
l(y> Croatie, il* Lombardie, 12* Pays-Bas, i3<* Goritz, 
Gradisca et Trieste. Chaque département fut divisé en 
cercles administrés par un gouverneur. Il décréta une 
foule de mesures pour faire planer au-dessus de ces 
divisions l'unité de langage, l'unité militaire, l'unité 
financière et économique, le tout avec la prédominance 
germanique. 

En même temps et avec une ardeur plus grande 
encore, Joseph entreprit ce qu'il regardait comme sa 
tâche principale, la réforme ecclésiatique. Il se plaçait 
à un double point de vue, l'un légitime : soustraire la 
société civile à l'action du clergé; l'autre absurde et 
qui fut aussi une des fautes de la révolution française : 
réformer le clergé par l'état et légiférer en matière 
religieuse. 

Depuis Ferdinand II qui disait : « Plutôt un désert 
qu'un pays peuplé d'hérétiques », l'Autriche était de- 
venue un véritable état théocratique. L'expulsion des 
• Jésuites obtenue par Kaunit? en 1773 îi*avait que biçn 



6 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

faiblement modifié cette situation. Une nuée de prêtres 
couvrait le pays : au sommet les riches prélats, ceux 
de Gran, d'Olmùtz, de Prague, de Saint-Florentin, etc., 
dont les revenus variaient de cent cinquante mille francs 
à un million et qui affichaient le luxe le plus scanda* 
leux et les mœurs les plus faciles ; à la base une multi- 
tude d'ecclésiastiques sans cures et sans bénéfices, vi- 
vant de messes et de leçons au cachet et prêts à toutes 
les complaisances pour un écu. 2163 couvents, posses- 
seurs de biens immenses, entretenaient plus de soixante- 
dix mille moines et religieuses. jjCet innombrable clergé 
tant séculier que régulier exerçait à peu près sans par- 
tage la direction intellectuelle et morale du peuple. Il 
le plongeait énergiquement dans la léthargie de l'igno- 
rance et de la superstition, l'enrôlait dans les confréries 
infiniment multipliées, le maintenait, par la censure, au 
régime des petits livres mystiques et béats, lui vendait 
des indulgences et le conduisait aux pèlerinages tels 
que celui de Mariazell qui mettait en mouvement des 
foules énormes. Les petites pratiques, les enlaçantes 
dévotions si savamment inventées et organisées par les 
Jésuites, remplissaient les vides de cette existence désin- 
téressée des choses de la politique, de l'esprit et dé Tart. 
Le commerce des agnus Dei, des chapelets, des billets 
de saint Luc était le seul prospère au milieu des lan- 
gueurs de l'industrie et de l'agriculture, sans oublier 
celui de la location au mois ou à la semaine des figures 
de cire et des reliques pour l'adoration à domicile. On 
exigeait des professeurs, avant qu'ils ne montassent en 
chaire, un serment de croyance à l'immaculée-concep- 
tion. 

Joseph se mit vigoureusement à l'œuvre contre ce 
qu'il appelait dans ses lettres la domination des Fakirs 
et des Ulémas et pour enlever « à la tribu de Lévi le 
monopole de l'intelligence humaine ». Les réformes se 
pressent : interdiction aux jeunes Autrichiens d'aller 
étudier à Rome ; interdiction aux congrégations autri- 



RÉFORMES RELIGIEUSES 7 

chiennes de reconnaître Tautorité de supérieurs étran- 
gers; suppression de celles de ces congrégations dont 
Texistence n'était pas justifiée par des services rendus 
à renseignement , à l'assistance ou à la prédication : 
vente de leurs biens meubles et immeubles, pour créer 
une caisse ecclésiastique destinée à servir des pensions 
aux religieux et religieuses sécularisés, à fonder des 
séminaires et à construire des églises rurales. 

Mais ce fut surtout contre l'ultramontanisme que 
Joseph prit ses précautions : il défendit aux ecclésias- 
tiques de correspondre directement avec le Saint-Siège. 
Il leur interdit de recevoir des bulles et expéditions de 
la cour de Rome sans l'autorisation, le placet du gou- 
vernement. Enfin il déclara que l'état seul avait le droit 
de nommer aux dignités ecclésiastiques et de conférer 
des bénéfices. Cet ensemble de réformes fut couronné 
par le fameux édit de tolérance du 13 octobre 1781, qui 
rendait la liberté du culte aux luthériens, aux calvinistes 
et aux Grecs et qui les admettait, ainsi que les Juifs, à 
tous les emplois publics. 

La vieille Autriche de Ferdinand II, l'Autriche du 
fanatisme espagnol et du religiosisme jésuite croulait de 
toutes parts. Ces coups formidables lui avaient été 
portés en moins de deux années (1780-1782). Il n'était 
bruit en Europe que du terrible réformateur, d'autant 
plus impatient qu'il avait plus à abattre. La cour de 
Rome réclamait éperdument. Kaunitz lui répondait que 
du moment que l'empereur respectait la doctrine et ne 
pénétrait pas dans le sanctuaire, Rome n'avait pas à se 
mêler de mesures relevant exclusivement de la souve- 
raineté laïque. 

Pie VI, se fiant à son surnom d'il Persuasore (le Per- 
suadeur), prit tout à coup la résolution d'aller à Vienne 
convertir Joseph par son éloquence. Il arriva le 22 mars. 
Joseph le logea au Burg impérial pour mieux l'isoler 
et le surveiller. Aidé du malicieux Kaunitz, il ministro 
eretïco, comme on l'appelait dans la correspondance 



8 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

papale, il fit subir au pontife,'avec une implacable dou- 
ceur, toute une série de décourageantes mystifications. 
Pie VI finit par se le tenir pour dit. Il partit le 21 avril, 
sans avoir rien obtenu et endetté du million d'écus que 
lui avait coûté son inutile voyage. Mais les témoignages 
d'idolâtrie fanatique prodigués par les foules à sa per- 
sonne lui avaient prouvé que le souverain était plus 
avancé que ses peuples et que, le souverain disparu, les 
peuples lui reviendraient. N'importe I Joseph devait lais- 
ser des souvenirs féconds que nous avons vu de nos 
jours se réveiller en Autriche où cette fois ils trouvent 
le peuple tout préparé. Le joséphisme est invoqué dans 
la monarchie des Habsbourg comme le sont chez nous 
les principes de 89. 

Si avancé qu'il fût, Joseph n'avait aucune idée des 
limites de la puissance publique vis-à-vis des croyances 
individuelles. Il se mit à régler le culte, à fixer l'heure 
et le nombre des messes, à prescrire dans les séminaires 
l'enseignement des doctrines de Febronius. Il ne tarda 
pas, d'ailleurs, à montrer par un acte déplorable com- 
bien un cerveau moulé dans l'absolutisme est incapable 
de comprendre la liberté et à quel point le tyran austro- 
espagnol demeurait entier sous le philosophe humani- 
taire. En Bohême vivaient des paysans purement déistes 
qu'on appelait abrahamites et qui pratiquaient paisible- 
ment une sorte de religion à la vicaire savoyard. Joseph 
n'entendait pas qu'on se passât de religion positive. 
Quoi I il soumettait gracieusement au choix de ses heu- 
reux sujets cinq ou six cultes divers : catholicisme, 
calvinisme, luthéranisme, judaïsme, hellénisme et ces 
croquants s'obstinaient à ne pas choisir 1 tout déiste 
reconnu fut condamné à recevoir vingt-cinq coups de 
bâton. Les abrahamites, que ces arguments n'avaient 
pas convaincus, furent transportés, hommes ou femmes, 
dans les confins militaires et leurs biens transférés à 
leurs parents orthodoxes. Tolérance et bastonnade, 
philanthropie et confiscation, Joseph mêlait le tout tant 



RÉFORMES SOCIALES 9 

bien que mal, et prouvait qu*il était bien de la lignée 
mystificatrice de ces rois philosophes du xviii* siècle 
sur lesquels s'attendrissaient si naïvement les encyclo- 
pédistes. 

En 1783, en plein décembre, irrité de ce que le pape 
refusait de confirmer la nomination d'un archevêque 
de Milan favorable aux nouvelles idées, il partit pour 
Rome sans avis préalable et, dans d'orageuses entrevues ^ 
traita la question en tête à tête avec Pie VI, stupéfait 
de son arrivée. Il ne cacha pas au cardinal de Bernis 
son intention d'instituer une église nationale entière- 
ment soustraite à la suprématie du Saint-Siège et effraya 
tellement le pape que celui-ci lui abandonna le droit 
d'investiture. La revanche de Ganossa était complète. 

Joseph fut mieux inspiré dans ses réformes sociales 
et économiques. L'Autriche, ou mieux les divers états 
qui composaient l'agglomération autrichienne, étaient 
soumis au plus strict régime féodal. Le servage régnait 
d'un bout à l'autre de l'empire, aussi bien sous la botte 
du magnat magyare que sous le fouet du hobereau 
allemand. Le serf ne pouvait ni quitter le sol, ni con- 
tracter mariage, ni apprendre un métier sans la per- 
mission du seigneur. La corvée et même le service do- 
mestique lui prenaient son temps presque entier sans 
rétribution et l'empêchaient de recueillir les ressources 
nécessaires non-seulement au paiement des impôts et 
des tailles qui l'écrasaient, mais encore aux besoins les 
plus élémentaires de sa misérable existence. Courbé 
sous le bâton et l'outrage, il se plongeait dans un abru- 
tissement dont il ne se réveillait que par quelque san- 
glante jacquerie promptement réprimée. Dès 1781, 
Joseph abolit le servage dans la Bohême, la Moravie et 
la Silésie. Il en fit autant en 1782 dans la Garinthie, la 
Gamiole et le Brisgau et en 1785 dans la Hongrie. Il 
régla rigoureusement le nombre et la durée des jours 
de corvée et l'étendue des prestations. Il permit aux 
serfs de quitter le domaine natal en payant une rede- 

i. 



40 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

vance fixe au seigneur. Plus tard, par un ensemble de 
mesures importantes, il rendit la propriété accessible à 
tous. 

La noblesse autrichienne était célèbre par sa morgue 
et par son faste. Morgue et faste de parvenus pour 
beaucoup de ces gentilhommes qui auraient été bien 
embarrassés de faire remonter leur noblesse au-delà de 
la guerre de Trente ans I A cette époque en effet, les 
Habsbourg espagnols avaient investi des titres et des 
J)iens des familles protestantes égorgées les aventuriers 
de tous pays accourus sous les bannières de la foi. C'est 
alors qu'on avait vu Tempereur baronifîer le valet de 
chambre Locatelli et comtifier le palefrenier Luxenstein. 
Aux aînés les domaines, aux cadets les hautes fonctions 
ecclésiastiques si fructueuses, à tous ce luxe effréné et 
cette facilité de mœurs qui donnaient dès lors à Vienne 
sa réputation de ville de plaisirs. Joseph essaya vaine- 
ment d'établir des relations mondaines entre cette aris- 
tocratie hautaine et la bourgeoisie méprisée. N'ayant 
pu y réussir, il prodigua les titres de noblesse à qui vou- 
lait les acheter. Il fit aussi des prélats et des évèques 
non blasonnés. 

Mais la réforme économique la plus difQcile, la plus 
utile et qui ne devait malheureusement pas lui survivre, 
fut celle de l'établissement du cadastre pour arriver à 
une exacte et égale assiette de l'impôt. Commencée en 
1785, poursuivie au milieu des plus énergiques résis- 
tances de la féodalité, cette grande opération fut ache- 
vée en 1789, non sans être entachée de ce caractère 
hâtif et abstrait de la plupart des œuvres du rapide 
réformateur. Elle débrouilla du moins ce chaos fiscal 
de redevances locales, de taxes féodales, de privilèges 
et de modes de perception qui variaient dans chaque 
partie de la monarchie. Le paysan paya régulièrement 
12 0/0 à l'état et 18 0/0 au propriétaire du sol. 

L'esprit despotique de Joseph se révéla du reste dans 
quelques-uns de ses procédés économiques. Pour faire 



RÉFORMES ÉCONOMIQUES H 

naître le commerce et llndustrie dans ses états endormis 
depuis si longtemps sous la théocratie, il ne trouva rien 
de mieux que de défendre Timportation de tous les pro- 
duits étrangers, depuis les tissus, les vins et les porce- 
laines jusq[u'aux bijoux et aux missels. Les produits 
déjà importés furent saisis et vendus aux enchères pu- 
bliques dans le cloître Saint-Laurent de Vienne : ceux 
introduits en fraude furent brûlés ou jetés dans le 
Danube. Ce protectionnisme grandiose, dans les souve- 
nirs duquel Napoléon a peut-être puisé plus tard Tidée 
et les procédés du blocus continental, amena la création 
de nombreuses fabriques, car il fallait produire sous 
peine de ne pouvoir ni se meubler, ni se vêtir, ni se parer, 
ni boire. Mais on ne nous dit pas si les consommateurs 
s'en trouvèrent bien au point de vue de la vie à bon 
marché. Non apparemment, car Joseph dut prendre des 
mesures contre les producteurs ou intermédiaires qui 
vendaient trop cher. Tout boucher convaincu de vendre 
au-dessus de la taxe ou de fournir de mauvaise viande, 
fut prévenu qu*il recevrait cinquante coups de bâton, 
vingt-cinq de plus que les déistes. Le bâton était déci- 
dément la suprema ratio du César bien intentionné. 

Le bien et le mal se côtoyaient sans cesse dans Tœuvre 
de Joseph. C'était une vue économique aussi légitime 
cpi 'excellente de rendre l'Escaut à la navigation com- 
merciale. Les Hollandais avaient fait confirmer au traité 
dTJfapech — qui donnait la Belgique à l'Autriche — l'ini- 
que article du traité de Westphalie en vertu duquel 
la navigation maritime était interdite sur l'Escaut : les 
marchands d'Amsterdam ne voulaient pas de la concur- 
rence du port d'Anvers. Joseph essaya de rendre ce ma- 
gnifique débouché à ses sujets belg^. Il commença par 
annuler le traité dit des Barrières (de 1715) qui donnait 
aux Hollandais le droit de tenir garnison aux frais de 
l'Autriche dans les places fortes belges du côté de la 
France, Namur, Charleroi, Ypres, etc.; il démantela ces 
places (1781) et exigea le rappel des troupes hoUan- 



12 HISTOIRB DE L'AUTRIGHE 

daises, puis il entama la négociation de l'ouverture de 
TEscaut. Les Hollandais refusèrent, canonnèrent les 
deux vaisseaux qui d'Anvers voulurent descendre l'Es- 
caut jusqu'à l'Océan, firent appel à l'Europe et surtout 
à la jalouse Angleterre et inondèrent les environs de 
leurs forts à la frontière belge. On crut un instant à 
une guerre européenne. Louis XVI intervint auprès de 
son beau-frère. Joseph céda (1784) et reçut pour prix 
de son renoncement dix millions de florins, quelques 
forts à la frontière hollandaise et le droit de commercer 
avec les Indes orientales. L'année d'avant, il avait conclu 
avec la Porte un traité de navigation qui permettait au 
pavillon autrichien de descendre le Danube jusqu'à la 
mer Noire. 

Il faut louer aussi ses réformes dans l'organisation de 
l'assistance publique, dans l'ordre judiciaire. Il supprima 
le crime de sorcellerie, permit la recherche de la pater- 
nité, établit le mariage civil, interdit la poursuite d'of- 
fice de l'adultère instituée par Marie-Thérèse, impi- 
toyable en cette matière et dont les « commissions de 
chasteté » ont été célèbres. Mais toujours le même, déjà 
pape en religion, il voulut être grand juge en justice : 
s'érigeant en suprême magistrat d'appel, il révisait en 
personne les sentences, adoucissait ou aggravait les 
peines. L'État et l'Église, c'était lui ; et la justice, c'était 
lui encore. 

Secondé par Lascy, mauvais général, mais grand 
administrateur, Joseph, du vivant même de sa mère, 
qui avait abandonné ce département à son activité, 
réforma l'armée, véritable horde où régnait un désordre 
effroyable et qui conservait les habitudes d'indiscipline, 
de pillage et de férocité des bandes de Wallenstein. 
Règlements pour la cavalerie et pour l'infanterie, numé- 
rotage des régiments, monopole des poudres, fonderies 
de canons, écoles de génie, de chirurgie et d'art vétéri- 
naire, camps de manœuvres, inspections générales, 
fabriques d'Etat pour les équipements militaires, inva- 



RÉSISTANCE DES NATIONALITÉS 13 

lides, ce fut tout un ensemble de mesures vraiment 
remarquables d'où sortit une armée régulière. Il échoua 
dans ses tentatives pour substituer la conscription à 
Tenrôlement volontaire. Le bàtonneur des déistes et des 
bouchers maintint naturellement la bastonnade, mais, 
avec moins de logique, l'apôtre de l'égalité sociale 
réserva exclusivement à la noblesse l'achat des grades 
dont il confirma la vénalité. 

Dans sa tentative de réforme unitaire, centralisatrice 
et laïque, Joseph devait se heurter à deux forces pré- 
pondérantes en Autriche : celle de l'ultramontanisme et 
celle des nationalités. Les résistances de ces deux forces 
sont, à vrai dire, l'histoire de son règne, aidées qu'elles 
furent d'ailleurs par sa politique extérieure également 
malheureuse contre l'Allemagne et contre les Turcs. 

Le signal de la résistance partit de la Hongrie. 
Gomme, dans le cours de cette histoire, nous rencontre- 
rons constamment la lutte du royaume de saint Etienne 
contre le centralisme autrichien , les revendications 
dés Magyars au nom de la continuité de leur droit his- 
torique, il est bon de jeter une fois pour toutes un ra- 
pide regard sur le passé de la Hongrie, d'exposer cette 
antique constitution si indomptablement invoquée à 
toutes les phases de l'existence nationale, et de nous 
rendre compte avec précision des liens qui unissent le 
royaume apostolique à la monarchie des Habsbourg. 

Les Magyars sont un petit peuple ouralo-altaïque ou 
de race jaune, parent des Finnois, des Turcs et des 
nomades tartars, descendu de l'Altaï, probablement au 
courant du vii« siècle. Fixés d'abord sur les bords sep- 
tentrionaux du Palus Mœotides, ils franchirent les Kar- 
pathes et envahirent la Transylvanie, l'ancienne Dacie, 
où ils trouvèrent une tribu isolée de leur race, celle des 
Sicules ou Szeklers descendants des Huns d'Attila. Au 
ix" siècle, ils envahirent, sous la conduite d'Arpad, ces 
immenses plaines du Danube et de la Theiss auxquelles 
ils donnèrent par excellence le nom de Magyarie, Ma- 



14 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

gyarosîag. Elles dépendaient de Tempire "de Grande- 
Moravie fondé par le slave Swatoplack. Les débris de 
la race vaincue, refoulés vers le nord, y devinrent les 
aïeux de ces Slovaques qui ont donné Kossuth à la 
Hongrie. Après un siècle de brigandages et de razzias 
en Allemagne et en Italie, les Magyars, vers Tan mille, 
furent initiés à la civilisation occidentale et au catholi- 
cisme par leur roi qui prit le nom d'Etienne : son père 
Geisa avait failli, sous les inspirations de Byzance, con- 
vertir ses sujets à Thellénisme. Il serait intéressant 
d'examiner comment les destinées de l'Europe auraient 
été modifiées, si les Magyars, rattachés au monde 
oriental, eussent retrouvé dans d'autres conditions, 
leurs frères d'origine, les Turcs de l'Islam. Etienne 
reçut de Sylvestre II le titre d'apostoUque que porte 
encore François-Joseph en l'an de grâce 1877 et la fa- 
meuse couronne, palladium de la Hongrie. Canonisé, 
il devint le patron de ses états, auxquels il avait réuni 
la Transylvanie. Bêla P' organisa les comitats, cette 
base et ce boulevard des libertés hongroises (1061-1063). 

Kalman (1095-1114) réunit à ses états la Croatie, la 
Slavonie et la Dalmatie et fut couronné à Zara en Dal- 
matie. Comment se fit cette réunion ? fûtrce par con- 
quête ou par libre consentement des Slaves croates? 
Ceux-ci réservèrent-ils leur autonomie et n'acceptèrent- 
ils qu'un simple lien fédéral ? les Magyars sont-ils fon- 
dés à considérer les trois états yougo-slaves comme 
annexés à la couronne de saint Etienne, partes annexx, 
ou bien comme royaumes simplement associés par 
union personnelle, socta régna? Ces questions, ardem- 
ment discutées de nos jours, ont donné lieu à une foule 
d'ouvrages et de brochures, car les rapports des Croates 
et des Magyars en dépendent. Il semble bien qu'il y eut 
simple association et que l'indépendance de la Croatie 
fut stipulée. 

En 1142, Geisa II repeupla les parties désertes de la 
Transylvanie avec des colons saxons auxquels il assura 



HISTOIRE DES HONGROIS 15 

les plus grands avantages et dont les descendants for- 
ment avec les Szeklers et les Magyars les trois nations 
de Transylvanie. 

En 1222 les magnats magyars arrachèrent à leur roi 
André II la fameuse bulle d'or, qui ne faisait que con- 
firmer les droits et usages traditionnels du pays, mais 
qui, rédigée en trente-et-un articles à la diète de 1231, 
donnait à la Hongrie, en plein xiii" siècle, une constitu- 
tion que plus d'un état moderne pourrait lui envier. 
L'article 31 consacrait le droit à l'insurrection : « Si 
nous ou nos successeurs voulions violer les dispositions 
de cette constitution, les évoques et les nobles de ce 
pays, tous individuellement, auront à jamais la libre 
faculté de résister à nous et à nos successeurs, sans 
pouvoir être accusés d'infidélité. » 

La dynastie des Arçad s'étant éteinte avec André III, 
la couronne de saint Etienne passa à des princes étran- 
gers successivement élus par la diète. Le plus célèbre 
fut l'Angevin de Naples, Louis PMit Louis-le-Grand, qui 
fit de la Hongrie le premier état de l'Europe et l'étendit 
de l'Adriatique à la Mer Noire et des Balkans aux Kar- 
pathes : il confirma la bulle d'or et l'augmenta de 
25 articles. Cette prospérité, après les luttes légendaires 
du Roumain Hunyadi et de Mathias Gorvin contre les 
Turcs, déclina sous Wladislas qui réunissait les trois 
couronnes de Bohème, de Pologne et de Hongrie, et s'a- 
bîma dans le désastre de Mohâcz (29 août 1526), où 
trouvèrent la mort, le roi Louis II, sept prélats, cinq 
cents magnats et trente mille guerriers. La Hongrie fut 
ravagée et le sultan Soliman rentra dans ses états en 
chassant devant lui, sur le vert tapis de la putza hon- 
groise, deux cent mille captifs. 

Ferdinand d'Autriche, frère de Charles Quint, recueil- 
lit le magnifique héritage de la Bohème et de la Hon- 
grie, du chef de sa femme Anne Jagellon, sœur de 
Louis IL II fut élu par la diète de Presbourg, tandis 
qu'une partie des Magyars proclamait roi Zapolya, voï- 



46 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

vode de Transylvanie. Ferdinand dut prêter le serment 
suivant : « Nous Ferdinand, par la grâce de Dieu, roi 
de Hongrie, etc., jurons par le Dieu vivant, par sa très- 
sainte mère la vierge Marie et tous les saints, que nous 
maintiendrons dans leurs immunités et libertés, droits, 
lois, privilèges et antiques, bonnes et approuvées cou- 
tumes, les églises de Dieu, les seigneurs, prélats, ba- 
rons, magnats, nobles, villes libres et tous les habi- 
tants ; que nous observerons les décrets du sérénissime 
roi André, que nous n'aliénerons ni ne diminuerons, 
mais autant que nous pourrons, augmenterons et éten- 
drons les frontières de notre royaume de Hongrie et 
celles qui lui appartiennent à quelque titre ou droit que 
ce soit ; que nous ferons tout ce que généralement nous 
pourrons avec justice faire pour le bien public, l'hon- 
neur et l'avantage de tous les états et de notre royaume 
de Hongrie tout entier. Qu'ainsi Dieu nous vienne en 
aide et tous les saints ! » 

Tous les rois de Hongrie jusqu'à nos jours ont dû 
prêter ce serment. De plus, depuis 1622, outre le ser- 
ment verbal, ils durent signer au préalable un diplôme 
d'inauguration où ils promettaient : « 1® Qu'ils maintien- 
draient en pleine vigueur les droits, lois et franchises 
du royaume ; 2® que la décision des affaires publiques 
appartiendrait uniquement à la diète ; que les natio- 
naux, à l'exclusion de tous étrangers, pourraient seuls 
prendre part au gouvernement du pays et obtenir des 
commandements dans l'armée hongroise ; 3® que nul 
citoyen hongrois ne pourrait être traduit devant d'au- 
tres tribunaux que les tribunaux nationaux et jamais 
ne serait tenu de comparaître devant une cour siégeant 
en dehors des limites du royaume ; 4<» que l'intégrité 
du territoire serait inviolablement sauvegardée ; 5" que 
jamais une armée étrangère ne franchirait les frontières 
hongroises ; que jamais aucune guerre ne serait décla- 
rée ni aucune paix signée contre l'assentiment de la 
diète. » 



HISTOIRE DES HONGROIS 17 

Telles sont les bases historiques de l'union avec TAu- 
triche. Les Magyars n'ont cessé de les invoquer, de 
même que les Habsbourg, malgré serments et diplômes, 
n'ont cessé de les violer : dès le début de l'union, ils 
manifestèrent leur intention de faire peser sur le splen- 
dide héritage ramassé dans une corbeille de noces le 
double despotisme civil et religieux. Les Magyars résis- 
tèrent et de là ces grandes insurrections nationales 
d'Etienne Bocskoi, de Gabriel Bethlen, de Georges 
Rakoczy, de Tekely, de Prantz Râkôczy, dans le détail 
desquelles nous ne saurions entrer et qui aboutirent aux 
traités de Vienne en 1606, de Nikolsbourg en 1622, de 
Presbourg en 1629, de Linz en 1645, consacrant tous 
l'autonomie hongroise. Le sanglant Léopold !•' dévasta 
la Hongrie, décapita les plus iUustres patriotes, livra le 
pays aux jésuites et aux bourreaux et déclara à la diète 
de 1671 qu'il possédait le royaume de saint Etienne 
par droit de conquête. Emeric Tékély se souleva en 
vain et, suivant l'habitude des princes Magyars, s'allia 
aux Ottomans : le polonais Sobieski sauva Vienne (1683) ; 
Bude, depuis 145 ans au pouvoir des Turcs, tomba aux 
mains des impériaux. Léopold, redoublant de férocité, 
lança sur les malheureux Magyars le sinistre GarafPa, 
d'exécrable mémoire, et les deux jésuites Péritzkof et 
Kellio. Alors eurent lieu les assises sanglantes d'Ëpéries 
où, pendant neuf mois, trente exécuteurs fonctionnèrent 
quotidiennement, brûlant, rouant, empalant, étranglant 
des charretées de victimes. 

En 1689, on signa une transaction qui rendait aux 
Hongrois leurs libertés, mais qui déclarait la couronne 
héréditaire dans la maison de Habsbourg. La diète, ter- 
rorisée, accorda en même temps l'indigénat aux jésui- 
tes. En 1711, après la révolte de Franz Râkôczy, l'au- 
teur de la fameuse marche qui est la marseillaise des 
Hongrois, fut signée la convention de Szatmar : elle 
consacra l'autonomie du royaume et l'antique constitu- 
tion en maintenant l'hérédité au profit des Habsbourg 



18 HISTOIRE DE L*AUTRIGHE 

dans la descendance mâle. Mais en 1723, la diète de 
Presbourg accepta la pragmatique sanction par laquelle 
Charles VI avait, en 1713, assuré la succession de ses 
états héréditaires à sa descendance féminine. La diète 
stipula que le roi ne gouvernerait en Hongrie que selon 
les lois propres du pays, établies déjà ou à établir; 
qu'à son avènement, il se ferait couronner selon les 
formes, en vertu de Taxiome : non est rex nisi coro- 
natus ; qu'il prêterait le serment et signerait le diplôme 
d'inauguration et enfin, qu'en cas d'extinction de la 
postérité de Léopold I^f et de Joseph I", la nation ren- 
trerait en jouissance de son droit d'élire un nouveau 
souverain. Marie-Thérèse, dès son avènement (1740), 
confirma toutes les libertés hongroises, se fit solennel- 
lement couronner et, menacée par la coalition euro- 
péenne, appela à son secours, dans la diète de Pre&- 
bourg de 1741, les Magyars qui poussèrent alors le cri 
historique de : « Moriamur pro rege nostro Mariâ-The- 
resâ », c'est-à-dire pour la petite-fille du sanglant Léo- 
pold. Sauvée par eux, Marie-Thérèse ne convoqua 
qu'une seule fois en dix-huit ans la diète hongroise, 
mais elle dota le royaume de nombreuses institutions 
utiles et y abolit l'inquisition. 

Après avoir vu comment et à quelles conditions la 
Hongrie a été placée sous le sceptre des Habsbourg, ce 
qui nous donne la clef de ses revendications ultérieures, 
voyons quelle était dans ses principaux traits cette 
constitution bien-aimée, si vaillamment défendue par 
les Magyars. 

Le fondement de l'État en Hongrie était et est encore 
le comitat, prétendu établi par Gharlemagne, mais ré- 
gularisé par Bêla à la fin du xi" siècle. Chacune de ces 
antiques circonscriptions est une petite république dans 
l'Etat, la cellule foyer d'une vie spéciale merveilleuse- 
ment intense et dont l'ensemble fait l'existence géné- 
rale. Tous les trois mois, les nobles du comitat, les 
délégués des petites villes, les ministres des cultes, les 



CONSTITUTION DES HONGROIS 19 

personnes exerçant une profession libérale, se réunis- 
saient en assemblée dite congrégation. Dans ce parle- 
ment communal, dans ces états au petit pied, on discu- 
tait toutes les affaires du comitat. On élisait pour trois 
ans les fonctionnaires de tout ordre : juge suprême et 
juges ordinaires qui ne pouvaient, au civil comme au 
criminel, prononcer qu avec Tassistance de jurés ; no- 
taire suprême et sous-notaires chargés des détails de 
Tadministration ; receveurs généraux et caissiers qui 
ï>ercevaient et dépensaient les revenus, etc. Le repré- 
sentant du pouvoir central, le comte suprême nommé 
par le roi [Obergespan en allemand et Foîspan en ma- 
gyar), était réduit au rôle de témoin sans autorité légale. 
Ou siégeait à la congrégation en costume national, le 
sabre au côté et quelquefois hors du fourreau ; mais la 
session terminée, }es haines s*oubIiaient en de panta- 
gruéliques banquets, où les vins renommés du pays 
coulaient à flots et où la langue magyare succédait au 
latin, langue des discussions. On sent combien ces as- 
semblées étaient d'excellentes écoles pratiques de la 
vie politique. C'est là que se formait ce singulier type 
magyar, fougueux comme un cavalier d'Attila et subtil 
comme un légiste de Byzance, en appelant avec une 
égale passion aux sabres frais émoulus et aux parche- 
mins poussiéreux, orgueilleux de sa patrie au point de 
mépriser le reste de l'humanité, poussant à l'extrême 
les magnificences et, les égoïsmes du patriotisme, enivré 
de la liberté jusqu'au délire, mais ne la voulant que 
pour sa race et ne se souciant nullement de cette puis- 
sance d'expansion qui fait des progrès d'un peuple le 
patrimoine de tous les autres. On dirait que, pour faire 
un magnat hongrois, on a pris la moitié d'un lord an- 
glais et la moitié d'un émir oriental. 

Les comitals et les villes royales, petites républiques 
aussi avec leurs magistrats élus, envoyaient des députés 
à la diète ou du moins à la chambre basse de la diète, 
car la chambre haute, vraie chambre des lords, se corn- 



20 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

posait de toui les membres du haut clergé, archevêques 
et évoques, et des membres de la haute noblesse : ba- 
rons, comtes et grands seigneurs terriens. Les députés 
recevaient de leurs collèges électoraux un mandat impé- 
ratif, révocable même au cours de la session. Le Palatin 
de Hongrie, fonctionnaire électif dont les attributions 
étaient considérables, présidait la chambre haute; le 
Personnal, la chambre basse. La diète devait se réunir 
tous les trois ans; seule, elle avait qualité pour voter 
les lois, les impôts, les levées de troupes, la paix ou la 
guerre. Une foule de mesures, recueillies au xvi« siècle 
par Verboczy dans son Jus tripartiturriy limitaient l'auto- 
rité royale. Infâme, parjure et dégradé était déclaré le 
noble qui donnait au souverain la moindre somme sans 
l'assentiment de la diète. Vhabeas corpus était de droit. 
Le roi était responseible en justice des méfaits de ses 
agents. 

C'est à cette constitution, jurée par son grand-père et 
par sa mère, que s'attaqua Joseph, au nom de la cen- 
tralisation politique et administrative. Non-seulement 
il refusa de se faire couronner roi de Hongrie, mais il 
fit enlever de Presbourg le 13 avril 1784 et conduire à 
Vienne le grand talisman des Magyars, la couronne de 
saint Etienne. Les comîtats furent administrés par des 
préfets impériaux : la diète fut suspendue et la dignité 
de grand Palatin laissée vacante. Les Magyars furieux 
se virent imposer tour à tour la conscription, le cadastre, 
l'égalité des impôts et, chose plus intolérable encore, 
l'emploi exclusif de la langue allemande. Si Joseph avait 
eu un sentiment quelconque de la liberté, il eût appliqué 
le parlementarisme hongrois à tout l'empire et fait 
sanctionner ses réformes par les diètes elles-mêmes. 
Mais il était incapable de s'élever à cet idéal : il n'ad- 
mettait pas d'autre point de départ que son initiative 
personnelle, souveraine dispensatrice du bien comme 
du mal. 

Certes, par bien ^es côtés, les réformes de Joseph 



CONSTITUTION DES HONGROIS 21 

étaient légitimes; Tabolition du servage et Tégalité de 
rimpôt étaient de véritables bienfaits. Dans cette bril- 
lante constitution des Magyars que nous avons sommai- 
rement exposée, nous remarquerons, en effet, qu'il 
n'est fait nulle part mention du paysan, du serf attaché 
à la glèbe. Ces institutions libérales sont le patrimoine 
de la classe aristocratique et, à un bien moindre degré, 
de la classe moyenne et bourgeoise : elles ne sont pas 
faites pour le rural courbé sous le bâton du châtelain 
qui l'épuisé de corvées, de redevances, et lui laisse le 
poids des impôts. Or loseph s'occupait de ce misérable, 
inaperçu entre les sillons, et les Hongrois étaient aussi 
choqués de ses tentatives de ce côté que du côté de 
leur autonomie politique : au nom du droit historique, 
ils repoussaient le droit rationnel et la réforme sociale. 
La question des nationalités, que nous traiterons plus 
amplement quand nous arriverons à la grande explosion 
de 1848, a en effet une double face qui fait hésiter la 
philosophie de l'histoire. Si, d'un côté, elle s'appuie sur 
l'indépendance d'un peuple ou d'un groupe historique et 
naturel, sur la conscience de l'individualité et le senti- 
ûient de l'autonomie, la protestation vivante chez les 
fils contre le joug imposé aux aïeux par la conquête, 
sur l'hérédité juridique et intellectuelle manifestée par 
l'unité de langage et par les coutumes traditionnelles, 
d'un autre côté, elle s'inspire trop souvent de l'esprit de 
routine amoureux des formes antiques tant civiles que 
religieuses, dans lesquelles il voit comme un préservatif 
tutélaire ; de la répugnance à la solidarité humaine ; de 
l'égoïsme plus détestable encore dans un peuple que 
dans un individu ; de l'aveugle attachement au passé se 
manifestant par la défense farouche des abus et des 
privUéges qu'on croit légitimes parce qu'ils sont sécu- 
laires. Les mouvements des nationalités ayant leur 
racine dans ce passé, se croient obligés à conclure avec 
lui une sorte d'alliance offensive et défensive. Joseph 
se heurta à la fois à ce qu'il y a d'acceptable et à ce 



22 HISTOIRE DE L'àUTRIGHË 

qu'il y a de déplorable dans le principe des nationa- 
lités. 

Les comitats, la noblesse, les paysans eux-mêmes ré- 
fractaires à la conscription, résistèrent avec acharne- 
ment : les malheurs de la guerre contre les Turcs, — 
nous les raconterons plus loin, — fournirent de nou- 
veaux éléments à cette résistance devenue tellement me- 
naçante, que Joseph, empêché d'ailleurs d'autre part, 
dut céder. Le 28 janvier 1790, Tannée même de sa mort, 
il publia sa fameuse : revocatto ordinum quas sensu com- 
muni kgibus adversart vtdentur. Toutes choses étaient 
remises dans le royaume de Saint-Etienne en l'état où 
il les avait trouvées à son avènement; la couronne 
palladium fut réintégrée à Bude au milieu "" de fêtes 
magnifiques. L'esprit de nationalité, en communion 
avec l'esprit du passé, avait triomphé du réformateur, 
mais, du passé aussi, le réformateur avait retenu l'abso- 
lutisme qui avait rendu stériles tous ses efforts. 

La révolte des Roumains de la Transylvanie, dont les 
Magyars firent remonter la responsabilité directe aux 
innovations de Joseph, ne doit pas être omise : elle nous 
permettra d'ailleurs d'étudier dans ses origines cette 
question roumaine qui est une des plus importantes de 
l'Autriche moderne. 

Ce sont les Roumains qui représentent principalement 
dans l'agglomération autrichienne la race latine. Au 
nombre de deux millions 596 mille, ils sont répandus 
dans la Transylvanie, dans la Bukowine, dans la Hon- 
grie et dans les confins militaires, mais ils sont surtout 
nombreux en Transylvanie où leurs douze cent mille 
individus représentent près de 60 0/0 de la population 
de la principauté. Gomme leurs frères, les Moldo- 
Valaques, ils descendent probablement du métissage 
des colons romains transportés en Dacie par Trajan 
avec les populations indigènes; ils avaient déjà vu s'éta- 
blir sur les revers des Karpathes et dans la vallée de 
rOlto (Aluta) une tribu hunnique, les Sicules ou Szeklers, 



LES ROUMAINS 23 

quand la grande invasion des Magyars au x« siècle les 
submergea tout à fait. Les rois hongrois, une fois con- 
vertis au catholicisme,, furent encore plus oppresseurs 
vis-à-vis des Roumains, qui appartenaient à l'église 
d'Orient. Au xii" siècle, ils appelèrent des colons saxons 
qu'ils établirent sur les fundi régit ou domaines royaux, 
partie au midi de la principauté sur l'Olto inférieur, 
partie au nord entre le Theiss et le Szamos. Les cinq 
cent mille Szeklers et Magyars et les deux cent mille 
Saxons s'unirent pour tenir les douze cent mille Rou- 
mains dans la plus effroyable oppression sociale et reli- 
gieuse. S 'intitulant les trois nations de Transylvanie, car 
la nation vaincue ne comptait pas, formant par leurs 
territoires une chaîne continue qui isolait les oppri- 
més de leurs frères de la Moldo-Valachie et de la Bûko- 
wine, ils déclarèrent que les Roumains n'avaient aucun 
droit politique, qu'ils étaient simplement tolérés [admissi^ 
toleratt); qu'ils étaient à jamais privés du port d'armes, 
de l'accès des écoles, du droit d'avoir des vêtements de 
couleur : leurs prêtres, traités de brigands, furent assu- 
jettis à garder les troupeaux de buffles et les meutes 
des magnats. Les Roumains protestèrent plusieurs fois 
par de violentes insurrections contre ce saUvage asser- 
vissement; en 1437, par exemple, et en 1612, secourus 
quelquefois par les Roumains-Danubiens. Un héros, 
Michel le brave, parut devoir un instant les affranchir. 
Radu, woïvode de Valachie , occupa même la cité 
saxonne d'Hermanstadt (le Sibiu des Roumains) ; mais 
ils retombèrent sous le joug, et en 1613, les Saxons 
signèrent le fameux pacte d'union contre les ennemis 
extérieurs et indigènes : on rédigea un recueil intitulé : 
approbatae et compilatae constitutiones Transylvaniœ qui 
consacrait le servage de la race latine et qui, de nos 
jours, a encore force de loi devant les tribunaux ma- 
gyars I c'était un véritable code de tyrannie et de mépris 
pour les vaincus. 
En 1700, en échange de promesses illusoires, Tempe- 



24 HISTOIRE DE L'AUTRIGHË 

reur Léopold P' obtint la conversion de deux cent mille 
Roumains au catholicisme, sous le nom de grecs-untSy 
mais unis ou non unis, les Roumains continuèrent à être 
opprimés, à se voir refuser l'accès de tous les emplois, 
et leur évoque, Micoul, qui insistait pour que leur natio- 
nalité fût reconnue, dut quitter le pays (1732). 

Joseph II, suivant son habitude, parcourut le pays et 
promit aux paysans de leur faire justice. Une de ses 
lettres à Catherine de Russie, publiée par M. d'Arneth, 
et datée du 13 novembre 1782, montre même que les 
deux souverains avaient conçu le plan singulier de 
réunir tous les Roumains de leurs états respectifs en un 
royaume de Dacie. Mais Joseph étreignait mal à force 
d'embrasser ; les nobles des trois nations seules repré- 
sentées à la diète transylvaine, se vengèrent de ses 
innovations en redoublant de tyrannie vis-à-vis des 
paysans roumains. Ceux-ci se soulevèrent sous la con- 
duite d'un ancien soldat nommé Horjah. Le pope 
Krischan et un autre chef, Klotsa, se joignirent à lui, 
et bientôt quinze mille révoltés parcoururent la princi- 
pauté, en massacrant les nobles, et en incendiant les 
châteaux. Joseph fit marcher des troupes contre eux : 
Horjah et Klotsa, abandonnés et livrés aux capitaines 
impériaux, furent exécutés le 3 janvier 1785, et cent 
cinquante de leurs compagnons empalés à l'orientale 
autour de leur gibet. Le pope Krischan se suicida. Ma- 
gyars, Saxons et Szeklers accusèrent les idées nouvelles 
de cette Jacquerie, sans se dire que les masses qu'ils 
traitaient comme des brutes, des brutes aussi ne pou- 
vaient qu'avoir le sauvage réveil. 

La résistance religieuse trouva sa plus vive expression 
dans les Pays-Bas autrichiens (Belgique actuelle). Ces 
belles provinces, ruinées par le traité de Westphalie et 
par la fermeture de l'Escaut, s'étaient courbées sous la 
plus absolue domination cléricale. Le fameux cardinal 
de Frankenberg, archevêque de Malines et primat de 
Belgique, créature des jésuites abolis en droit, mais 



RÉVOLTÉ DES PAYS-BAS 25 

existant en fait sous d'autres noms, avait livré l'uni- 
versité de Louvain aux fils de Loyola. On devine quel 
effet les réformes ecclésiastiques de Joseph produisirent 
dans un pareil milieu. Les Pays-Bas étaient gouvernés 
par Marie-Christine, sœur de Joseph, et par son mari 
Albert, duc de Saxe-Teschen, fils d'Auguste III, roi de 
Pologne : ils voyaient eux-mêmes d'un mauvais œil 
les innovations de leur frère et beau-frère : ce fut à eux 
que Frankenberg, assisté du nonce Zondandari et du 
jésuite Xavier Feller, adressa sa protestation contre les 
séminaires généraux institués par Joseph (1786). En 
même temps éclatait une guerre de pamphlets dans 
lesquels la question nationale était habilement mêlée à 
la question religieuse, et les étudiants de Louvain se 
mettaient en pleine révolte. Joseph fit avancer des 
troupes, chassa le nonce, emprisonna quelques évêques 
et appliqua avec rigueur ses réformes administratives, 
judiciaires et financières. 

Les populations wallones, moins ignorantes, com- 
prirent combien ces réformes pouvaient relever leur 
malheureux pays tenu dans le fanatisme, dans l'igno- 
rance et dans la torpeur; mais les Flamands résistèrent, 
réunirent les états de Brabant (avril 1787) et invo- 
quèrent leur charte nationale dite de Joyeuse entrée^ 
avec tous les privilèges et abus gothiques qu'elle con- 
sacrait. Des troubles, des émeutes éclateient dans toutes 
les villes : toutes les chaires retentissaient d'appels aux 
armes ; des bataillons de moines armés paradaient dans 
les rues, et la foule massacra plus d'un de ceux qui 
rirent à l'aspect de ces nouveaux ligueurs. 

Christine et Albert ne montraient qu'indécision et 
faiblesse. Ils furent rappelés, mais pour être remplacés 
par des successeurs plus faibles et plus indécis encore, 
Murray , Trautsmanndorf , D 'Alton . Gand , Bruges , 
Ostende, chassèrent leurs garnisons. Le 10 décembre 
1789, les prêtres, du haut de la chaire de SainteGudule, 
soulevèrent Bruxelles que les stupides Trautsmanndorf 

ASSELTNE. ^ 



â6 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

et D'Alton — qui avaient plus de forces qu'il n'en fallait 
pour étouffer l'insurrection — évacuèrent sans trop 
savoir comment , se mettant en pleine retraite sur 
la Meuse. D'Alton s'empoisonna. Le 13 décembre, les 
États de Flandres, de Brabant et du marquisat d'Anvers 
proclamèrent l'indépendance de la Belgique. Le 7 jan- 
vier 1790, l'assemblée générale, réunie à Bruxelles sous 
la présidence du cardinal de Frankenberg, abolit la 
législation de Joseph et rendit le pouvoir absolu au 
clergé. C'est le cléricalisme qui avait accompli la révo- 
lution belge au nom du passé et des principes du plus 
complet obscurantisme, et en considérant cette fois l'in- 
surrection comme le plus saint des devoirs. Là encore, 
Joseph avait complètement échoué. 

Joseph devait être aussi malheureux dans sa politique 
extérieure que dans sa politique intérieure. 

Il avait conçu un double plan : asseoir son influence 
en Allemagne par quelque chose de plus solide que le 
vain titre d'empereur, c'est-à-dire par l'acquisition de 
la Bavière et s'étendre à l'Orient aux dépens de la Tur- 
quie. 

L'acquisition de la Bavière eût été un avantage énorme 
et qui,' établissant la prépondérance de l'Autriche dans 
l'empire, eût dès l'origine coupé court au dualisme 
austro-prussien. Déjà en 1777, quand, à la mort de 
l'électeur de Bavière, Maximilien Joseph, ses états pas- 
sèrent à l'électeur palatin Charles-Théodore, Joseph 
avait essayé de conquérir la Bavière, mais la paix de Te&- 
chen (1779) avait mis fin à ses projets. En 1784, il tenta 
d'obtenir par des négociations ce qu'il n'avait pu obtenir 
par la force. Il offrit à Charles-Théodore, en échange 
de la Bavière, les Pays-Bas autrichiens avec le titre de 
roi de Bourgogne ou d'Austrasie et trois millions de 
florins. Charles-Théodore se serait peut-être laissé aller, 
mais le duc de Deux-Ponts, héritier de la Bavière, 
protesta avec énergie, en appela à la France et à la 
Russie garantes de la paix de Teschen et surtout au 



GUERRE AVEC LA TURQUIE 27 

grand Frédéric, qui aurait tout hasardé plutôt que de 
souffrir cet agrandissement matériel et moral de TAu- 
triche. Le 23 juillet 1785, Frédéric conclut à Berlin une 
ligue avec la Saxe et le Hanovre qui fut appelée confé- 
dération des princes {Fûrstenbund) et à laquelle accédè- 
rent rélecteur de Mayence et son coadjuteur Dalberg, 
l'électeur de Trêves, le landgrave de Hesse-Cassel, les 
margraves d'Anspach et de Bade, les ducs de Deux-Ponts, 
de Brunswick, de Meklembourg, de Saxe-Weimar et de 
Saxe-Gotha, le prince d'Anhalt-Dessau, Tévêque d'Osna- 
brûck. Cet acte, un des derniers de la vie du grand Fré- 
déric (il mourut en 1786), posait nettement la Prusse 
devant TAutriche : Sadowa était en germe dans le 
Fûrstenbund, 

Frédéric avait laissé dans le ministre Hertzberg un 
ardent représentant de sa politique anti-autrichienne, 
qui essaya successivement de s'allier contre Joseph avec 
la Russie et même avec la France où Vergennes fit la 
gourde oreille, mais qui réussit avec Pitt : on trouve la 
trace des manœuvres du prussien Lucchesini et de l'an- 
glais Hailes dans les troubles de la Hongrie et des Pays- 
Bas. Plus tard un comité de Hongrois mécontents fonc- 
tionnait librement à Berlin. 

En présence de ces difficultés, on se demande par 
suite de quelle aberration Joseph se jeta dans une guerre 
contre les Turcs qui devait compromettre toutes ses 
réformes et lui coûter la vie. La Russie était parvenue 
à se faire déclarer la guerre par la Turquie (1787); 
Joseph n'avait nul besoin de devenir l'instrument des 
convoitises de Catherine. A la suite de l'entrevue qu'il 
eut avec elle en Grimée, il la voyait déjà s'emparant de 
Gonstantinople et voulait, en cas d'une crise aussi déci- 
sive, s'assurer la possession des principautés danu- 
biennes : il aurait dû attendre au moins que les choses 
se dessinassent et ne pas se jeter avec une inconcevable 
étourderie dans une guerre contre les Ottomans. Mais 
le touche-à-tout impérial — dont parfois Frédéric riai* 



28 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

si fort à Berlin — déclara la guerre au sultan le 9 fé- 
vrier 1788 et partit à la tète d'une superbe armée de 
250,000 hommes. 

Après ravoir éparpillée sur un espace de 150 lieues, 
Joseph qui croyait qu'un souverain était de droit un 
grand capitaine, mal secondé par Lascy, vint s'établir 
à Semlin, envahit Belgrade et déclara qu'il attendrait 
là l'armée turque pour l'anéantir d'un seul coup. Mais 
l'armée autrichienne, campée sur un sol marécageux, se 
vit enlever douze mille hommes par la dyssenterie. Jo- 
seph lui-même fut atteint et contracta le germe de la ma- 
ladie qui devait l'emporter. Le 7 août, l'armée turque 
passa le Danube près d'Orsowa et les Autrichiens, affai- 
blis, désorganisés, se mirent en retraite, le 20 septembre, 
sur Karansebes. Dix mille hommes périrent encore dans 
cette retraite qui ressembla à une déroute. En novembre, 
on prit les quartiers d'hiver, tandis que les Turcs rava- 
geaient le Banat. Le bilan de la campagne se résumait 
en 36,000 hommes morts de maladie et 12,000 tués ou 
prisonniers. 

Joseph ne perdait pas encore ses illusions. En janvier 
1789, il écrivait au prince Charles de Nassau une lettre 
contenant des plans dignes de Pichrochole. Cependant 
déjà très-malade, il se décida à laisser la conduite de la 
guerre au vieux maréchal Loudon qui mena rapidement 
la campagne et, le 8 octobre, s'empara de Belgrade. Mais 
le 31 janvier 1790, la Prusse s'allia avec la Porte ; les 
ratifications du traité devaient être échangées dans les 
cinq mois ; on peut dire que la question d'Orient, c'est- 
à-dire la question de savoir ce que deviendrait la Tur- 
quie dans l'Europe moderne, était complètement posée. 
La Suède et la Diète polonaise se rangèrent — cette 
dernière malgré les efforts de Stanislas Poniatowski — 
du côté de la Prusse, qui faisait entrevoir à la Pologne 
la restitution de laGallicie, en cachant qu'elle réclamait 
Dantzig et Thorn. 

Mais Joseph était mourant. Son œuvre craquait de 



JUGEMENT SUR LE RÈGNE DE JOSEPH II 29 

toutes parts. Les Pays-Bas étaient perdus, la Hongrie 
menaçante, le Tyrol soulevé contre la conscription. La 
guerre de Turquie avait obligé à établir de lourdes taxes 
spéciales sous le poids desquelles grondait le méconten- 
tement des peuples. Il céda de toutes parts, aux Tyro- 
liens comme aux Hongrois. Il rétablit même le conseil 
des ministres aboli par Timpérieuse Marie-Thérèse et le 
composa du vieux Kaunitz, de Starhenberg, de Lascy, 
de Rotemberg, de Spielmann et de Gollenbach. Le 
17 février, sa nièce favorite, Elisabeth de Wurtemberg, 
mourut en couches. Ce fut le dernier coup. Le 20 fé- 
vrier 1790, Joseph rendit le dernier soupir, laissant 
pour mettre sur sa tombe cette épitaphe : « Ici repose 
un prince dont les intentions étaient pures, mais qui eut 
le malheur de voir échouer tous ses projets. » La statue 
que son neveu François lui éleva en 1807 à Vienne porte 
cette autre inscription : « Josepho secundo qui saluti 
puèh'cœ vùnt non dm, sed totus, » 

L'histoire doit-elle s'associer sans réserve à ces hom- 
mages? Il est difficile de répondre affirmativement. Le 
despotisme, pour être paternel, n'en est pas moins le 
despotisme, et c'est au profit de ce despotisme que tra- 
vaillait exclusivement Joseph, si personnel et si ennemi 
de toute initiative qui n'était pas la sienne. Sa lutte 
même contre le pouvoir religieux ne se faisait qu'au 
nom d'une sorte de pontificat civil non moins oppressif 
que l'autre. Nous avons appris à nous méfier des Louis XI 
et des Richelieu centralisateurs et organisateurs de pou- 
voirs forts : Joseph était un Richelieu frotté de vague 
humanitarisme sous lequel le Habsbourg se retrouvait 
facilement. De là la stérilité de son œuvre à laquelle ne 
présida jamais que la maxime « farà da se ». Il prouva 
une fois de plus — et ce ne fut malheureusement pas la 
dernière fois que le monde vit ce genre de preuve — 
combien le césarisme bienfaiteur et dispensateur unique 
des libertés et des prospérités est impuissant à rien 
fonder, soit qu'il inscrive franchement sur son draper 

2. 



30 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

la maxime : tout pour le peuple et sam le peuple, soit 
qu'il y mette la correction hypocrite : iovXpour le peuple 
et par le peuple. 

Joseph n'avait pas d 'enfants. Son frère Léopold, grand- 
duc de Toscane depuis 1765 etmariéàMarie-Ludovique, 
fille de Charles III d'Espagne, était appelé à recueillir sa 
succession. Il avait alors 43 ans. Son administration de la 
Toscane l'avait rendu célèbre : il s'y était montré aussi 
réformateur que Joseph et d'après les mêmes principes 
de despotisme paternel. Il faut lire dans Dupaty ce 
tableau idyllique où Salente et la Bétique se confondent 
dans le même lyrisme. Le code criminel, inspiré par 
Beccaria, était un chef-d'œuvre. La législation religieuse 
avait réformé à peu près ce clergé sur lequel les mé- 
moires de l'évêque Scipion Ricci nous ont laissé de si 
singuliers détails. Léopold n'avait que deux défauts : 
l'habitude d'envoyer aux galères ceux qui ne voulaient 
pas subir le joug des doctrines jansénistes et un goût 
excessif pour les femmes. Mais la laide et maladive 
grande-duchesse n'en voulait pas pour si peu à son 
mari et en était quitte pour faire porter son métier à 
tapisserie chez la maîtresse régnante. 



CHAPITRE II 



Léopold II. — Abandon du système de Joseph. — Traité avec 
la Prusse et paix avec la Porte. — Soumission des Pays-Bas. — 
Pacification de la Hongrie. — Les Serbes. — Transylvanie. 



Rude était la tâche de Léopold : à l'extérieur, il avait 
à rompre la menaçante coalition de la Prusse, de la Po- 
logne, de la Suède et des puissances maritimes et à 
mener à bien la guerre avec la Turquie. Frère de Marie- 
Antoinette, il savait qu'il allait se heurter à la révolu- 
tion française. A l'intérieur, il lui fallait pacifier les 
nationalités soulevées par la tentative unificatrice de 
Joseph et reconquérir les Pays-Bas. Mais le réforma- 
teur de la Toscane n'allait-il pas tenir à honneur de 
suivre les mêmes principes que son frère? le législateur 
humanitaire des bords de l'Arno ne voudrait-il pas dé- 
velopper encore le Joséphisme en matière ecclésiastique 
et administrative ? on le croyait, mais on fut vite dé- 
trompé. A peine arrivé à Vienne, Léopold souffla sur 
les réformes fraternelles comme sur un château de 
cartes. Non-seulement les privilèges nationaux furent 
rétablis et les diètes autorisées à se réunir, mais les 
nouveaux systèmes d'impôts furent abolis, les abus 
restaurés, l'enseignement rendu au clergé et toutes 
choses remises en état. Léopold reprit dans tous les 
sens la politique traditionnelle des Habsbourg et ce fut 



32 HISTOIRE DE L^AUTRIGHE 

à croire qu'il n'avait fait que jouer au réformateur dans 
sa petite Toscane. 

Un de ses premiers actes fut de se faire, au refus de 
la Prusse, exécuteur d'un arrêt de la Chambre de jus- 
tice de l'empire envers les Liégeois légitimement soulevés 
contre leur prince-évèque. Les troupes autrichiennes les 
remirent sous le joug. Puis il se retourna du côté de la 
Prusse vis-à-vis de laquelle sa conduite fut un chef- 
d'œuvre d'habileté. La guerre paraissait imminente : 
Frédéric-Guillaume II, successeur du grand Frédéric, 
avait porté son quartier général en Silésie, à Reichen- 
bach. Tout en augmentant ses troupes en Bohème et 
en Moravie, Léopold proposa de négocier. Le 26 juin, 
ses plénipotentiaires, le prince de Reuss et le référen- 
daire Spielmann se rencontrèrent avec le grand chance- 
lier prussien Hertzberg à Reichenbach, où ne tardèrent 
pas à arriver les plénipotentiaires de l'Angleterre et de 
la Hollande. Le plan de Hertzberg craquait déjà de 
toutes parts. La Pologne, mise en éveil, ne voulait pas 
céder à la Prusse Thorn et Dantzig, c'est-à-dire le com- 
merce de la Baltique en échange de la Gallicie autri- 
chienne éventuellement promise. L'Angleterre et la Hol- 
lande ne voulaient pas entendre parler de diminution 
territoriale de la Turquie qui aurait facilité à la Russie 
la conquête de Gonstantinople. L'étourdi et mystique roi 
de Prusse était fatigué de ces complications et ne son- 
geait plus qu'à se faire le Don Quichotte de l'absolu- 
tisme européen contre la révolution française. Léopold 
eut l'agréable surprise de le voir se précipiter de lui- 
même au-devant de la paix que dès lors l'Autriche, par 
une ruse diplomatique aussi simple que sûre, parut 
beaucoup moins désirer. Le naïf Prussien envoya même 
à Vienne son favori, le colonel-alchimiste Bisçhofs- 
werder, qui s'entendit parfaitement avec Léopold, grand 
alchimiste lui-même devant le Seigneur. Le résultat fut 
que l'Autriche parut se laisser arracher une paix qu'elle 
souhaitait passionnément. Hertzberg eut beau dire : les 



LÉOPOLD II 33 

négociations passèrent, pour ainsi dire, par-<lessus sa 
tête, et le 15 août 1790 fut signé le traité de Reichen- 
bach. Léopold s'engageait : 1** à traiter le plus tôt pos- 
sible avec le sultan sur les bases du statu quo ante bel- 
him; 2* à ne plus aider la Russie dans sa guerre contre 
la Porte. De son côté, Frédéric-Guillaume promettait de 
voter pour Léopold dans la prochaine élection du roi 
des Romains et de Taider, de concert avec les puis- 
sances maritimes, à soumettre les Pays-Bas. La Prusse 
était mystifiée, mais Frédéric-Guillaume avait les che- 
mins ouverts... jusqu'à Valmy. 

Le 10 septembre suivant, un armistice avec la Porte 
fut signé à Giurgewo, laissant Léopold libre de se re- 
tourner contre les Pays-Bas. Les choses allaient mal 
dans les provinces insurgées et cléricaux et libéraux en 
étaient venus aux mains, aprè? toute une guerre préa- 
lable de mandements et de pamphlets. Les chefs des 
libéraux, l'avocat Vonek, le comte de Lamarck, corres- 
pondant de Mirabeau, et Walkiers, furent obligés de se 
réfugier à Namur, après deux jours d'émeute pendant 
lesquels la foule fanatisée saccagea leurs hôtels. L'ar- 
mée du congrès, commandée par le Prussien Schœnfeld, 
marcha contre eux, et les bandes libérales, sous les 
ordres de Van der Mersch, se rendirent sans coup férir. 
On n'écouta heureusement pas le jésuite Xavier Feller 
qui, dans son journal historique (notamment numéro 
du 15 juin 1790), demandait avec une incroyable verve 
de férocité la tète des prisonniers libéraux. Les troupes 
autrichiennes vinrent mettre d'accord les deux partis 
qui avaient montré une égale ineptie. Commandées par 
le général Bender et par le comte Georges de Metter- 
nich — père du fameux chancelier — elles battirent 
Schoenfeld. Le congrès ne nomma pas moins ce der- 
nier dictateur en lui adjoignant l'abbé de Tongerloo et 
demanda le secours de là Prusse et de l'Angleterre qui 
venaient justement de signer le traité de Reichenbach, 
et de la France qui refusa. Le clergé alors prêcha la 



34 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

levée en masse, promettant la victoire au nom du ciel. 
Bender battit ces bandes, les culbuta dans la Meuse et 
s'empara le 24 novembre de Namur, le 2 décembre de 
Bruxelles. Les Pays-Bas furent remis légalement sous 
l'autorité de Léopold qui proclama une large amnistie 
et laissa aux Belges tous leurs droits et privilèges. 

Le même mois s'ouvrit le congrès de Sistowa en Bul- 
garie. Les plénipotentiaires autrichiens, le comte de 
Herbert et le prince Esterhazy-Galantha, agirent dans 
le sens de la temporisation : le 10 février 17^1 on sus- 
pendit même les négociations pendant deux mois. La 
paix Alt enfin signée le 4 août. L'Autriche abandon- 
nait à la Porte toutes ses conquêtes, y compris Bel- 
grade, sauf le territoire de la vieille Orsowa et les villes 
de Zettin et de Dresnick. 

Léopold s'était donc de tous côtés fort habilement 
dégagé de la politique de Joseph. Il ne fut pas moins 
adroit à l'intérieur où il parut céder aux nationaUtés, 
mais bien plus en apparence qu*en réalité. 

Joseph avait laissé la Hongrie en une eiFervescence 
que n'avait pas calmée le retour de la couronne de 
Sain t-É tienne. Plus d'un magnat s'était mis en corres- 
pondance directe avec Berlin, comme le prouvèrent plus 
tard leurs lettres livrées à Léopold, assure-t-<m, par le 
Prussien Bischofswerder. Les assemblées de comitats se 
réunissaient spontanément de toutes parts et donnaient 
le signal d'un véritable réveil national. Les motions les 
plus incendiaires étaient adoptées : changement de 
dynastie par la libre élection, les tentatives de Joseph 
ayant rompu la convention de Szathmar, convocation 
de la diète, etc. On réagissait, avec cette haine de l'é- 
galité qui caractérisé l'aristocratique nation des ma- 
gyars, contre les mesures de Joseph et même de Marie- 
Thérèse en faveur des paysans. N'était-ce pas la Pro- 
vidence elle-même qui avait établi la distinction entre 
les nobles et les serfs ? il fallait rétablir dans toute sa 
rigueur l'antique servage, un des éléments indispen- 



PACIFICATION DE LA HONGRIE 35 

sables des vieilles libertés hongroises. Bâtonner le pay- 
san qui manquait à la corvée ou aux redevances, et ne 
supporter soi-même aucune charge publique, n'était-ce 
pas conforme aux plus respectables traditions? Hommes 
et femmes/ rejetant la poudre et les falbalas de la cour 
de Vienne, reveaaieni au martial costume laagyaj?. On 
revenait aussi à la langue dans laquelle les poètes chan- 
taient : « La vieille liberté est le premier trésor de cette 
noble nation I » Il y avait bien dans les grandes villes 
un parti démocratique dont l'esprit s'était ouvert au 
souffle de 89, mais il n'avait pas d'influence dans le 
pays. 

Léopold avait convoqué la diète pour le mois de juin, 
promettant de jurer la constitution, mais affirmant son 
droit héréditaire en dehors du ccwasentement de la diète. 
Cette convocation ne suffisait pas aux Magyars qui crai- 
gnaient qae leur assemblée ne subit des pressions et 
qui trouvaient que les Belges vaincus étaient mieux 
traités que les Hongrois fidèles. Pour les calmer, il fallut 
promettre une session préparatoire à Bude et achever de 
détruire le Joséphisme en rendant au clergé renseigne- 
ment et la juridiction. Le mouvement national devenait 
de plus en plus un mouvement réactionnaire. La diète 
s'ouvrit le 10 juin. La Chambre haute, comprenant 
225 princes, comtes et barons et trente-huit prélats, 
était présidée par le comte Charles Zichy. Lepersonnal 
Joseph Urményi présidait la chambre basse où Ton 
voyait trente-cinq abbés élus par les chapitres, soixante- 
dix-neuf bourgeois des villes libres royales et cent deux 
députés des comitats, noblesse rurale également dévouée 
à la patrie et au passé, et à laquelle il aurait été inutile 
de proposer une nuit du 4 août. Joseph fit les frais 
de cette première séance : le cardinal Batthyani fou- 
droya l'impie réformateur. Il fut convenu que les pro- 
cès-verbaux seraient rédigés en latin et en mag}''ar, ce 
qui excita des transports d'enthousiasme. Léopold laissa 
ces effervescences se produire en toute liberté* Il était 



3é HISTOIRE DE L^AUtRIGHÉ 

occupé aux négociations qui devaient d'abord conjurer 
Torage extérieur. Libre de ce côté et n'ayant plus le 
même intérêt à ménager cette indispensable mine d'or 
et de soldats qu'on appelait la Hongrie, il déploya vis- 
à-vis des magyars exaltés un mélange de fermeté et de 
patience merveilleux : ces légistes sabreurs avaient 
trouvé leur maître sous le double rapport de la toge et 
des armes, toga et arma. Ils voulurent envoyer un am- 
bassadeur hongrois à Gonstantinople : Léopold leur dé- 
clara qu'il ne souffrirait aucune immixtion en matière 
de relations étrangères. Ils voulurent que l'armée restât 
magyare, commandée par des officiers magyars en 
langue magyare et cantonnée en temps de paix sur le 
territoire national : les deux auteurs de la motion, Fes- 
tetics et Laczkovics, furent arrêtés, et Léopold fit com- 
prendre à la diète qu'il y aurait danger pour elle à in- 
sister. Ils voulurent que Léopold consentît à prêter, non 
pas seulement le vieux serment habituel, mais un nou- 
veau serment beaucoup plus explicite, consacrant des 
droits spéciaux et annulant en fait les conséquences de 
la Pragmatique Sanction : Léopold refusa, tout en pro- 
testant de son respect pour les antiques privilèges et de 
la sincérité de ses intentions, et insinua que devant tant 
de défiances, il renoncerait à se faire couronner. La diète 
céda ; le couronnement eut lieu le 15 novembre 1790, 
mais Léopold eut soin d'amener avec lui les cuirassiers 
de sa garde. 

La fête se passa à Presbourg avec ce débordement 
d'enthousiasme monarchique dont les Hongrois et les 
Anglais semblent avoir seuls en Europe conservé la 
recette. Toutes ces archéologies d'étiquette et de cos- 
tume furent saluées des plus retentissants eljen , le 
hurrah magyar. Léopold permit qu'on rétablît la di- 
gnité de Palatin, et la diète, chevaleresquement, la con- 
féra au jeune archiduc Alexandre, fils de Léopold. On 
vota un considérable présent de joyeux avènement. 

La diète renouvela les lois tutélaires dérivant de la 



DÉBÂTS DE LA DIËTE HONGROISE DE 1790 37 

bulle d'or : convocation de la diète tous les trois ans, 
couronnement du roi dans les six mois de Tavénement ; 
diète revêtue de la plénitude du pouvoir législatif et 
ayant seule qualité pour voter les impAts et les levées 
d'hommes ; conseillers magyars pour les affaires hon- 
^oises ; intégrité du royaume, etc. 

Le débat sur la liberté religieuse fut très-important et 
très-beau; la petite noblesse était presque toute entière 
calviniste, beaucoup de villes aussi, comme Debreczih, 
la capitale du protestantisme. Le clergé, par l'organe 
des Batthiany, des Boronkay, fit une vive opposition. 
Ii6 projet en 17 articles n'en fut pas moins voté. 11 éta-* 
blissait la liberté relative du culte évangélique, lui per* 
mettait de fonder, entretenir et administrer des écoles 
et des hôpitaux. Mais, à côté, que de restrictions! ses 
livres étaient soumis à la censure et ne devaient conte*^ 
nir aucune attaque contre la foi catholique. La propa- 
gande était sévèrement défendue et les cas de conver*- 
sion réservés à l'examen de l'autorité royale. Les mé- 
nages mixtes étaient maintenus sous la juridiction du 
clergé catholique. Les Ëvangéliques devaient observer 
extérieurement les fêtes calholiques « pour la paix de 
la société » : on les dispensait seulement de contribuer 
à la construction des églises catholiques. Voilà ce que 
certains historiens hongrois nous donnent comme un 
monument du libéralisme de la diète et de Léopold en 
matière religieuse I 

De façon non moins insuffisante et bâtarde furent 
résolues les graves questions relatives aux paysans et 
aux bourgeois. Léopold proposa d'accorder aux serfs de 
la glèbe la liberté personnelle, le droit de déplacement 
et la suppression des punitions corporelles. Ce fut un 
toile assourdissant de la part des députés des comitats. 
Ne plus battre les paysans, c'était ruiner la propriété 
foncière I leur permettre de se déplacer, c'était la ruiner 
encore I On maintint la bastonnade, mais on permit le 
changement de séjour, tous les ans, à la Saint-Miche 

ASSBLINE. 3 



38 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

On décida même, dans un accès de générosité, que les 
paysans ne supporteraient plus les frais de cette diète 
qui les maintenait bàtonnables à merci. Quant à la 
bourgeoisie des villes, la noblesse la redoutait extrême- 
ment, car ces médecins, professeurs, avocats et mar- 
chands, s'étaient laissé pénétrer par l'esprit égalitaire du 
XVIII* siècle. Dès le début de la diète, elle proposa bru- 
talement rinaptitude aux emplois publics de quiconque 
n'était pas né noble et magyar : Léopold s'y opposa 
malgré les clameurs de quatre comitats menaçant de se 
retirer si l'admissibilité était votée. La question fut 
ajournée. Un moyen de multiplier la bourgeoisie, c'é- 
tait de multiplier les villes libres et royales. La diète 
demanda que désormais on la consultât et reconnut 
comme villes libres, en échange de cette concession, les 
villes de Temeswar et de Garlsbourg. 

Diverses nationalités, opprimées par les Magyars, 
profitèrent de la tenue de la diète pour adresser des 
réclamations à Léopold. Les guerres contre les Turcs 
avaient rendu à peu près déserte la portion du territoire 
hongrois située entre la Theiss, le Danube et le Maros : 
Léopold h^ invita en 1690 les Seii>es de la Turquie à 
venir occuper cette contrée marécageuse, mais d'une 
opulente fertilité. Son appel fut entendu et trente-six 
mille familles Serbes, conduites par le patriarche Crno- 
zevic, se fixèrent dans ces marches abandonnées. D'au- 
tres vinrent les rejoindre en 1691 et en 1693. Un diplôme 
impérial créa le banat de Ternes et la voïvodie de Serbie, 
en garantissant aux colons slaves le respect de leurs 
croyances et une existence séparée. Les jésuites les per- 
sécutèrent pour les rallier au rite grec uni, mais ils de- 
meurèrent invinciblement attachés à Téglise orientale« 
En 1733 le collège de Carlo witz (Karlovci) fut fondé et 
devint le foyer de leur nationalité et de leur religion. 
Industrieux et actifs, ils prospérèrent et s'accrurent ra- 
pidement : Joseph II envoya même à Catherine le direc- 
teur des écoles serbes, Jankovic, pour l'aider à établir 



RÉCLAMATIONS DES SERBES. LA TRANSYLVANIE 39 

l'enseignement primaire en Russie. En 1790, ils s'adres- 
sèrent à Léopold qui, malgré les Magyars, les autorisa 
à tenir un congrès national sous la présidence du baron 
Ghmedfeld, gouverneur de Pétrovaradin, Les réunions 
préparatoires de ce congrès furent très-orageuses et la 
haine serbe pour les Magyars s'y manifesta dans les 
termes les plus violents. Le congrès demanda un terri- 
toire séparé. La diète de Presbourg s'y opposa vive- 
ment, .alléguant que les Serbes n'avaient été reçus qu'à 
titre d'hôtes. Léopold proposa que les Serbes fussent 
au moins admis aux mêmes droits que les Magyars et 
que leur église fût officiellement reconnue ; le diplôme 
de 1791 consacra cette transaction. Nous verrons que 
la question serbe est une des plus graves de rAutriche 
contemporaine. 

On eut aussi à s'occuper de la Transylvanie, en hon- 
grois Erdely ou pays des forêts. Nous avons vu que 
cette contrée était habitée par trois nations : les Ma- 
gyars, les Sicules ou Szeklers et les Saxons, et que ces 
trois nations avaient seules une existence politique, 
malgré leur infériorité numérique, au détriment de la 
masse de la population roumaine. La Transylvanie, 
conquise par les Hongrois en 1004, avait fait partie de 
la couronne de Saint-Etienne jusqu'en 1535 où elle de- 
vint indépendante sous le rival de Ferdinand, le woï- 
vode Jean Zapolya. Léopold I^f la reconquit en 1687, et 
la Porte, par la paix de Garlowitz en 1699, reconnut la 
souveraineté de la maison d'Autriche sur ce pays qui 
garda néanmoins sa dynastie nationale jusqu'en 1713, 
où la mort du dernier prince, Michel Abaffî, permit son 
incorporation. Marie-Thérèse l'érigeaen 1765 en grande 
principauté. Les comitats magyars formaient les sept 
onzièmes du territoire, les comitats szeklers et saxons 
se partageant à peu près par moitié les quatre autres 
onzièmes. Ces trois fractions formaient seules la diète 
de Transylvanie. Les comitats y envoyaient chacun 
deux députés. Le calvinisme, le luthéranisme, le cathr 



40 HISTOIRE DE L'AUTRIGHE 

licisme et le socinianisme ou unitarisme, ces quatre re^ 
ligions reconnues parla diète de Maros en 1571, avaient 
des droits égaux et c'était entre douze candidats leur 
appartenant trois par trois que Tempereur choisissait le 
gouverneur. Léopold permit la réunion de la diète, 
malgré les Magyars qui voulaient passionnément la réu- 
nion de la principauté à la couronne de Saint-Étienne, 
vœu qui fut inscrit dans les délibérations de la diète de 
Presbourg. Les malheureux Roumains adressèrent une 
supplique à Léopold pour demander la reconnaissance 
de leurs droits civils et politiques et la suppression de 
ces termes injurieux : « Tolérait^ admtsst, tnter status 
non reputati. » Léopold se contenta de renvoyer le 
18 mai 1791 cette supplique à la diète transylvaine qui 
la repoussa. La diète hongroise termina sa session le 
9 août 1791, laissant instituées de nombreuses com- 
missions de réformes. 



CHAPITRE III 



Entrée en lutte avec la Révolution française. — Pilnitz. — Mort 
de Léopold. — François. — Alliance avec la Prusse. — Cam- 
pagnes de 1792 et de 1793. — Affaires de Pologne ; deuxième 
partage. — Thugut. — Campagne de 1794. — Paix de Bâle 
entre la France et la Prusse, 



Le 6 octobre 1790, Léopold avait été couronné empe- 
reur d'Allemagne à Francfort par Télecteur de Mayence, 
archichancelier de l'empire. Il était devenu le chef no- 
minal de cette étrange agglomération qui ne comptait 
pas alors moins de trois cents états souverains, depuis 
les monarques de Prusse, de Bavière, de Saxe, de Ha- 
novre, de Wurtemberg, jusqu'à ces chevaliers qui ré- 
gnaient sur quelques kilomètres carrés, sans oublier les 
principautés ecclésiastiques telles que les électorats de 
Mayence, de Trêves et de Cologne, les évêchés, les 
abbayes, les villes libres impériales, les bailliages de 
l'ordre teutonique, etc., etc. Le despotisme, dispersé 
dans ces innombrables molécules, n'en était pas moins 
corrosif en chacune d'elles et quelques-uns de ces prin- 
cipicules trouvaient moyen de déployer dans ces micro- 
cosmes une cruauté à la Néron et une luxure à l'Hélioga- 
bale. La vieille diète de Ratisbonne, avec ses trois col- 
lèges, faisait à peine entendre le grincement de ses 



42 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

rouages compliqués et, de tous méprisée et moquée, ne 
brassait que petite et banale besogne. 

Or ce fut la dignité impériale qui conduisit Léopold 
à son premier choc avec la révolution française. 

Les archevêques de Mayence, de Trêves et de Colo- 
gne, les ducs de Wurtemberg et de Deux-Ponts, le 
landgrave de Hesse-Darmstadt, le margrave de Bade, 
les évèques de Spire, Bâle et Strasbourg, les princes de 
Nassau, de Leiningen et de Lœvenstein, Tordre teutoni- 
que, avaient conservé en Alsace, en Franche-Comté et 
en Lorraine, des privilèges féodaux que la Constituante 
abolit dans la fameuse nuit du 4 août 1789. Elle offrit 
une compensation en biens nationaux aux seigneurs 
allemands qui refusèrent et s'adressèrent à l'empereur. 
Léopold réclama ofQciellement le 14 décembre 1790, 
mais sans résultat, auprès du cabinet de Versailles. La 
question était des plus graves. L'empereur d'Allemagne 
alléguait que les terres privilégiées n étaient pas telle- 
ment soumises à la souveraineté du roi de France que celui- 
ci pût en disposer en indemnisant les propriétaires. C'é- 
tait tout simplement dire qu'on voulait garder des encla- 
ves purement germaniques en pleine province françaisie : 
comme le remarque Michelet, on ne voulait pas dénouer 
la question, mais la garder comme un en-cas de guerre. 

Pendant ce temps, les émigrés étaient à Goblentz et 
excitaient les rois à former une ligue internationale 
contre la Révolution. Le 23 décembre 1790, Louis XVI 
avait écrit au roi de Prusse, par l'intermédiaire du baron 
de Breteuil, le fameux billet où il demandait contre son 
peuple le secours de l'étranger et mettait en avant l'idée 
d'un congrès européen « appuyé d'une force armée. » 
Les libelles royalistes représentaient la France comme 
en proie à des brigands que le seul aspect de la maré- 
chaussée de l'absolutisme ferait rentrer en terre. Le 
bouillant et mystique Frédéric-Guillaume voulait se 
mettre en campagne. 

Léopold était moins pressé d'agir, plus habitué qu'il 



ENTREVUE DE PILNITZ 43 

était à promettre qu'à tenir. Il alla, au printemps de 1791 , 
en Italie installer comme grand-duc de Toscane son se* 
cond fils Ferdinand, qu'il maria avec une fille de sa sœur 
de Naples, tandis que son fils aîné François épousait 
l'autre fille, L'Autriche, qui établissait aussi un archiduc 
à Modène et qui possédait en propre les duchés de Milan 
et de Mantoue et les principautés de Castiglione et de Sol- 
férino, prenait la direction absolue de la péninsule. Aux 
premiers bruits'de la Révolution, tous ces princes avaient 
renoncé aux réformes qui avaient rendu Léopold célèbre 
et s'étaient mis en pleine réaction. Léopold reçut à 
Mantoue Galonné envoyé par le comte d'Artois (fin mai), 
en présence de lord Elgin, représentant de la Grande- 
Bretagne, et du prussien Bischofl*swerder et consentit à 
un plan d'exécution contre la France auquel il ne devait 
prendre, dans l'intérêt de Marie-Antoinette, sa sœur, 
qu'une part inostensible. Après la fuite de Varennes et 
l'emprisonnement de la famille royale, il fit un pas de 
plus et lança le 6 juillet 1791 une lettre-circulaire aux 
cabinets européens pour les appeler, au nom de la 
sécurité mutuelle, à envahir la France. Kaunitz et Bis- 
choffswerder préparèrent même dans ce sens un traité 
qui fut signé à Vienne le 25 juillet et où on décida qu'on 
interviendrait en France quand Catherine aurait signé 
la paix avec la Turquie, paix qui fut conclue le 11 août 
suivant à Jassy et qui coûta à la Porte la province d'Oc- 
zakow, avec le Dniester pour limite. 

Une démarche plus décisive encore eut lieu le 25 août. 
Au château de Pilnitz, en Saxe, se rencontrèrent Frédéric- 
Guillaume escorté du prince royal, du général Hohen- 
lohe-Ingelfingen, de Bischofi'swerder et du colonel de 
Stein, et Léopold suivi de l'archiduc François, du ma- 
réchal Lascy, du baron de Spielmann et du comte hon- 
grois PalfiFy. L'électeur et l'électrice de Saxe donnèrent 
une fête splendide à leurs hôtes. Le comte d'Artois se 
présenta, suivi de MM. de BouiHé, de Galonné et de 
Polignac, et non sans quelque déplaisir de Léopold. Le 



44 HISTOIRE DB L'AUTRICHE 

27 août fut signée la fameuse déclaration de Pilnitz. La 
dernière et menaçante phrase : « En attendant, leurs 
Majestés donneront à leurs troupes les ordres convena- 
bles pour qu'elles soient prêtes à se mettre en activité, » 
avait été ajoutée sur les instances de M. de Galonné, 
après de longues hésitations de Léopold. 

Le fin politique hésitait toujours et s'attirait les san- 
glantes railleries des émigrés, dont il n'avait cure. Lui 
et Kaunitz auraient préféré tenir la France enserrée 
dans une sorte de cordon sanitaire formé par les Pays- 
Bas, Tempire et l'Italie réactionnaire, la laissant, pour 
prendre encore une expression à Michelet : « cuire dans 
son jus jusqu'à se refroidir. » Ils comptaient aussi pour 
ce résultat sur rétablissement en France d'un vague et 
attiédissant constitutionalisme à Tanglaise. Brissot voyait 
et signalait ce plan dans son discours du 20 octobre 1791 . 
Léopold licencia même une partie de ses troupes et le 
général prussien Hohenlohe — qui le vit à Prague où 
il était allé se faire couronner roi de Bohême au sortir 
de Pilnitz — n'obtint de lui que des réponses évasives. 
Aussi quand Louis XVI accepta la constitution le 13 sep- 
tembre, Léopold adressa aux cours une note pacifique, 
dispersa en Belgique des rassemblements d'émigrés, 
admit le drapeau tricolore et fit respecter la cocarde 
nationale. 

Le l" octobre 1791, la Législative succéda à la Cons- 
tituante. Dès le 9 novembre, elle rendit un décret por- 
tant la peine de mort contre tous les émigrés qui ne 
seraient pas rentrés au l**" janvier 1792 et ordonnant la 
séquestration des biens des princes émigrés : le roi fût 
invité à prendre des mesures contre les puissances 
étrangères qui permettaient les rassemblements. Le roi 
opposa son veto : le 29 novembre, vingt-quatre membres 
se rendirent auprès de lui pour le requérir de protester 
auprès des électeurs de Trêves et de Mayence, qui don- 
naient une si complaisante hospitalité à l'émigration. 
La protestation fût faite par Yergennes et l'électeur de 



DÉCLARATION DE GUERRE 45 

Trêves y répondit avec une hauteur insultante. En même 
temps, Léopold) le 3 décembre, dictait à Kaunitz un 
acte que la chancellerie fît parvenir à Vergennes : il 
renouvelait la prétention de faire réintégrer les princes 
possessionnés en Alsace dans tous leurs droits, sans 
accepter aucun dédommagement, et déclarait que les 
troupes autrichiennes garantiraient Télecteur de Trêves. 
Cette note, communiquée le 24 à l'Assemblée, y souleva 
des explosions de légitime fureur : vingt millions furent 
votés pour les préparatifs de la guerre. Le 14 jan- 
vier 1792 Gensonné lut son rapport célèbre sur la situa- 
tion de la France, où il sommait l'empereur de s'expli- 
quer sur ces deux points : s'engage-t-il à ne rien 
entreprendre contre la France, contre sa constitution, 
la nouvelle forme de son gouvernement et de son indé- 
pendance? S'engage-t-il à la soutenir, en cas d'attaque, 
conformément au traité de 1756? Le 17, Guadet prononça 
le magnifique discours où il jetait le gant à l'Europe.; 
le 25 janvier, fut adopté le décret déclarant que, si 
l'empereur n'avait pas répondu avant le 1" mars, ce 
serait la guerre. 

Ce fut la guerre. Le 7 février, l'Autriche et la Prusse 
signèrent à Berlin un traité d'alliance offensive et dé- 
fensive où elles se garantissaient leurs possessions et 
s'engageaient à veiller sur la constitution allemande. 
Cette monstrueuse alliance des deux rivales était accom- 
plie en haine de la liberté. Léopold donna ordre au 
maréchal Bender, commandant les 55,000 hommes de 
l'armée des Pays-Bas, de se tenir prêt à marcher, en- 
voya 6,000 hommes dans le Brisgau et fit mettre en 
marche 30,000 hommes de réserve qu'il avait en Bohême. 
Kaunitz rédigea et publia un mémoire, dernier produit 
de sa verve octogénaire où l'ardent ennemi de la Prusse 
et l'inventeur de l'alliance austro-française, rendait res- 
ponsables de la guerre les républicains de la Législa- 
tive et les jacobins, « secte pernicieuse et ennemie du 
repos public. » 

3. 



46 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

Mais Léopold ne devait pas voir commencer cette 
guerre qu'il avait tant hésité à préparer. L*abus des 
plaisirs avait ruiné sa santé : tout un harem entourait 
le voluptueux Habsbourg ; Titalienne Dona Livia, la 
polonaise Prohœska, madame de Wolkenstein et tant 
d'autres. Pour réparer ses forces, il cuisinait des philtres 
en collaboration avec le mystique favori de Frédéric- 
Guillaume le général Bischoffwerder. Par malheur ce 
grand empereur et ce grand général étaient de piètres 
apothicaires. Léopold tomba malade le 27 février à la 
suite de Tingestion d'un de ces philtres réparateurs et il 
mourut dans d'affreuses convulsions le !•' mars, le jour 
même où finissait le délai fixé par la Législative. 

Léopold laissait treize enfants : dix garçons et trois 
filles. Le trône revenait à l'aîné de ses garçons, François, 
alors âgé de vingt-quatre ans, qui devait occuper le 
trône d'Autriche pendant quarante-trois ans. Joseph 
avait régné dix ans et Léopold deux ans. Rien ne prouve 
qu'un règne plus long n'aurait pas fait d'eux ce que fut 
François : l'incarnation obstinée de la contre-révolution. 
La réputation de libéralisme qu'ils ont laissée n'est peut- 
être due qu'à la brièveté de leur règne. Tous deux 
cependant avaient plus de valeur intellectuelle que leur 
fils et neveu. Il semble que le sang de la maison de 
Lorraine avait régénéré pour quelque temps ces Habs- 
bourg espagnols , descendant à la fois du fou furieux 
Gharles-le-Téméraire et de Jeanne la Folle et qui s'ap- 
pellent Rodolphe II, Ferdinand III, Léopold I". Mais 
Léopold II avait épousé Marie-Ludovique , fille de 
Charles III d'Espagne, issue de cette lignée des Bour- 
bons d'outre-mont frappés les uns après les autres 
d'aliénation, depuis Philippe V jusqu'à ce malheureux 
Charles IV jouet de Godoy et de Napoléon, et sous cette 
nouvelle affusion morbide, l'influence lorraine disparut : 
les frères et sœurs de François étaient presque tous 
soumis à des crampes nerveuses et à l'épilepsie, notam- 
ment l'archiduc Charles le grand capitaine et le plus 



FRANÇOIS 47 

jeune, l'archiduc Rodolphe, qui mourut en 1831 cardinal- 
archevêque d*Ohnûtz. Né à Florence et ainsi idlemand 
croisé dltalien, François, faible et violent, d un machia- 
vélisme bigot et méfiant et d*une timidité dont il se 
vengeait par plus de despotisme, n'inspirait qu'une mé- 
diocre confiance à son oncle Joseph. Au dedans, la cen- 
tralisation à outrance, mais avec le secours de l'église, 
le silence de l'absolutisme et la compression par la 
force et par la police comme défense contre les idées 
nouvelles, la bonhomie du despotisme paternel vis-à- 
vis de ceux qui se soumettaient de corps et d'âme à cet 
étouffement et le gibet ou le carcere dura pour les autres, 
au dehors la politique la plus égoïste soit de conquêtes 
pour augmenter les états des Habsbourg, soit d'inter- 
vention pour aider, au nom de la sécurité mutuelle^* les 
autres rois à maintenir les peuples et à écraser dans 
son germe la contagion qui aurait pu atteindre l'Au- 
triche, tel fut le programme que dès son avènement 
se traça François et auquel il demeura invinciblement 
fidèle avec la tenace persévérance de la médiocrité. 

Son premier soin fut d'augmenter et de perfectionner 
la police que Joseph II avait créée et que Léopold n'a- 
vait pas négligée. Il confia la direction des affaires à 
son ex-gouverneur, le comte Golloredo, sans disgracier 
cependant Kaunitz et Gobentzell. Il abolit les Chancel- 
leries de Bohême et d'Autriche, la Chambre des comptes, 
la Chambre des finances hongroise , les Commissions 
des afiaires ecclésiastiques et de l'instruction publique 
et remplaça ces diverses institutions par un Conseil 
sous la présidence du comte Kollowrath. Mais les préoc- 
cupations de l'extérieur ne tardèrent pas à l'arracher 
à ses réformes intérieures. Deux grandes questions do- 
minaient la situation : la question Polonaise et la ques- 
tion Française, beaucoup plus enchevêtrées l'une dans 
l'autre qu'on ne le suppose communément. 

Le 29 mars 1790 les Polonais avaient conclu une 
alliance défensive avec Frédéric-Guillaume de Prusse, 



48 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

à la suite de l'impolitique alliance de Joseph avec Ca- 
therine de Russie. Le 3 mai 1791, ils adoptèrent une 
nouvelle Constitution destinée à régénérer leur mal- 
heureux pays en supprimant la royauté élective et en 
admettant le tiers-état dans les diètes. Les naïfs Polor 
nais pensaient que la Prusse avait tout intérêt, devant 
la puissance formidablement croissante de la Russie, 
à leur assurer l'indépendance et la tranquillité. Mais 
Frédéric-Guillaume, infiniment plus âpre que cheva- 
leresque, et trop peu intelligent pour comprendre quelle 
devait être la vraie politique de la Prusse, ne songeait 
qu*à obtenir de ses alliés Thorn et Danzig. Léopold, 
bien autrement homme d'État, avait compris combien 
l'existence d'une Pologne forte et indépendante était 
nécessaire à la sécurité de l'Autriche et de l'Allemagne 
et, abandonnant la folle poUtique russe de Joseph, avait 
mis en avant une véritable idée de génie : poser la 
couronne héréditaire de Pologne sur le front de l'élec- 
teur de Saxe et opposer ainsi à la fois à la Russie et à 
la Prusse un vigoureux royaume Polonais-Saxon dont 
la création eût changé la face de l'Europe. La Russie 
furieuse déclara dès le 18 mai qu'elle repoussait la nou- 
velle Constitution , sous prétexte que l'ancienne , ga- 
rantie par elle, ne devait pas être changée sans son 
consentement : elle attendit que la conclusion de la 
paix avec la Porte lui permit d'agir. Cette paix fut 
conclue à Jassy le 9 janvier 1792. 

Léopold était mort le i^^ mars, et le 10 le mémoire 
qui contenait ses idées relatives à la Pologne arri- 
vait à Berlin : royauté de l'électeur de Saxe avec ses 
frères pour successeurs , armée polonaise réduite . à 
40,000 hommes et neutralisation absolue du royaume. 
La Russie faisait au même instant des communications 
secrètes poussant au partage. Malgré le traité de 1790, 
Frédéric-Guillaume n'hésita pas, trompant d'une façon 
infâme et digne d'une éternelle flétrissure la confiance 
des Polonais, à accueillir ces ouvertures et jil le fit si- 



INTRIGUES AVANT LA GUERRE 49 

gnifier à rAuiriche par Bischoffwerder eq même temps 
que le rejet du projet de Léopold. Qu'allait faire Fran^ 
çois, d'autant plus que, le 20 avril, rAssemblée légis- 
lative française avait voté, sur la proposition à contre* 
cœur de Louis XVI, la guerre contre lui en qualité de 
roi de Bohème et de Hongrie, à l'unanimité moins sept 
voix? Allait-il abandonner la politique de Léopold et 
reprendre celle de Joseph ? 

Alors se croisèrent de tous côtés les intrigues les plus 
honteuses et d'une complexité qui les rend difficiles à 
suivre. Ferait-on la guerre par pur désintéressement, 
pour sauver le principe monarchique menacé par la 
révolution? ou bien la Prusse et l'Autriche, pour se 
dédommager des frais de la guerre , recevraient-elles 
des territoires d'étendue et de valeur égales? Et si le 
principe des dédommagements était admis, où la Prusse 
et l'Autriche se dédommageraient-elles? Cette question 
était la plus difficile, car le principe des indemnités 
territoriales fut admis avec empressement par ces che- 
valiers du droit divin, qui disaient tout bas ce que les 
Normands de Robert Guiscard avaient la pudeur de dire 
tout haut : « Nous nous battons pour gaigner. » 

Les préparatifs de guerre se faisaient lentement pen- 
dant ces compétitions d'intérêts. Le duc de Brunswick 
devait commander en chef les forces prussiennes et le 
prince de Hohenlohe-Kirchberg les forces autrichiennes. 
Le plan était arrêté : 42,000 Prussiens pénétrant par 
Longwy, Montmédy et Verdun, devaient rejoindre sur 
la Meuse 56,000 Autrichiens arrivés par Maubeuge, Phi- 
lippeville et Givet. Les émigrés devaient passer le Rhin 
à Bàle, soutenus par des corps autrichiens massés à 
Fribourg en Brisgau et à Manheim. Mais les mouve- 
ments de ces divers corps s'opéraient avec des retards 
énormes. François en attendant alla se faire couronner 
roi de Hongrie le 6 juin. Les Magyars, comme d'habi- 
tude, montrèrent un débordant enthousiasme monar- 
chique, avec cette facilité de jet qui les caractérise, et 



50 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

la diète vota hommes et argent pour la guerre contre la 
révolution française. 

Les Magyars, en effet, avaient pris en haine aussi 
ardemment que l'aristocratie anglaise, la révolution, 
preuve de plus que leur grand élan de 1790 était pure- 
ment national et égoïste. Leurs poètes maudissaient 
la France en des vers aussi médiocres que violents. 
Dans les villes seules un parti s'était ému aux bruits de 
liberté et d*égalité venus de l'occident et s'attirait déjà 
le nom de jacobin, mais il était en infime minorité. 
François sut exploiter adroitement cette ardeur réac- 
tionnaire : il affecta de respecter la Constitution hon- 
groise et fit même quelques concessions de forme, celle 
par exemple que tout nouveau souverain devrait se 
faire couronner dans les six premiers mois. Mais au 
fond il ne céda rien ni sur la réunion de la Transyl- 
vanie ni sur le commandement exclusif par les offi- 
ciers magyars. Les neuf commissions d'enquêtes con« 
senties par Léopold cessèrent même de fonctionner : 
ridolàtrie monarchique des Magyars et leur haine de 
la révolution leur coûtaient cher. Leur pays n'allait 
plus être jusqu'en 1815 qu'une usine à soldats et à im- 
pôts alimentant les grandes guerres des coalitions. 

Après s'être fait couronner roi de Hongrie , François 
alla à Francfort se faire couronner le 19 juillet empe- 
reur d'Allemagne. Le dernier électeur de Mayence, le 
dernier archevêque-roi du Saint-Empire romain, cou- 
ronna le dernier empereur catholique d'Allemagne et 
reçut ensuite dans sa ville électorale le congrès des sou- 
verains, François, Frédéric-Guillaume, le roi de Naples, 
plus les électeurs de Trêves et de Cologne et les comtes 
d'Artois et de Provence. Les convoitises se donnèrent 
libre cours dans ces conférence?. Le Prussien déclara 
qu'il entendait se dédommager en Pologne, et François, 
abandonnant décidément la politique de Léopold , ma- 
nifesta la même intention. Mais la Russie suggéra aux 
hommes d'Etat autrichiens l'idée de reprendre le vieux 



MANIFESTE DE BRUNSWICK 51 

plan de Joseph, rechange des Pays-Bas contre la Ba- 
vière. Spielmann et Gobentzel d'une part, Schulenbourg 
et Haugvitz de Tautre, étaient en présence : les âpres 
marchandeurs se brouillèrent promptement ; les Prus- 
siens demandèrent tant de Pologne (Posen, Gnesen, 
Kalish, Kujavie, Sieradie jusqu'à la Wartha) que les 
Autrichiens ne se trouvèrent plus assez de Bavière et 
demandèrent en supplément la principauté d'Anspach- 
Bayreuth. Refus indigné des Prussiens et tout fut rompu. 
Guillaume continuait ses négociations avec Catherine, 
qui le 19 mai avait fait passer le Dniester à ses troupes 
avec la connivence des seigneurs polonais réunis à Tar- 
gowiez en une confédération de traîtres et de vendus. 
Les patriotes, abandonnés par la Prusse au mépris des 
irailés, prirent vainement 4es armes, et le 23 juillet la 
Constitution qui pouvait sauver la Pologne était abolie, 
et le partage devenu possible. 

C'est à Mayence, pendant les conférences, que Mallet 
du Pan, envoyé de Louis XVI, négociait avec les coa- 
lisés et obtenait que les émigrés ne fussent pas réunis en 
un seul corps, mais adjoints : 8000 à Brunswick, 5000 
aux Autrichiens du Brisgau et 5000 aux Autrichiens de 
Belgique, ce qui valut à Marie-Antoinette de la part de 
Témigration un torrent d'injures. C'est à Mayence aussi 
que fut rédigé, par le marquis de Linion, le fameux 
manifeste dont Brunswick endossa si fort à contre-cœur 
la responsabilité, et qui, lancé le 25 juillet, souleva la 
France d'une fièvre de colère et d'enthousiasme. 

Les hommes politiques de l'assemblée législative sa- 
vaient très-bien quel désaccord régnait entre la Prusse 
et l'Autriche, et ce fut leur politique de l'exploiter. Cette 
haine des deux nations se manifestait dans toutes les 
occasions. A Mayence, par exemple, il y eut de longues 
discussions pour savoir si la petite armée électorale serait 
commandée par un Prussien ou par un Autrichien et an- 
nexée à l'une ou l'autre armée. Brunswick aurait mieux 
^^mé combattre la maison de Lorraine que la France. 



5S HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

Nous ne raconterons pas la campagne de 92. Le 
18 août, La Fayette abandonnait son armée, et les 
Autrichiens Ten récompensaient en l'arrêtant et en 
renfermant à Olmûtz avec ses compagnons Bureaux- 
Pusy, de Latour-Maubourg et Alexandre de Lameth. 
Longwy avait capitulé le 13 août, Verdun le 2 sep- 
tembre. La route de Paris était ouverte, mais, le 20 sep- 
tembre, l'armée prussienne était battue à Valmy, et le 
soir, Goethe disait au bivouac : « Aujourd'hui, une 
ère nouvelle a commencé pour le monde, et vous pour- 
rez dire que vous l'avez vu s'ouvrir. » Dès le lendemain, 
Dumouriez entamait avec les Prussiens, par l'entremise 
de l'adjudant-général Manstein, des négociations peu 
sérieuses de part et d'autre, mais qui inquiétèrent 
vivement l'Autriche. Le 30 septembre, Custines, se déta- 
chant de l'armée du Rhin, prenait Spire, et, le 21 oc- 
tobre, entrait à Mayence, événement qui produisit une 
immense impression. Du 21 septembre au 10 octo- 
bre, Lille avait résisté avec un superbe héroïsme à l'ar- 
mée autrichienne d'Albert de Saxe-Teschen qui se mit 
en retraite. Hohenlohe leva le siège de Thionville et 
évacua la France malgré les violents reproches de ses 
alliés de Prusse. « La guerre, disait amèrement des 
Autrichiens le diplomate prussien Lucchesini, ne semble 
pas plus les regarder que le Grand-Turc. » Il est vrai 
que Brunswick avait dit pendant sa retraite : « Chacun 
chez nous, comme les gens de Içi noce. » Le 28 octobre, 
Dumouriez, auquel Danton disait : « Console-nous par 
des victoires sur l'Autriche de ne pas avoir ici le des- 
pote de la Prusse, » avait commencé sa campagne 
de Belgique qui aboutit le 6 novembre à l'éclatante 
victoire de Jemmapes, gagnée sur l'armée autrichienne, 
commandée par Clairfayt et Albert de Saxe-Teschen. 
Deux jours après, il était à Mons, dix jours après à 
Bruxelles : Namur tombait devant Valence, Anvers de- 
vant Labourdonaye, la Belgique entière était conquise. 
Mais ce fut vainement qu'on appela à la liberté ce pays 



COALITION — CAMPAGNE DE 1793 53 

qui avait reçu profondément l*empreinte de Tabsolu- 
tisme austro-ultramontain. Il repoussa la révolution 
comme il avait repoussé les réformes de Joseph II. Et 
cependant on lui apportait ce grand bienfait qui épou- 
vantait TAngleterre, l'ouverture de TEscaut et la liberté 
de la mer! mais il se plaisait aux mains de son clergé 
fanatique et ignorant, et regrettait rAutriche des Habs- 
bourgs espagnols. 

La campagne de 92 avait été fatale aux coalisés et 
les laissait réciproquement pleins d'aigreur, en même 
temps que d'une croissante avidité. François ne voulait 
plus seulement la Bavière et |Anspach-Bayreuth : ce 
défenseur de Tidée monarchique jetait le masque et 
voulait se dédommager en France, à même du royaume 
de celui qu'il prétendait secourir. Il y eut de vives dis- 
putes au quartier général du roi de Prusse. Frédéric- 
Guillaume déclara aux ministres autrichiens Spielmann, 
Thugut et Mercy, qu'il persistait à se dédommager en 
Pologne au prorata de ce qu'il fournirait de troupes à 
la coalition en dehors de son contingent fédéral de 
20,000 hommes, et à refuser Anspach-Bayreuth, mais 
qu'il ne s'opposait pas à ce que son impérial frère 
François se dédommageât en Alsace et en Lorraine. On 
en était là quand l'Angleterre, menée par Pitt, entra 
en ligne. La délivrance de l'Escaut, bouché depuis 
deux cents ans, la renaissance possible d'Anvers dont 
on a dit que c'était un pistolet visant le cœur de la 
puissance britannique, la Hollande vassale menacée par 
les Français, c'en était trop et suffisait, sans l'exécution 
de Louis XYI, à faire déborder la coupe. Ge fut au nom 
de la politique des intérêts que Pitt reforma la coalition 
en vue de la campagne de 1793, tout en proclamant la 
politique de désintéressement dont l'Autrichien Gobourg 
était le naïf et sincère partisan. Le 1" février 1793, la 
France déclara la guerre à la Hollande et à l'Angleterre. 

Passons rapidement sur cette campagne de 93 dont 
les commencements furent si désastreux pour la France, 



54 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

Elle avait à combattre 45,000 Austro-Sardes sur les 
Alpes, 70,000 Autrichiens dans les Pays-Bas, 40,000 An- 
glo-Hollandais en Belgique, 112,000 Prussiens et Autri- 
chiens sur le Rhin. On sait comment Gustines battit en 
retraite, évacua Francfort et laissa assiéger Mayence 
qui succomba après la plus magnifique résistance (du 
14 avril au 15 juillet). Dumouriez, acharné à la con- 
quête de la Hollande, avait refusé de le secourir, et 
lui-même vint se faire battre le 18 mars par Gobourg et 
Glairfayt à Nerwinde, où Tarchiduc Gharles fit ses pre- 
mières armes. Peu après Tintrigant général, accomplis- 
sant la trahison qu'il méditait depuis longtemps, con- 
clut une convention avec TAutrichien Mark, fit arrêter 
et livrer à Tennemi les commissaires de la Gonvention, 
et, après avoir vainement cherché à entraîner ses trou- 
pes, accueilli à coups de fusil par les volontaires, passa 
à Tennemi. Les Austro-Prussiens bloquèrent Maubeuge, 
le Quesnoy, Gondé et Yalenciennes qui succomba le 
1" août. 

Tout semblait être perdu pour, la France, et tout 
allait être sauvé tant par le génie des nouveaux géné- 
raux de la République que par les divisions des coalisés. 
Le pauvre Gobourg croyait seul à la politique de désin- 
téressement et s'avisa même de préparer un manifeste 
où, au nom de François, son maître, il renonçait à 
toute idée de conquête. On se moqua fort de lui à la 
conférence d'Anvers, où le duc d'York et lord Aukland 
représentaient l'Angleterre, Metternich père et Stahren- 
berg l'Autriche, le prince héréditaire d'Orange et Spie- 
gel la Hollande. Metternich rédigea un autre manifeste 
que Gobourg publia le 9 avril, et où la politique de 
conquête était carrément affirmée. D'ailleurs Pitt voulait 
Dunkerque : York, au lieu de marcher sur Paris avec 
l'armée autrichienne, York, xjue Michelet appelle si 
bien « le général commandité de la boutique et de la 
banque », alla mettre le siège devant cette place, tandis 
que Gobourg et son armée assiégeaient, de leur côté, 



SECOND PARTAGE DE LA POLOGNE ' 55 

les petites places frontières. Prussiens et Autrichiens 
agissaient avec la même mollesse sur le Rhin. Le résultat 
de ces lenteurs et de cette absence de plan et d'unité 
combinées avec les inspirations de Garnot fut que Bou- 
chard battit York à cette bataille de Hondschoote dont 
Teffet resta immense sur Topinion publique (8 sep- 
tembre), et que Jourdan battit les 80,000 hommes de 
Gobourg à Wattignies (17 octobre), dans une position 
de laquelle Gobourg avait dit : « Slls viennent ici, je 
me fais sans-culottes. » Wurmser, chargé d'effectuer le 
plan autrichien, de bloquer Landau , forcer les lignes 
de Wissembourg et soulever l'Alsace, allait trouver 
Hoche bientôt devant lui (novembre et décembre). 

Le secret de toutes ces maladresses, de ces tempori- 
sations, de ces marches et contre-marches, de ces dé- 
fiances mutuelles, était dans les affaires de Pologne. 

Dès le 16 décembre 1792, Ostermann, ministre de 
Catherine, avait entamé, avec le ministre prussien de 
Goltz, les négociations relatives à la Pologne. Gatherine 
aurait préféré une Pologne vassale, ouverte à ses armées, 
à une Pologne partagée avec les puissances allemandes, 
mais la révolution du 3 mai lui avait prouvé que les 
Polonais ne supporteraient pas cette vassalité. Elle 
s'arrêta donc à Tidée d'un second partage, mais avec la 
Prusse seule. Les négociations marchèrent rapidement ; 
on s'entendit provisoirement sur les cessions territo- 
riales, et le 6 janvier 1793, la Prusse publia un mani- 
feste de la plus grossière hypocrisie où, prenant le 
même prétexte que la vieille autocrate russe, elle se 
déclarait forcée par les menées des Jacobins en Pologne, 
à occuper les provinces limitrophes de ses états. En 
effet, le 14 janvier 1793, le général Mœllendorf occupa 
toute la portion du territoire polonais qui devait former 
le lot de Frédéric-Guillaume. Le 22 janvier, le lende- 
main même de la mort de Louis XVI, fut signé dans le 
plus profond secret à BerHn, l'acte de partage. Pour 
prévenir la colère de l'Angleterre quand cet acte serait 



56 HISTOIRB DE L'AUTRICHE 

connu, la Russie abandonna, le 6 février, les privilèges 
de neutralité armée dont aurait été si fort gênée la ma- 
rine anglaise dans la guerre maritime qui allait com< 
mencer. C'était entre les deux cabinets le sacrifice de la 
liberté des mers contre le sacrifice de la Pologne, et on 
signa un traité d*alliance provisoire. 

L'Autriche savait mal ce qui se passait en Pologne. 
L'entrée du corps de Mœllendorf, tout en l'irritant, ne 
lui avait pas semblé une mesure définitive. L'Angleterre, 
contraire à cet échange bavarois par lequel on voulait 
déporter la maison de Wittelsbach dans les Pays-Bas 
malgré elle, conseillait à François de garder la Belgique 
agrandie aux dépens de la France et de s'emparer de 
l'Alsace : l'Autriche hésitait et semblait vouloir tout à la 
fois dans son robuste appétit et la Bavière et l'Alsace, 
et une part de Pologne. Mais le 23 mars, les ambassa- 
deurs de Prusse et de Russie communiquèrent le traité 
de partage de la Pologne. François II, furieux d'avoir 
été ainsi joué, destitua, dès le 27 mars, Spielmann et 
Gobentzel, et confia le ministère des affaires étrangères 
au baron de Thugut. 

Cet odieux personnage dont tout le monde â dit du 
mal, y compris l'archiduc Charles qui l'exécrait et le 
prince de Schwarzenberg , était fils d'un batelier du 
Danube. Les jésuites, qui l'avaient élevé, l'avaient lancé 
dans la carrière diplomatique ; il avait rempli des mis- 
sions à Constantinople, à Varsovie et à Versailles, et 
avait été sous Joseph, en 1788, gouverneur provisoire de 
la Moldo-Valachie. Il n'avait ni principes ni croyances. 
Catherine, en le voyant arriver au pouvoir, avait dit : 
« Voilà un ministre jacobin qui s'entendra avec ses collè- 
gues de Paris. )> Mais Thugut se montra le plus fanatique 
défenseur du trône et de l'autel : il exploita cynique- 
ment les vices de l'humanité au profit de sa politique et, 
premier ministre de 1794 à 1801, il mérita cet énergique 
jugement de l'historien hongrois Horwath : « Thugut a 
brigandé pendant sept ans le gouvernement de l'empire, » 



DÉBUTS DU MINISTÈRE THUGUT b1 

Thugat voulut résoudre par la ruse la plus compli* 
quée la question polonaise et la question des indem- 
nités. Il serait fastidieux de le suivre dans ses trames 
entrecroisées à Varsovie, à Grodno, lieu de réunion de 
la diète qui devait homologuer sous le canon des Russes 
Tacte de partage, à Londres où son ambassadeur Mercy 
tâchait de conclure une étroite alliance avec TAngleterre 
en proposant de renoncer à rechange bavarois, et à 
Berlin où il repoussait le traité de Saint-Pétersbourg par 
lequel la Prusse et la Russie promettaient de faciliter à 
Tempereur l'échange bavarois s'il reconnaissait le par- 
tage de la Pologne. La Prusse furieuse de ces menées 
déclarait que l'obstination de l'Autriche la dégageait et 
qu'elle ne fournirait plus que 20,000 hommes à la coali- 
tion, couvrait de forteresses ses nouvelles provinces polo- 
naises et restait presque inactive sur le Rhin. La Russie, 
de son côté, tout en accueillant les lettres de François 
et les tentatives de Thugut pour revenir à la politique 
rassophile de Joseph, exigeait aussi la reconnaissance 
du partage de la Pologne, au moins en ce qui la con- 
cernait. Les choses en vinrent au point que le roi de 
Prusse fit reculer son armée, arma en Silésie et partit 
lui-même pour la Pologne. Jamais bas intérêts ne furent 
si bassement discutés. Thugut demanda même la pro- 
vince de Novare au roi de Piémont pour prix du con- 
cours des troupes autrichiennes à une attaque sur la 
Savoie et sur Lyon (15 septembre). Mais il échoua par- 
tout. La diète de Grodno vota le démembrement de la 
Pologne au profit de la Prusse et de la Russie et conclut 
le 16 octobre, la veille de la bataille de Wattignies, un 
traité qui mettait le reste du malheureux pays dans la 
dépendance absolue de l'empire russe. Les frontières 
autrichienne et russe désormais se touchaient. 

L'Angleterre parvint à renouer la coalition à force 
d'or. Frédéric-Guillaume — dont le général, Brunswick, 
avait donné dès janvier 1794 sa démission, en se basant 
sur les divisions des alliés, et qui avait émis la préten* 



68 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

tion de faire payer ses troupes par l'empire — s'engagea 
par le traité de la Haye du 28 avril à fournir 62,400 
hommes moyennant des subsides anglais mensuels. 
L'autrichien Mack, le futur capituleur d'Ulm, dressa un 
plan en vertu duquel on devait marcher droit des Pays- 
Bas sur Paris. Mais la campagne de 1794 devait être 
aussi désastreuse que celle de 1793. Les Autrichiens du 
reste en supportèrent le principal fardeau. Glairfayt 
et le duc d'York battus par Pichegru le 8 mai à Coui^ 
trai, le 13 juin à Hooglede, se replièrent successivement 
sur Anvers, Bréda , Bois-le-Duc et au-delà du Wahal, 
laissant la Hollande ouverte. De son côté Gobourg, avec 
ses 90,000 hommes commandés sous lui par l'archiduc 
Charles, Beaulieu , Latour , Kaunitz et Zwasdanowich, 
perdit la bataille de Fleurus (S6 juin) contre Jourdan 
et ses lieutenants Marceau, Lefèvre, Ghampionnet, Ber* 
nadotte, Duhesme. Il battit en retraite, laissant 7,000 
morts et 3,000 prisonniers. Jourdan, à la tète de cette 
immortelle armée de Sambre-et«Meuse, prit successi- 
vement Bonn, Gologne, Goblentz et occupa le Luxem- 
bourg. Hoche avait fait capituler Worms et Spire. Les 
Prussiens étaient restés à peu près inactifs, charmés de 
voir battre les Autrichiens. Aussi sur la rive droite du 
Rhin, où les deux armées étaient en contact, les duels 
entre leurs officiers étaient très-fréquents. Le ministre 
prussien Haugwitz affichait hautement les sentiments 
de haine de la Prusse pour l'Autriche, Dès ce moment , 
le projet de faire, malgré les constitutions de l'empire, 
une paix séparée était arrêté dans l'esprit de Frédéric- 
Guillaume et de ses conseillers. L'affaire de Pologne 
était réglée : Danzig et Thorn, objets de si ardentes 
convoitises, voyaient flotter le drapeau prussien. Il fal- 
lait la paix pour prussianiser à loisir les nouvelles ac- 
quisitions. 

Mais on avait besoin de sauver les apparences* Déjà 
l'immobilité de l'armée prussienne autour de Mayence 
faisait crier Anglais et Autrichiens à la trahison. Fré- 



PklX DE BÀLfi — MBRUN DE THIONVILLE ÔO 

déric-GuilIaume eut Tart de faire saisir la diète de la 
question. L'Autriche alors demanda un délai de six se- 
maines et fit à son tour un traité de subsides avec TAn- 
gleterre, qui lui paya cent millions. Quand, le 5 décem- 
bre, trente-sept voix dans la diète se prononcèrent pour la 
paix par la médiation de la Prusse, rAutriche humiliée 
déclara qu'elle ne l'accepterait que sur les bases du 
traité de Westphalie, ce qui était une manière de la 
refuser, car on savait bien que la France voulait garder 
la rive gauche du Rhin. La Prusse, forte de l'assenti*- 
ment du corps germanique, se décida à agir seule. Le 
â8 décembre, M. de Goltz ouvrit à Bàle avec Barthé- 
lémy des négociations qui aboutirent, le 5 avril 1795, à 
la paix de Bàle. Frédéric-Guillaume la signa à la fois 
comme roi de Prusse et][comme membre du corps ger- 
manique. Il laissait les provinces rhénanes entre les 
mains de la France jusqu'à la conclusion de la paix gé- 
nérale. Au courant de mai, ce traité fut complété par 
des articles additionnels établissant une ligne de neu- 
tralité et en somme constituant la Prusse arbitre de 
TAllemagne du nord. 

Il n'avait pas dépendu d'un grand patriote, Merlin 
de Thionville, que la paix ne se fàt faite avec l'Autriche 
plutôt qu'avec la Prusse. Sa correspondance, publiée 
par Jean Reynaud, prouve que l'Autriche n'en avait pas 
été éloignée. Si les Prussiens montraient tant d'em- 
pressement à faire une paix séparée , si leur général 
Mœllendorf, l'envahisseur de la Pologne, faisait jouer 
la Carmagnole aux musiques de ses régiments, c'est 
qu'ils voulaient gagner de vitesse l'Autriche. Merlin de 
Thionville s'emparait à son tour de l'idée de l'échange 
Bavarois, mais en donnant la Bavière à l'Autriche, il 
donnait les Pays-Bas à la France. Avec une admirable 
lucidité, il y voyait l'avantage de satisfaire l'Autriche et 
en même temps de la mettre en guerre avec la Prusse : 
« Qu'importe, écrivait-il au comité de salut public, que 
les lions germains s'entre-déchirent, pourvu que la Ré- 



60 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

publique triomphe?... Je ne vois pas qu'avec le Rhia 
pour limite et d'autres petits états qui nous sépareront 
de rAutriche, l'empereur François II puisse jamais être 
redoutable à la France, même avec la Bavière ; et d'ail- 
leurs vous retomberez dessus s'il vous y oblige. Si donc 
il veut traiter, moyennant que vous le laissiez faire en 
Bavière, n'hésitez pas à accepter , et répudiant des pro- 
jets gigantesques pour aller chercher au loin des échan- 
ges quand vous en aurez tout près, songez plutôt à quoi 
tiennent les destinées des empires. » Les conséquences 
dé l'idée de Merlin eussent été énormes : il faisait allu- 
sion à ces campagnes dltalie d'où allait sortir un César; 
il y a dans sa dernière phrase comme un accent pro^ 
phétique. François II était loin d'être rebelle à ces pers- 
pectives. Déjà il avait fait pressentir Robespierre par 
l'ambassadeur toscan Garletti, et il agissait à Bâle par 
son agent Degelàian. L'empressement de la Toscane, 
gouvernée par un frère de François, à faire la paix avec 
la France (9 février 1795) montrait bien la posâbilité de 
ces négociations-. Mais la vieille haine des convention- 
nels contre l'Autriche l'emporta. La Prusse avait pour 
partisans les Sieyès, les Boissy d'Anglas, les Rewbell, 
les Aubry. Merlin ne fut pas compris, et la paix de Bàle 
fut signée avec la Prusse. Après la prise de Dusseldorf 
et de Luxembourg par les Autrichiens, Merlin paria de 
son plan favori au maréchal Bender, qui l'accueillit avec 
enthousiasme et qui assura « que, si l'on glissait quelque 
chose de la Bavière, l'empereur abandonnerait aisément 
les Électeurs pour se venger de leurs inclinations pour 
la Prusse. » Cette nouvelle tentative échoua devant le 
comité de salut public. L'année 1795 finit mal pour la 
France par la trahison de Pichegru qui, vendu aux émi- 
grés et aux Autrichiens, évacua Manheim, leva le siège 
de Mayence et laissa à découvert les flancs de l'armée 
de Sambre-et-Meuse commandée par Jourdan. Mais 
Moreau remplaçait Pichegru, et Bonaparte descendait 
des Alpes en Italie. 



CHAPITRE IV 



Troisième partage de la Pologne. — Conspiration de Martinovics 
en Hongrie. — Campagnes de 1795-1797. — Préliminaires de 
Léoben. — Traité de Campo-Formio. — Congrès de Rastadt. — 
Campagne dé 1799. -- Alliance austro-russe : Zurich. — Ma- 
rengo et Hohenlinden. — Paix de Lunéville. — Finances autri- 
chienaes. — Diète hongroise de 1802. — Réorganisation de 
l'Allemagne. — Empire héréditaire d'Autriche. 



L*Autriche, tout en combattant la France, n*avait pas 
oublié son exclusion du second partage de la Pologne. 
Aussi quand Kosciuszko donna le signal du soulèvement 
de sa malheureuse patrie le 24 mars 1794, joignit-elle 
ses troupes aux armées prussienne et russe pour étouffer 
la formidable insurrection et prendre part à la curée* 
On sait que Kosciuszko, vaincu, tomba le 10 octobre sur 
le champ de bataille de Macejovice, mais sans crier le 
légendaire Finis Poloniœ, Après de longues négociations 
qui faillirent mettre aux mains la Prusse et rAutriche» 
le troisième et dernier démembrement de la Pologne 
eut lieu ; le lot de TAutriche fut magnifique : il comprit 
la plus grande partie du palatinat de Gracovie, les pala- 
tinats entiers de Lublin et de Sandomir et la partie du 
district de Ghelm et des palatinats de Bretz, de Podla- 
chie et de Mazovie située sur la rive gauche du Bugi 
C'était un territoire de 583 myriamètres carrés et de 

A88ELINB. 4 



62 HISTOIRE DE L' AUTRICHE 

1,100,000 habitants; il forma la Gallicie orientale. On 
ne dit pas que François II ait versé des larmes comme 
Marie-Thérèse en 1772. 

A rintérieur, TAutriche était soumise par Thugut au 
plus dur régime de la police et de la force. L'espionnage 
était organisé en grand en même temps que la censure. 
Quiconque savait penser et parler était traité de jacobin 
et s'exposait aux plus cruelles persécutions. En Hongrie, 
on y mettait un peu plus de formes et la police y était 
plus employée que la force. On affectait de respecter la 
constitution, mais peu à peu on centralisait à Vienne 
toutes les affaires. En même temps on soumettait les 
protestants à mille vexations et on mettait les plus ingé- 
nieuses entraves au ministère de leurs pasteurs ; on leur 
refusait l'entrée des corporations, on les vouait de préfé- 
rence au service militaire, on s'opposait aux conversions. 
Et cependant ces pasteurs persécutés continuaient à 
prêcher la guerre contre l'impie Révolution française, 
et ces protestants bafoués fournissaient avec un sincère 
enthousiasme sang et or pour permettre à leur roi- de 
combattre les soldats de la liberté ! 

Pourtant il existait en Hongrie un faible parti démo- 
cratique, composé surtout d'hommes appartenant aux 
professions libérales : professeurs , médecins , avocats, 
littérateurs. Mal à l'aise au milieu de leur pays épris 
du passé et si foncièrement aristocratique, ils s'étaient 
imbus de l'esprit de là Révolution. Voyant la réaction 
grandir autour d'eux, ils formèrent des sociétés secrètes 
sans but bien déterminé et plutôt en vue de la propa- 
gande que de l'action. Cinq hommes surtout se mirent 
à la tête du mouvement : le prêtre Ignace Martine- 
vies que Léopold avait envoyé en mission près de 
Louis XVI et que cette mission avait converti à la révo- 
lution, le conseiller royal Hajnôczy, le capitaine destitué 
Laczkovics, si fier, si ardent et si pénétré des principes 
égalitaires et laïques du xviii® siècle, le beau Szentmariai 
qui rappelait Saint-Just et le noble comte Jacob Zsigray 



CONSPIRATION DE MARTINOVICS 63 

qui avait su se mettre au-dessus des préjugés de sa 
caste. Ils avaient composé une sorte de catéchisme 
révolutionnaire dont ils répandaient les doctrines parmi 
un cercle de plus en plus large d'affiliés. 

Us fiirent trahis par un domestique ou par une ser- 
vante de Martinovics. Il n'y avait pas de commencement 
d'exécution, mais François et Thugut saisirent avec un 
fiévreux empressement ce moyen d'effrayer la Hongrie. 
Depuis août 1794 jusqu'à février 1795, on se mit à 
arrêter en masse : chefs, complices, suspects, furent 
entassés dans la forteresse de Bude. Plus d'un proscrit, 
désespérant d'échapper aux sbires, se suicida. Parmi 
les détenus, il y avait des enfants de seize ans et autant 
de catholiques que de protestants. Quelques membres 
de grandes familles, un lUeshazy, un Esterhazy, un 
Révay se trouvèrent compromis, mais on les écarta du 
procès pour laisser au prétendu complot son caractère 
jacobin. Des poètes déjà célèbres, Verseghy, Bacsanyi, 
Kasinczy, Kisfalady, furent au nombre des prisonniers, 
ainsi que le jeune Szentjobi qui avait chanté le couron- 
nement de François II. 

Contrairement aux lois du royaume de Hongrie, ils 
furent conduits à Vienne pour être jugés. Mais les 
Magyars réclamèrent si vivement contre cette violation 
de leurs privilèges, qu'on leur rendit le jugement des 
accusés. Le gouvernement autrichien a détruit toutes 
les pièces de la procédure et fait par tous les moyens le 
silence autour de l'affaire. On sait seulement que les 
chefs d'accusation étaient : manœuvres contre la sûreté 
de l'état, contre les principes de la société et contre les 
lois divines et humaines et crime de haute trahison 
d'après un texte de 1498. Le Procureur royal déploya 
un zèle meurtrier et désigna lui-même les avocats des 
accusés. Les juges, de nobles Magyars, n'hésitèrent pas, 
malgré le vague des accusations et les infamies de la 
procédure, à prononcer la sentence de mort que Thugut 
attendait d'eux et à livrer la tête de leurs compatriotes. 



64 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

Le SO mai 1795, Zsigray, Laczkovics, Szentmariaî, Haj- 
noczy et Martînovics moururent courageusement sur 
Téchafaud, Le 3 juin suivant, l'avocat OEz et le vieux 
Szolarcsik subirent le même sort. Treize condamnés à 
mort eurent leur grâce, mais furent renfermés dans les 
forteresses, soumis au carcere duro dont plus d'un mou- 
rut, notamment Szentjobi. A la forteresse de Kufstein, 
quelques-uns des prisonniers eurent pour compagnon 
Maret, depuis duc de Bassano, que les Autrichiens 
avaient arrêté en Piémont au moment ot il se rendait 
à son poste d'ambassadeur de la République auprès du 
roi de Naples. Le sinistre Spielberg reçut plusieurs de 
ces malheureux et François put dès lors montrer ces 
aptitudes de geôlier qu'il développa si brillamment plus 
tard vis-à-vis des patriotes italiens. Le jeune palatin 
Alexandre, fils de François, que la camarilla viennoise 
accusait de favoriser les aspirations magyares, mourut 
peu après au milieu d'un feu d'artifice. Les modérés, 
qui avaient cru habile, non-seulement de repousser, 
mais de condamner les démocrates, ne gagnèrent rien à 
cette lâche politique. La Hongrie fanatisée ne sut plus 
que se battre pour ses maîtres. 

Ce furent les généraux hongrois Kray et Meszaros 
qui négocièrent avec Pichegru sa trahison. C'est un 
autre Hongrois, Alvinczy, plus tard adversaire malheu- 
reux de Bonaparte, qui devait à la suite envahir l'Al- 
sace et proclamer Louis XVIII. L'abandon par la Prusse 
et les désastres de la campagne d'Italie attendrirent la 
vieille et fétichiste fidélité magyare. Sur les instances 
de l'archiduc Joseph, la diète fut convoquée à Pres- 
bourg le 6 novembre 4796. Le cardinal Batthiany y 
prêcha en latin la croisade contre la France et l'enthou- 
siasme des députés ne fléchit même pas devant la piètre 
mine de François II en grand costume hongrois, la 
plume de héron au bonnet de fourrure et évoquant le 
souvçnir de Marie-Thérèse contre les impies jacobins 
qui voleraient l'argent et les femmes de ses fidèles ma- 



CAMPAGNES DE 1795 A 1797 65 

gyareâ. Ils votèrent 50,000 conscrits, 10,000 chevaux, 
90;000 bœufs, 2,400,000 mesures de blé et 4 millions de 
mesures d*avoine. Ils laissèrent expulser sans protesta- 
tion deux de leurs collègues qui s'avisèrent de parler 
des droits de la nation. La poésie ne fit plus que chan- 
ter les batailles : c^ Ne va pas trembler, 6 ma noble na- 
tion, s'écriait le poète Gsokonai, que dirait Arpad ? on 
nous prendrait pour des Slaves I » 

Nous résumerons de la façon la plus brève les cam- 
pagnes de 1795 à 1797, où TAutriche, aidée des subsides 
de l'Angleterre, de quelques princes allemands et de 
quelques petits souverains italiens, soutint seule la lutte 
contre la République française, devant la Prusse im- 
passiblement retirée sur la ligne de neutralité. Ces cam- 
pagnes sont connues de tous dans leurs plus petits dé- 
tails. L'Autriche, épuisant ses états d'hommes et d'or, 
lançait armées sur armées dans les vallées du Rhin et 
du Danube et dans les plaines de lltalie, ayant pour 
généraux les Wurmser, les Glairfayt, les Beaulieu, les 
Alvinczy, les Bellegarde, les Landon, les Quasnodovic, 
les archiduc Charles, auxquels le conseil aulique de 
Vienne imposait des plans pédantesques presque tou- 
jours funestes. Les succès n'étaient dus qu'à la violation 
de ces plans par un génie militaire comme celui de l'ar- 
chiduc Charles, bien vite rappelé d'ailleurs à la soumis- 
sion, La question en jeu était, d'abord et avant tout, 
d'écraser la révolution, puis, si on ne le pouvait, d'ac- 
quérir des compensations territoriales en échange des 
Pays-Bas conquis par la France, toutes ces armées se 
mouvaient avec une extrême lenteur, selon des straté- 
gies classiques , et trouvaient devant elles des chefs 
comme Bonaparte , Masséna , Jourdan , Moreau , Le- 
courbe, etc. Aussi grenadiers hongrois, infanterie des 
confins, cavaliers magyars et szeklers, régiments tchè- 
ques et allemands fondaient dans la fournaise de ba- 
tailles horriblement meurtrières. 

Le désir de paix se serait pourtant manifesté plus t6t, 

4. 



66 HISTOIRE DE L*AUTRICHE 

si la campagne de Glairfayt sur le Rhin en 1795 n*ayait 
ranimé les espérances. L'invasion française avait été 
repoussée : les deux armées de la République, ramenées 
au delà du Rhin, tout en conservant les tètes de pont 
de Neuwied et de Dusseldorf, avaient perdu la ligne du 
Rhin à la hauteur des Vosges et le 29 octobre Glairfayt 
avait refoulé le corps de blocus de Mayence. Le résultat 
fut un armistice sur les bases uti possidetts, Glairfayt fit 
à Vienne une entrée triomphale. Mais en Italie, Schérer 
avait défait les Autrichiens à la superbe bataille de 
Loano. L'Autriche, pour satisfaire TAllemagne lasse de 
guerre, fit proposer à la France par le Danemark un 
congrès : la France refusa et offrit de traiter directe- 
ment. On se prépara aux campagnes de 1796. Laissant 
Glairfayt jouir de son triomphe, le conseil aulique mit 
Tarchiduc Charles à la tète de ses armées du Rhin. Ge 
fils de Léopold n'avait alors que vingt-cinq ans et an- 
nonçait un génie militaire hors ligne dans un corps 
souffreteux et secoué par l'épilepsie. 

Le Directoire avait pour objectif, dans la campagne 
de 1796, d'envahir l'Allemagne, de prendre Mayence, 
d'isoler l'Autriche des princes allemands, de porter le 
théâtre de la guerre au sein des états héréditaires et de 
menacer Vienne. Il avait partagé entre Moreau et Jour- 
dan 130,000 fantassins et 15 à 18,000 chevaux : les Au- 
trichiens avaient 115,000 fantassins et une admirable 
cavalerie de 38,000 hommes. A la fin de juillet les 
choses avaient pris une mauvaise tournure pour l'Au- 
triche : Moreau avait débouché dans la vallée du Da- 
nube et Jourdan, après avoir pris Francfort et Wûrtz- 
bourg, était arrivé sur la Naab qui se jette dans le 
Danube. Le conseil aulique avait défendu qu'on parlât 
à Vienne de ces événements : il organisa des volontaires 
et Catherine lui garantit la tranquillité de la Gallicie. Ge 
fut alors que l'archiduc Charles eut une inspiration de 
génie : sans s'occuper de Moreau qui marchait sur Mu- 
nich, il s'élança vers Jourdan, le refoula sur le Mein à 



CAMPAGNE D'ITALIE 67 

Schweinfurth et gagna sur lui la bataille de Wurtzbourg 
(3 septembre 1796). Jourdan, après s'être ainsi avancé 
jusqu'aux frontières de la Bohême, se mit en retraite 
sur la Lahn, en perdant Marceau tué par un chasseur 
tyrolien. Moreàu n'avait plus qu'à l'imiter : il opéra, 
devant toutes les forces autrichiennes, cette merveil- 
leuse retraite qui l'immortalisa, battant même Latour à 
Biberach et rentra à Strasbourg le 25 octobre. Sans le 
plan vicieux du Directoire qui avait séparé les deux 
années, on serait arrivé à Vienne. La capitale de l'Au- 
triche respira et Charles acquit une réputation im- 
mense. Il alla assiéger Kehl. 

Mais Bonaparte avait vaincu en Italie. On connaît ce 
poème du génie de la guerre qui s'appelle la campagne 
de 1796. Après avoir séparé les Piémontais des Autri- 
chiens à Montenotte et à Millesimo, il passa le Pô à 
Plaisance, l'Adda à Lodi et s'empara de toute la Lom- 
bardie, puis marchant sur le Mincio, il acheva de dé- 
truire Beaulieu et son armée à Borghetto. Wurmser, 
le vieux maréchal dé soixante-douze ans, le héros de 
Manheim, vint du Rhin avec 30,000 hommes pour re- 
cueillir les débris de Beaulieu. Sacrifiant le blocus de 
Mantoue, Bonaparte courut à ce nouvel adversaire, l'é- 
crasa à Lonato et à Castiglione et le rejeta dans le Tyrol. 
Wurmser reçut des renforts : Bonaparte les battit à Ro- 
vedero, coupa Wurmser, le terrassa à Bassano et l'en- 
fenna dans Mantoue. L'Autriche redoubla d'efforts : 
elle fit des levées immenses, reconstitua une nouvelle 
armée, en donna le commandement au Transylvain Al- 
vinezi, membre du conseil aulique, et l'envoya au secours 
de Wurmser : on eut le droit de croire Bonaparte perdu, 
mais celui-ci, traversant les marais, gagna le 15 no- 
vembre la bataille d'Ar«ole, un chef-d'œuvre d'inspi- 
ration qui dégagea Vérone. Alvinczy se mit en retraite 
sur Vienne et sur la vallée de la Brenta. 

Vienne songea de nouveau à la paix : le Directoire la 
désirait aussi et désigna Glarke pour se rendre auprès 



68 HISTOIRE DB L'AUTRICHE 

de François, conclure un arrangement et négocier un 
traité. Glarke était chargé d^offrir à TAutriche en 
échange de la Belgique plusieurs compensations à choi- 
sir, car on commençait en France à disposer dés peu- 
ples avec un parfait sans-géne. Bonaparte voulait la 
continuation de la guerre; il s'empara de Tesprit du 
médiocre Glarke pour le rendre contraire aux idées pa- 
cifiques. L'Autriche, d'ailleurs, ne se pressait pas, dans 
Tespoir que Tarchiduc prendrait Kehl et qu*on pour- 
rait envoyer à Alvinczi des renforts décisifs. L'entrée 
de Vienne fut refusée à Glarke qui s'aboucha à Yicence 
avec le baron de Vincent. On fit de nouvelles levées 
dans l'inépuisable Hongrie : toutes les troupes, y com- 
pris la garnison de Vienne, partirent en poste. Vienne 
à elle seule fournit un corps de 4000 volontaires qui 
reçut des drapeaux brodés de la main de Timpéra- 
trice. Kehl fut pris e 9 janvier 1797 par Charles. On se 
croyait sauvé et la délivrance de Mantoue semblait as- 
surée. La bataille de Rivoli dissipa ces illusions : Tarmée 
d'Alvinczy y fut mise en déroute (14 janvier) et deux 
jours plus tard l'autre armée autrichienne était écrasée 
à la bataille de la Favorite sous les murs de Mantoue. 
Le nouvel armement autrichien était anéanti comme 
s'il avait disparu dans un cataclysme : il avait perdu 
10,000 morts et 20,000 prisonniers. Mantoue succomba 
le 2 février. Le 19 février, Bonaparte signait avec le 
pape le traité de Tolentino qui donnait à la France les 
légations et les Romagnes avec Ancône. 

La prise de Mantoue permettait à Bonaparte de mai^ 
cher en avant. Son armée était augmentée de la divi- 
sion Bernadotte envoyée par Moreau et de la divison 
Delmas envoyée par Hoche. Le conseil auiique lui op- 
posa l'archiduc Gharles à qui fut confiée la dernière ar- 
mée de l'Autriche. Trois routes pouvaient condui]*e en 
Autriche : par le Tyrol (col du Brenner), par la Carin- 
thie (col de Tarwis) et par Trieste et la Garniole. L'ar- 
chiduc Gharles défendit cette dernière route. Bonaparte 



PRÉLIMINAIRES DE LÉOBEN 60 

fît marcher Joabert par le Tyrol, Masséna par la Tarwis 
et la Garinthie, et se dirigea lui-même sur Trieste en 
passant la Piave et le Tagliamento sur les bords duquel 
il gagna une sanglante bataille (16 mars). Masséna, de 
son côté, se battit au Tarwis au milieu des nuages, et 
Joubert fit des prodiges dans le Tyrol. Le 4" avril les 
armées françaises étaient réunies et prêtes à descendre 
dans la vallée de la Mûr. Bonaparte entra à Klagen- 
furth, capitale de la Garinthie, Vienne trembla ; on em- 
barqua sur le Danube les archives et les meubles pré^ 
deux et on envoya les jeunes archiducs dans la Hongrie. 
L'archiduc fut encore battu à Neumarkt et à Unzmarkt 
(3 et 5 avril). Le 7 avril, les Français entrèrent à Léo- 
ben, à 25 lieues de Vienne. 

Que serait-il advenu si, sacrifiant sa capitale, Fran- 
çois se fût retiré eh Hongrie ? Bonaparte, dans son désir 
de se passer du concours des armées du Rhin, était 
bien aventuré. Mais le parti de la paix l'emportait à 
Vienne : Thugut lui-même y inclinait. On envoya à Léo- 
ben MM. de Bellegarde et de Merfeld pour conclure une 
suspension d'armes et traiter des préliminaires de paix 
(i3 avril). Ce fut dans ces négociations que Bonaparte 
eut rinfamie de sacrifier les Etats de Venise : comme 
compensation à TAutriche de la Lombardie et de la 
Belgique, il offrit les provinces vénitiennes entre TOgUo. 
le P6 et la mer Adriatique, plus Tlstrie et la Dalmatie. 
L'Autriche reconnaissait la ligne du Rhin et des Alpes. 
Venise était réduite aux lagunes ; les préliminaires de 
Léoben furent signés le 18 avril 1797. Déjà Soche avait 
franchi le Rhin à Neuwied et battu les Autrichiens à 
Heddersdorf . Moreau avait passé le fleuve à Strasbourg 
et arrivait dans les montagnes Noires. La nouvelle de 
l'&rmistice arrêta les deux illustres généraux. 

Le 27 mai, après avoir forcé Venise à se rendre, Bo- 
naparte eut sa première entrevue pour le traité de paix 
définitif avec le marquis de Gallo, envoyé autrichien, 
et du premier coup offrit à l'Autriche la malheureuse 



70 HISTOIRE DE L'AUTRIGHE 

Venise, Venise dans laquelle il avait établi une nou- 
velle république qull assurait chaque jour de son 
amitié. Et cependant TAutriche hésitait encore : Thu- 
gut, dévoué à TAngleterre, traînait les négociations en 
longueur et proposait un congrès à Berne. On levait en 
Hongrie 18,000 cavaliers qu'on exerçait dans les plaines 
du Danube. Le vrai motif, c'est qu'on espérait voir 
réussir en France les complots royalistes , espérances 
que déjoua le coup d'État du 18 fructidor (4 septembre 
1797). Barras proposa au nom du « Directoire épuré » 
que le Rhin fût notre limite, que Ton donnât Mantoue 
à la république Cisalpine et qu'on refusât Venise à la 
maison d'Autriche. Bonaparte , au contraire , se mit 
d'accord à Udine avec M. de Gallo sur les points sui- 
vants : la ligne de l'Adige à l'empereur, la ville de 
Venise comprise; la ligne du Mincio et Mantoue à la 
Cisalpine; à la France la Belgique, Mayence, la ligne 
du Ilhin, Corfou et les îles Ioniennes. Et cependant, 
dans sa lettre du 19 septembre 1797, Bonaparte avouait 
« que Venise est la ville la plus digne de la liberté, de 
toute l'Italie. » L'Autriche envoya à Udine un élève de 
Kaunitz, M. le comte de Gobentzel. Malgré le DireC'- 
toire, qui voulait l'Italie libre jusqu'à l'Isonzo et l'ex- 
clusion de l'Autriche de la péninsule « puissance vo- 
race, » Bonaparte voulait sacrifier Venise en dépit « des 
avocats. » Le 17 octobre le traité fut signé et daté de 
Campo-Formio. François nous cédait la Belgique; il 
renonçait à la Lombardie en faveur de la république 
Cisalpine, qui comprenait en outre les provinces de 
Bergame, Crème, Brescia, Mantoue, Modène, Bologne, 
Perrare et les Romagnes. Mais il recevait Venise, l'Is- 
trie, la Dalmatie et tout le territoire vénitien au-delà 
de l'Adige. Un congrès devait se tenir à Rastadt pour 
traiter de la paix entre la France et l'Empire Germa- 
manique. Serrurier remit Venise aux Autrichiens : le 
doge Manin s'évanouit en prêtant le serment ; une pa- 
tricienne s'empoisonna; Venise devait rester sous le 



BËRNADÔTtË A VIENNE 7i 

joug autrichien jusqu^en 1866 1 Si Todieux Bonaparte 
avait voola combiner avec les armées du Rhin une 
campagne de plus, TAutriche aurait été bannie de 11^ 
talie et aurait reçu la Bavière comme compensation. 

Le congrès s'ouvrit à Rastadt en décembre. Bona- 
parte ne fit qu'y paraître pour échanger avec M. de 
Gobentzel les ratifications du traité de Gampo-Formio 
et conclure la convention militaire, qui nous livrait 
Hayence et Manheim. La confédération germanique 
accusa TAutriche de l'avoir abandonnée et trahie. L'Au- 
triche récrimina de son côté avec amertume : la vérité 
est que depuis le jour où elle avait pris pour prétexte 
de la guerre la cause des princes possessionnés en Al- 
sace, elle n'avait fait qu'agir dans son intérêt. 

La paix entre l'Autriche et la France était boiteuse '. 
on sentait que ce n'était qu'une trêve ; les deux iniques 
expéditions de Berthier à Rome et de Brune en Suisse 
— qui avaient surtout pour but de conquérir des mil- 
lions en vue de l'expédition d'Egypte — excitèrent à 
Tienne le plus vif mécontentement. Bernadotte était 
venu y représenter la Prusse ; il s'avisa un jour d*ar- 
borer à son hôtel, contre les usages diplomatiques, le 
drapeau tricolore avec la devise : Liberté, Egalité, Fra- 
ternité. Le peuple assaillit l'hôtel , arracha le drapeau 
et brisa les vitres; la cour eut toutes les peines du 
monde à calmer cette émeute, qui lui prouva que Ses- 
sujets n'étaient pas démoralisés par les revers précé- 
dents et ne demandaient qu*à recommencer. Elle n'en 
fit pas moins des excuses et annonça qu'elle enverrait 
M. de Degelman à Paris pour la représenter ; mais elle 
se prépara à une nouvelle lutte. L'éloignement de la 
plus belle armée et des meilleurs généraux qui avaient 
suivi Bonaparte dans l'expédition d'Egypte lui rendit 
la confiance. Après Aboukir, elle n'hésita plus et prêta 
l'oreille aux propositions de l'Angleterre. Les confé- 
rences de Selz auxquelles elle consentit et où s'abou- 
chèrent François de Neuf château et Gobentzel n'étaient 



72 ' HISTOIRE DE L* AUTRICHE 

qu'un moyen dilatoire. La coalition se renoua et l'Au- 
triche y entra sur la promesse du concours d'une armée 
russe et ;d'un subside anglais, avec la Turquie, l'Alle- 
magne et le roi de Naples. La guerre allait éclater de- 
puis le golfe de Tarente jusqu'au Texel (1799). 

On a souvent dit : « Entre l'Autriche et la France, la 
question doit se vider sur le Danube. » Le Directoire 
confia une armée à Jourdan pour pénétrer en Bavière, 
une d'observation à Bemadotte sur le Rhin, une à Brune 
pour défendre la Hollande contre les Anglo-Russes, 
l'armée de Suisse à Masséna et celle dltalie à Schérer. 
La coalition disposait de 225,000 Autrichiens et de 60,000 
Russes. Son général était l'étrange Souvarow, et sous 
lui l'archiduc Charles en Bavière, Holtz le long du Rhin, 
Bellegarde au Tyrol, Kray sur l'Adige. Le !•' mars 
1799, Jourdan passa le Rhin, et le 3 mars Charles le 
Lech. Jourdan pénétra jusque dans l'angle entre le 
Danube et le lac de Constance ; Charles l'y battit le 22 
mars, le mit en retraite et acheva de l'écraser à la ba- 
taille de Stokach (25 mars). Jourdan, au lieu d'aller 
retrouver en Suisse Masséna, commit la faute de se 
replier sur le Rhin, mais le conseil aulique, par une 
faute parallèle, obligea l'archiduc Charles à pousser 
sur la Suisse. En Italie, Schérer ne fit que des fautes, 
perdit la bataille de Magnano et abandonna successi- 
vement la ligne du Mincio et celle de l'Adda (12 avril). 

Le congrès de Rastadt continuait au milieu de la 
guerre. La cour de Vienne résolut de s'emparer des 
papiers de nos plénipotentiaires, et, par un exécrable 
attentat dont les Habsbourgs ne laveront jamais la 
tache, elle fit assassiner par une compagnie de hussards 
szeklers les diplomates français Bonnier, Roberjeot et 
de Bry (ce dernier survécut à ses blessures). L'AUe- 
magne elle-même fut indignée de ce crime si lâche (28 
avril). 

Moreau, avec une admirable abnégation, prit le 
commandement à la place de l'inepte Schérer au mo» 



Bataille de zurigh 73 

ment où la ligne de TAdda était forcée par Mêlas et 
Souvarow. Serrurier perdit la bataille de Gassano, le 
28 avril. Moreau fit une retraite superbe sur le Tanaro, 
puis sur Gênes ; il comptait sur une jonction avec Tar- 
mée de Ghampionnet que Mac-Donald ramenait de Na- 
pies dans la haute Italie. Mais cette armée fut écrasée 
dans une bataille de trois jours sur la Trebbia (17 à 19 
juin). La bataille de Stokach avait fait perdre TAUe- 
magne : celle de la Trebbia fit perdre lltalie. La France 
était à la veille d'être envahie; tout fut cependant 
sauvé, grâce au réveil en France de Ténergie républi- 
caine et aux fautes du conseil aulique de Vienne. La 
bataille de Novi, où Joubert fut tué (16 août) , nous 
coûta 5000 hommes, mais en coûta 20,000 aux Austro- 
Russes. Ghampionnet, qui succéda à Joubert, reprit 
Tofiensive. Le conseil aulique avait envoyé Gharles sur 
le Rhin et Souvarow en Suisse , où opérait déjà une 
autre armée russe commandée par Gortschakoff. Les 
25 et 26 septembre, Masséna anéantit à Zurich Gortsh 
chakoff, qui perdit 20,000 hommes ; le 30 septembre, 
il culbuta Souvarow dans la vallée de Muthenthal; le 
7 octobre, Tarmée de Gondé fut écrasée. Get ensemble 
d'opérations qu'on appelle la bataille de Zurich, et qui 
dura quinze jours, détruisit les forces austro-russes, 
affranchit la Suisse, déUvra nos frontières et réduisit 
l'archiduc Gharles à l'impuissance. La France, en dépit 
des mensonges de la légende impériale, était sauvée 
quand Bonaparte revint d'Egypte pour commettre le 
crime du dix-huit brumaire. 

Le premier consul écrivit à François une lettre pour 
lui demander de mettre fin à la guerre terrible qui dé- 
solait le monde depuis huit ans. François refusa (jan- 
vier 1800) : il était lié avec la cour d'Angleterre, en- 
chaîné par les subsides de Pitt. Ses succès en Italie, 
quelque précaires qu'ils fussent, l'enivraient. En vain 
la Prusse, la Suède, le Danemark et bientôt la Russie 
elle-même observèrent la neutralité, il voulut conti-^ 

AS8ELIKE. 5 



74 HISTOIRE DE L'aUTRIGHE 

nuer la lutte. Ses forces, augmentées des contingents 
bavarois et wurtembergeois, montaient à près de 
300,000 hommes : Mêlas en avait 130,000 en Italie. Les 
Français étaient commandés par Moreau sur le BMn et 
par Bonaparte sur les Alpes. 

Moreau passa le Rhin le 25 avril 1800, battit le gé- 
néral autrichien Kray à Eingen (3 mai), à Moeskirch 
(5 mai), à Biberach (7 mai) où les immenses magasins 
de Tarmée autrichienne tombèrent en son pouvoir, à 
Memmingen (10 mai) et l'enferma dans Ulm. Puis il 
attendit le résultat des opérations en Italie. Là Masséna 
avait été enfermé dans Gênes par Mêlas, qui avait pris 
Nice et comptait envahir la Provence défendue par Su- 
chet. Bonaparte arriva, amenant Tarmée de réserve qu'il 
avait formée à Dijon. Il opéra du 15 au 20 m€d le 
fameux passage du Saint-Bernard : Lannes s'empara 
dlvrée et de Chiasso. Mêlas était stupéfait. Le 2 juin 
Bonaparte entrait à Milan après avoir battu Laudon et 
pris à Pavie d'immenses provisions. Malheureusement 
Gênes s'était rendue le 4 juin à Ott. Celui-ci, quelques 
jours après, alla se faire écraser par Lannes à Monte- 
bello. Le 14 juin Mêlas, à la tète de 40,000 hommes, 
déboucha dans la plaine de Marengo, surprenant Bona- 
parte. A trois heures et demie les Autrichiens étaient 
vainqueurs et Mêlas annonçait d'Alexandrie sa victoire 
à Vienne et à toutes les cours de l'Europe* Mais grâce à 
Desaix qui y périt, cette victoire se changea pour les 
Autrichiens en une affreuse déroute : ils perdirent 
15,000 hommes, dont 6000 tués ou blessés, 40 pièces 
de canon et 15 drapeaux. Mêlas consterné signa une 
capitulation (convention d'Alexandrie) qui replaçait la 
France dans la position où elle était lors des prélimi- 
naires de Lêoben. Le 10 juin Moreau et Lecourbe 
défirent Kray à Hochstaedt; Munich fut pris le 23 juin. 
Le 15 juillet Moreau signa avec Kray à Parsdorf une 
convention analogue à celle d'Alexandrie : l'armée 
d'Allemagne n'avait rien à envier à celle d'Italie. 



PAIX DE LUNÉVILLE 75 

L'Antrîche cependant ne céda pas encore. Elle avait 
signé avec l'Angleterre à la fin de juin un nouveau traité 
par lequel elle s'était engagée à ne pas faire la paix 
avant six mois, à. moins que l'Angleterre n'y parti- 
cipât. Elle envoya pourtant le comte de Saint-Julien 
à Paris (21 juillet) et celui-ci signa des préliminaires de 
paix avec Talleyrand, mais François le désavoua, tout 
en proposant un congrès. Le 20 septembre une prolon- 
gation d'armistice de 45 jours fut signée contre la re- 
mise aux Français des places d'Ulm, de Philippsbourg et 
dlngolstadt. Le 9 novembre les négociations commen- 
cèrent à Lunéville entre le comte de Gobentzell et Joseph 
Bonaparte. L'Autriche traîna sous la pression de l'An- 
gleterre. Les hostilités recommencèrent. Le jeune ar- 
chiduc Jean commandait les Autrichiens. Le 3 décembre 
il perdit contre Moreau la décisive bataille de Hohen- 
linden entre Mulhdorf et Munich, qui lui coûta 
20,000 hommes et son artillerie. Le 20 décembre Mo- 
reau était aux portes de Vienne et le valétudinaire 
archiduc Charles, qui avait remplacé le fatal Jean, 
signa le 25 décembre l'armistice de Steyer. Mêmes succès 
en Italie sous la conduite de Macdonald et de Brune : 
ils aboutirent le 16 janvier 1801 à l*armistice de Trévise. 
Cette fois l'Autriche n'avait plus qu'à traiter sans l'An- 
gleterre. La paix fut signée à Lunéville le 9 février 1801. 
L'Autriche reconnaissait définitivement la cession de la 
Belgique et des provinces rhénanes à la France. Elle 
gardait les états vénitiens jusqu'à l'Adige, mais perdait 
la Lombardie entière. La Toscane passait à la maison 
<le Parme sous le nom de royaume d'Étrurie. 

Tel était le résultat des six ans de luttes que TAu- 
triche, d'abord coalisée avec l'Europe entière, seule 
ensuite avec l'Angleterre et avec la Russie, avait sou- 
tenues au nom de l'absolutisme féodal et religieux contre 
la révolution française. Si elle n'avait pas été diminuée 
tenitorialement, elle s'était épuisée d'hommes et d'or 
*t marchait à grands pas vers la bemqueroute de 1811. 



76 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

Avec son commerce nul et entravé par la multiplicité 
des lignes de douanes établies entre chacun de ses états, 
avec son industrie rudimentaire, son agriculture étouffée 
sous les abus féodaux, elle n'avait aucun moyen de 
réparer ses pertes et de bonne heure avait eu recours à 
l'emprunt et au papier-monnaie. Dans son fanatique 
aveuglement, exploitée par l'Angleterre, pays de la bou- 
tique et de la banque, menée par le détestable Thugut 
agent des jésuites et de l'étranger, elle se ruait dans les 
catastrophes extérieures sans le moindre souci de sa pros- 
périté intérieure. Jamais dynastie ne fut plus malfai- 
sante et ne mérita mieux le nom d'ennemie du genre hu- 
main que lui décerna l'ultramontain Joseph de Maistre. 
Dès 1794 le gouvernement autrichien a recours à 
l'emprunt forcé. En 1796, il invente l'emprunt-loterie, 
à 4 0/0 avec lots de 250, 500 et 1000 florins. Sous le nom 
de taxe de guerre, des emprunts forcés sont réalisés en 
1796, 1797, 1798, 1799, ce qui n'empêche pas d'autres 
emprunts forcés, indépendants de la taxe, en 1798 et 
deux fois en 1800 (1" et 15 juin). L'année de la paix 
de Lunéville, en 1801, nouvel emprunt-loterie. De 
plus il y avait des emprunts spéciaux dans les di- 
verses parties de la monarchie, des emprunts sur les 
principales places d'Europe ; Londres, Amsterdam, 
Francfort , Leipzig , Rotterdam , Trêves , Ratisbonne , 
Zurich, Berne, Augsbourg, Naples, Gênes, Livourne, 
des emprunts à des princes régnants, à de riches 
particuliers, à des corporations juives. Joignez-y les 
subsides de l'Angleterre et l'on comprendra combien 
la lutte insensée contre la révolution française coûta à 
l'Autriche dont la dette en 1803 était de 792, 700, 600 
florins, exigeant annuellement pour le service des inté- 
rêts une somme de 23, 500, 000 florins. Aussi suspen- 
dait-on de temps en temps sans façon les paiements de 
ces intérêts, et quand les besoins devenaient trop pres- 
sants on se faisait remettre, comme en 1803, les capitaux 
disponibles et les excédants annuels de recette des con- 



SACRIFICES DE LA HONGRIE 77 

grégations et fondations pieuses, des établissements reli- 
gieux, d'instruction publique, d'assistance publique, etc. 
On réduisait les sujets à la misère et on s'emparait 
des fonds charitables destinés à soulager cette misère. 
Et ces sujets fanatisés, abrutis par l'ignorance et par 
le joug clérical et aristocratique, se prêtaient à tout ce 
que leur souverain exigeait. Quant au petit nombre qui 
réfléchissait et qui protestait, Thugut avait pour eux des 
bourreaux et des prisons. La Hongrie, qui se vante tant 
de son libéralisme de fraîche date, applaudissait à la lutte 
de son roi contre la révolution et lui prodiguait sans 
compter, avec les témoignages redoublés de son ido- 
lâtrie monarchique et au bruit des chants de ses 
poètes, les soldats et les subsides. Son aristocratie four- 
nissait à l'Autriche ses meilleurs généraux : Kray, 
Alvinczy, Meszaros, Ott, Giulay. Nous avons vu la diète 
de 1796 donner à François tout ce qu'il lui demanda. 
Après la campagne de Souabe, la Hongrie se prit d'en- 
thousiasme pour l'archiduc Charles auquel les hussards 
du colonel Fedak sauvèrent la vie au combat de Tar- 
wis. Après les désastres qui permirent à l'armée fran- 
çaise d'arriver jusqu'à Léoben, la Hongrie réunit au 
camp de Szombathély une armée de 30,000 Magyars et 
de 10,000 Croates commandée par le prince Bszterhazy, 
le comte Palfiy, les généraux Splényi et Meszaros, sous 
les ordres du Palatin Joseph, et dont le poète Berzsényi 
fut le Tyrtée emphatique. Les campagnes de 1792 à 
1799 avaient coûté à la fidélité magyare 100,000 hommes 
et 30 millions de florins. Elle redoubla d'efforts pour 
les campagnes de 1799 et de 1800 et ce furent les hus- 
sards du colonel Barbaczy qui exécutèrent l'efiroyable 
attentat de Rastadt. A la veille de Marengo, le poète 
magyar Csokonaî, l'insulteur des Slaves, chantait que le 
sang de la famille royale de France criait vengeance au 
ciel et à Vienne et qu'il fallait que l'aigle invincible de 
l'Autriche parvînt jusqu'au Louvre, « devenu une ca- 
verne de brigands », et « y rétablit les fleurs de lys avec 



78 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

Louis XVIII, digne successeur de Henri IV et de Louis-i 
le-Grand. » Marengo et Hohenlinden répondirent à ces 
effusions légitimistes. 

Thugut, qui, en vertu d*un article secret de la conven- 
tion de Léoben, avait quitté, le pouvoir, le reprit en 
1799 et le garda jusqu'en 1800 où il dut disparaître 
pour faciliter la paix de Luné ville. Lors de cette paix, la 
Hongrie avait encore ajouté à ses sacrifices antérieurs 
100,000 hommes et soixante millions de florins. Aussi 
François déclara-t-il aux Magyars que la Hongrie ne lui 
avait jamais été aussi chère. 

La chère Hongrie était ruinée. Il y eut trois disettes : 
en 1794, en 1795, en 1800. L'absurde politique com- 
merciale des Habsbourg forçait les Hongrois , qui au- 
raient pu s'enrichir avec leurs vins dans toute l'Alle- 
magne et en Russie, à n'en trafiquer qu'avec les états 
héréditaires à des conditions désastreuses. L'excès de 
misère devint tel qu'après avoir oublié de réclamer la 
convocation de la diète pour l'année réglementaire 
1799, ils la réclamèrent pour l'année 1802 : elle fut 
convoquée pour le 2 mai. François donna de belles 
paroles dans son discours, mais quel mécontentement 
quand on connut [les propositions, du gouvernement : 
les troupes hongroises devaient conserver pendant la 
paix leur effectif complet (ce qui prouvait bien que 
pour l'opiniâtre camarilla la paix de Lunéville n'était 
qu'une trêve) et l'impôt serait augmenté d'un million 
de florins qu'on demandait à une augmentation du prix 
du sel. De plus il était défendu d'aborder les ques- 
tions commerciales. Enfin l'empereur proposait que 
l'armée régulière fût augmentée aux dépens de Vznsur- 
rection (ainsi qu'on appelait la levée momentanée des 
nobles) et que la diète, au lieu de voter les levées pour 
trois ans, la votât pour toujours. Ce dernier point fut 
invinciblement refusé par la diète, mais elle vota 
6000 recrues par an pendant la paix, 12,000 en cas de 
guerre , avec obligation de servir pendant dix ans. Elle 



DIÈTE HONGROISE DE 1802 79 

vota aussi l'élévation du prix du sel (6 kreutzers par 
quintal). 

Les nobles de la diète repoussèrent le projet d'une 
banque nationale et se montrèrent surtout préoccupés 
de maintenir leurs privilèges en matière d'exemption 
d'impôts, de droit de chasse et d'exploitation des forêts. 
La diète réclama l'annexion de la Dalmatie et de la 
Gallicie qui lui fut refusée : elle acheva de donner la 
mesure de son libéralisme en rétablissant les ordres 
monastiques dans leur ancienne situation et en rendant 
au clergé l'éducation de la jeunesse. Le gouvernement 
de son côté acheva la ruine du commerce et de Tagri- 
cnlture hongroise en défendant l'exportation du blé 
autrement que par mer ou avec la Turquie et en frap- 
pant l'exportation de la laine d'un droit tellement 
énorme qu'il équivalait à une prohibition absolue; et 
de peur qu'on ne se plaignit trop haut, cette année 
même de la diète (1802), deux avocats, Zsarnocoy et 
Mikol, furent décapités à Pesth sous prétexte de haute 
trahison, devant les magnats indifférents. 

La France, en étendant ses frontières jusqu'au Rhin 
par la paix de Luné ville, acquérait un territoire de 
douze cents milles carrés et de quatre millions d'habi- 
tants, mais il était dit dans le traité que les princes laï- 
ques possessionnés sur la rive gauche du Rhin dont 
s'emparait la France, seraient indemnisés de leurs 
pertes. Comment ? en prenant les domaines ecclésiasti- 
ques, si nombreux dans l'Empire, pour les donner à 
des laïques, opération qui s'appelle sécularisation. C'é- 
tait fort habile de la part de la France ; elle devenait 
l'arbitre des princes allemands qui aspiraient à être in- 
demnisés, elle les mettait dans sa clientèle. Mais en dé- 
pouillant l'Autriche de l'influence qu'elle avait comme 
puissance catholique, elle livrait l'Allemagne au protes- 
tantisme et préparait jie transfert de la couronne impé- 
riale à la Prusse en supprimant dans la diète les votes 
ecclésiastiques acquis à l'Autriche. L'Autriche sentit le 



80 HISTOIRE DE L'AUTRIGME 

doup et François fit nommer prince-évèque de Munster 
son frère Tarchiduc Antoine-Victor. La Prusse menaça et 
on crut un instant que la guerre allait éclater entre les 
deux puissances allemandes. L'Autriche recula, surtout 
quand Bonaparte eut proposé au czar Alexandre, suc- 
cesseur de Paul assassiné en 1801, de concourir à la 
nouvelle organisation de TAllemagne. Elle fut dupe 
d'ailleurs de sa politique d'attermoiements. Mal soute* 
nus par elle, les princes allemands se tournèrent du 
côté de Paris et vinrent se vautrer aux pieds de Napo- 
léon pour obtenir de lui leur morceau dans la curée de 
la patrie allemande. Après bien des luttes, TAutriche 
isolée ratifia le 25 février 1803 Tacte ou recès de la 
diète qui sécularisait le patrimoine du clergé allemand 
et attaquait Texistence même de Tempire. Elle céda le 
Brisgau et TOrtenau au duc de Modène et elle reçut en 
échange les évèchés de Trente et de Brixen. La Prusse, 
favorisée par la France, reçut les évèchés de Pader- 
born et de Hildesheim, Eichsfeld, Erfurth, la ville et 
•une partie de Tévéché de Munster, plusieurs autres 
villes et abbayes, ce qui accrut sa population de 
400,000 âmes. Le territoire de Bade fut presque doublé, 
le Wurtemberg considérablement arrondi, ainsi que la 
Bavière. Après de pareils changements, après la sup- 
pression des trois électorats ecclésiastiques et la modi- 
fication qui s'en suivit dans la répartition des voix à la 
diète, François comprit combien la dignité impériale 
était désormais précaire, et tout en conservant le titre 
d'empereur d'Allemagne, il prit le 10 août 1804 celui 
d'empereur héréditaire d'Autriche sous le nom de 
François !•'. 



LIVRE II 



DE LA FONDATION DE L*EMPIRE d'âUTRICHE â Là RÉVOLUTION DE 
1848. (suite des luttes contre L*EMPIRE. — congrès DE 
VIENNE. — ABSOLUTISME, 1804-1848.) 



CHAPITRE I« 



Empire Français et royaume dltalie. — Nouvelle coalition. — 
Campagne de 1805. — Capitulation d'Ulm. — Prise de Vienne. 

— Austerlitz. — Paix de Presbourg. — Diète hongroise de 1805. 

— Napoléon et les Hongrois. — Confédération du Rhin. — 
Prévisions de Gentz. — Ministère Stadion. — Diète hongroise 
de 1807 et 1808. — Entrevue d'Erfurth. 



La lutte continentale allait recommencer. Comme 
nous l'avons dit, Paul !•' avait été assassiné au moment 
où, par la confédération du nord avec la Prusse, la 
Suède et le Danemark, il menaçait l'Angleterre. Son fils 
Alexandre n'hérita pas de son amitié pour la France. 
Le traité de paix entre l'Angleterre et la France fut 
cependant signé à Amiens le 25 mars 1802, mais per- 
sonne ne crut à sa durée. La rupture se précipita. Na- 
poléon fît occuper le Hanovre et le royaume de Naples 
et rassembla à Boulogne une armée pour envahir l'An- 
gleterre. Le 21 mars 1804, l'exécution du duc d'Enghier 

5. 



82 HISTOIRE DE L'AUTRIGHE 

eut un grand retentissement en Autriche. Enfin l'éléva- 
tion de Napoléon à l'empire le 18 mai acheva de re- 
nouer la coalition sous l'inspiration delà Russie. Si l'Au- 
triche avait hésité à s'y joindre, elle s'y serait décidée à 
la suite du couronnement de Napoléon à Milan comme 
roi d'Italie (22 mai 1805). Le traité entre l'Angleterre 
et la Russie était du 11 avril ; l'Autriche y adhéra le 
9 août. Napoléon tenta vainement d'entraîner dans son 
alliance le roi de Prusse par l'offre du Hanovre et la 
perspective de la couronne impériale d'Allemagne. Fré- 
déric-Guillaume se décida pour une neutralité bien dif?- 
ficile, car les Russes d'un côté menacèrent de traverser 
son territoire, et de l'autre Augereau, Marmont et le 
Bavarois de Wrède traversèrent son margraviat d'Ans- 
pach. 

Le traité des subsides entre l'Autriche et l'Angleterre 
portait que l'Autriche recevrait 25 millions pour les 
préparatifs de la guerre et 100 millions par an pendant 
toute la durée des hostilités. Le 7 septembre 1805 l'ar- 
mée autrichienne sous le commandement nominal de 
l'archiduc Ferdinand et réel de l'incapable Mack, 
envahit la Bavière dont l'électeur se réfugia à Wurtz- 
bourg : 40,000 hommes sous Jean prirent position dans 
le Tyrol et 100,000 se dirigèrent vers l'Adige conduits 
par l'archiduc Charles; 100,000 Russes arrivaient en 
Moravie. Napoléon, aidé des contingents bavarois, 
badois et wurtembergeois, manœuvra avec une préci- 
sion singulière, trompa complètement Mack et parvint 
à l'entourer avant l'arrivée des renforts russes. Mack se 
débattit vainement dans ce cercle : Murât défit sa ca- 
valerie à Wertingen, Ney le corps de l'archiduc Ferdi- 
nand à Guntzbourg, Dupont 25,000 Autrichiens à Hass- 
lach. Le 13 octobre, l'armée autrichienne toute entière 
était resserrée sous les murs d'Ulm : Ney anéantissait 
des régiments entiers à Elchingen, Lannes emportait le 
pont de la ville ; Marmont complétait le blocus de la 
rive droite. Mack dut se décider à capituler avec 



PAIX DE PRESBOURG — DIÈTE DE 1805 83 

30,000 hommes, 60 pièces de canon, 40 drapeaux et 
3,000 chevaux (15 octobre 1805). Les armes autri- 
chiennes avaient rarement éprouvé pareil revers. Le 
15 novembre, les Français entraient à Vienne. Fran- 
çois, retiré à Olmûtz, envoya le comte Stadion et 
Giulay offrir un armistice à Napoléon qui refusa et 
qui marcha au devant des Austro-Russes à Brûnn en 
Moravie. Le 2 décembre eut lieu la bataille d'Auster- 
litz. Des hauteurs voisines Alexandre et François pu- 
rent contempler TefiFroyable défaite dé leurs armées. 
Deux jours après François vint traiter en personne au 
bivouac de Napoléon. Une convention, à laquelle 
adhéra Alexandre, fut signée, et Presbourg désignée 
pour y traiter de la paix qui fut conclue le 26 décem- 
bre 1805. L'Autriche cédait tout le territoire vénitien 
au royaume d'Italie, le Tyrolet le Burgau à la Bavière, 
des territoires au Wurtemberg, le Brisgau à Bade. Elle 
reconnaissait le titre de roi aux ducs de Bavière et de 
Wurtemberg et le titre de grand-duc au margrave de 
Bade. Cette foudroyante campagne avait coûté cher à 
TAutriche; aussi faillit-elle décourager l'enthousiasme 
magyar. 

Déjà la prise de possession par François du titre 
d'empereur héréditaire d'Autriche avait vivement 
alarmé et mécontenté les Hongrois. Avant, il y avait 
plutôt une maison d'Autriche réunissant diverses pos- 
sessions et dépositaire de la dignité élective impériale 
qu'une monarchie autrichienne. La Hongrie se consi- 
dérait comme royaume indépendant faisant partie, à 
titre particulier, de ces possessions, mais maintenant 
elle n'était plus qu'une des provinces d'un empire héré- 
ditaire, comme la Styrie ou la haute Autriche. Fran- 
çois dut formellement les rassurer à cet égard. A l'ou- 
verture de la campagne de 1805, la diète fut convoquée 
pour le 13 octobre. Elle n'était pas encore réunie quand 
on reçut la nouvelle du désastre d'Ulm ; elle s'ouvrit le 
17 octobre. Les discours du roi, du palatin et du per- 



84 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

sonnai lui firent comprendre qu'il s'agissait beaucoup 
plus de levées et de subsides que de réformes. On vota 
froidement la formation, à côté de l'armée régulière, 
d'un corps de cavaliers nobles et d'un corps de fantas- 
sins non nobles, et encore fallut-il que le roi ajoutât à 
la loi de 1792 quelques articles en faveur de Tusage de 
la langue magyare dans les actes officiels des comitats. 
La clôture de la diète eut lieu le 7 novembre. 

Quelques jours après, la grande armée française était 
à Vienne, et l'armée dltalie, qui avait battu Charles, ar- 
rivait sur le Raab, c'est-à-dire aux frontières hongroises. 
Le mécontentement magyar se traduisit par un acte 
grave qui eut pour compUce le palatin Joseph : celui-ci 
fit déclarer aux généraux français parle comte Pœlffyla 
neutrîdité de la Hongrie. C'était agir en puissance indé- 
pendante, faisant la paix et la guerre pour son compte 
et séparant ses intérêts de ceux du reste de la monar- 
chie. Davoût accepta cette neutralité dans les termes 
les plus flatteurs pour la Hongrie que Napoléon voulait 
séduire : il en vint aux pourparlers les plus amicaux 
avec PœlfTy. Mais l'indignation de cette conduite des 
Magyars fut ;si grande dans l'entourage de François que 
le palatin Joseph désavoua Pœlfiy et que Davoût dut se 
résoudre à occuper Presbourg, qu'il traita d'ailleurs 
avec les plus grands égards. Quelques jours après eut 
lieu Austerlitz, mais cet épisode n'en est pas moins 
extrêmement caractéristique. 

Napoléon, dès cette campagne, cherchait à soulever 
les peuples contre « ce squelette de François II que le 
mérite de ses ancêtres a placé sur le trône », ainsi qu'il 
traite irrévérencieusement son beau-père dans sa cor- 
respondance. Il recommande à Fouché de faire dire 
dans les journaux « que l'empereur d'AUemagpe vend 
le sang de ses peuples pour de l'or», il déclare que 
« les Hongrois se plaignent d un gouvernement illibéral 
qui ne fait rien pour leur industrie et se montre cons- 
tamment jaloux de leurs privilèges et inquiet de leur 



PRÉVISIONS DE 6ENTZ — CONFÉDÉRATION DU RHIN 85 

esprit national. » Napoléon commençait à jouer des 
peuples contre les rois, comme on en joua contre lui en 
1813. Il était du moins bien renseigné pour la Hongrie. 
Après la paix de Presbourg, les Allemands reprochè- 
rent amèrement aux Hongrois leur attitude, mais en 
réalité, par suite de l'abandon de l'empire, François jus- 
tifiait ce que le clairvoyant Gentz écrivait alors à Jean 
de Muller : « La monarchie autrichienne doit cesser dès 
ce moment d'être considérée comme puissance d'Alle- 
magne. U ne suffît pas que la dignité impériale soit dé- 
truite de fond en comble, mais ce qui reste de provinces 
à l'empereur n'a plus rien de commun avec l'Allema- 
gne, ne tient à aucun lien et se trouve complètement 
isolé. Si après cette révolution épouvantable, l'empe- 
reur veut continuer d'exister comme puissance, il n'a 
plus qu'un parti à prendre : transférer sa résidence en 
Hongrie^ y créer une véritable constitution, établir des 
rapports tout nouveaux entre ce pays, la Bohême, la 
Gallicie et les débris de ses possessions germaniques, 
fonder en un mot une nouvelle monarchie qui peut de- 
venir puissante et respectable, mais qui ne ressemblera 
guère à celle qu'il a gouvernée jusqu'ici. » C'était en 
1806 tout le programme de 1866 1 

Le 12 juillet 1806, Napoléon signait avec plusieurs 
membres de l'ancien empire germanique l'acte de la 
confédération du Rhin. Les confédérés étaient les rois 
de Bavière, eX de Wurtemberg^ le grand-duc de Bade^ le 
prince primat ex-électeur de Mayence, le grand-duc de 
Berg, le grand duc de Hesse-Darmstadt qui formaient le 
collège de rois, et les ducs de Nassau-Ussingen-Weil- 
bourg, les princes de HohenzoUern-Hechingen-Sîgma- 
ringen, les princes de Salm-Salm, de Salm-Kirbourg, 
dlsambourg, d'Aremberg, de Lichstenstein et de Leyen 
qui formaient le collège des princes. Le !•' août les 
confédérés signifièrent à la diète de Ratisbonne leur 
séparation du corps germanique. Le 6 août, François 
fit publier à Vienne et à Ratisbonne son acte de renon- 



86 HISTOIRE DE L' AUTRICHE 

ciatioQ à la dignité impériale. C'était la fin de ce saint 
empire romain qui existait depuis 1006 ans. 

Pas plus que la paix de Lunéville, la paix de Pres- 
bourg n'était sincère. Si M. de Gobentzel avait quitté le 
ministère, son esprit était resté dans la cour de Vienne. 
On n'y voulait à aucun prix de l'alliance française. La 
campagne de 1806, qui vit les défaites de la Prusse et 
de la Russie à léna, à Auerstaedt, à Friedland, à Eylau, 
et qui aboutit au traité de Tilsitt, ne fit qu'engager l'Au- 
triche à différer et à profiter de ce délai pour se pré- 
parer. François confia la direction de son ministère à 
un ennemi aussi acharné de la France que Gobentzel, au 
comte Stadion. L'ambassade française, à Vienne, était 
alors occupée par un général de la Révolution, An- 
dréossy. 11 se plaignait de la guerre de libelles, que 
la presse viennoise faisait à sa nation : mais Stadion 
accueillait ces plaintes avec froideur et quand Napoléon 
forma, en faveur du roi de Saxe, le grand-duché de 
Varsovie, il refusa d'échanger la Gallicie contre la SUésie 
prussienne; il assista impassible à la formation du 
royaume de Westphalie en faveur de Jérôme et à 
l'accession à la confédération du Rhin du nouveau 
roi de Saxe et d'une multitude de princes allemands 
(15 déceiùbre 1806). L'Autriche préparait une nouvelle 
organisation militaire pour laquelle elle avait besoin de 
la diète hongroise. Après bien des hésitations, après 
avoir appelé en conseil les principaux Magnats à Vienne, 
François convoqua la diète pour le 8 février 1807, le 
jour même de la bataille d'Eylau ; la séance d'ouver- 
ture n'eut lieu que le 9 avril, 

La diète était animée, cette fois, d'un véritable esprit 
d'opposition. Des jeunes gens pleins d'ardeur, Joseph 
Vay, Lonyay, Prényi et surtout Paul Nagy, avaient été 
élus. Les propositions royales étaient impudentes : on 
demandait des levées régulières fixées une fois pour 
toutes, et un impôt extraordinaire pour parer aux nou- 
velles dépenses militaires {sivispacerriy vara bellum). Les 



DIÈTE DE 4807 87 

réformes se bornaient à un article sur les progrès du com- 
merce et sur les améliorations financières. La chambre 
basse rédigea un projet de loi directement contraire à 
celui du gouvernement et qui demandait une foule de 
progrès ; Nagy se montra grand orateur. Le gouver- 
nement se décida à permettre l'exportation des grains 
et restitua aux Magyars la gestion de leurs mines : les 
Magnats, de leur côté, étaient dévoués aux volontés 
impériales. Aussi vota-t-on comme emprunt extraor- 
dinaire le 6"' du revenu de tous les droits féodaux et 
de tous les immeubles seigneuriaux, le 6""® du revenu 
des commerçants, artistes , industriels et fermiers, le 
lOO»® de la valeur de tous les biens meubles. Quant aux 
troupes, l'archiduc Charles avait introduit dans les 
autres provinces de la monarchie la conscription et le 
système de la landwehr et de la landsturm. Il de- 
manda à la diète la même régularité dans les levées ; 
la diète tenait à l'ancien système : un contingent voté 
par elle et réparti entre les comitats et les villes; les 
Magnats étaient disposés, eux, à tout accorder. La lutte 
parlementaire devint très-vive. Sur ces entrefaites, Na- 
poléon faisait communiquer par M. de Ghampagny la 
lettre suivante à M. de Metternich, ambassadeur d'Au- 
triche à Paris : « Vous avertissez partout de se tenir 
prêt à marcher pour la défense de la patrie : quel 
ennemi vous menace? Vous mettez toute la population 
sous les armes : vos princes parcourent les champs 
comme des chevaliers errants... l'Empereur veut encore 
ignorer vos armements. Faites qu'on licencie cette 
garde nationale qu'on lève chez vous ; laissez en repos 
vos cultivateurs, vos soldats; ménagez votre argent et 
ne menacez personne. » 

Nagy fut appelé à Vienne pour entendre le verbe 
royal [ad audiendum verbum regtum), François lui parla, 
le pria, le menaça. Le Magyar en téte-à-tète avec son roi, 
redevient un fidèle vassal ; Nagy obéit à cette tradition 
et se tut désormais. Singulier procédé parlementaire et 



88 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

qui ne pouvait réussir que dans un pays dldolàtrie 
monarchique comme la Magyarie. La diète vota douze 
mille conscrits par an pour trois ans, avec Tancien 
mode de recrutement, et deux cent mille florins pour 
favoriser les engagements volontaires, et comme elle 
avait donné tout ce qu'on attendait d'elle, on ne parla 
plus de réformes, et on l'engagea sans façon à se sé- 
parer. Furieuse d^ètre si impudemment dupée, elle pro- 
testa dans un vigoureux mémoire où étaient consignés 
les gravamina ou griefs de la Hongrie. Nagy parla en 
faveur de la plèbe, ce qui le fit accuser de folie par ses 
aristocratiques collègues, et de la langue nationale, ce 
qui le fit acclamer. La diète se sépara le 15 décem- 
bre 1807. 

On sait quels soins occupèrent Napoléon dans les 
premiers mois de 1808 : il prépara l'invasion de l'Es- 
pagne et l'abdication du vieux Charles IV à Bayonne 
(avril). Ce crime abominable et cette faute gigantesque 
soulevèrent l'Europe entière contre l'insatiable César. 
Les peuples indignés se joignirent aux rois. L'effet fut 
surtout terrible en Autriche et en Hongrie, et François 
put dire à son ministre des finances Zichy : « les peuples 
pèsent aujourd'hui d'un grand poids dans la balance, » 
et il s'empressa d'exploiter l'ardeur desdits peuples 
contre l'ennemi commun, au nom de l'exemple espagnol 
{der Spanier Beùptei). Les préparatifs, les levées se 
firent dans le Tyrol, en Bohême, dans les Autriches 
avec des allures de croisade révolutionnaire qui ef- 
frayèrent presque Stadion. La Hongrie, que nous venons 
de voir irritée et défiante en 1807, subit la contagion 
avec la rapidité d'une traînée de poudre. « Le mouve- 
ment que vous avez inspiré est tel, put dire en août 1808 
Napoléon à Metternich, que la guerre aura lieu malgré 
vous et malgré moi. » On répandit même le bruit que 
Napoléon destinait la couronne de Hongrie à son frère 
Lucien Bonaparte. On déchaîna la presse, et Gentz et 
Schlegel redoublèrent d'écrits enflammés. Aussi Fran- 



DIÈTE DE 1808 — ENTREVUE D'ERFURTH 89 

çob, exploitant cette effervescence, n*hé&ita pas, cette 
fois, à convoquer la diète (28 août 1808) sous prétexte 
de couronner sa troisième épouse, Marie-Louise, fille 
du duc de Modène, alors âgée de vingt et un ans. On 
eut soin que Nagy, ingrata persona, ne fût pas élu 
député, et on séduisit les autres chefs de l'opposition 
par des titres ou des emplois, ce qui est fréquent dans 
les annales magyares. On vota d'enthousiasme toutes 
les mesures militaires demandées, et on fonda une école 
militaire à laquelle on donna galamment le nom de 
Ludoviceum en l'honneur de la jeune impératrice : 
32,000 conscrits furent accordés, et Vimurrection de la 
noblesse admise, ainsi que la perspective de la levée en 
masse : le souvenir des déceptions et des colères de 1807 
était bien loin. Nous verrons souvent ces brusques 
revirements chez les Magyars. Ils croyaient au moins 
alors qu'ils allaient combattre pour la liberté, et imiter 
ce peuple espagnol qui avait tout fait par lui-même. 
Stadion pouvait se réjouir en Autriche de concert avec 
Stein en Prusse : du Rhin à la Theiss, c'était un sou- 
lèvement national, car la haine de la tyrannie française 
avait révélé à l'Allemagne le besoin de l'unité et faisait 
presque une nation des états juxtaposés des Habsbourgs. 
En septembre eut lieu la fastueuse entrevue d'Erfurth 
entre Alexandre et Napoléon : Metternich sollicita vai- 
nement d'y être admis, et François y envoya le baron 
de Vincent avec une lettre de compliments. Alexandre, 
en échange de la Moldavie et de la Valachie que lui 
cédait Napoléon, promit de se déclarer contre l'Au- 
triche dans le cas où cette puissance se mettrait en 
guerre avec la France. Napoléon répondit le 14 octobre 
à la lettre de François par une lettre de conseils mena- 
çants, qui n'empêcha pas celui-ci de presser ses arme- 
ments. Quand il quitta l'Espagne, le 18 janvier 1809, il 
8e répandit de nouveau en menaces contre l'Autriche : 
«Est-ce que les eaux du Danube auraient acquis la 
propriété de celles du Léthé? » et adressa aux princes 



90 HISTOIRE DE L'AUTRIGHB 

de la confédération du Rhin la circulaire la plus vio- 
lente contre elle. Il est certain que Napoléon ne négli- 
geait rien pour forcer rAutriche à lui déclarer la guerre, 
mais il est certain aussi que, depuis Presbourg, rAu- 
triche la désirait : on peut renvoyer les deux parties 
manche à manche et leur partager équitablement la 
responsabilité. 



CHAPITRE II 



Campagne de 1809. — Eckmûhl. — Deuxième prise de Vienne. — 
Essling. — Bataille de Raab. — Wagram. — Paix de Vienne. 
Insurrection du Tyrol. — Mariage de Marie-Louise. — Fi- 
nances. — Banqueroute de 1811. — Diète hongroise de 1811- 
1812. — Médiation de rAutriche. — Bataille de Leipzig. — Cam- 
pagne de France. — Traité de Paris. 



Le czar Alexandre résolut de rester simple spectateur 
de la lutte qui se préparait et résista également aux 
sollicitations de Tenvoyé français Gaulaincourt et de 
l'envoyé autrichien Schwarzenberg ; il promit seule- 
ment à Napoléon de concentrer un corps sur les fron- 
tières de la Gallicie. En saignant à blanc la France et en 
employant les contingents allemands des princes de la 
confédération, Napoléon put mettre en ligne 424,000 
hommes dont 100,000 hommes à Eugène en Italie, 
40,000 à Lefèvre en Bavière ; 50,000 à Bernadotte en 
Saxe et en Pologne, chargé d'observer la Bohème; 
60,000 à Davoût aux environs de Wûtrzbourg; 50,000 à 
Masséna sous le nom d'armée d'observation du Rhin, le 
reste sous Augereau , Lannes, Jérôme. L'Autriche avait 
450,000 hommes, dont la plus grande partie en milices : 
sa principale armée était en Bohème aux ordres de l'ar- 
cbiduc Charles. 

L'Autriche aurait dû attaquer la France dès le âO mars 



92 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

1809 et être en quelques marches à Ratisbonne au milieu 
de nos corps dispersés. L'archiduc Charles perdit un 
temps précieux et ne passa Tlnn que le 20 avril, tandis 
que le Tyrol tout entier s'insurgeait contre les garnisons 
bavaroises : il passa Tlsar le 16 avril. Alors se livra la 
bataille des cinq jours dont les épisodes s'appellent 
Thann, Abensberg, Landshut, Ëckmûhl, Ratisbonne, 
chef-d'œuvre de stratégie qui rejeta l'armée autri- 
chienne, avec des pertes énormes, sur les deux rives du 
Danube. Gagnant de vitesse Charles, qui avait passé par 
la Bohême pour venir couvrir Vienne, l'armée française 
arriva le 10 mai devant cette capitale où l'archiduc 
Maximilien tenta de résister et y entra le lendemain. 
En même temps le prince Eugène rabattait l'archiduc 
Jean de l'Italie sur la Hongrie après l'avoir battu à Cal- 
diero, Lefèvre écrasait les insurgés du Tyrol et prenait 
Insprûck, Poniatowski reprenait Varsovie à l'archiduc 
Ferdinand. 

Le palatin Joseph avait convoqué l'insurrection des 
nobles à Raab (Gyor) et l'impératrice s'était réfugiée à 
Bude. De Schœnbrunn, Napoléon adressa le 15 mai aux 
Hongrois une proclçimation, qui indique une merveil- 
leuse connaissance de leur histoire , de leurs revendi- 
cations, de leur caractère et de leurs rancunes. On ne 
s'en étonnera pas quand on saura qu'elle avait pour 
auteur Bacsànyi, un des condamnés de la conspiration 
de Martinovicfi, qui avait été enfermé à Kufstein avec 
Maret, depuis duc de Bassano. Celui-ci le retrouva à 
Vienne et lui fit rédiger la proclamation dù^5 mai. Elle 
fut sans effet. Les Hongrois prirent une grande part à 
ces deux terribles journées d'Aspern-Essling où Napo- 
léon tenta vainement de s'établir sur la rive gauche du 
Danube, où Charles se montra grand général et où 
50,000 hommes furent sacrifiés, de part et d'autre, sans 
grands résultats. L'insurrection que la France avait pro- 
voquée en Gallicie avait rapproché les Russes des Au- 
trichiens , mais l'insurrection allemande se dépensa en 



BATAILLES DE RAAâ Et Dfe WAGRAM 03 

tentatives stériles et le roi de Prusse, malgré les ins- 
tances de François, n'osa pas se déclarer. L'Autriche ne 
pouvait encore compter que sur elle-même. Napoléon 
employa une vingtaine de jours à concentrer toutes ses 
troupes sur le Danube et à rendre Tile de Lobau inex- 
pugnable : dans Fintervalle, le 14 juin, Tarchiduc Jean 
livra à l'armée du prince Eugène la bataille de Raab ; 
la cavalerie noble de Hongrie, Vinsurrectton mal armée 
et mal exercée, eut beau y étaler ses panaches, ses dol- 
mans et ses broderies et essayer la vieille charge de 
Hunyade, elle fut mise en pleine déroute, achevée par 
les cavaliers de Montbrun. La bataille de Raab est 
encore la source de récriminations contre les Autri- 
chiens dans les historiens magyars. Jean dut se mettre 
en retraite sur l'imprenable Komorn. Au même moment 
Marmont battait à plusieurs reprises le ban de Croatie 
Giulay. Presbourg fut en partie brûlé par Davoût. 

Dans la nuit du 4 au 5 juillet, toute l'armée française 
passa , sur six ponts préparés depuis longtemps , le 
Danube et se trouva sur la rive gauche. Le 6 juillet se 
livra la bataille de Wagram, sous les yeux des habitants 
de Vienne établis sur tous les édifices. Elle était gagnée 
à deux heures : l'armée de l'archiduc Charles avait près 
de 25,000 hommes hors de combat. L'archiduc aurait 
pu reprendre sa revanche à Znaïm : son indécision et 
sa lenteur habituelle l'en empêchèrent ; un armistice 
fut signé le 11 juillet. 

L'Autriche n'était pas encore découragée : son armée 
solide et compacte s'appuyait à la Bohême et derrière 
les Français, les corps de Giulay et de Chasteler s'éten* 
daient de Leoben à Trieste : le Tyrol était en pleine 
insurrection; enfin elle comptait sur l'expédition de 
Wellington en Espagne et sur l'expédition britannique 
en Hollande. On engagea des négociations à Altenbourg, 
mais il n'y eut que des escarmouches diplomatiques 
jusqu'à l'issue des deux expéditions. Alexandre avait 
recommandé à Napoléon de ne pas toucher à la ques-* 



94 HISTOIRE DE L' AUTRICHE 

lion polonaise et celui-^i cependant voulait augmenter 
le duché de Varsovie, si désagréable aux Russes, d*une 
partie de la Gallicie. L'Autriche, par ses plénipotentiaires 
Metternich et Nugent, Vy poussait de tout son cœur, 
sachant que ce serait à brève échéance une guerre entre 
la Russie et la France. Il fallut en finir quand Welling- 
ton eut échoué en Espagne et que les Anglais eurent 
manqué leur coup à Walcheren. Napoléon aussi, après 
la tentative de meurtre de Frédéric Staabs à Schœn- 
brunn, se montra pressé. La paix, dite paix de Vienne, 
fut signée le 14 octobre 1809 : Tarmée française évacua 
Vienne en en faisant sauter les historiques remparts. 
L'Autriche céda au roi de Saxe, pour être réunis au 
grand-duché de Varsovie, toute la GaUicie occidentale , 
un arrondissement autour de Gracovie et le cercle de 
Zamocs dans la Gallicie orientale. Elle céda aussi un 
peu plus de deux millions d*âmes sur la frontière ita- 
lienne ; Napoléon prit la Garniole, en Garinthie le cercle 
de Villach ; en Croatie, la rive droite de la Save jusqu'à 
la Bosnie et la Dalmatie pour en former les provinces 
illyriennes que gouverna Marmont de novembre 1809 à 
avril 1810 ; sur la frontière de Bavière, il céda Ldnz et 
garda Saltzbourg^ le tout représentant 1,500,000 âmes. 
Ajoutons une contribution de guerre de 85 millions et 
une réduction de l'armée autrichienne. L'insurrection 
tyrolienne fut écrasée et l'héroïque André Hofer alla 
mourir fusillé le 25 février 1810 dans les fossés de 
Mantoue. 

Pendant les négociations, le séduisant Narbonne, 
nommé gouverneur de Raab, avait essayé d'amener les 
Hongrois à demander leur complète indépendance na- 
tionale : mais il semble prouvé qu'il a exagéré son 
action sur les Magyars. Les historiens hongrois et 
autrichiens réfutent cette assertion : les Magyars d'ail- 
leurs furent désespérés de voir, à la suite de la paix de 
Vienne, réunir à l'empire français les provinces de 
l'Adriatique dépendant de la couronne de Saint-Etienne. 



BANi)UBROUTB DE 1811 95 

L'Autriche se remit à trembler quand elle sut qu'après 
son divorce avec Joséphine, Napoléon faisait demander 
la main d'une sœur d'Alexandre : c'était la consolida- 
tion de l'alliance franco-russe, c'est-à-dire ce qui pouvait 
arriver de plus fatal à l'Autriche. Elle fit offrir au 
nouveau César la main d'une de ses archiduchesses. Le 
contrat fut signé par le prince Schwarzenberg, le 7 fé- 
vrier 1810 : le 16 mars, Marie-Louise fut remise à Brau- 
nau à la reine de Naples. Le mariage eut lieu le 3 avril 
Bods une impression d'enthousiasme qui se résumait en 
ces mots : « le mariage, c'est la paix. » 

L'année 1810 fut pour l'Autriche une année de recueil- 
lement : la ruine financière apparaissait menaçante, 
inévitable. La dette était de 658,200,000 florins dont 
314 millions portant intérêt à 5 0/0, 49 à 4 1/2 0/0, 282 
à 4 0/0, 40 à 3 1/2 0/0, 1 à 3 0/0. Le papier-monnaie 
était tombé au douzième de sa valeur. Le ministre des 
finances, comte Wallis, essaya vainement urt nouvel 
emprunt et un nouveau papier. Il fallut arriver à la 
banqueroute, car ce fut bien une banqueroute qu'édicta 
la patente du 20 février 1811 : elle réduisait les intérêts 
de la dette consolidée de moitié et la valeur du papier 
<le8 quatre cinquièmes. Encore ce papier ne devait 
avoir cours que jusqu'au 1«' février 1812. Ce fut un cri 
d'indignation et de douleur d'un bout à l'autre de la 
. monarchie, mais surtout en Hongrie où le comitat de 
Pesth déclara que de pareilles mesures devaient être 
sanctionnées par la diète. Le chancelier de Hongrie, 
Kohary, répondit par l'ordre d'accepter la patente dans 
les huit jours. François écrivit à ses fidèles Hongrois 
une lettre sur « leur insolence » en les menaçant des 
plus « grandes violences » : les comitats cédèrent et des 
commissaires royaux vinrent arracher les pages de leurs 
f^gistres de délibérations. Mais on convoqua la diète 
pour le 29 août 1811. Si on veut savoir quelle idée, en 
cette année de grâce, se faisait de son pouvoir le séré- 
^^ime empereur François, beau-père du grand Napo- 



96 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

léon, on n'a qu'à lire la lettre suivante par lui adressée 
à la diète : « on n*a pas montré Tempressement qui con- 
vient à des sujets... on espère sans aucun fondement 
changer notre volonté; nous demeurons inébranlables 
dans les décisions que vient de prendre notre gouverne- 
ment d'origine divine ». On avait eu la royauté de droit 
divin : on avait maintenant la banqueroute de droit 
divin. 

Les exigences financières du gouvernement pré- 
sentées à la diète étaient énormes. L'opposition devint 
menaçante et le palatin Joseph eut à jouer le rôle le 
plus difficile entre les deux parties. Il fut même obligé 
d'aller six semaines à Vienne, pour calmer la cour qui 
ne parlait que de mesures violentes. L'Autriche, qui 
songeait toujours à la guerre, demandait que l'impôt 
pour l'entretien de l'armée fût augmenté de douze 
millions de florins : le papier n*était reçu dans les 
caisses de l'état que pour le cinquième de sa valeur. 
Les débats furent très-ardents : en avril 1812 une lettre 
royale porta, contre les droits de la diète seule compé- 
tente pour voter cette mesure, le prix du quintal de sel 
de cinq florins à neuf, contribution monstrueuse. Un 
orateur trop énergique, le comte Dessewfiy fut exclu de 
la chambre haute. Enfin la diète fut congédiée en mai 
1812. Sa résistance et ses protestations avaient été belles 
au milieu de l'universelle soumission, mais la Hongrie 
ne récoltait-elle pas ce qu'avaient semé son idolâtrie mo- 
narchique et sa haine de la Révolution? La coalition de 
1813 à 1815 allait lui demander de bien autres sacrifices. 

La guerre entre la France et la Russie devenait iné- 
vitable : l'ukase de décembre 1811, qui rouvrait les 
portes de Russie aux produits coloniaux de l'Angleterre 
et violait ainsi le blocus continental accepté à TUsitt, en 
fut le signal. L'Autriche, qui ne pouvait refuser à Na- 
poléon de Taider dans sa campagne contre la Russie, 
mit à sa disposition un corps d'armée par le traité du 
14 mars 1812 qui prévoyait l'éventualité du rétablisse- 



MÉDIATION Al^MËfi DE L'AUtRlCHE EN 1813 97 

ment du royaume de Pologne : 30,000 hommes sous 
Schwarzenberg se joignirent à la grande armée, dont 
une partie en contingents hongrois. Napoléon passa par 
Dresde, où François et sa femme vinrent le saluer. Le 24 
et le 25 juin 1812, le Niémen fut franchi; on sait com- 
ment se termina cette campagne désastreuse : la grande 
armée fut anéantie et ses débris ramenés en Allemagne 
par le prince Eugène en février 1813. L'Autriche était 
décidée dès ce moment à se joindre, comme le faisait la 
Prusse, à la Russie, et à en finir avec Napoléon. François 
cependant envoya à Paris son aide de camp, le comte 
de Bubna, mais Napoléon tout le premier ne se trompa 
pas à cette démarche. Il fit partir M. de Narbonne pour 
Vienne, et celui-ci n'eut pas de peine à pénétrer les 
secrets de la politique de Metternich, devenu ministre 
dirigeant. La quadruple alliance était signée. Se voyant 
découvert, Metternich prit provisoirement le rôle de 
médiateur armé. Napoléon n'hésita pas à faire entrevoir 
à M. de Bubna l'indépendance du royaume dîtalie, de 
la Toscane, des Ëtats Romains, de la Hollande au-delà 
du Rhin et des villes hanséatiques. Le 13 avril arriva 
à Paris le prince de Schwarzenberg : Napoléon affecta 
de ne lui parler que comme au commandant du con- 
tingent autrichien. Le 16 avril Napoléon était en Alle- 
magne et indiquait à la nouvelle armée qu'il avait levée 
la direction par Bautzen sur Leipzig, dans le but de 
s'emparer de Dresde, de se rapprocher de la Bohême et 
de porter le théâtre de la guerre dans la Silésie. Le 2 
mai, il battit l'armée prusso-russe à Lutzen et entra à 
Dresde. François lui envoya le baron de Bubna porteur 
d'une lettre où il disait : « Le médiateur est l'ami de 
Votre Majesté..^ il s'agit d'asseoir sur des bases inébran- 
lables la dynastie que vous avez fondée et dont l'exis- 
tence s'est confondue avec la mienne. » Il proposait un 
congrès dont Napoléon accepta l'idée. François avait 
envoyé en même temps le comte Stadion auprès d'A- 
lexandre. Le 21 mai, nouvelle victoire de Napoléon à 

A.SSELINE. 6 



96 HISTOIRE DE L'AUTaiGHfi 

Bautzen, maifl le lendemain, en réponse à une démarche 
faite le 18, le czar répondit qu'il ne pouvait recevoir de 
propositions que par Tintermédiaire du médiateur, 
c'est-à-dire de rAutriche. Néanmoins les coalisés offri- 
rent un armistice par Ventremise du comte Stadion : il 
fut accepté pour durer du 12 juillet au 9 août; aupa- 
ravant, l'armée polonaise de Poniatowski avait été au- 
torisée à traverser sans armes les provinces autrichiennes 
pour rejoindre Napoléon en Lusace. Le 27 juin Metter- 
nich vit Napoléon à Dresde : TAutriche demandait la 
moitié de Tltalie, Tlllyrie, le retour du pape à Rome, 
la Pologne saxonne , l'abandon de la Hollande, de l'Es- 
pagne , la renonciation au protectorat de la confédé- 
ration du Rhin et de la médiation helvétique. Napoléon 
s'emporta et eut avec Metternich la fameuse scène où 
il lui demanda combien l'Angleterre lui avait donné 
pour lui faire la guerre. Le 30 juin, la convention ad- 
mettant la médiation autrichienne fut signée et Prague 
désignée pour le siège du congrès ; de savantes et in- 
finies lenteurs prolongèrent les négociations, pendant 
lesquelles la Russie, la Suède, la Prusse et l'Autriche 
parfirent la quadruple alliance ; l'armistice et le congrès 
n'avaient eu pour but que de permettre à l'Autriche 
de compléter ses armements. Quand tout fut prêt, Met- 
ternich déclara froidement le congrès dissous, et M. de 
Narbonne apporta le 15 août à Dresde la déclaration 
de guerre de l'Autriche, qui se proclamait « réunie de 
principes aux puissances, avant même que les traités 
eussent consacré leur union. » 

Les alliés avaient 500,000 hommes. Schwarzenberg 
commandait l'armée de Bohême, dite la Grande Armée, 
Blûcher l'armée de Silésie et Bernadotte l'armée du 
Nord. Avec son armée d'Italie sous les ordres de Hiller, 
l'Autriche avait 130,000 hommes sous les armes. Le 26 
août les alliés perdirent la bataille de Dresde, où fut 
tué leur collaborateur Moreau : Schwarzenberg se mit 
en retraite sur Tœplitz ; mais à Kulm Vandamme subit 



CAMPAGNE DE FRANGE EN 1814 99 

une défaite complète, et à Tœplitz même, le 3 octobre 
fut signé le traité entre les alliés, qui rendait à rAutriche 
le statu quo de 1803. Le 8 octobre, la Bavière aban- 
donna Talliance française pour Talliance autrichienne 
et son armée se joignant aux alliés découvrit toute la 
frontière française depuis Huningue jusqu'à Mayence. 
Le 13 octobre commença devant Leipzig la formidable 
bataille appelée la bataille des nations. Le soir même 
du 16, Napoléon envoya vainement vers son beau-père 
le général Meerweldt, Tancien négociateur de Gampo- 
Formio fait prisonnier. Le 17, l'armée française était 
entourée de toutes parts ; le 18 vit cette lutte terrible 
au milieu de laquelle l'armée saxonne passa dans les 
rangs des alliés ; la retraite commença. Le 19, Ponia- 
towski et des milliers de soldats franco-polonais se 
noyèrent dans l'Elster. Le 30 octobre. Napoléon passa 
sur le ventre de l'armée austro-bavaroise postée à 
Hanau. Les souverains alliés se réunirent à Francfort, 
et de là appelèrent les peuples aux armes et à la liberté 
dans un langage digne de la Convention; en même 
temps ils trompaient Napoléon par de fallacieuses né- 
gociations qui n'avaient d'autre but que de leur rendre 
l'invasion de la France plus facile et de décider l'oli- 
garchie bernoise à laisser violer la neutralité de la 
Suisse : le 21 décembre, Schwarzemberg entra en France 
parle pont de Bâle. Le 11 janvier 1814, le roi de Naples, 
Murât, signa un traité avec l'Autriche, fermant la route 
de Vienne à l'armée franco-italienne. 

Nous ne suivrons pas les alliés dans la campagne de 
France ; on en connaît les péripéties et cette bataille 
de Nangis du 17 février où Schwarzenberg fut mis en 
déroute, tandis que la paix se traitait au congrès de 
Châtillon. Le prince de Lichstenstein vint le 23 proposer 
un armistice. Mais dans l'intervalle Blûcher conçut le 
plan de marcher seul sur Paris. Le 19 mars, les alliés 
rompirent le congrès de Ghàtillon. Le 23, Schwar- 
zenberg et Blûcher faisaient leur jonction dans les 



100 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

plaines de Ch&Ions et marchaient sur Paris, qui capi- 
tula le 29 : le czar, le roi de Prusse et Schwarzenberg 
y entrèrent le 31 mars. Le généralissime autrichien 
déclara le premier « que l'existence de Napoléon en 
France était incompatible avec le repos de l'Europe et 
qu'on devait se fixer au retour de l'ancienne dynastie. » 
Le 11 avril, Napoléon abdiqua à Fontainebleau. Le 15, 
François arriva à Paris et fit partir le 16 pour Vienne 
Marie-Louise et le duc de Reichstadt. Le traité de Paris 
décida que la France serait réduite aux limites du 
!•' octobre 1792, que l'empire d'Allemagne ou saint 
empire romain serait aboli et qu'un congrès réuni à 
Vienne dans deux mois établirait les conditions de la 
paix générale, distribuerait les territoires et réorgani- 
serait une confédération germanique. Après vingt-deux 
ans de luttes, des torrents de sang versé et la banque- 
route, la vieille Autriche des Habsbourgs allait se re- 
trouver réinstallée dans son absolutisme monarchique 
et clérical et augmentée de provinces nouvelles. 



CHAPITRE III 



Congrès de Vienne. — La Pologne. — Distribution de territoires. 
Nouvelle constitution allemande. — Waterloo. — Metternich et 
la réaction en Autriche. — La société. — Le peuple. — Les na- 
tionalités. — L'Église. — Finances. — La Lombardo-Vénétie. 

— La Hongrie. — La Sainte-Alliance — - Réveil de l'Allemagne. 

— Résolutions de Garlsbad. — Congrès de Troppau, de Lay« 
bach et de Vérone. — Le Spielberg. — La police, — Affaires 
turques. 



C'est vers la mi-septembre 1814 que les princes et 
les diplomates commencèrent à arriver à Vienne. 
Bientôt quatre cent cinquante personnages plus ou 
moins accrédités furent réunis pour prendre part à ces 
grandes assises européennes d'où l'on se flattait de voir 
sortir un nouvel ordre de choses. A côté des souverains 
de Russie, de Prusse, d'Autriche, de Bavière, de Wur- 
temberg, de Danemark, etc., à côté des diplomates 
représentant les grandes puissances : Metternich, Har- 
denberg, Castlereagh, Nesselrode, Talleyrand, Munster, 
Stein, se pressaient les principicules allemands, leâ re- 
présentants des villes et de certains corps constitués, 
tous ceux qui espéraient qu'on remettrait l'Europe dans 
la situation d'avant quatre-vingt-neuf. La cour impé- 
riale prodiguait à ses hôtes la plus splendide hospitalité 
et. dépensait trente millions de florins, elle qui avait 
fait banqueroute trois ans auparavant et qui était im- 

6. 



102 HISTOIRE DE L' AUTRICHE 

puissante à pensionner ses cinquante mille invalides. 
La joyeuse Vienne suivait Timpulsion : ce n^étaient que 
bals masqués, tableaux vivants, ballets, comédies, 
courses en traîneaux. La noblesse semi-orientale de 
l'empire rivalisait de faste avec Faristocratie accourue 
de Toccident. Le journal VObservateur ne pouvait suf- 
fire au récit des divertissements et des bombances. 
G*était entre une nuit de plaisirs et une après-midi de 
galas que se faisait le trafic des peuples et que se heur- 
taient les intérêts les plus férocement égoïstes. 

Le congrès avait un double objet : la refonte terri- 
toriale de TEurope et la constitution allemande, au- 
quel correspondirent deux comités : le comité des af- 
faires allemandes et celui des affaires européennes. La 
constitution de ce dernier souleva de longs débats. On 
convint que les quatre grandes puissances alliées : 
Russie, Autriche, Angleterre et Prusse, traiteraient les 
questions relatives à la distribution des territoires et 
qu'elles s'adjoindraient la France, TEspagne, le Portu- 
gal et la Suède pour les autres questions européennes. 
La proclamation de Ghàtillon fournissait aux travaux 
du congrès un excellent programme : « Les nations, y 
avait-on dit, respecteraient leur indépendance réci- 
proque. On n'élèverait pas d'édifices politiques sur les 
débris d'états auparavant indépendants. Le but de la 
guerre et de la paix était d'assurer les droits, la liberté 
et ^indépendance de toutes les nations. » On étudia en 
effet ce programme, mais pour le suivre à rebours. On 
se mit à fabriquer des états de toutes pièces, au gré des 
convoitises les plus éhontées, que tempérait seulement 
la jalousie des autres larrons. Talleyrand lui-même en 
fut écœuré et put écrire dans un de ses mémoires 
« qu'au congrès, on professait le principe que tout était 
légitime pour le plus fort ; que les peuples ne pouvaient 
pas avoir de droits différents de ceux de leurs souve- 
rains et qu'il était permis de traiter les sujets comme 
les bestiaux d'une ferme. » Stein qualifia les résultats 



ACCROISSEMENTS DE L'AUTRICHE EN 1815 103 

du congrès de : « farce » et en plein parlement anglais 
Whitbread s'écria qu*on avait découvert à Vienne : « un 
nouveau système de brigandage. » Toute Thistoire phi- 
losophique et politique du congrès de Vienne est résu- 
mée dans ces phrases caractéristiques des trois hommes 
d'état. 

L'Autriche — dont nous avons à nous occuper spécia- 
lement — avait d'immenses intérêts engagés dans ces dé- 
bats : !• reformer son territoire ; 2® assurer sa prépondé- 
rance en Allemagne ; 3* examiner les revendications de la 
Prusse et de la Russie au point de vue de sa propre sécurité. 

Le premier point ne souleva pas de difficultés. Met- 
ternich — le vrai président et leader du congrès — ob- 
tint pour son maître tout ce qu'il désirait. L'Autriche 
reçut cette magnifique portion de l'Italie dont elle 
forma le royaume Lombardo-Vénitien ; l'IUyrie et la 
Dalmatie, c'est-à-dire tout le littoral de la mer Adria- 
tique ; la Valteline, enlevée à la Suisse et qui, avec les 
vallées de Chiavenna et de Bornico, lui donnait les clés 
de ntalie. La Bavière lui restitua le Tyrol, le Vorarl- 
kerg, les districts de l'Inn et de l'Hausmck et la partie 
méridionale du territoire de Saltzbourg. Elle aurait bien 
toulu conserver à titre définitif les légations romaines 
de Perrare, de Bologne et de Ravennes, qu'elle occu- 
pait par droit de conquête ; ces apôtres de la contre- 
révolution et de l'ultramontanisme n'auraient pas hé- 
sité à diminuer le patrimoine de Saint-Pierre des ter- 
ntoires à leur convenance et, merveilles de la politique 
des intérêts, Metternich en 1815 méditait ce que réalisa 
Cavour en 1860. Mais la négociation échoua et l'Au- 
tnche dut se contenter du droit de tenir garnison à 
TOrare et à Comacchio. En somme, après tant de dé- 
^tres, elle se relevait plus riche que jamais : son em- 
pereur rayait reçue en 1792 avec 11,525 milles carrés 
®t 23 millions d'habitants ; on la lui rendait en 1815 
avec 12,153 milles carrés et 28 millions d'habitants. 



104 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

Les lignes collatérales de la maison de Habsbourg 
établies en Italie se ressentirent aussi de la bienveil- 
lance du congrès. La Toscane, augmentée de Piombino 
et plus tard de TUe d*Elbe, fut rendue à Tarchiduc Fer- 
dinand. François d*Este reprit son duché de Modène 
accru des flefs impériaux de Lunigiana. L*ex-impératrice 
Marie-Louise reçut Parme. La république de Gènes, dont 
l'existence aurait pu rappeler aux Vénitiens qu'il y avait 
^u une république de Venise, fut livrée au roi de Sar- 
daigne, malgré les ardentes protestations de ses habi- 
tants. Plus tard, grâce à la prise d'armes prématurée et 
folle de Murât le sabreur qu'on voulait d'abord conser- 
ver, Ferdinand IV récupéra Naples. L'Italie entière se 
trouva donc ou directement sous la domination de l'Au- 
triche ou sous son influence, grâce à ce choeur de dynas- 
ties vassales qui s'inspiraient des mêmes traditions poli- 
tiques. 

La question des revendications de la Prusse et de la 
Russie était beaucoup plus compliquée. La Prusse vou- 
lait ses compensations en Saxe et la Russie en Pologne. 
Alexandre parlait de rétablir un royaume de Pologne 
annexé à la Russie comme la Hongrie, par exemple, l'é- 
tait à l'Autriche. C'était implicitement réclamer le grand- 
duché de Varsovie et poser les bases d'une reconstitu- 
tion complète de la Pologne sous le protectorat russe. 
L'Autriche aurait plutôt admis, comme pis aller, l'idée 
mise en avant par Gastlereagh d'une Pologne complè- 
tement indépendante que d'une Pologne vassale des 
Gzars, « qui aurait étendu la puissance moscovite jusqu'à 
la Warthaet à l'Oder. » Elle sentit pleinement alors que, 
dans les partages de la Pologne, le danger pour elle 
avait été égal à l'iniquité. Le 2 novembre 1814, Metter- 
nich adressait à Hardenberg un mémoire où on lit ^ : 



1. Correspondance relating to the négociations of the years 
1814 and 1815 respecting Poland, presented to the House of lords 
by command of her majesty, 1863. 



NÉGOCIATIONS POUR LA POLOGNE ET LA SAXE 105 

(( Animée des principes les plus libéraux et les plus con- 
formes à l'établissement d'un système d'équilibre en 
Europe, et opposée depuis 1772 à tous les projets de 
partage de la Pologne, l'Autriche est prête à consentir 
au rétablissement de ce royaume, libre et indépendant 
de toute influence étrangère, sur l'échelle de sa dimen- 
sion avant le premier partage, en réservant aux puis- 
sances voisines le règlement des frontières respectives 
sur le principe d'une mutuelle convenance Admet- 
tant le peu de probabilité que pareU projet puisse être 
pris en considération par la Cour de Russie, l'Autriche 
accéderait également au rétablissement de la Pologne 
libre et indépendante dans les dimensions de l'année 
1791... ». La Prusse appuyait les prétentions de la 
Russie : Hardenberg affectait de croire aux intentions 
libérales d'Alexandre vis-à-vis de la Pologne et essayait 
de convertir Gastlereagh et Metternich. Ceux-ci demeu- 
raient inflexibles dans leur opposition aux projets du 
Czar qui, furieux, menaça de dissoudre le congrès, se 
bromlla avec « le scribe » Metternich, échangea avec 
lui des démentis en pleine séance et déclara à François 
qu'il ne voulait plus avoir aucun rapport avec ce mi- 
nistre de la coalition. 

La question des compensations prussiennes n'était pas 
moins difQcile. La Prusse demandait la Saxe. Or l'Au- 
triche ne voulait pas plus d'une Saxe prussienne que 
d'une Pologne russe. Elle ne consentait qu'à un partage 
dont elle restreignit les proportions jusqu'à un cin- 
quième. L'Allemagne fut inondée d'un déluge de bro- 
chures pour ou contre la confiscation de la Saxe. Les 
choses s'envenimèrent au point que Hardenberg laissa 
entendre assez clairement que la Prusse et la Russie en 
appelleraient au sort des armes. On arma de tous côtés, 
même en France : le grand parlement européen de la 
pacification et de la restauration menaça d'aboutir à 
une nouvelle conflagration générale. Metternich alla 
même — après la proclamation du grand-duc Constan- 



106 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

tin qui appelait les Polonais aux armes — jusque-là : 
conclure le 3 janvier 1815 avec TAngleterre et la France 
un traité contre la Prusse et la Russie, auquel accédè- 
rent successivement la Bavière, les Pays-Bas, le Hanovre 
et la Sardaigne. Il mit à Tétude un plan d'opérations 
militaires. 

La Russie et la Prusse cédèrent. L'on se mit d'accord, 
par un nouveau partage, sur l'afifaire polonaise. La Prusse 
reçut le grand-duché de Posen, tel qu'il est encore con- 
stitué aujourd'hui, avec Thorn dont on avait d'abord 
voulu faire une ville libre. L'Autriche reprit les parties 
du territoire polonais qu'elle avait perdues en 1809 et 
rétablit sa province de Gallicie dans les limites actuelles. 
l»a Russie eut le reste du grand-duché de Varsovie. Gra- 
covie et son territoire furent érigés en république indé- 
pendante sous la protection des trois puissances du Nord. 
Quant à la Saxe, elle fut partagée. Le roi de Saxe garda 
son titre et un peu plus de la moitié de ses états. Le 
reste (373 milles carrés et 855,000 habitants) fut donné 
à la Prusse dont les souverains ajoutèrent à leurs titres 
ceux de duc de Saxe, Landgrave de Thuringe, Mar- 
grave des Deux-Lusaces et comte de Henneberg. 

Les questions de la Pologne et de la Saxe résolues, le 
reste alla rapidement. La Prusse reçut ses dédommage- 
ments sur les deux rives du Rhin, en échange de la 
Prise orientale cédée au Hanovre , des principautés 
d'Anspach et de Bayreuth cédées à la Bavière et du 
Lauenbourg cédé au Danemark. 

A ne considérer que les apparences et les résultats 
immédiats , l'Autriche pouvait s'applaudir des succès 
de ses diplomates et la Prusse maudire l'inhabileté des 
siens. La Prusse s'étalait sur une ligne immense en lon- 
gueur, de défense difficile et coupée au milieu par le 
Hanovre inféodé à l'Angleterre. Ses possessions rhé- 
nanes mettaient sous son sceptre évangélique des popu- 
lations catholiques dévouées aux traditions ultramon- 
taines. La Bavière, agrandie à ses dépens des princi- 



DISCUSSION DÉ LA CONStlTUTION ALLEMANDE iOl 

pautés franconiennes, lui demeurait aussi hostile que 
la Saxe par elle dépouillée. Oui, mais, comme le re- 
marque si bien Gervinus , cette Prusse morcelée dé- 
pouillait tout caractère slave pour devenir exclusive- 
ment allemande. Ses longues bandes territoriales, si 
défectueusement taillées sur le tapis vert du congrès, 
pénétraient de toutes parts, donnant et recevant, comme 
veines et artères, dans le pur corps germanique. Elle se 
posait dès lors dans son rôle d'unifier TAllemagne. 
L'Autriche , au contraire , cédant ses possessions de 
Souabe à la Bavière et à Bade, se retirait vers Torient 
magyar et slave et perdait son caractère allemand : 
toute cette noblesseecclésiastique et séculière du Rhin, 
qui inclinait bien plus vers elle que vers la Prusse pro- 
testante, ne pouvait plus graviter dans son orbite. On 
peut dire sans paradoxe que le prodigieux développe- 
ment de rhégémonie de la Prusse était en germe dans 
la défaite de ses diplomates au congrès de Vienne. 

L'enfantement de la nouvelle constitution allemande 
ne fut pas moins pénible. C'est au résultat de cet enfan-* 
tement que Stein^ Tardent unitaire, a infligé spéciale- 
ment la qualification de « farce ». Le 14 octobre 1814^ 
les cinq cabinets royaux — Autriche , Prusse , Bavière , 
Wurtemberg et Hanovre — formèrent un cabinet spé- 
cial pour les affaires allemandes. Il y avait cinq partis 
à prendre : Tunité sous la direction d'une seule puis- 
sance : Prusse ou Autriche — le dualisme , avec les 
deux puissances sagement équUibrées — la pentarchie 
ou comité des cinq royaumes — le pouvoir égal de tous 
les états — une simple confédération sans puissance 
dominante. L'Autriche était prête à accepter ou une 
fédération fortement centralisée à la tète de laquelle 
elle serait expressément et directement placée, ou une 
fédération assez flottante et assez lâche pour que son 
influence pût y dominer sans obstacle* La Prusse s'op- 
posait* naturellement au premier projet, et quand Iç 
Russe Gapodistrias publia un mémoire où il proposait 



106 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

Tempire pour rAutriche, Humbold répliqua par un 
autre mémoire où il démontrait que la Prusse ne se 
soumettrait jamais à un pouvoir impérial réeL Les rois 
de Wurtemberg et de Bavière, de leur côté, déclarèrent 
qu*ils n'entendaient pas qu'on s'immisçât dans la consti- 
tution intérieure de leurs états par une surveillance fé- 
dérale. Selon eux, la confédération ne devait avoir qu'un 
effet extérieur et se réduire à une alliance contre l'é* 
tranger. 

Il est difficile de prévoir combien de temps auraient 
duré ces conflits, dont on peut voir dans les protocoles 
du congrès les fastidieux détails, si le retour de Napo^ 
léon de l'île d'Elbe, connu à Vienne le 7 mars 1816, 
n'avait fait comprendre qu'il fallait en finir tant bien 
que mal. En onze séances, du 23 mai au 10 juin, la 
nouvelle constitution (elle devait régir l'Allemagne jus- 
qu'en 1866) fut votée. L'Autriche triomphait par l'a- 
doption de ce système encore plus terne, plus inefficace, 
plus nul que la défunte constitution du saint empire. Il 
consacrait l'immobilisme, ne tenai^aucune des promesses 
faites aux peuples pour les soulever contre l'ennemi 
commun, et ne donnait aucun gage à l'unité allemande. 

C'était plutôt une ligue dont tous les membres avaient 
respectivement des droits égaux, qu'une confédération 
proprement dite. Son caractère était surtout défensif. 
Chacun s'engageait à défendre contre toute attaque 
extérieure soit l'ensemble de l'Allemagne, soit chacun 
des états confédérés, en renonçant au droit d'ouvrir 
avec l'ennemi des négociations particulières et de con- 
clure paix ou armistice séparés. Les possessions respec- 
tives comprises dans la confédération étaient mutuel- 
lement garanties. Les confédérés s'engageaient de plus 
à ne se faire jamais la guerre entre eux. Pour main- 
tenir ce pacte d'alliance et administrer les intérêts com- 
muns de la confédération, une diète permanente devait 
siéger à Francfort sous la présidence perpétuelle de 
TAutriche. 



ASSEMBLÉES DE LA DIËTE lOd" 

La diète avait deux espèces d'assemblées : les assem- 
blées générales ou Plénum et les petites assemblées ou 
Engere-rath. Dans le Plénum^ on comptait 69 voix : 
TAutriche, la Prusse, la Bavière, le Wurtemberg, le 
Hanovre et la Saxe en ayant chacun 4; la Hesse élec- 
torale , la Hesse-Darmstadt , Bade , le Holstein et le 
Luxembourg chacun 3 ; Brunswick , Meklembourg- 
Schwerin et Nassau chacun 2 ; le reste des états chacun 
une. Dans VEngere-rath^ on ne comptait plus que 17 
voix : TAutriche, la Prusse, la Bavière, le Wurtemberg, 
le Hanovre, la Saxe, Bade, la Hesse électorale , Hesse- 
Darmstadt, Holstein, Luxembourg en avaient chacun 
une ; les autres états en avaient une par curie composée 
de deux, de quatre ou de six états. Le Plénum ne se 
réunissait que quand il s'agissait de modifier Tacte 
constitutif de la confédération ou d'y faire des addi- 
tions, de prendre des résolutions relatives à l'acte pri- 
mordial , aux institutions organiques de la diète , de 
déclarer la guerre, de confirmer la paix, d'admettre un 
nouveau membre dans la confédération, etc. Il n'y 
avait dans le Plénum ni discussions ni délibérations : 
on votait à la majorité minimum des deux tiers des 
voix. Dans YEngere-rath^ on délibérait sur toutes les 
questions à la simple majorité, et on élaborait celles 
qui devaient être soumises au Plénum. Chaque état 
avait le droit d'initiative, et les propositions émanées 
de cette initiative devaient être mises en délibération 
dans un délai fixé. La diète, malgré sa permanence, 
pouvait s'ajourner à une époque qui ne devait jamais 
dépasser quatre mois. Les puissances étrangères pou- 
vaient entretenir auprès d'elle des envoyés spéciaux. 

Toute institution commune était écartée. Au lieu de 
ce suprême tribunal fédéral, signe visible de l'unité 
de la « patrie allemande, » les confédérés s'engageaient 
simplement à soumettre leurs différends à la diète, qui 
essaierait de les concilier. La médiation ayant échoué, 
les parties contendantes choisiraient la cour suprême 

À8SRLINE» 7 



110 HISTOIRE DE L*AUTRICHB 

de justice de l'un des états membres de la confédération, 
laquelle jugerait les contestations pendantes comme 
tribunal d'Austrègues, suivant le droit allemand. L'arrêt 
rendu, YEngere-rath déciderait s'il fallait contraindre 
par la force la partie condamnée à l'exécuter. 

Il en fut de même de ces espérances constitution- 
nelles qu'on avait fait briller aux yeux des peuples les 
années précédentes. Les alliés avaient joué de la corde 
libérale au point que Napoléon put faire mettre au 
Moniteur qu'il allait « affranchir l'Allemagne de la dé- 
magogie dont l'ennemi avait embrassé la cause. » La 
question fut posée dans le comité des cinq puissances 
formé le 14 octobre 1814. Si la Prusse et surtout le 
Hanovre montrèrent d'assez bonnes dispositions consti- 
tutionnelles, les plénipotentiaires du dur et sensuel 
tyran du Wurtemberg et du débonnaire et débauché 
souverain de la Bavière dominé par son ministre Mont- 
gelas, opposèrent un veto absolu. Tous ces efforts abou- 
tirent à l'article 13 du pacte fédéral : « Dans tous les 
états allemands il y aura une constitution d'états ter- 
ritoriaux [Landstag). » Les souverains restent maîtres 
de les accorder ou de les refuser du haut de leur droit 
divin. Ainsi que le remarquait un publiciste allemand, 
l^Allemagne victorieuse obtenait moins de droits natio- 
naux que la France vaincue. On passa sous silence la 
législation sur la presse, le minimum des droits indi- 
viduels, l'unité de rapports avec le saint-siége. 

Le 9 juin 1815 fut signé l'acte dit final ou acte gé- 
néral contenant le résultat de tous les travaux accom- 
plis par le congrès. Une commission territoriale , com- 
posée de plénipotentiaires anglais , autrichiens , prus- 
siens et russes, resta en permanence pour régler toutes 
les difficultés de détails relatifs aux territoires et ne 
termina sa tâche que par le Jtécès du 20 juillet 1819. 
L'Autriche était entrée dans la confédération pour une 
superficie de 2,017 myriamètres carrés avec une popu- 
lation de 11,200,000 habitants. Ses rapports avec la 



LA RÉACTION — MEtTERNICH Et SON SYSTÈME lll 

Bavière furent régularisés par un traité du 14 avril 
i816. 

L'Autriche prit résolument la tête de cette grande 
réaction absolutiste et religieuse qui sembla ramener 
l'Europe dans le plein moyen-âge. Metternich — qui 
fut nommé en 1821 chancelier de l'empire — se fît 
l'homme de ce système de contre-révolution à l'exté- 
rieur et d'oppression à l'intérieur, en donnant une cer- 
taine satisfaction aux besoins matériels et en accordant 
paternellement les douceurs et les bénéfices de l'engrais 
à ceux qui se dépouillaient de toute virilité. Plus 
homme de police qu'homme d'état, plus roué que su- 
périeur, d'une facilité de conception et de coup d'œil 
qu'augmentait encore sa longue expérience, mais inca- 
pable de s'élever à des vues générales, Metternich n'a- 
vait qu'une doctrine, celle du statu quo acharné, de la 
conservation à outrance. Il s'y était butté avec l'obsti- 
nation d'un esprit étroit que n'illumine aucune idée 
d'avenir et qui ne dépasse jamais l'horizon des résultats 
immédiats. Faire durer le plus longtemps possible l'é- 
difice aux matériaux disparates construit par la bande 
de monarques et de diplomates du congrès ; veiller à 
son équilibre toujours menacé en éloignant les turbu- 
lents de l'extérieur à coups de canon et les turbulents 
de l'intérieur à coups de supplices et de police ; mettre 
au nombre de ces turbulents à proscrire tous ceux 
qui pensaient, tous ceux qui avaient un droit, même 
le plus légitime, à revendiquer ; faire des intérêts les 
plus bas, des abus les plus vieillis et des formes les 
plus surannées les gardiens de la tremblante pyramide ; 
la placer, soustraite à tout souffle et à toute vibration, 
dans la nuit et dans le silence , tel fut tout le système 
de Metternich. Il exigeait plus de ruse que de génie et 
plus de poigne que d'intelligence. Ce ministre au bois 
donnant savait bien qu'il y aurait un réveil, mais son 
ambition se bornait à ce que le déluge vint après lui. 

Kn l'attendant , il se permettait vie joyeuse et facile. 



112 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

Cupide et prodigue, le chancelier dépensait les gigan- 
tesques subsides qu'il touchait de toutes mains, de la 
Russie, de l'Angleterre, de la France, et voyait ses let- 
tres de change perdre vingt-quatre pour cent sur la 
place de Vienne. Il occupait de ses exploits la chro- 
nique scandaleuse de la bonne ville, peu facile cepen- 
dant à émouvoir en pareille matière. Le conseiller russe 
Mérian l'appelait « de la poussière vernie ». 

D'ailleurs tout-puissant en matière de politique exté- 
rieure, il était soumis, quant à l'intérieur, à la direction 
de son impérial maître. Ce féroce bonhomme, qui par- 
courait sans efiPorts toute la gamme de la faiblesse à la 
cruauté, tenait à gouverner lui-même; sa bête noire 
était le constitutionalisme. Le mot seul de charte ou de 
constitution le mettait dans un état épileptique. Aussi, 
timide et hésitant dans le cours ordinaire de la vie, 
devenait-il implacable dans la répression des mouve- 
ments politiques menaçant même de loin son pouvoir 
de droit divin. Alors il étudiait en personne, pour les 
perfectionner, les plans des cachots du Spielberg et cet 
épouvantable règlement du carcere duro qui imposait 
la famine aux prisonniers. Il est vrai que le bigot sou- 
verain ajoutait : « C'est dans l'intérêt de leur améliora- 
tion, pour le remède de leur âme. » Il craignait ses 
frères, le Palatin Joseph, le grand capitaine Charles et 
surtout cet archiduc Jean, le vaincu de Hohenlinden, 
auquel il défendit de mettre les pieds dans le Tyrol. Il 
brisait ses favoris avec une parfaite indifférence, tel 
que le docteur StifPt, et se montrait peu sensible au 
sort de ceux qui mouraient pour lui, tel qu'André 
Hofer. 

Les peuples autrichiens favorisaient d'ailleurs, par 
leur indolence, le système du despotisme paternel; au- 
cun esprit général ne planait sur cette marquetterie 
d'états. Chacun dans sa petite province — surtout dans 
les états héréditaires — vivait naïvement sous la tutelle 
acceptée de l'administration et de l'église. L'immense 



PART DE FRANÇOIS AU GOUVERNEMENT H3 

mouvement de la Révolution n'avait même pas efûeuré 
ces esprits brisés au joug, Metternich prétendait que 
Joseph avait inoculé la révolution à rAutriche : ces 
sujets modèles ne sortaient de leur routine bourgeoise- 
ment idyllique que pour se faire tuer avec une résigna- 
tion moutonnière sur les champs de bataille de l'Europe. 
La fureur de réaction, datée de 1815, les trouva parfai- 
tement préparés, et la centralisation, sublimée et quin- 
tessenciée par une prodigieuse bureaucratie, ne rencontra 
aucune résistance. 

Une réglementation minutieuse, sans cesse perfec- 
tionnée à Vienne dans les collèges auliques de chaque 
département ministériel, prévoyait tous les cas. Si par 
hasard se présentait une affaire imprévue, les fonction- 
naires, privés de toute initiative, devaient demander à 
Vienne de nouvelles instructions. Tout aboutissait à 
l'empereur qui, ne pouvant tout examiner ni tout ré- 
soudre, remettait les dossiers à des conseillers arbitrai- 
rement choisis, si bien qu'on avait le despotisme sans 
l'unité. Les employés, mal payés à cause de leur nom- 
bre, routiniers, insolents, vénaux et incapables, pesaient 
sur les administrés de tout le poids d'une écrasante 
hiérarchie. On publiait, à l'usage de ces administrés, 
de petits manuels de servitude où l'on développait le 
thème que l'empereur était maître absolu de la vie et 
des biens de ses sujets. 

Les diètes provinciales subsistaient, sauf à Goritz, en 
Istrie et en Dalmatie. On les avait successivement réta- 
blies, en 1816, dans le Tyrol et dans le Vorarlberg, 
en 1817 en Gallicie, en 1818 dans la Garniole, en 1828 
dans le cercle de Saltzbourg. Mais, sur bien des points, 
elles ne subsistaient qu'en principe. La diète hon- 
groise reste quatorze ans sans être convoquée (1811- 
1825). On avait distribué aux soldats magyars des mé- 
dailles fabriquées avec le bronze des canons pris sur 
l'ennemi et portant pour légende : Europa liberlati 
asserta. Ges fanatiques instruments du despotisme en 



114 HISTOIRE DE L'AUTRIGHE 

comprirent vite le mensonge. Les Etats de Transylvanie 
ne furent pas réunis pendant vingt-trois ans (1811-1834). 
Là où les diètes étaient convoquées, elles n'avaient qu'à 
enregistrer les mesures relatives à la levée des recrues 
et à la perception des impôts, ou à s'occuper de la 
police rurale. La noblesse et le clergé possédaient seuls 
des terres donnant des voix à la diète. Ainsi, en 1819, 
dans la Styrie, les propriétaires roturiers de quatre- 
vingts terres seigneuriales demandèrent vainement le 
droit de représentation. On s'opposait, autant que pos- 
sible, à ce que les villes fussent représentées : il n'y en 
avait aucune en Silésie, une seule en Gallicie, quatre en 
Bohème; les sept villes de Moravie n'avaient qu'une 
voix collective. Les diètes avaient bien le droit de 
pétition, mais on les engageait vivement à ne pas en 
user, et on témoignait toute l'irritation impériale aux 
états de Styrie et de Garniole qui avaient osé péti- 
tionner en 1817 et en 1818. 

La noblesse n'avait aucun privilège administratif, 
constitutionnel ou politique. Très-nombreuse, elle pos- 
sédait presque tout le sol et presque tout le numéraire ; 
elle occupait toutes les hautes fonctions civiles et mili- 
taires. Ses fils, pleins de morgue, avaient leurs bancs 
séparés dans les universités. De mœurs faciles , elle 
se livrait volontiers au jeu et aux femmes. Dans .la 
molle Taïti \iennoise, le nombre des naissances illégi- 
times égalait presque celui des naissances légitimes. 
« Notre existence, disait un noble, est un sommeil 
comme celui des animaux hivernants. » La noblesse 
n'en conservait pas moins ses vassaux corvéables et ses 
justices patrimoniales, contre lesquelles ne luttaient pas 
toujours avec succès les bailliages des cercles. 

Cet étouffant despotisme ne voulait rien laisser en 
dehors de lui : tout en s 'alliant avec l'église, il la sur- 
veillait et la contenait. En échange des privilèges qu'il 
lui accordait, il fallait qu'elle aussi se fît instrument de 
règne : on voulait changer les évoques en fonction- 



ÉTAT RELIGIEUX DE L*AUTRIGHE 115 

naires. En Italie, le pape, de par la maxime ultramon* 
laine : tout ou rien, n'était pas éloigné de considérer 
François comme le successeur de Joseph. On arriva même 
en 1816 à une rupture complète et ce ne fut que le 
30 septembre 1817 que le Saint-Père consentit à donner 
rinvestiture aux évoques vénitiens ; il y eut même, en 
1818, d'aigres propos échangés dans une audience entre 
l'empereur et le nonce. Malgré un voyage de François à 
Rome en 1819, un décret de la chancellerie aulique mit 
en surveillance les biens du clergé et les legs. Ce fut 
même vainement que, de 1833 à 1834, on essaya de 
conclure un concordat. Mais la religion était ardem* 
ment protégée. En 1814, les couvents avaient été ré' 
tablis dans tout le Tyrol : en 1816, on avait accordé 
d'énormes réductions d'impôts aux Piaristes, aux Gapu« 
cins et aux Franciscains : les pèlerinages se multipliaient 
(il y en avait cent soixante-dix dans le seul Tyrol). Les 
livres étaient rigoureusement censurés au point de vue 
de l'orthodoxie. La cour prenait une large part aux 
cérémonies religieuses. Les jésuites étaient favorisés. 

Mais on était surtout agréable à l'église par les per- 
sécutions contre les dissidents et par l'organisation de 
l'instruction publique. Les protestants étaient soumis à 
d'intolérables petites vexations qui les frappaient dans 
chaque acte de leur vie. On mettait des présidents 
catholiques à la tête de leurs consistoires. On les obli- 
geait à payer un droit d'étole au curé, à publier leurs 
bans dans les églises catholiques, à admettre les curés 
au chevet des moribonds. Us ne pouvaient, sans avoir 
obtenu une dispense, acheter terres ou maisons, obtenir 
droit de maîtrise ou de bourgeoisie, être investis de 
fonctions civiles. S'ils voulaient entrer à l'Académie 
militaire de Wienerisch-Neustadt, ils devaient abjurer. 
Les conversions du catholicisme au protestantisme étaient 
au contraire rendues impossibles. Dans le Tyrol, en 1834, 
les habitants de Zillerthal s'étaient convertis au protes- 
tantisme ; le gouvernement leur donna le choix de ren- 



116 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

trer au giron de l'église ou d'émigrer en Transylvanie : 
quatre cents s'échappèrent et se réfugièrent en Prusse. 
C'est principalement en matière d'instruction pu- 
blique qu'on s'était arrangé de façon qu'à tous les 
degrés l'enseignement restât absolument catholique et 
absolutiste. La commission aulique des études prodi- 
guait les règlements les plus minutieux où tout était 
prévu, jusqu'à l'attitude des enfants à la garde-robe 
(lois scolaires du 30 octobre 1812). Les professeurs de- 
vaient se confesser et pratiquer : l'avancement dépen- 
dait du certificat de religion délivré par le catéchiste. 
On contrôlait leurs lectures personnelles, ils ne pou- 
vaient prendre que certains livres dans les bibliothèques 
universitaires (règlement du 8 juillet 1821). Le clergé 
surveillait souverainement les écoles, les gymnases et 
les universités. Les couvents et les collégiales avaient 
pleine liberté de fonder des maisons d'éducation. Les 
sciences étaient bannies, l'histoire et la géographie 
réduites au minimum. Il ne fallait pas qu'un si bel état 
de choses fût troublé par des souffles pestilentiels qui 
pouvaient venir de l'étranger. Des décrets de 1817, 
1819, 1830, enlevèrent successivement aux étudiants 
des diverses provinces, la possibilité de fréquenter les 
universités étrangères. On était obligé de demander à 
la police l'autorisation , révocable tous les six ans, 
d'avoir des professeurs privés, et ceux-ci s'engageaient 
à ne se servir que des livres autorisés. On n'admettait 
pas, dans les gymnases, d'élèves étrangers âgés de plus 
de dix ans. 

La censure complétait cette muraille de Chine et 
achevait ce blocus intellectuel. Tout ouvrage indigène 
ou étranger était ou interdit ou mutilé. Les libraires 
étaient soumis à de fréquentes descentes de police. La 
littérature et la philosophie agonisaient. On avait, il 
est vrai, conquis Schlegel, devenu réactionnaire forcené 
et prédicant d'absolutisme politique et religieux. Gentz, 
Adam MuUer, l'autre Schlegel, ces émules des Bonald, 



MESURES FINANCIÈRES DE 1848 147 

des De Maistre et des Burke, furent attirés à Vienne. 
Pilât d'Augsbourg alla y rédiger V Observateur autrichien 
{Œsterr Beobackter), organe du système. On ne permet- 
tait pleinement que Texercice de la musique instru- 
mentale. 

La situation matérielle était-elle bonne au moins? 
Loin de là. Nous avons raconté la célèbre quasi-banque- 
route de 4811 à laquelle avait présidé le ministre Wallis. 
Nous avons vu que la commission chargée d'émettre le 
nouveau papier qui devait remplacer les 160 millions de 
vieux papier, s'était engagée par serment à ne pas 
émettre pour plus de 212 millions de florins de ce nou- 
veau papier, le tout en attendant le rétablissement de 
la circulation métallique. Or, non-seulement la circula- 
tion métallique ne fut pas rétablie, mais les 212 millions 
furent promptement portés à 466. Pour retirer ce papier- 
monnaie, on se livra à une suite de compensations, de 
combinaisons avec service d'intérêts énormes (notam- 
ment patente du !•' avril 1818), qui pesèrent de plus 
en plus lourdement sur les finances. Ces retraits s'opé- 
raient à l'aide d'emprunts avec primes, loteries, etc., 
qui atteignaient à la fin du règne de François le chiffre 
de 567 millions et demi de florins. En 1816, on fonda la 
banque de Vienne qu'on dota de privilèges considérables. 
Ses commencements furent pénibles et sur ses 100,000 
actions de 500 florins, 56,621 seulement trouvèrent 
d'abord preneur. Mais elle ne tarda pas à se développer, 
si bien qu'en 1840 ses actions valaient 1885 florins. Elle 
favorisait encore plus l*agiotage que le commerce et 
l'industrie ; aussi Vienne devient déjà à cette époque la 
capitale des boursiers, l'Eldorado des spéculateurs. Les 
loteries d'état, la mise en loterie de nombreuses pro- 
priétés foncières stimulaient encore cette ardeur spécu- 
latrice. Gervinus met avec raison à Vienne le point de 
départ de cette aristocratie d'argent, de cette interna- 
tionale banquière qui administre comme un domaine l'en- 
semble de la dette pubUque européenne et qu'on a vue 

7. 



118 HISTOIRE DE L' AUTRICHE 

slntéresser d'autant plus à rintégrité de TAutriche que 
TAutriche fournit à ce domaine le plus gros contingent. 

Les travaux publics furent passablement favorisés. 
On ouvrit des canaux en Hongrie et en Lombardie. En 
1848 on régularisa le cours du Dniester. En 1821 on 
abolit les péages et privilèges sur TElbe. On construisit 
les routes célèbres de Stelvio et du Splûgen. Mais le 
commerce et l'industrie étaient paralysés par les lignes 
de douanes entre les provinces de la monarchie ; elles 
ne furent abolies qu'en 1826 et 1827. La patente sur les 
douanes de 1810 si rigoureuse ne fut réformée qu'en 
1836 : le système prohibitif était appliqué à outrance. 
Trieste était le seul port qui fît un commerce un peu 
actif, car Venise n'était pas utilisée, même pour la 
marine de guerre. En 1833 fut fondée à Trieste par un 
particulier du Bas-Rhin cette grande société qui reçut 
le nom de Uoyd autrichien : destinée d'abord à procurer 
aux compagnies d'assurances maritimes les renseigne- 
ments intéressant le commerce et la navigation à l'aide 
d'agents entretenus dans tous les ports, elle ouvrit avec 
toutes les échelles du Levant des lignes de bateaux à 
vapeur dont la première, celle de Gonstantinople, fut 
inaugurée en 1837. Mais on ne fit rien pour mobiliser 
la propriété foncière. La corvée ou Robot était mainte- 
nue, sauf une réforme partielle en 1819 dans la Tran- 
sylvanie. Aussi l'agriculture restait-elle stationnaire. Il 
y avait moins de bestiaux en 1837 qu'en 1805. Malgré 
le cadastre qui fut terminé vers la fin du règne de 
François, la contribution foncière restait énorme. Les 
marais envahirent la Hongrie. 

L'armée, aristocratiquement commandée, offrait le 
plus parfait spécimen de l'application de l'axiome des 
Habsbourgs : diviser pour régner. Les régiments hon- 
grois gardaient l'Italie, les régiments italiens laGallicîe, 
les Polonais l'Autriche, les Autrichiens la Hongrie. Elle 
devenait ainsi un instrument perfectionné de compres- 
sion intérieure. 



L'ITALIE AUTRICHIENNE ; POLICE 119 

Tel fat Tensemble du gouvernement autrichien sous 
les règnes de François I« et de Ferdinand son succes- 
seur. Il pesa surtout sur les deux provinces où l'esprit 
national était le plus énergique : le royaume Lombard- 
Vénitien et la Hongrie. 

Avant la Révolution, rAutriche n'avait en Italie que 
le Milanais séparé de ses états héréditaires par les évê- 
chés libres de Trente et de Brixen et par la république 
de Venise et la Valteline. Les traités de Vienne lui 
avaient donné ce magnifique royaume Lombard-Vénitien 
avec ses cinq millions d'habitants et ses quatre-vingt 
millions de revenu : entourée de principautés vassales, te- 
nant garnison à Ferrare, à Plaisance et àComacchio, elle 
était la mi^tresse de la péninsule. Nous avons dit com- 
ment était tombé le royaume dltalie. Dès janvier 1815, 
la police autrichienne découvrait un complot formé 
pour la résurrection de ce royaume par le colonel Gas- 
parinetti, les généraux Leschi, Bellotti et Demeister, le 
professeur Rasori, etc. : il valut à ses auteurs une con- 
damnation à cinq ans de carcere duro. Ce fut comme le 
signal de la réaction à outrance. L'archiduc Antoine, 
nommé vice-roi et qui montra quelques velléités d'indé- 
pendance, fut remplacé par l'archiduc Reinier. Celui-ci 
resta docile pendant sa vice-royauté de trente ans, ne 
8ongeant,comme le disait François lui-môme, qu'à faire 
de l'argent. Toutes les institutions françaises furent abo- 
lies. La parole du comte Lasansky : « Il faut germaniser 
l'Italie » fut suivie à la lettre. On rétablit les cours spé- 
ciales. Le clergé et les moines furent réintégrés dans leurs 
biens et privilèges, la franc-maçonnerie supprimée, la no- 
blesse remise en honneur, la conscription établie, la taxe 
personnelle exigée avec une impitoyable rigueur; rien 
ne manqua au programme. Mais ce fut surtout la police 
qu'on poussa pour ainsi dire à l'état aigu. Un immense 
réseau d'espionnage enlaça non-seulement les indigènes, 
mais encore les étrangers, même les ambassadeurs et 
les consuls. A Milan, Strassoldo succédait au comte Fra^ 



420 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

de Saurau soupçonné de libéralisme. On découvrit ou 
on inventa la ligue Guelfe contre les Teutons, Gaulois et 
Hyperboréens (1817), les complots de Garbonari, etc. 
Tous les mouchards se surveillaient mutuellement : le 
grand policier, le Tyrolien Torresani, était surveillé par 
Brambilla qu'espionnait Malavasi. Sous eux tracassaient, 
dénonçaient les Pachta, les Bolza, les Yillata, les Ra- 
gazzi. La lecture de Fordonnance de 1826, code des 
hommes de police, plonge dans la stupéfaction. Les 
merveilleux tableaux de Beyle dans la Chartreuse de 
Parme sont au-dessous de la réalité. Les nobles lom- 
bards, qui avaient favorisé la chute de la domination 
napoléonienne, réclamèrent vainement : eux-mêmes, les 
Gonfalioneri, les Porro, les Arrivabene, étaient promis 
aux cachots du Spielberg. Contre la Bibliothèque ita- 
lienne^ revue austro-milanaise, Silvio Pellico fonda le 
Conciliateur (1818), où il eut pour collaborateurs Roma- 
gnosi, Gonfalonieri, Leopardi, et qui fut interdit au bout 
d'une année. 

Même système et même compression en Hongrie. Là 
aussi la police que dirigeait de Vienne Seldnitzky com- 
primait tout mouvement. Les fonctionnaires électifs des 
comitats étaient de plus en plus remplacés par des fonc- 
tionnaires à la nomination du gouvernement : on choi- 
sissait pour comte suprême ou grand hpan l'homme le 
plus dévoué au pouvoir central. Plus de diètes 1 l'empe- 
reur répond en 1820 aux réclamations du comitat de 
Pesth « que le monde entier, pris de folie, cherche des 
constitutions imaginaires [totus mundus stultizat et ima- 
ginarias quœrit constitutiones), » Les commissaires royaux 
enrôlaient les hommes et levaient les impôts au mépris 
de la constitution. Mais déjà grandissaient les Széchenyi, 
les Deak, les Nagy, les Wesselenyi dont les efforts et 
l'éloquence allaient amener la renaissance hongroise. 

Pour maintenir ses provinces dans ce stabilisme 
absolu, dans cette stagnation suprême, l'Autriche avait 
besoin qu'il en fût de même au dehors. Nous allons la 



LA SAINTE-ALLIANCE — DIÈTE GERMANIQUE 121 

voir se développer dans ce rôle de gendarme de Tordre 
européen, tant en Allemagne et en Italie où le contact 
était plus direct, que dans le reste de l'Europe. 

Le 26 septembre 1815, Alexandre, François et Frédé- 
ric-Guillaume signèrent la Sainte-Alliance, pacte dont 
ils avaient discuté, arrêté et rédigé en personne les 
articles, sous l'inspiration d'Alexandre, inspiré lui-même 
par la mystique madame de Krûdner. Le texte complet 
en fut publié pour la première fois le 2 février 1816 
dans le journal de Francfort. Cet attendrissant pro- 
gramme avait surtout pour but de faire prévaloir les 
principes du droit diAdn et du pouvoir absolu à l'aide 
d'une assurance mutuelle entre souverains. S'ils s'envi- 
sageaient « comme délégués par la Providence pour 
gouverner trois branches d'une même famille », c'était 
principalement pour maintenir ces trois branches dans 
l'unité d'une même oppression. On appliqua d'abord ces 
principes à l'Allemagne toute frémissante encore du 
grand réveil de 1813. 

La Diète germanique, malgré sa constitution vicieuse, 
aurait pu donner de l'unité à ces revendications des 
peuples déçus dans leurs espérances de réforme et de 
vie nationale. Metternich y mit bon ordre. Dès le 
5 novembre 1816, jour de sa première réunion sous 
la présidence du représentant autrichien, comte de 
Buol-Schauenstein (auquel succéda, en 1823, le baron 
de Munch-Billinghausen), Metternich s'attacha à ren- 
dre inutile le nouvel organe et à le diviser dans son 
action. Avec un art infatigable, il y étouffa les af- 
faires communes sous le poids des affaires particulières. 
La Diète n'osa voter que la confédération serait repré- 
sentée par des ambassadeurs. Elle renonça à instituer 
un tribunal fédéral permanent, ne put aboutir à faire 
une loi sur la presse et renvoya les pétitionnaires qui 
s'adressaient à elle à leurs gouvernements respectifs. 
Ses délibérations étaient entravées par la disposition 
qui voulait qu'il y eût unanimité sur les questions graves : 



122 HISTOIRE DE L'àUTRIGHE 

on déclarait l6 20 décembre 1819 que cette unanimité 
ne se produisant pas, « il fallait attendre le moment 
favorable ». Les séances secrètes se multipliaient et 
depuis 1820 les vacances devinrent de plus en plus fré- 
quentes. Mettemich avait réussi à fausser et à stériliser 
rinstitution, 

L'Allemagne, se voyant encore trompée de ce c6té, 
parut vouloir agir par elle-même. Le 18 octobre 1817, 
cinq cents étudiants dléna, de HaUe et de Leipsig et 
quelques professeurs se réunirent à la Wartbourg, le 
vieux château où Luther s'était battu avec le diable 
trois cents ans avant. Ils s'y grisèrent de discours inno- 
cents, brûlèrent quelques écrits réactionnaires et firent 
flotter le drapeau national rouge, noir et or. Metter- 
nich épouvanté envoya Zichy faire une enquête à 
Weimar et à léna sur ces saturnales. La révolution 
allait-elle renaître en deçà du Rhin ? Déjà Nassau et 
Saxe-Weimar avaient eu la faiblesse de donner une 
constitution à leurs sujets. La Prusse, dès le 22 mai 1815, 
avait promis une charte et des états provinciaux. Il 
n'était que temps d'éteindre l'incendie. Mettemich, qui 
avait rallié à sa politique le grand chancelier Harden- 
berg, ne cessa, avec son concours, de présenter à Fré- 
déric-Guillaume III les plus effrayants tableaux de la 
démocratie débordante. Alexandre de Russie, venant à 
la rescousse, fit écrire par un de ses jeunes diplomates, 
Stourdza, un mémoire « sur l'état actuel de l'Allemagne» 
où les mêmes dangers étaient signalés. Gentz, au signal 
du ministre autrichien, brandit sa plume alarmée et 
alarmiste contre la manie constitutionnelle des gou- 
nements du sud. Un événement inattendu précipita les 
choses. Le 23 mars 1819, l'étudiant Karl Sand assassina 
à Manheim l'espion russe Kotzebue. Le l*'" juillet sui- 
vant, un jeune pharmacien, Karl Loehning, tenta d'as- 
sassiner à Schwalbach Von Ibell, le coryphée de la 
réaction dans le Nassau. Les gouvernements furent pris 
de terreur et crurent à l'existence d'une Sainte Wehme 



ENTREVUE DE GARLSBAD 123 

au sein des sociétés secrètes. Dans une entrevue à 
Tœplitz avec le roi de Prusse et Hardenberg, Metter- 
nich acheva de ramener le successeur du grand Fré- 
déric dans le système autrichien. La Prusse, centre 
d'attraction du protestantisme, espoir des patriotes 
allemands, manquait une fois de plus Toccasion de se 
poser devant sa rivale et d'ébranler à son profit le dua- 
lisme. 

En août 1819, François et Frédéric Guillaume, assistés 
de plusieurs adhérents à la sainte alliance et de leurs 
ministres, se réunirent à Garlsbad en Bohême. On pré- 
para en secret les mesures anti-révolutionnaires des- 
tinées à être proposées à la diète pour être converties en 
lois fédérales et qui, selon Theureuse expression d'un 
historien allemand, donnaient pour ainsi dire une for- 
mule autrichienne à toute la vie publique de TAlle- 
lûagne. Les gouvernements devaient s'engager à sur- 
veiller les étudiants pour qu'ils ne formassent pas de 
sociétés secrètes et les professeurs pour qu'ils ne pro- 
pageassent pas de dangereuses doctrines. Les journaux 
et écrits périodiques et les ouvrages de moins de vingt 
feuilles d'impression étaient, astreints à la censure 
préalable pendant cinq ans.Ladiète était autorisée à faire 
saisir et à supprimer d'office tout écrit estimé capable 
de troubler la paix publique en Allemagne. Enfin on 
mslituait une commission centrale d'enquête composée 
des représentants de l'Autriche, de la Prusse, de la 
Bavière, du Hanovre, de Bade, de Hesse-Darmstadt 
et de Nassau, chargée de rechercher et de pour- 
suivre tous les affiliés aux sociétés secrètes. On n'a eu 
qu'en 1844 le texte complet de ces résolutions et on 
put y admirer une sorte de post-face où l'absolutisme 
formulait toute une homélie contre l'esprit d'innovation 
et de recherche. Les résolutions furent aussitôt transfor- 
uiées en lois féodales par la diète. Un chargé de pou- 
voirs, surveillant de la doctrine et de la conduite, fut 
établi auprès de chaque université. La commission 



124 HISTOIRE DE l'AUTRIGHE 

d'enquête, vraie inquisition d*état, s'établit à Mayence. 
Stein et Niebuhr protestèrent. Le ministre prussien Hum- 
bold qui tenta de s'opposer fut éloigné par l'influence! 
autrichienne. Mais cette influence ne put empêcher Ifll 
petit Wurtemberg de faire sa constitution (22 sep- 
tembre 1819), à l'imitation de la Bavière (26 mai 1818) 
et du grand-duché de Bade (22 août 1818), voie où ne 
tarda pas à le suivre la Hesse-Darmstadt (1820) . Jj'acte 
final du congrès de Vienne, promulgué par la diète le 
15 mai 1820, compléta dignement les résolutions de 
Garlsbad. Les articles 57 et 58 déclarèrent que les cons- 
titutions ne pouvaient porter atteinte aux pouvoirs de 
la souveraineté qui « restent réunis dans le chef su- 
prême du gouvernement » et que la publicité des débats 
des chambres devait être bornée de façon à ne pas 
mettre en péril la tranquillité de l'Allemagne. Les arti- 
cles 15 et 16 reconnaissaient le droit d'intervention 
dans le cas de révolte intérieure menaçant la sécurité 
des autres états : ces dispositions supprimaient l'indé- 
pendance des petits états et donnaient la police de l'Al- 
lemagne à l'Autriche et à la Prusse. 

On avait éteint l'incendie dans le monde germanique, 
mais il se réveillait plus intense dans le monde latin. 
L'Amérique espagnole se soulevait contre la domination 
de la métropole. Le 1*' janvier 182Ô, Riego avait pro- 
clamé dans l'ile de Léon la constitution des Gortès et 
donné le signal de la révolution d'Espagne. Cette révo- 
lution elle-même avait suscité au mois de juillet sui- 
vant la révolution de Naples dont Guillaume Pepé se 
faisait le chef militaire. Le roi de Naples et son fils, le 
duc de Galabre, vicaire-général, prêtèrent serment à une 
constitution à l'espagnole et convoquèrent un parlement. 
Le Lombard-Vénitien frémissant, travaillé par la char- 
bonnerie, se tourna vers le Piémont où un membre de 
la famille royale, le prince de Savoie-Carignan (qui fut 
plus tard Charles-Albert), paraissait rallié aux idées nou- 
velles. Les principautés danubiennes s'agitaient. Un vent 



CONGRÈS DE TROPPAU ET DB LAYBACH 125 

de démagogie semblait souffler de Valparaiso àBucharest 
et, chose grave qui effrayait plus que les autres la sainte 
alliance, l'élément militaire entrait en scène et appuyait 
les révolutions de ses baïonnettes : il fallut aviser au 
plus vite. 

Dès le 4 février 1820, le Czar proclama le principe 
d'intervention au nom de la garantie mutuelle des 
souverains, principe qui fut encore plus énergiquement 
posé dans une dépèche du 3 mars adressée au comte 
de Lieven. Metternich déploya une furieuse activité : il 
concentra des troupes dans la Lombardie, lança la 
police sur toutes les pistes et fit arrêter par fournées 
nombre de patriotes, Munari, Oroboni, Villa, Maron- 
celli, et, le 13 octobre, Silvio Pellico. Le Czar proposa 
un congrès de princes qui s'ouvrit à Troppau en Silésie, 
malgré les protestations du ministre anglais Gastlereagh 
contre le nouveau Pilnitz. Un protocole fut dressé le 
19 novembre et une circulaire au nom de l'Autriche, 
de la Russie et de la Prusse, adressée le 8 décembre à 
toutes les puissances. La sainte alliance y était renou- 
velée sôus le nom de : « centre de l'union des états 
européens », et le principe d'intervention établi « contre 
la rébellion et la crise des sujets. » On annonçait en 
même temps que le congrès serait transféré à Laybach 
en Gamiole pour permettre au roi de Naples de s'y 
présenter. Les petits états allemands tremblèrent et 
la Bavière, le Wurtemberg et Bade songèrent un ins- 
tant à un contre-congrès à Wûrzbourg. Tout en refu- 
sant de prendre part aux délibérations de Laybach 
comme à celles de Troppau, Gastlereagh n'en laissait 
pas moins, par sa note du 19 janvier 1821, à l'extrême 
indignation des whigs, carte blanche à la coalition. Le 
congrès s'ouvrit à Laybach le 26 janvier. Le premier acte 
du roi de Naples fut d'y violer joyeusement son ser- 
ment constitutionnel et d'adresser à ses sujets une som- 
mation de rentrer dans le devoir. Le 5 février, le général 
Primont franchit le Pô à la tète de quarante mUle Au- 



126 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

trichiens, précédé^d'un manifeste annonçant que, s'iL le 
fallait, Tempereur de Russie joindr^t ses guerriers à 
ceux de son frère d'Autriche. 

A cette nouvelle, l'insurrection, depuis longtemps 
préparée, éclata dans le Piémont, à Alexandrie, à Asti, 
àPignerol, dirigée par les comtes Palma, Lisio etSanta- 
Rosa et avec la connivence hésitante du prince de Ga- 
rignan, dont la sœur avait épousé le vice-roi Reinier. 
Turin tomba aux mains des révoltés qui sommèrent le 
roi Victor-Emmanuel d'accepter la constitution. Celui- 
ci aima mieux abdiquer en faveur de son frère Charles- 
Félix dévoué aux Autrichiens. Le prince de Garignan 
prit la régence, proclama la constitution et institua une 
junte. Mais arrivèrent de Naples des nouvelles déplo- 
rables. Le Parlement n'avait rien su faire et Pepé avait 
vu son armée s'enfuir à Rieti au premier choc de l'a-, 
vant-garde autrichienne (7 mars 1821). L'armée de Ca- 
rascosa n'eut pas meilleure attitude et les Autrichiens 
marchèrent librement sur Naples où le Parlement se 
dispersa après une vaine protestation et où ils entrèrent 
le 23 mars. « Si la nouvelle de cette défaite sans luttes 
se confirme, s'écria Thomas Moore, le macaroni a perdu 
toute vertu I » Le prince de Garignan se démit de la 
régence dès le 21 mars et se sauva dans le camp autri- 
chien. Les deux révolutions n'avaient su se prêter aucun 
appui mutuel. L'armée austro-piémontaise commandée 
par Latour et par Bubna défit à Novare le 9 avril l'ar- 
mée constitutionnelle, à ce même Novare où le même 
prince de Garignan, devenu le roi Charles-Albert, de- 
vait, vingt-sept ans plus tard, perdre sa couronne sous 
le choc des armes autrichiennes. Le 18 avril Turin ouvrit 
ses portes. En vertu d'une convention du 24 juillet 1821, 
12,000 Autrichiens occupèrent le Piémont et 42,000 au- 
tres les Deux-Siciles. « Voilà ce que c'est qu'une révo- 
lution qu'on prend à temps, » dit triomphalement Met- 
ternich au Gzar. Les puissances réunies à Laybach dé- 
courageaient en même temps la révolution grecque 



CONGRES DE VÉRONE 127 

dTpsilanti dans les principautés danubiennes, et celui- 
ci, réfugié en Transylvanie, était jeté par rAutriche dans 
une dure captivité de six ans et demi qu'il subit à 
Moungacz et à Theresienstadt. Le 12 mai, le congrès de 
Laybach se sépara après avoir publié une hautaine dé- 
claration due à la plume de Pozzo di Borgo. 

Le succès encourage. Troppau et Laybach avaient si 
bien réussi qu'on songea à un nouveau congrès. Metter- 
nich désirait même que llnstitution de ces congrès de- 
vînt régulière et que la Sainte-Alliance tînt périodique- 
ment ces assises de l'absolutisme, dont les armées du 
Nord feraient exécuter les décrets dans toute l'Europe. 
A la suite de conférences préparatoires tenues à Vienne 
par les ministres, Vérone fut désigné comme lieu de 
réttûion du congrès qui s'ouvrit en octobre 1822. Le 
Gzar, l'empereur d'Autriche, le roi de Prusse, les rois 
des Deux-Siciles et de Sardaigne, les petits princes ita- 
liens y assistèrent, ainsi que Metternich, Wellington, 
Nesselrode, Haxdenberg, Bernstorf, Pozzo di Borgo ; la 
France y était représentée par le duc de Montmorency 
et par le vicomte de Chateaubriand. Le baron de Roths- 
child y jouait, du haut de ses millions, un rôle impor- 
tant. Metternich conduisait tout et Gentz tenait la plume. 
Oa devait d'abord s'occuper des affaires italiennes, mais 
celles d'Espagne prirent la place principale. Metternich 
s efforça d'éviter une action séparée de la France dans 
ces affaires et tenta de substikier l'offensive européenne 
^ celle des armées de Louis XVIIL Mais il céda et la 
France eut l'honneur d'être autorisée à se faire le gen- 
darme de la Sainte-Alliance contre la révolution espa- 
gnole. Le grand chanceUer de l'empire des Habsbourgs 
l^onnait : non-seulement François, mais le Gzar et 
^déric-Guillaume subissaient son influence : il avait 
pu renverser Humbold à Berlin et Kapodistrias à Saint- 
Pétersbourg et il espérait renverser Ganning à Londres. 
|1 entassait mémoires sur mémoires pour formuler la 
^^orie de plus en plus complète du droit divin et de la 



128 HISTOIRE DB L'àUTRIGHE 

politique d'intervention. Il signalait à Tindignation des 
souverains du congrès les constitutions « démocratiques 
et quasi révolutionnaires » accordées par les gouverne- 
ments de l'Allemagne du Sud, notamment par le Wur- 
temberg. Ce fut même à son instigation qu'à Mitten- 
wald le Gzar adressa de violents reproches sur ses con- 
cessions au roi de Wurtemberg, qui répondit par une 
dépêche si insultante pour la .Sainte-Alliance (janvier 
1823) qu'il fut question de le mettre au ban de l'empire. 
Metternich — et par conséquent l'Autriche — se mon- 
trait ainsi l'âme de la réaction universelle et se voyait 
sur le point d'imposer à l'Allemagne et à l'Europe en- 
tière le régime de force et de silence qu'elle imposait 
elle-même à ses sujets. La Prusse protestante, la Prusse 
espoir des patriotes, désertant son rôle, gravitait hum- 
blement dans l'orbite de la grande puissance catholico- 
latine. 

Le congrès de Vérone décida le 2 décembre 1822 l'é- 
vacuation du Piémont par les Autrichiens. Le 13 dé- 
cembre, il recommanda aux princes italiens par une 
note « de travailler à la formation d'esprits tranquilles. » 
L'effectif du corps d'occupation de Naples fut réduit. Le 
congrès s'occupa accessoirement du litige entre la Rus- 
sie et la Turquie et fit présenter au sultan par l'ambas- 
sadeur anglais lord Strangfort un ultimatum où était ré- 
clamée l'exécution exacte du traité de Bucharest en 1812. 
Mais il refusa de recevoir les députés des Grecs insurgés 
débarqués à Ancône. 

Cette série de congrès, après avoir comprimé les mou- 
vements constitutionnels des deux péninsules, donna 
naturellement le signal de ces réactions sanglantes fa- 
milières aux conservateurs, quand leur première peur 
est calmée et pendant lesquelles ils se livrent patiem- 
ment et froidement à une suite de quatre-vingt-treize 
perfectionnés. Sous les inspirations de l'Autriche, le sang 
coula à flots dans le Piémont où tous les chefs du mou- 
vement dont on put s'emparer portèrent leur tète sur 



U RÉACTION — LES PRISONNIERS DU 8PIELBERG 129 

l'échafand. La défection du prince de Garignan n'empê- 
; eha pas Metternich de chercher, dans des négociations 
qui n'ont jamais été bien élucidées, à lui enlever son 
droit de succession. À Naples, la répression dirigée par ce 
bourreau qui a nom Ganosa, prit des proportions insen- 
sées. Seize mille individus furent en quelques jours jetés 
dans les prisons. Un an après, en 1822, on pendait et 
on exécutait encore, car il est à remarquer que les ran- 
cunes du despotisme durent volontiers. L'Autriche elle- 
même fut obligée de faire des représentations à Fer- 
dinand. 

Elle avait d'ailleurs pour son compte institué à Milan une 
commission chargée de rechercher les rapports qui avaient 
existé entre les conspirateurs piémontais et les conspi- 
rateurs lombards. Les patriotes arrêtés furent livrés à un 
tribunal extraordinaire siégeant à Venise et qui, neuf et 
dix mois après les événements, les condamna à mort, 
peine qui fût commuée en carcere duro à perpétuité ou 
à temps (Gonfalioneri à perpétuité, MaroncelU à vingt 
ftns, Silvio Pellico à quinze, etc.). Le Spielberg, la si- 
nistre forteresse voisine de Bninn en Moravie, reçut ces 
fîis de lltalie, après une exposition publique subie à 
Venise. Le livre de Pellico, ce livre dont on admirerait 
Ift résignation si elle n'allait pas si souvent jusqu'à la 
lâcheté, a appris au monde quel traitement ils y subi- 
rent. Couchés sur la planche, les fers aux pieds, su- 
bissant trois perquisitions par jour, ne se promenant 
qu'une heure entre deux soldats le fusil à l'épaule, ils 
soufiFraient les tourments de la faim et de l'isolement 
absolu, privés de toutes nouveUes du monde extérieur. 
L*un d'eux, Villa, mourut littéralement de faim. Oro- 
boni le suivit de près. MaroncelU dut subir l'amputation 
d'une jambe. L'empereur François se faisait rendre un 
compte minutieux de l'existence des prisonniers, con- 
trôlait les rapports sur des plans de chaque cachot et 
tenait la main aux rigueurs ingénieuses et multipUées, 
ce qui n'empêche pas une foule d'historiens d'assurer 



130 filSTOIRr DE L'AUTRICHE 

que c'était un excellent homme, un père non-seulement 
pour sa famille, mais pour ses fortunés sujets. 

La police fut encore perfectionnée et multiplia ses es- 
pions et ses sbires sur toute la surface de la Lombardo- 
Vénétie. Chacun apprit à se méfier de son voisin ; les 
hommes influents reçurent défense de voyager. La bu- 
reaucratie devint plus tracassière et accomplit ce mi- 
racle de se surpasser elle-même. Les princes italiens 
méritèrent les félicitations de TAutriche en se surpas- 
sant aussi eux-mêmes. La palme appartint au pape 
Léon XII qui, flanqué des cardinaux Pallotta et Riva- 
rola, pendit, guillotina, fusilla et envoya aux galères ses 
sujets avec une grandiose prodigalité. Ainsi, à Faenza, 
en un an à peiné, son Éminence Rivarola condamna 
cinq cent huit personnes, dont deux prêtres et trente- 
huit militaires. 

Metternich, mis en goût et qui avait obtenu de la 
diète la prolongation des lois fédérales et la restric- 
tion de la publicité des débats parlementaires, fit en 
mars 1825 un voyage à Paris auquel on donna pour 
objet une demande de suppression de la tribune fran- 
çaise. Un des plus éclatants orateurs de cette tri- 
bune, le général Poy, se fit même l'écho de ces craintes 
mal réfutées par le président du Conseili Metternich 
Voulait aussi obtenir l'adhésion de la France à l'idée 
d'un nouveau congrès à Milan où Ton examinerait les 
aff'aires d'Italie, de Grèce et des colonies espagnoles. Il 
échoua. Pour s'en consoler, François fît la même année, 
avec toute sa famille, un solennel voyage en Italie. Il fut 
reçu le 9 mai à Milan par les princes italiens, et séjourna 
à Venise du 26 juillet au 11 août, mais la Lombardo- 
Vénétie ne retira aucun bénéfice de sa présence. 

Avant d'aborder les afî'aires de Hongrie, nous conti- 
nuerons de suivre dans ses diverses manifestations la 
politique extérieure de l'Autriche, tant dans les affaires 
d'Orient que dans celles d'Allemagne, d'Italie et de l'Eu- 
rope occidentale. 



AFFAIRES d'orient — NICOLAS 131 

Malgré son intimité avec la Russie, TAutriche avait 
un intérêt trop direct aux affaires turques pour ne pas 
suivre avec vigilance les relations de la Russie et de la 
Porte. Par le traité de Bucharest du 28 mai 1812, la 
Porte avait cédé à la Russie toute la portion de la Mol- 
davie au-delà du Pruth et la Bessarabie. L'insurrection 
grecque d'Ypsilanti en Moldavie , bien que vivement 
désavouée par le Czar, n'en fut pas moins crue inspirée 
par la Russie, et le soulèvement général de la Grèce 
en 1821 attribué pour une bonne part à la même in- 
fluence. La Russie avait en effet tout intérêt à affaiblir 
la Turquie pour hâter son morcellement et s'ouvrir 
cette Méditerranée tant convoitée. Les inquiétudes de 
l'Autriche étaient vivement éveillées. Aussi, quand une 
nouvelle guerre menaça d'éclater- entre les Turcs et les 
Russes, elle s'empressia d'interposer ses bons offices, 
Alexandre et François traitèrent la question ensemble 
à l'entrevue de Czernovich (octobre 1823) et MM» de 
Nesselrode et de Metternich eurent de longues confé- 
rences à Lemberg. Les Turcs consentirent à évacuer 
la Moldo-Valachie, Alexandre sacrifia les Grecs, et l'Au- 
triche put s'applaudir du succès de ses efforts. Les deux 
ennemis se réconcilièrent même trop au gré de la di- 
plomatie autrichienne, car la convention d*Akjerman 
signée entre la Porte et la Russie le 6 octobre 1826 
donnait de grands avantages à la Russie : on lui con- 
cédait la libre navigation de la mer Noire. La Moldo- 
Valachie et la Servie, réorganisées, étaient placées sous 
son influence. A Alexandre mort en 1825, avait succédé 
Nicolas, beaucoup moins maniable et sur lequel Met- 
ternich n'avait aucune action. Le nouveau czar favorisa 
l'insurrection grecque et parvint à rallier à lui la France 
où les sympathies philhellènes étaient si vives et, chose 
plus difficile, l'Angleterre qui était partagée entre son 
désir de protéger la Grèce et celui de ne pas trop affai- 
blir la Turquie. Metternich n'en montra que plus d'a- 
version pour la cause des Grecs. Il fut surpris par le 



132 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

traité du 6 juillet 1827 entre la Russie, rAngleterre et 
la France, qui stipulait Tindépendance de la Grèce et 
qui eut pour corollaire cette bataille de Navarin où la 
flotte ottomane succomba. Ce fut bien pire quand la 
Russie, Tannée suivante, se fondant sur ce que la Porte 
n'exécutait pas les conditions de la convention d'Ak- 
jerman, fit passer le Pruth à son armée. La guerre 
aboutit à la paix signée le 14 septembre 1829 à Andri- 
nople. Cette paix donnait les embouchures du Danube 
à la Russie, régularisait avantageusement ses frontières 
et lui permettait le libre commerce de la mer Noire 
et de la Méditerranée. La Serbie, la Moldavie, la Vala- 
chie reçurent des constitutions indépendantes garanties 
et protégées par la Russie. L'indépendance de la Grèce 
fut reconnue. Désormais la Russie allait avoir le rôle 
prépondérant dans la question d'Orient ouverte en toute 
sa grandeur ; les flots du panslavisme battaient les fron- 
tières de TAutriche. Aussi, malgré le savoir-faire de 
Metternich, Talliance si intime des cours du Nord ne 
subsista plus qu'avec des intermittences et seulement 
quand un grand intérêt commun les réunissait. 



CHAPITRE IV 



La réyolution de 1830. — Insurrectioii des Romagnes. — Insur- 
rection de Pologne. — Agitation en Allemagne. — Résolutions 
de Vienne. — Hongrie : Diète de 1825 et renaissance. — Diète 

• de 1832. — Mort de François. — Ferdinand !•'. — Les Ban- 
diera. — Pie IX. — Affaires turques de 1840. — ÉTénements 
de Gallicie. — Cracovie. 



La révolution de 1830, qui amenait à sa suite celles 
de Belgique et de Pologne, sans exercer d'influence 
dans l'intérieur même de l'Autriche , lui inspira des 
craintes violentes pour lltalie et pour la Gallicie. Des 
360,000 hommes de son armée, elle en envoya 80,000 
en Italie et 40,000. aux frontières de la Pologne russe. 

Charles-Albert était monté sur le trône de Piémont , 
Ferdinand II sur celui de Naples ; Grégoire XVI occu- 
pait le Saint-Siège. L'insurrection italienne, pleine d'es- 
poir dans le concours du gouvernement français, éclata 
le 3 février 1831 à Modène, le 4 à Bologne et dans les 
Légations, le 10 à Parme que Marie-Louise dut aban- 
donner, le 17 à Ancône. L'Ombrie suivit le mouvement. 
Le 4 mars, les députés de toutes les villes soulevées se 
réunirent à Bologne et proclamèrent le Statut constt^ 
tutionnel provisoire des provinces unies italiennes. Mais 
ce trop sage gouvernement révolutionnaire, craignant 
de donner un prétexte d'invasion aux Autrichiens, 

▲SSELINB. 8 



434 HIStOIRE DE L* AUTRICHE 

comme si les Autrichiens ne devaient pas envahir 
quand même, défendit la propagande en Lomhardie- 
Vénétie. En même temps Louis-Philippe, uniquement 
préoccupé d'entrer dans ce qu'on appelait le concert 
européen, faisait disperser les rassemblements de réfu- 
giés qui menaçaient la Savoie et empêchait Pepe de 
s'embarquer pour Naples. Les Autrichiens avaient le 
champ libre : du 1*"^ au 3 mars, ils passèrent le Pô sous 
le commandement de Frimont et les Modénais, écrasés 
le 5 à Novi, furent livrés à l'effroyable réaction de leur 
duc. Le 10 mars ils entrèrent à Bologne et battirent à 
Rimini l'arrière-garde de l'armée du gouvernement, 
dont les membres s'étaient réfugiés à Ancône. Geux-ci 
signèrent avec le cardinal Benvenuti une capitulation 
que les Autrichiens s'empressèrent de violer, et au mé^ 
pris de laquelle ils capturèrent le bâtiment VIsola qui 
portait les réfugiés d'Ancône : on les jeta sousles plombs 
de Venise. Le gouvernement pontifical se livra à une 
telle fureur de vengeance que les cinq puissances, sur 
l'initiative de la France, lui adressèrent un Mémo- 
randum. Il fit des promesses, mais après le départ en 
juillet des troupes autrichiennes, il redoubla et força 
de nouveau à se soulever ses malheureux sujets qu'il 
massacra à Gésène, à Porli et à Ravenne (1832)* Les 
Autrichiens en prirent occasion de réoccuper Bologne 
(28 janvier). Le gouvernement français leur riposta en 
prenant et en occupant Ancône (22 février) qu'il garda 
jusqu'en 1838. 

Le seul résultat de l'insurrection des Romagnes fut 
un redoublement d'oppression pour les malheureu:ft 
Lombards-Vénitiens. On remplit de troupes leur paya 
ainsi que le Tyrol. On défendit la représentation des 
pièces les plus innocentes. On interdit aux paysans le 
port des faulx, faucilles et serpes. François rétablit 
une disposition proscrite par Marie-Thérèse et par 
Joseph, à savoir que la preuve par simple indice suffi- 
sait à former preuve légale et à justifier la peine de 



MAZZim — INSURRECTION DE LA POLOGNE 135 

mort. Les conspirateurs italiens, abandonnant alors le 
stérile libéralisme constitutionnel des carbonari, ne 
virent plus de salut que dans la République. Mazzini 
fonda à Marseille en 1832, aidé de quelques réfugiés, le 
journal la Jeune Italie^ qui prêchait l'unité républicaine 
de ritalle avec la confuse devise : Dieu et le Peuple. 
Le journal était doublé de deux sociétés secrètes : la 
Jeune Italie et la Jeune Europe. En 1834 le moment 
parut favorable à Mazzini pour un soulèvement général. 
L'année précédente, la féroce répression des complots 
tramés par les fils du général Roussaroll et par le che- 
valier Ricci, qui avait fait couler des flots de sang à 
Naples, en Piémont, à Modène et de nouveau peuplé 
le Spielberg, avait laissé les esprits exaspérés. Mazzini 
et Ramorino partirent de Genève pour essayer de sou- 
lever la Savoie et le Piémont. A Annemasse, ils n'a- 
vaient pu réunir encore que huit cents hommes. Ramo- 
rino s'enfuit, la petite bande fut écrasée, et Mazzini 
parvint à regagner, au milieu de mille périls, la Suisse, 
qu'il fut obligé de quitter pour l'Angleterre sur les ré- 
clamations de l'Autriche. Le Piémont gravitait alors 
complètement dans l'orbite des Habsbourg. En janvier 
1831 , l'héritier présomptif d'Autriche avait épousé 
Marie-Anne, sœur du roi de Sardaigne Charles-Félix. 

L'insurrection de Pologne éclata à Varsovie le 29 no- 
vembre 1830. On sait comment l'aristocratie, qui prit 
d'abord la direction des affaires dans la personne des 
Czartoryski, des Lubecki et des Chlopicki, fit perdre un 
temps irréparable en négociations avec Nicolas dont le 
seul effet fut de permettre à la Russie, d'abord surprise, 
de s'armer. On sait aussi comment, malgré des miracles 
de bravoure et d'enthousiasme, les divisions des partis, 
les brusques changements de commandement, l'esprit 
de cajste amenèrent la défaite de l'insurrection, et le 
8 septembre 1831 la capitulation de Varsovie, où les 
Russes « firent régner l'ordre ». L'Autriche, pendant 
toute la durée de l'insurrection, affecta de garder une 



136 HISTOIRE DE L'AUTRIGHE 

exacte neutralité. Elle établit aux frontières galliciennes 
un cordon militaire pour empêcher toute exportation 
de munitions et d'armes. Quand, le 17 avril, Dwernicki, 
cerné par le Russe Rudiger, se réfugia en Gallicie dans 
l'espoir qu'on lui permettrait de rentrer en Pologne 
avec ses troupes, l'Autriche fit désarmer sa division, 
l'envoya prisonnière de guerre en Hongrie et l'interna 
lui-même à Laybach : mais elle permit à une division 
russe, qui se trouva dans le même cas, de rentrer en 
Pologne. Après la victoire, cette prétendue neutralité 
s'accusa de moins en moins. L'Autriche souffrit que Ni- 
colas portât un des premiers coups aux traités de Vienne 
en abolissant la constitution qu'ils garantissaient à la 
Pologne, et sans plus protester contre les impitoyables 
vengeances de Nicolas que contre les mesures qui rus- 
sifiaient le malheureux pays , elle consentit à l'occupa- 
tion de la ville de Gracovie par Rudiger et prit part, 
avec la Prusse, aux négociations qui modifièrent la 
constitution de l'humble république. Les trois souve- 
rains du Nord signèrent même en 1833 *un traité par 
lequel ils s'engageaient à se livrer réciproquement ceux 
de leurs sujets accusés de haute trahison, de lèse-ma- 
jesté, de révolte à main armée ou de complot contre la 
sûreté du trône et de l'État. 

Les révolutions secondaires déchaînées par le mouve- 
ment de 1830 étaient donc écrasées en Italie et en Po- 
logne. L'Autriche veilla à ce qu'il n'y eût même pas un 
commencement d'incendie en Allemagne. La fermenta- 
tion des esprits y était extrême. L'association connue 
sous le nom de Burschenschaft et les Burschensckaften 
locales semblaient préparer un mouvement et travail- 
laient vigoureusement les universités, à l'exception de 
la sage université de Vienne qui ne se réveilla qu'en 
1848, mais qui fut alors si énergique. Les réfugiés po- 
lonais sillonnaient le pays]; des insurrections avaient 
éclaté dans la Saxe, le Brunswick et le Hanovre. Cer- 
tains gouvernements, la Bavière en observant fidèle-r 



LA RÉVOLUTION DE 1830 ET L'ALLEMAGNE 137 

ment le régime constitutionnel, Bade en abolissant la 
censure, semblaient attiser indirectement le feu. L'Au- 
triche commença par inspirer à la diète le décret du 
21 octobre 1830 qui était assez modéré dans la forme : 
puis quand elle fut convaincue que la royauté de juillet 
maintenait la France au régime de la paix à tout prix, 
quand les armées russes eurent définitivement écrasé la 
révolution polonaise, alors elle fit rendre par la diète 
les décrets les plus réactionnaires. Le 27 octobre 1831, 
la diète déclara qu'elle ne souffrirait pas qu'on lui remît 
des adresses relatives aux intérêts généraux de l'AUe- 
magae, comme étant une atteinte aux droits des souve- 
rains. L'année suivante, elle supprima les deux jour- 
naux bavarois, la Tribune allemande du docteur Wirth 
et le Messager de touest de Siebenpfeiffer. Les deux jour- 
nalistes furent acquittés et l'un d'eux, le 27 mai 1833, 
convoqua autour du vieux château de Hambach une 
assemblée de libéraux et de patriotes allemands qui 
excita le plus fiévreux enthousiasme. Metternich, épou- 
vanté et aidé d'ailleurs de la Prusse, proposa à la diète 
et fit voter par elle les fameux décrets du 28 juin 1832, 
qne complétèrent ceux du 5 et 19 juillet. On renouvela 
les décrets relatifs aux universités : les gouvernements 
furent invités à surveiller les suspects, indigènes ou 
étrangers, à se signaler réciproquement les associa- 
tions, etc. 

La sensation fut inexprimable en Europe et ces^ me- 
sures odieuses flétries en pleine chambre des communes 
anglaises. Les libéraux exaspérés virent cependant les 
gouvernements accueillir ces décrets malgré les pro- 
testations des chambres basses de chaque état cons- 
titutionnel. Quelques-uns des plus exattés, aidés de 
quelques réfugiés polonais et de quelques paysans, 
organisèrent le 3 avril 1833 contre la diète la ridicule 
échauffourée de Francfort qui ne dura pas une heure 
en tout et que quelques compagnies de ligne réprimè- 
rent si facilement. La réaction appela pompeusement 

8. 



138 HISTOIRE DE L*AUTRIGHB 

cette émeute Vattentat de Francfort. Des dix*hmt 
cent goixaate-sept individus poursuivis par la diète, 
la plupart ne forent jugés qu'en novembre 1836 et 
condamnés à une prison perpétuelle. L'Autriche en 
profita pour appesantir son système sur TAllemagne. 
Le 12 janvier 1834 s'ouvrit à Vienne d'accord avec la 
Prusse une sorte de congrès ministériel, dont les réso* 
lutions furent enregistrées par la diète. On établit un 
tribunal arbitral {Bundesschtedsgericht) de première ins- 
tance destiné à juger les différends entre les gouverne- 
ments et leurs chambres, disposition où l'on reconnaît 
l'ingéniosité de Metternich, car les princes constitution- 
nels étaient ainsi placés sous la juridiction des deux 
grandes puissances absolutistes. Les autorités académi- 
ques furent privées de leur ancienne juridiction en ma- 
tière de police. La diète prit d'autres mesures complé- 
tant cet ensemble en 1835 et en 1836. Ainsi elle défen- 
dit aux ouvriers allemands de voyager dans les états où 
étaient tolérées des associations poUtiques. Elle imposa 
le compte-rendu officiel pour les débats parlementaires; 
elle déclara que toutes les tentatives contre l'existence, 
l'intégrité ou la sûreté de la confédération seraient 
punies, dans chacun des états, comme si elles étaient 
dirigées contre lui-même et qu'on se livrerait récipro- 
quement les criminels politiques. L'Allemagne voulait 
l'unité : on lui donnait l'unité de la répression. 

Mais la quiétude du gouvernement autrichien, assise 
sur tant de triomphes de la force et de la diplomatie, 
était troublée par l'état des esprits en Hongrie. Toutes 
les autres parties de l'empire restaient calmes et comme 
endormies sous le régime de compression et de silence 
de Metternich; les secousses extérieures n'y avaient eu 
aucune répercussion ; mais il n'en était pas de même en 
Hongrie. La sévère et hautaine allocution que François 
avait adressée en 1820 à la députation du comitat de 
Pesth, n'avait pas été prise pour parole d'évangile. Le 
vivace esprit public des Magyars protestait cohtre les 



DIÈTE HONGROISE DE 1825 139 

actes de la chancellerie hongroise de Vienne et de la 
lieutenance royale de Pesth qui faisaient litière des 
vieilles libertés et agissaient partout par commissaires 
royaux. Il était soutenu d'ailleurs par les sympathies 
non dissioiulées de Tarchiduc Joseph, palatin de Hon- 
grie depuis 1796. François comprit que dans Fétat gé- 
néral de l'Europe, il fallait donner quelques satisfac- 
tions à ces Magyars qui avaient prodigué sans compter 
leur sang et leur or pendant les guerres de Tempire. 
U se décida à convoquer la diète pour le il septem- 
bre 1825. Il désirait d'ailleurs faire couronner reine de 
Hongrie sa quatrième femme Charlotte de Bavière. Cette 
cérémonie eut lieu le 25 avec la pompe accoutumée. 
L'assemblée offrait une remarquable réunion d'hommes 
de haute intelligence et de brillantes facultés oratoires, 
Széchenyi, Wesseleny à la chambre haute ; Paul Nagy, 
Thomas de Ragaly, Jean de Balogh, Etienne de Borsitzky 
à la chambre basse, et parmi eux un avocat de vingt- 
trois BIÏ8, élu par le comitat de Zala, François Déak. Les 
députés présentèrent la liste de leurs griefs, gravamina^ 
qui consistaient en ces divers points que depuis dix ans 
on avait perçu les impôts et opéré les levées sans le 
consentement de la diète ; qu'au lieu de convoquer 
périodiquement la diète, on avait déclaré que cette con- 
vocation dépendait uniquement des circonstances du 
temps et des besoins du gouvernement ; que les com- 
missaires royaux s'étaient livrés à d'innombrables abus 
de pouvoirs dont on énumérait les principaux. Ils de- 
mandèrent la convocation de la diète tous les trois ans, 
la publicité des débats et l'exécution des articles 10, 12 
et 19 de la diète de 1791. François fit une réponse très- 
hautaine et très-dure à ces réclamations et repartit 
pour Vienne en laissant la diète fort irritée. Le palatin 
offrit sa médiation et obtint de l'empereur un rescrit 
plus modéré. La diète, après d'orageux débats où se 
signalèrent les orateurs que nous avons nommés, adopta 
le 20 janvier 1826 une adresse où elle maintenait toutes 



140 HISTOIRE DB L*AUTRICHB 

ses prétentions. Le rescrit impérial du 9 avril admit 
une partie des demandes, mais rejeta les plus essen- 
tielles : il maintint surtout le latin comme langue offi- 
cielle et la censure royale pour les débats législatifs. 
Il y eut d'ailleurs dissentiment entre la chambre hante 
et la chambre basse sur la question de savoir si les 
biens-fonds de paysans possédés par des nobles de- 
vaient être soumis à Timpôt. Les magnats en effet 
tenaient à leurs privilèges et le peuple lui-même n'était 
pas éloigné de voir dans ces institutions féodales et 
dans ces criants privilèges le palladium de ses vieilles 
libertés. En somme, quand la diète fut close le 48 août 
1827, elle avait obtenu gain de cause relativement à la 
reconnaissance absolue de son droit exclusif de voter 
les impôts et les recrues, les levées de florins et les 
levées de soldats. 

Cette diète de 4825 avait surtout eu pour résultat un 
prodigieux réveil de l'esprit national. Les élections des 
comitats s'étaient faites au milieu d'un ardent enthou- 
siasme. Paul Nagy plaida avec véhémence la cause de 
la langue nationale : il proposa la fondation d'une aca- 
démie magyare et fit à la générosité des magnats un 
appel qui fut entendu. Le comte Stéphan Szèchenyi, un 
jeune noble qui avait longtemps séjourné en Angleterre 
en y étudiant le régime économique et industriel, sous- 
crivît pour soixante mille florins : le grand Magyar, 
comme on l'appela plus tard, donna aussi le signal de 
l'esprit d'entreprise et des vastes travaux publics. (Mais 
on ne peut s'empêcher ici de citer les réflexions de 
l'auteur anonyme du livre sur les Serbes de Hongrie : 
« Ce qui frappe dans les luttes de cette époque, c'est 
que la Diète n'emploie jamais d'autre mot que le mot 
national, chaque fois qu'il s'agit de la langue ou des 
institutions magyares. Il semble qu'il n'y ait en Hongrie 
qu'un seul peuple universellement attaché à ce qui est 
national. On en est presque réduit à douter, s'il existe, 
à côté de la race privilégiée, des populations qui n'ont 



RÉVEIL DE l'esprit NATIONAL MAGYAR 141 

rien de commun avec elle. Gomment imaginer, quand 
on lit cette histoire, que ces populations ont une majo- 
rité réelle des deux tiers? comment surtout l'étranger 
ne serait-il pas trompé par cet artifice de langage? » 

La diète en 1830 consentit à laisser couronner rex 
jumot* Farchiduc Ferdinand, héritier présomptif de la 
couronne, et qui, réconcilié avec Metternich auquel il 
avait fait longtemps de l'opposition selon l'usage de 
tous les héritiers présomptifs vis à vis des premiers 
ministres impopulaires, avait été en 1829 déclaré alter 
ego de l'empereur. Mais on s'opposa à toute immixtion 
de ce rex junior dans les affaires du pays. Le mouve- 
ment de 1825 ne se ralentissait pas. En 1831 Széchenyi 
provoqua la fondation d'un théâtre national magyar ; 
le €ulte de la langue revêtait un caractère passionné; 
En même temps Széchenyi prenait l'initiative des grands 
travaux qui avaient pour but d'ouvrir au commerce de 
la Hongrie le chemin de Gonstantinople : pont de Pesth, 
régularisation du cours de la Theiss, tunnel de Bude, 
ouverture du défilé danubien des Portes de fer. Mais on 
peut dire que l'œuvre principale du grand Magyar fut 
la publication, en langue hongroise, de son fameux 
livre intitulé : le Crédit. C'était l'économie politique 
moderne faisant une charge à fond de train contre les 
institutions féodales si chères à ce peuple de la tradi- 
tion histœique, une attaque en règle contre les préju- 
gés gothiques du vieux magyarisme. Les magnats en 
frémirent et l'un d'eux, le comte Joseph Dessewffy, 
écrivit une violente réfutation du livre de Széchenyi 
qui répliqua. Cette polémique brûlante profitait à la 
langue nationale, car elle était employée dans les atta- 
ques, ce qui obligeait à l'employer dans les ripostes. 

Les Serbes de leur côté avaient fondé en 1825 la 
célèbre association littéraire intitulée : mattca trpska (la 
reine des abeilles serbes), dont le siège était à Pesth et qui 
donna son nom aux associations analogues fondées chez 
les Tchèques, les Croates , les Slovaques , les Slovènes 



142 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

et les Ruihèneg, La loi hongroise votée par la diète en 
1830 n*en stipula pas moins que les tribunaux inférieurs 
auraient la faculté de se servir exclusivement du magyar 
et qu'aucun individu ne serait admis aux fonctions pu- 
bliques sans justifier de la connaissance du magyar. 

Le 20 décembre 1832 s'ouvrit cette diète qui devait 
durer jusqu'en 1836 et où l'esprit ancien et l'esprit nou- 
veau se livrèrent de si violents combats. La Hongrie 
avait trois grands problèmes à résoudre pour entrer 
dans la civilisation moderne : l'affranchissement du sol, 
la liberté du travail, l'égalité civile. Elle en était encore 
bien éloignée. Les nobles étaient exempts de tous les 
impôts, dont le poids était réservé à ce que les lois appe- 
laient dédaigneusement, en une des plus étonnantes 
expressions qu'ait jamais trouvées le génie féodal, mi- 
sera contrïbuens plebs (la vile multitude contribuante et 
payante). L'autonomie des comitats, si excellente sous 
tant de rapports, était entre les mains des nobles. Les 
seigneurs avaient le droit de limiter le prix des denrées; 
Us imposaient à leurs vassaux qui avaient des procès le 
choix d'un avocat. L'ouvrier était enchaîné par les lois 
de corporation ; les non-nobles ne pouvaient ni posséder 
la propriété foncière ni occuper les emplois publics. 
Les corvées et les redevances féodales subsistaient sous 
des formes aussi variées qu'oppressives. Une vente de 
terres n'était définitive qu'au bout de. trente-deux ans, 
car pendant cette période l'héritier du vendeur avait 
droit de la faire annuler en remboursant le prix d'achat 
et sans tenir compte des améliorations introduites par 
le possesseur : c'est ce qu'on appelait Vaviticité. Les 
peines corporelles n'étaient pas supprimées de seigneur 
à vassal. On croit rêver en trouvant un pareil régime 
dans un pays européen quarante-trois ans après la révo- 
lutioDr française. 

Malgré l'opposition de l'aristocratie hongroise, qui 
aimait d'un égal amour sa liberté politique et ses pri- 
vilèges , seigneuriaux, la diète, au nom des idées de 



RÉFORMES SOCIALES EN HONGRIE — KOSSUTH i4d 

Széchenp et sons rinspiraticm des Wesseleynyi et des 
Déak, vota d'importantes réformes sons le nom d'urba- 
rittmj ainsi qu'on appelait en Autriche les lois et pa- 
tentes qui réglaient les rapports respectifs des seigneurs 
et des serfs; cet urbàrium^ sanctionné en 1836, stipulait 
que les serfs pouvaient, avec le consentement du pro- 
priétaire, émigrer d'un village à l'autre et vendre alors 
à un tiers, qui se substituait à eux, leur maison et la 
plus-value de leur lot ; qu'en cas d'opposition du sei- 
gneur, un tribunal composé d'un fonctionnaire du co- 
mitat et de deux hommes de loi, prononcerait : que le 
serf pourrait racheter les impôts et corvées qu'il devait 
au propriétaire moyennant uns redevance annuelle ; que 
le seigneur ne pourrait plus fkire donner la bastonnade 
à ses serfs, mais seulement les condamnera un maximum 
de trois jours de prison : on peut juger à de pareilles ré- 
formes ce qu'était l'état de la Hongrie et des nations 
renfermées dans ses limites. La diète osa même sou- 
mettre les nobles au péage sur le pont de Pesth bâti pai* 
Széchenyi. Elle vota que les lois seraient publiées en 
double texte, hongrois et latin, ayant chacun la mémo 
valeur officielle. 

On remarquait, assis au bas c6té de Rassemblée, un 
jeune homme de trente ans â la physionomie inspirée^ 
aui grands yeul bleus d^où s*échappaîentj sous de noirs 
sourcils arquéS} de mystiques regards, à la Voix douce 
et sympathique. Il s'appelait Louis Kossuth et était né 
à Tjkely, dans le pays des Slovaques. Il figurait à la 
diète de Presbourg comme mandataire d'un magnat 
éloigné de la Hongrie. A la recommandation du comte 
Nicolas Wesselenyi, le parti libéral lui avait confié 
la rédaction de la Gazette de la diète, journal distribué 
clandestinement pour échapper à la censure royale* On 
s'en arrachait les exemplaires dans les comitats t jamftiê 
on n'avait manié avec tant de clarté et d^élégance la 
langue magyare. Cette prose alerte et brûlante mettait 
à la portée de tous les graves questions qui se. débat- 



144 HISTOIRE DE L^AUTRIGHË 

iaient dans la diète. La Hongrie était désormais lancée 
dans les voies de la révolution. 

François ne vit pas la fin de la diète hongroise : il 
mourut le â mars 1835 d'une pleurésie. Il avait soixante- 
sept ans et régnait depuis près d'un demi-siècle (qua- 
rante-trois ans). Mais, il ne mourait pas tout entier, car 
le règne de son fils, le malingre Ferdinand P% ne devait 
être qu'une pure et simple prolongation du sien. Avant 
Tavénement de Ferdinand, on pariait de ses disposi- 
tions libérales. Mais à peine sur le trône des Habsbourg, 
il adressa à Metternich une lettre par laquelle il lui 
annonçait que rien ne serait changé à la politique in- 
térieure et extérieure de l'empire : il le confirmait 
dans ses fonctions ainsi que Kolowrath. Il eut/ la même 
année, des entrevues personnelles à Tœplitz, à Prague et 
à Vienne, avec le Gzar et le roi de Prusse, mais la diver- 
gence croissante des intérêts des cours du nord tant 
dans l'Allemagne que dans l'Orient ne permettait pas 
de renouer la Sainte-Alliance. 

Lltalie autrichienne fut un peu moins mal traitée. 
Ferdinand alla se faire couronner roi de Lombardie le 
6 septembre 1838 à Monza et proclama une annistie 
assez étendue. Il institua une garde noble italienne. 11 
accorda quelques faveurs aux universités de Padoue et 
de Pavie. Un joug moins lourd pesa sur la vie intellec- 
tuelle de la nation et une assez forte impulsion lui fut 
imprimée ; mais la police et la bureaucratie continuèrent 
à étendre leur sombre réseau de Milan à Venise, sur les 
cinq millions six cent mille Lombards et Vénitiens : les 
soixante mille soldats qu'ils fournissaient annuellement 
à leur souverain allaient, loin de leur patrie, surveiller 
les autres peuples de l'Autriche. Venise, bien que dé- 
clarée port franc, ne soutenait pas la lutte avec Trieste 
et n'exportait que pour vingt et un millions contre les 
quatre-vingts millions de Trieste. L'Autriche, sous Fran- 
çois, n'avait cessé de rêver la constitution d'une confé- 
dératiop italienne dont elle aurait été la présidente, 



LES FRÈRES BÂNDIERÂ •— PIE IX 145 

comme elle présidait déjà celle de rAllemagne. A vrai 
dire, ses interventions en Piémont, à Naples, dans les 
États Romains, semblaient indiquer que cette confédéra- 
tion existait en fait avant d'exister en droit : mais elle 
ne put pas se réaliser. En 1843 il fut un instant ques- 
tion, à défaut d'une confédération, d'un ZoUverein ita- 
lien ; la défiance des autres états de la péninsule le fit 
abandonner. Si les écoles primaires se multipliaient, 
on y enseignait, à l'aide de manuels venus de Vienne, 
que les sujets devaient se considérer comme les esclaves 
fidèles de leur souverain et les enseignements tant secon- 
daire que supérieur n'étaient pas moins surveillés. 

C'est dans cette période que Gioberti rêvait la régé- 
ration de l'Italie par le saint-siége converti à la liberté, 
que Balbo attendait que l'Autriche, dédommagée en 
Turquie, cédât la Lombardie au Piémont. Mazzini con- 
tinuait à rédiger à l'étranger la Jeune Italie et à prê- 
cher l'avènement de la Rome du peuple placée à la 
tête d'une république unitaire. De temps en temps, 
quelques explosions avaient lieu dans les Romagnes et 
à Naples, ces deux pays si effroyablement tyrannisés : 
elles étaient réprimées d'une façon sanglante. En 1844 
Ëmilio et Attilio Bandiera, fils d'un amiral autrichien, 
qui avaient conspiré et qui s'étaient réfugiés à Gorfou, 
tentèrent un débarquement en Galabre avec vingt com- 
pagnons. Vendus par Boccheciampe, ils furent fusillés 
sur la place de Qosenza avec sept de leurs amis le 
25 juillet 1844, aux cris d'horreur de l'Europe entière. 

Le 17 juin 1846, le cardinal Mastaï-Ferretti fut élu 
pape sous le nom de Pie IX. Dès les premiers jours de 
son règne, il ouvrit le sillon des réformes, au milieu de 
l'enthousiasme de l'Italie et des applaudissements de 
l'Europe. Tous les hommes politiques de lltalie s'effa- 
cèrent avec confiance devant lui. Mais Pie IX, qui 
croyait pouvoir se borner à d'innocentes réformes, ne 
soupçonnait pas à quel point le sentiment national, qui 
couvait depuis si longtemps dans les âmes, allait* prendre 

ASSELINE* 9 



146 HISTOIRE DB L'AUTRIGHB 

un irrésistible essor. Quand ce sentiment fit explosion, 
quand le cri « fuori i barbarie dehors les barbares I » 
retentit d'un bout de la péninsule à Tautre, quand mille 
symptômes prouvèrent que lltalie voulait à la fois la 
lU)erté et l'indépendance, des constitutions et l'expulsion 
de l'Autrichien, Pie IX hésita, louvoya, ne fit plus que 
de timides concessions. L'Autriche, d'ailleurs, prenait 
ses mesures. Le 2â juin 1847, elle adressa à Pie IX une 
note sévère sur sa folie libérale et le 16 juillet, à la 
nouvelle de la démission du cardinal Gizzi, jugé trop 
modéré, elle augmenta de douze cents hommes sa gar- 
nison de Ferrare, puis occupa la ville entière. La ques- 
tion était posée dans toute son ampleur : personne 
ne s'y méprit ; l'Autriche ne souffrirait jamais de ré- 
volution constitutionnelle dans l'étendue de lltalie. Le 
gouvernement français essayait de concilier les deux 
partis, obtenait d'un côté le retrait des troupes autri- 
chiennes, en blâmant de l'autre la protestation du 
cardinal Ferretti contre l'occupation de Ferrare. 
Mais le branle était donné. L'Angleterre excitait le 
patriotisme italien par l'organer de son ambassadeur, 
Lord Minto, en se promettant m petto de ne dépenser 
pour la cause italienne ni un homme ni un écu. Léopold 
de Toscane, Charles Albert de Piémont, devançant 
Pie IX, accordèrent à leurs peuples des constitutions* 
Le 3 novembre, leurs ambassadeurs et celui du Saint» 
Siège signèrent à Turin une sorte d'alliance en vue 
du progrès économique et industriel, qui préludait à 
une alliance politique. La succession de Marie-Louise 
(fin novembre) porta au comble la rage des patriotes 
contre les Autrichiens, car ceux-ci, aux termes des 
traités de 1815, occupèrent Parme et Plaisance et sair 
sirent les villes en litige de Pontremoli et de Pivizzano. 
Les patriotes auraient voulu que les rois indigènes sai- 
sissent cette occasion de chasser l'étranger. Un mou- 
vement, vite étouffé dans le sang, éclata dans les Deux- 
Siciles. A Milan et à Venise, Nazzari et Manin récla- 



L*AUTRICHE ET LA PRUSSE EN 1847 147 

mèrent Texécaiion de la patente de 1815 : on se mit à 
fuir les officiers autrichiens, à huer les soldats et à se 
priver de fumer le tabac des barbares. Pie IX recula et 
Bon fantôme de consulte^ réuni en novembre 1847, ne 
satisfit personne. 

L'année 1848 s'ouvrit sous ces auspices ; TAutriche 
armait et faisait passer une partie de son armée en 
Lombardo-Vénétie. Le 3 janvier ses dragons sabrèrent 
des rassemblements dans les rues de Milan. Le 7, sa 
police arrêtait à Venise Manin et Tommaseo. Le 29 jan- 
vier, Ferdinand de Naples, à la suite d'une révolution, 
était forcé de promettre une constitution qui fut pro- 
mulguée le 11 février. Les Toscans eurent la l^ur le 15. 
L'Autriche prit alors dans ses possessions une attitude 
menaçante et le feld-maréchal Radetzki adressa à ses 
troupes une proclamation qui était comme le signal des 
combats. 

Pendant que la domination autrichienne était ainsi 
menacée en Italie, son influence décroissait rapidement 
en Allemagne. C'est l'Autriche qui prenait constamment 
dans la diète l'initiative des mesures réactionnaires, et, 
bien que la Prusse y adhérât toujours, c'était sur elle que 
retombaient les malédictions des libéraux. L'opposition 
entre l'Autriche catholique et la Prusse protestante, 
entre l'Autriche aussi italienne, aussi slave et aussi 
magyare que germaine et la Prusse exclusivement alle- 
mande, entre l'Autriche isolée du mouvement intellec- 
tuel national par ses douanes chinoises contre toute 
pensée et la Prusse active patronne du développement 
littéraire et philosophique, entre l'Autriche enfin con- 
finée dans sa solitude économique et industrielle et la 
Prusse directrice de ce ZoUvereip qui depuis 1833 avait 
englobé vingt états, même la catholique Bavière, et qui, 
avec ses réunions annuelles et son tarif uniforme, tra- 
vaillait si efficacement à la formation de l'idée d unité, 
l'opposition, disons-nous, .s 'établisssait d'elle-même dans 

esprits. Les événements de 1846 en Pologne et en 



148 HISTOIRE DE L*ÀUTH1GHË 

Gallicie, que nous raconterons tout à Theure, ajoutèrent 
encore à son impopularité. La Bavière, livrée aux jésuites 
par le ministre d'Abel, montrait en même temps son 
roi catholique et absolu livré à la domination de la 
danseuse Lola Montés, domination dont la consé- 
quence fut la sanglante émeute du 10 février 1848 dans 
les rues de Munich. En 1847 le roi de Prusse, échappant 
à rinfluence de Metternich, avcdt octroyé une représen- 
tation nationale, bien insuffisante sans doute et qui 
causa une déception égale à Tenthousiasme excité par 
son annonce, mais qui ne séparait pas moins la poli- 
tique prussienne de la politique autrichienne si ardem- 
ment ennemie des constitutions. 

Les affaires européennes de 1840, qui faillirent 
amener une guerre générale, surexcitèrent encore le 
sentiment national allemand. C'est de cette époque que 
date le chcmt de Becker. Nous avons dit quelle prépon- 
dérance le traité d'Andrinople avait assurée à la Russie 
dans rOrient, au grand et légitime déplaisir de l'Au- 
triche. Le traité d'Unkiar-Skélessi, conclu à la suite de 
la protection accordée par le Gzar au Sultan contre la 
première tentative de Méhémet Ali, avait consommé 
rentière vassalité de la Turquie vis à vis de la Russie. Le 
sultan Mahmoud aurait tout sacrifié au désir de se venger 
de son vassal révolté, Méhémet Ali, et en faisant franchir 
TEuphrate à son armée le 21 avril 1839, il donna le 
signal d'une crise où l'Autriche fut appelée à jouer un 
rôle important. Ce rôle était tout tracé : protéger la 
Turquie contre Méhémet Ali qui n'était d'ailleurs aux 
yeux de Metternich que le parvenu d'une révolution, 
mais la protéger par un concert européen, de façon à 
affaiblir l'influence russe si menaçante pour les bouches 
du Danube. Il fallait de plus mener à bien cette tâche 
difficile sans compromettre cet équilibre européen dont 
les hommes d'état autrichiens s'étaient fait si obstiné- 
ment les conservateurs. Enfin l'Autriche, en tant que 
puissance du nord et bien que ses intérêts fussent op* 



LES AFFAIRES D'ORIENT EN 4840 149 

posés à ceux de la Russie dans la question d'Orient, dé- 
sirait détruire l'alliance anglo-française. 

Le 24 juin Ibrahim-Pacha anéantissait l'armée turque 
à Nézib. Mahmoud mourait le !«»* juillet, laissant l'em- 
pire aux mains d'un enfant débile. Quelques jours après 
Âchmet livrait la flotte turque à Méhémet Ali. Sous le 
poids de ces désastres successifs, la Porte traita avec 
Méhémet et lui donna ce qu'il demandait : la possession 
de la Syrie et l'hérédité. M. de Metternich mit le veto 
européen sur cette convention par la note fameuse du 
27 juillet signée des représentants des cinq puissances. 
La note, rédigée par l'internonce d'Autriche, M. de 
Sturmer, n'était rien moins que l'annulation du traité 
dUnkiar-Skélessi, et l'ambassadeur russe, M. de Bou- 
lienef , ne la signa que parce que Metternich lui répon- 
dit de l'approbation du Czar. Mais le Czar se plaignit 
violemment au représentant de l'Autriche près de lui, 
M. de Picquelmont, que Metternich se fût porté fort pour 
lui et une dépêche de M. de Nesselrode à M. de Bou- 
tienef désavoua la note du 27 juillet. Ce n'était proba- 
blement là qu'une comédie : la dissolution de l'alliance 
anglo-française était trop précieuse au Czar pour qu'il 
insistât. M. de Brunnow, envoyé à Londres, conclut le 
pacte avec l'Angleterre. Metternich, que le mécontente- 
ment plus ou moins réel de Nicolas avait rendu plus ou 
moins réellement malade, entra dans cette intrigue qui 
devait aboutir à l'isolement de la France. Les cours du 
îiord avaient trop d'intérêt à ce résultat pour que la 
Russie elle-même ne sacrifiât pas quelque chose du 
protectorat exclusif qu'elle prétendait sur la Turquie. 
Après de longues négociations, M. Thiers étant à la tête 
du ministère français et M. Guizot ambassadeur en An- 
gleterre, fut signé à Londres le 13 juillet 1840, un traité 
«ntre l'Autriche, la Russie, l'Angleterre et la Prusse. 
^8 quatre cours stipulaient que Méhémet Ali, déclaré 
pacha héréditaire d'Egypte, n'aurait que la possession 
viagère de la partie méridionale du pachalick de Saint- 



ISO HISTOIRE DE L^AUTRIGHB 

Jean d*Acre, qu'il restituerait la flotte turque et paie- 
rait tribut ; que leurs forces navales le contraindraient à 
Texécution de cet arrangement ou protégeraient Cons- 
tantinople contre ses attaques : de brefs délais lui 
étaient donnés pour notifier son acceptation. 

Toute TËurope crut à la guerre : Méhémet ne se sou- 
mettrait pas, et la France, si outrageusement exclue 
du concert diplomatique, le soutiendrait. Il n'en fut 
rien. Napier bombarda Beyrouth le il septembre. Louis- 
Philippe, partisan de la paix à tout prix, laissa tomber le 
ministère du i®"^ mars. La Syrie toute entière fut enlevée 
à Méhémet avec le concours de l'escadre autrichienne, 
et le 27 décembre 1840, Méhémet, menacé dans Alexan- 
drie, conclut avec Napier une convention qui, le 10 
juillet 1841, fut changée en un traité entre les quatre 
puissances. La France rentra dans le concert européen 
par le traité du 13 juillet suivant, qui interdisait l'en- 
trée du détroit des Dardanelles à tous vaisseaux de 
guerre n'ayant pas obtenu l'autorisation du sultan. 
L'Europe devenait, à la place de la Russie, arbitre de 
la question d'Orient, et, en somme, les intérêts autri- 
chiens, tant au point de vue des dangers de l'ambition 
russe qu'à celui de la politique continentale des trois 
cours du nord, recevaient pleine satisfaction. 

Nous devons maintenant dire quelques mots des 
événements de Gallicie et de l'incorporation de la Ré- 
publique de Cracovie. L'organisation politique et sociale 
de la Pologne autrichienne ofiFrait un étrange phéno- 
mène : jamais la maxime des Habsbourg-Lorraine : 
« diviser pour régner » n'avait été plus singulièrement 
appliquée. La population se divisait en quatre classes 
bien distinctes : 1® les Magnats ou grands de l'état; 
2® l'ordre équestre , gentilshommes ou nobles non 
titrés, seuls propriétaires fonciers avec les Magnats, et 
payant 200 fr. de taxe urbaine; 3* la bourgeoisie; 
4® les paysans. Il y avait un fantôme de diète qui s'as- 
semblait chaque année sous la présidence d'un corn- 



ÉTAT POLITIQUE ET SOCIAL DE LA GALLICIE 151 

missaire du gouvernement, et qui votait sans discussion 
les postulata ou ordres de l'Empereur concernant les 
impôts et les levées. La session durait un seul jour; la 
diète laissait une députation permanente chargée de 
surveiller la répartition des impôts. 

Le paysan qui ne pouvait pas acquérir de propriétés 
et qui était, par conséquent, tenancier, fermier à per- 
pétuité, payait son fermage en journées de travail sur 
la terre du seigneur, en corvées. Ce mode, si vicieux, 
excitait déjà la haine du paysan contre le seigneur et 
la noblesse polonaise en avait sollicité plusieurs fois 
elle-même l'abolition, mais le conseil aulique de Vienne 
ou avait refusé ou avait entouré la substitution des 
prestations en argent aux prestations en travail de for- 
malités tellement longues et coûteuses, que la réforme 
devenait impossible. De plus le noble était forcé de 
remplir les fonctions de percepteur d'impôts et d'agent 
de recrutement vis-à-vis des paysans, tandis que c'é- 
taient les autorités du cercle, les autorités autrichiennes, 
qui prononçaient sur les dégrèvements et sur les exemp- 
tions. Ainsi les rigueurs et les surtaxes semblaient 
venir du seigneur, les grâces et les atténuations du 
paternel gouvernement de Vienne. La noblesse sentait 
les dangers de cet état de choses et demanda à maintes 
reprises que la propriété, stérilisée entre ses mains, fût 
rendue accessible à tous. Mais une courte expérience 
ayant démontré à Vienne qu'il se formait rapidement 
une classe active et indépendante de petits propriétaires, 
le privilège nobiliaire fut rétabli en 1819. 

Toutes les charges — même celle de la justice de 
première instance et de l'application des peines corpo- 
relles — étaient donc encore, en 1846, imposées par 
l'entremise de la noblesse, à laquelle on attribuait 
comme apanage la tyrannie obligatoire. Des milliers 
d'employés allemands recevaient les plaintes des pay- 
sans et représentaient le protectorat tutélaire de l'admi- 
nistration. En 1845, la diète avait renouvelé le vœu 



152 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

d*une réforme radicale dans ce système aussi vexatoîre 
que machiavélique et le gouvernement n'avait fait que 
des réponses dilatoires, trouvant son profit à ces divi- 
sions et à ce rôle, si incroyable pour un pouvoir con- 
servateur, de semeur de haines sociales avec prémédi- 
tation. Ajoutons qu'à cette question sociale se mêlait* 
une question de race. Les paysans galliciens sont en 
grande majorité Ruthènes, surtout dans tout Touest de 
la province : ils appartiennent au rite Grec-Uni,, et 
parlent un dialecte particulier ; ils font partie d'un 
groupe de 14 millions d'hommes qui s'étend à la fois 
sur le territoire autrichien et sur le territoire russe. 
Les Ruthènes sont-ils Russes ou sont-ils Polonais? Nous 
examinerons plus tard cette question si importante, 
mais la question ruthène est une des plus difficiles 
parmi les innombrables questions de nationalités qui 
pèsent sur l'Autriche. 

Le congrès de Vienne avait établi la petite République 
de Cracovie, libre, indépendante et strictement neutre 
sous le protectorat de la Russie, de l'Autriche et de la 
Prusse. Déjà, en 1836, les trois puissances protectrices 
avaient occupé temporairemsnt la ville sous prétexte 
qu'elle servait d'asile aux réfugiés politiques et qu'elle 
était un foyer d'anarchie. La France ni l'Angleterre ne 
bougèrent, et la presse allemande établit bruyamment 
que c'était une revanche d'Ancône. En 1846^ quelques 
émigrés polonais préparèrent un mouvement insurrec- 
tionnel aussi inopportun que mal engagé. La police 
autrichienne le connaissait d'avance, ainsi que le cons- 
tate un rapport du gouverneur général de la Gallicie, 
l'archiduc Ferdinand d'Esté, en date du 20 janvier. Dès 
le 18 février, les arrestations commencèrent à Cracovie 
et le général Colin envahit la ville, mais pour l'évacuer 
subitement le 22, après quelques coups de fusil tirés 
dans les rues, en emmenant police, milice, gouverne- 
ment et employés et en laissant les armes et les muni- 
tions dans les corps de garde ; on eût dit qu'il voulait 



LA JACQUERIE GALLICIENNE DE 1846 153 

laisser la ville à elle-même pour que llnsurrection s'y 
développât en paix. 

Le plan des insurgés était de s'emparer de Tarnow 
dans la nuit du 19 au 20 février ; le point de ralliement 
était le village de Lisia-Gora. Mais les paysans étaient 
prévenus : depuis longtemps, des soldats libérés et les 
cabaretiers juifs les travaillaient et leur persuadaient 
que nobles et prêtres préparaient leur extermination : 
ils accoururent en foule et se jetèrent sur les insurgés. Le 
préfet du cercle, Breindl, payait 10 florins d'argent par 
tête d'insurgé mort qu'on lui livrait, et 5 florins seulement 
pour les insurgés vivants. Les massacres s'organisèrent 
dans toute l'étendue du cercle de Tarnow et gagnèrent 
ceux de Bochnia, de Sandecz, de Przemyls et de Sambor. 
Armés de bâtons, de faulx et de fourches, ivres d'eau- 
de-vie , les paysans ruthènes égorgèrent les seigneurs : 
des familles entières, femmes, enfants, serviteurs, dis- 
parurent. Les villes se fermaient rigoureusement devant 
la noblesse qui voulait s'y réfugier. Un chef de bandes 
nommé Széla égorgea en un seul jour dix-sept mem- 
bres de la famille Bogusz, depuis le père âgé de 87 ans, 
jusqu'au petit-fils âgé de 14 ans. Le pillage accompa- 
gnait le meurtre et plus d'une châtelaine subit les der- 
niers outrages de la part de ces Jacques gouvernemen- 
taux et appointés, quasi-élevés à la dignité de fonction- 
naires. A Tarnow, on apporta deux cents cadavres et 
on en toucha le prix. Il faut lire dans les journaux du 
temps ces horribles détails, enregistrés aussi bien par 
le journal prussien censuré la Gazette d'Etat que par la 
Gazette d'Augsbourg, Le fait de la mise à prix des têtes 
repose sur les plus incontestables témoignages. Le total 
des massacrés, dans le seul cercle de Tarnow, monta à 
1458 nobles ou propriétaires, ou employés de ces pro- 
priétaires. 

Après un léger combat à Gdow, où l'on fit aux Gra- 
coviens 80 prisonniers qui furent égorgés, les Autri- 
chiens rentrèrent à Gracovie où ils trouvèrent la cava- 

9. 



154 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

lerie russe arrivée depuis une heure. La ville fut mise 
en état de siège. Le 12 mars, l'Empereur adressa une 
proclamation aux fidèles GaUiciens,. et un rescrit impé- 
rial à Ferdinand d'Esté remercia les employés de « leur 
présence d'esprit. » Des médailles d'or de grand et de 
moyen module furent décernées aux fonctionnaires des 
cercles. Le 5 août 1847, la plus grande de ces médailles, 
une récompense de première classe, fut accordée à 
Jacques Széla, l'égorgeur de la famille Bogutz, le Tres- 
taillon de cette nouvelle terreur blanche. Dès le 26 fé- 
vrier, le pape avait lancé un bref qui maudissait les 
victimes et glorifiait les bourreaux. 

Mais on ne déchaîne pas impunément de pareilles 
passions et les paysans voulurent tirer de la Jacquerie 
toutes ses conséquences sociales. Les troupes autri- 
chiennes durent, en avril, août et septembre, prendre 
les mesures les plus violentes pour rétablir l'ordre, en 
même temps qu'on décrétait à Vienne quelques timides 
réformes dans le système des corvées. Le 6 octobre, il 
fallut que le commissaire extraordinaire comte Stadion 
établît la loi martiale. Le 11 novembre 1846, Ferdi- 
nand I" déclara dans une patente spéciale que Cracovie 
et son territoire étaient incorporés à jamais à son em- 
pire. Le 16 novembre, le général Gastiglione exécutait 
l'incorporation eflfective. La France et l'Angleterre pro- 
testèrent platoniquement contre cette éclatante violation 
des traités de Vienne. Mais la Prusse, la Russie et l'Au- 
triche se déclarèrent solidaires, et Metternich affirma 
dans une insolente dépèche que l'empereur Ferdinand 
« avait non-seulement fait usage d'un droit, mais rempli 
un devoir pour sauvegarder ses intérêts. » Le 29 jan- 
vier 1847, le territoire de Cracovie fut enclavé dans les 
lignes de douanes autrichiennes. Une fois de plus, la 
force primait le droit. 



LIVRE III 



DE LA RÉVOLUTION DE 1848 A LA GUEBRE d'iTAUE EN 1859 
(lutte des NATIONALITÉS. — DESPOTISME DE BACH ET DE 
SCHWAAZENBERG. — GUERRE DE CRIMÉE. — GUERRE d'ITALIE.) 



CHAPITRÉ I^ 



1848. — Situation de Tempire : Hongrie, Croatie, Slavonie, Dal* 
matie; Serbes; confins militaires; Transylvanie; Gallicie ; Bo- 
hême. — RéTolutions en Allemagne. — Journées de mars. — 
Fuite de Mettemich. « Constitution du 25 avril. — Ferdinand 
à Insprûck. — Journées de mai. 

Nous voici arrivés au seuil de Tannée 1848, à jamais 
fameuse par la Révolution, et par cette guerre des 
nationalités dans laquelle faillit sombrer l'Autriche. 
Afin de bien nous rendre compte des intérêts engagés 
dans ces luttes et des rivalités de races qui sauvèrent 
le gouvernement de Vienne, il importe d'étudier quel 
était à ce moment l'état des diverses contrées de l'em- 
pire et d'établir comme un arrêté de situation. Sans 
cela, il nous serait impossible de nous reconnaître au 
milieu de ces événements compliqués, éclatant simul- 
tanément autour de vingt centres d'action différents 



156 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

et s*ênchevétrant comme les épisodes du Roland fur 
rieux* 

Hongrie» — Nous avons exposé les principaux traits 
de la constitution hongroise, le fonctionnement des 
comitats, le rôle des villes libres, Tétat des personnes. 
Nous n'y reviendrons pas et nous ne saurions mieux 
résumer cette constitution bizarre qu'en donnant en 
détail la composition de la diète qui s'ouvrit à Presbourg 
en novembre 1847. 

La première Chambre, Chambre haute ou table des 
Magnats, comprenait : 

i* Le Palatin, président né • . • 1 

2* Les grands officiers de la couronne {barones regni) 13 

3* Les archevêques • 3 

4* Les évêques diocésains • 18 

5» Les évêques titulaires 21 

6" Les évêques du rite grec uni , 5 

?• Les évêques du rite grec non uni 9 

8« L'abbé-primat de Saint-Martin . . . , 1 

90 Député du chapitre de Jazzo 1 

10* Gouverneurs des comitats {comités supremi) 52 

11» Gouverneur de Fiume et du littoral hongrois 1 

12» L'envoyé de Croatie 1 

13* Les Magnats (princes, comtes, barons) 150 

soit deux cent soixante-seize membres. 

La seconde Chambre, Chambre basse ou table des 
états, était composée de la façon suivante : 

!• Le Perspnnal, président 1 

2* Les députés des comitats de Hongrie et des trois comitats 

de l'Esclavonîe 98 

3** Les députés des districts des Jasighes et des Kumans 

et les villes des Heiduques 4 

4* Les envoyés des États de Croatie 2 

6* Le député du district noble de Turopolia 1 

6» Le député de la ville de Fiume 1 

7* Le député de la ville de Buccani 1 

8* Les députés des 26 chapitres (il y en avait d'habitude 52). . 35 

9* Les abbés bénéficiaires (onze ordinairement) 9 

10» Les députés des villes royales (116 d'habitude) 60 



LA HONGRIE A LA VEILLE DE 4848 457 

11* Lès juges et pf otonotaires de la table royale 15 

12* Les conseillers de la chancellerie royale de Hongrie... 6 

13" Les conseillers de la Chambre royale des finances 7 

U* Les mandataires des Magnats absents ou de lem'S veuves. 180 

soit en tout quatre cent dix-neuf députés. 

U est difficile de voir quelque chose de plus bizarre. 
Que de contradictions et que d*anomalies ! Le nombre 
des Magnats qui siègent à la Chambre haute varient 
constamment : les Zichy, s'ils étaient au complet, n'y 
compteraient pas moins de 66 membres. Les Magnats 
absents de la première Chambre ou leurs veuves nom- 
ment des mandataires qui siègent à la seconde Chambre. 
Les représentants de la Croatie sont députés par une 
diète voisine. Les députés d'un comitat de cent mille 
habitants ont le même vote que ceux d'un comitat de 
cent habitants. Tantôt on vote par tète, tantôt par 
ordre. Les cent seize députés des villes royales comptant 
650,000 habitants n'ont ensemble qu'une voix, tandis 
que le comitat de Sirmie — qui n'a pas deux cents 
habitants — a deux voix. Les catholiques et les grecs, 
unis ou non unis, sont représentés, mais deux millions 
et demi de protestants n'ont pas de représentation 
directe. Des magistrats nommés par l'empereur -roi 
siègent dans ces assemblées élues, seulement les uns ne 
votent pas et sont simplement chargés de la police de 
l'Assemblée, les autres se bornent à donner une forme 
authentique aux résolutions. Mais la plus curieuse insti- 
tution est celle de la jeunesse diétale : chaque député a 
avec lui, dans la salle, deux ou trois secrétaires nommés 
par le comitat, tous jeunes nobles et pour ainsi dire 
députés stagiaires : ils interviennent bruyamment dans 
les déhats, font des ovations ou des charivaris aux ora- 
teurs et remplissent l'enceinte législative de leur turbu- 
lence. 

Quant au pouvoir exécutif, il était exercé par la lieute- 
nance royale, ayant le Palatin pour président et siégeant 
à Bude : ses membres étaLnt nommés par l'empereur- 



158 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

roi. Elle était divisée en sections de llntérienr, de la 
justice, de Tagriculture et du commerce, des travaux 
publics, de rinstruction publique et des cultes. Mais les 
attributions étaient de plus en plus usurpées par la 
chancellerie hongroise, siégeant à Vienne, corps de con* 
seillers auliques présidé par le chancelier de Hongrie. 
Les finances étaient administrées par la Chambre du 
trésor royal à Bude qui elle aussi, ^ce au mouvement 
centralisateur, avait été mise peu à peu sous Tautorité 
de la chambre du trésor de Tempire à Vienne. La justice 
était exercée par la table royale à Pesth et par la table 
banale à Agram. Les appels des deux tables étaient 
portés à Pesth à la cour suprême des septemvtrs. 

Telle était la question intérieure en Hongrie, mais la 
question extérieure était encore plus importante, ce que 
nous constaterons en examinant successivement la situa- 
tion de la Croatie, des confins militaires, de la Transyl- 
vanie et de la Voïvodie serbe, 

Croatie^ Fsclavonte^ Dalmatie. — L'Esclavonîe ou 
mieux Slavonie, entourée par la Save qui la sépare de la 
Serbie et de la Bosnie et par le Danube et la Drave, qui 
la séparent de la Hongrie et du Banat, n'est ouverte que 
du côté de la Croatie. Elle est divisée en trois comitats : 
ceux de Veroetz, le plus grand de tous, de Posega et de 
Sirmie. Elle est peuplée de catholiques régis par Tévèque 
deDiakovar ou de Syrmium, sous l'autorité de Tévèque 
d'Agram. Elle compte aussi des grecs non-unis qui relè- 
vent de Tévèque de Karlowitz. Les trois comitats en- 
voyaient des députés à la Diète hongroise, mais ils en 
envoyaient aussi à la Diète croate d'Agram. 

La Croatie, nous l'avons vu, librement jointe à la 
Hongrie, conservait le nom spécial de royaume annexé 
de Dalmatie, de Croatie ou de Slavonie ou royaume tri- 
unitaire {Trojeàina-KraUevina). Tout en dépendait du 
conseil royal hongrois, il avait un chef, le Ban de Croa- 
tie, qui jouissait d'une autorité considérable, vrai vice- 
roi qui avait pouvoir de convoquer la Diète. La Dalma- 



ÉTAT DE LA CROATIE EN 1847 159 

tie, conquise au cours des siècles par Venise, puis sur 
Venise par la France, était revenue en 1815 à TAutriche, 
mais la cour de Vienne s'était refusée à la rendre au 
royaume triunitaire et par suite à la couronne hongroise 
et l'avait gardée comme simple province de l'empire. 

La Diète ou congrégation générale de Croatie se réu- 
nissait à Âgram {Zagreb en langue slave). Elle se com- 
posait des ordres des comitats de Croatie (comitats de 
Warasdin, de Kreutz et d'Agram) et des délégués de 
trois comitats slavons. Elle envoyait à son tour des 
députés ou mieux des fondés de pouvoir à la Diète hon- 
groise, un à la table des Magnats où il retrouvait les 
Magnats croates et slavons qui y siégeaient de droit, et 
deux à la table des états où ils retrouvaient les man- 
dataires des quatre villes libres de Croatie (Agram, Wa- 
rasdin, Kreutz, Kopreinitz) et des chapitres. Le catho- 
licisme romain domine en eflfet en Croatie et Tévêque 
d'Agram est un riche et puissant prélat. La noblesse 
croate a toujours été un instrument entre les mains des 
Jésuites et des Magyars, depuis la guerre de Trente ans. 
La plupart des lois de la Diète croate en matière reli- 
gieuse sont des monuments de fanatisme et d'intolérance 
vis-à-vis des grecs non-unis. 

Les Croates font remarquer que leur Diète, malgré 
l'union avec la Hongrie, a toujours joui d'une grande 
indépendance. En 1712, elle accepta la pragmatique 
sanction, trois ans avant la Diète de Hongrie. Jusqu'en 
1790 et 1791, les lois votées à Presbourg devaient être 
ratifiées par la Diète d'Agram. 

Les Croates et les Magyars vécurent des siècles sans 
se témoigner ouvertement de l'hostilité, courbés d'ail- 
leurs sous le même joug. Mais le réveil de la nationalité 
magyare de 1825 à 1830 donna le signal du réveil de la 
nationalité croate, ou mieux de la nationalité slave 
toute entière, et les Magyars s'y prirent de façon à 
donner au mouvement des Slaves du Sud l'aiguillon 
de la haine et du patriotisme, en dépit de cette ans- 



160 HISTOIRE DE L* AUTRICHE 

tocratie qu'ils avaient implantée parmi les Croates. 

Presque toujours un mouvement national commence 
par un réveil littéraire et linguistique. Un écrivain 
croate, Louis Gaj, annonça l'intention et chercha les 
moyens de réunir tous les Slaves du midi ou Yougo- 
slaves dans une communauté de langue et de littéra- 
ture. Il rêva cette unité purement spirituelle pour ce 
qu'il appelait la grande Illyrte, dénomination sous 
laquelle il rangeait les pays appelés l'Istrie, la Garniole, 
une partie de la Garinthie et de la Styrie, la Croatie, la 
Dalmatie, la Slavonie, la Serbie, la Bosnie, l'Herzégo- 
vine, le Monténégro, la Bulgarie. Les Serbes et les 
Croates parlent au fond la même langue, bien qu'ils 
aient des alphabets et des dialectes différents, les Serbes 
employant l'alphabet cyrillique et les Croates l'alphabet 
latin : les Bulgares ont une langue à eux. Louis Gaj, pre- 
nant pour base le dialecte parlé à Raguse {Dubrovntk) au 
XVI* siècle et qui avait produit des œuvres poétiques de 
haute valeur, réussit à ramener à l'unité d'orthographe 
et d'idiome cette diversité de langues des pays Yougo- 
slaves. En 1835, 1*' janvier, parut à Agram son journal, 
d'abord intitulé Horvatzke novine (les nouvelles croates) 
et qui bientôt prit le titre à'IUrske narodne novine (les 
nouvelles nationales illyriennes). En 1840 fut fondée la 
société littéraire Matica pour la publication et l'étude 
des œuvres du passé. Le mouvement devenait si vif 
qu'en 1843 M. de Metternich, d'abord favorable, pros- 
crivait les mots : lUyrien et Illyrisme, et que les Ma- 
gyars évoquèrent le spectre panslaviste qui joue là-bas 
le rôle que le spectre rouge a joué et joue encore chez 
nous. Ajoutons qu'on éveilla les défiances des serbes, au 
nom de la religion grecque-orientale, contre ce mou- 
venqent linguistique né en pays catholique ; au même 
moment KoUar appelait aussi les Slovaques à un réveil 
littéraire et national. 

Mais le patriotisme local était fortement excité : le 
réveil littéraire précipitait le réveil national. Le parti 



RÉSISTANCE DE LA CROATIE A LA MAGYARISATION 161 

des Slaves du Sud ou Yougo-Slaves remplaça le parti 
illyrien. C'est à ce moment inopportun que les Hongrois, 
qui résistaient si énergiquement à la germanisation, 
voulurent magyariser le royaume tri-unitaire. Une loi 
de 1844, rendue par la Diète de Presbourg, décida que 
la langue hongroise serait désormais la seule langue 
admise à la Diète, dans les comitats, devant les tribu- 
naux, et chose plus dure encore, dans les actes deTétat 
civil. On permettait à ceux qui ignoraient la langue 
magyare de se servir pendant six ans encore du latin. 

Cette loi, par laquelle la centralisation hongroise s'af- 
firmait si nettement, excita une grande fureur dans tous 
les paysYougo-Slaves. Wesselényi l'augmenta encore par 
son livre fameux où il dénonçait aux Magyars la propa- 
gande slave qu'il qualifiait de démagogique et de russo- 
phile. Les Croates, qui prétendaient n'avoir avec la Hon- 
grie qu'une union personnelle, comme le Luxembourg, 
par exemple, l'a avec la Hollande, se sentirent atteints 
de la façon la plus profonde. Dès lors la rupture fut 
complète et le séparatisme mis à l'ordre du jour dans 
toute l'étendue du royaume tri-unitaire. Les partisans 
des Magyars , les Magyarom\ furent regardés avec hos- 
tilité. En 1847 la Diète hongroise aggrava encore la loi 
de 1844. Comme on l'a fort bien dit, on forçait les 
Croates à choisir entre leur patrie et leur race. Écou- 
tons l'historien autrichien comte Maylath : « On voulut 
tout à coup transformer en Magyars six millions d'ha- 
bitants appartenant à d'autres races. S'agissait-il d'un 
débat d'argent, les tribunaux refusaient de prononcer si 
les comptes n'avaient pas été tenus en hongrois. Les 
pétitions rédigées en allemand ou en slave n'étaient 
même pas reçues. Toutes les inscriptions de naissances, 
de mariages, de décès, devaient être conçues en hon- 
grois, même dans les communes où nul ne comprenait 
cette langue. Les pasteurs étaient obligés de prêcher en 
hongrois un dimanche sur trois. » Aussi l'éloquent Szé- 
chenyi put-il s'écrier : « Nous autres Magyars, dans 



103 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

notre folie , nous méconnaissons les Slaves et tout ce 
qu*ils font pour leur nationalité, parce que nous croyons 
que leur seul but est de se détacher de la couronne de 
Saint-Étienne. Je crois pouvoir afBrmer que nous écra- 
sons Tenthousiasme des Slaves d'une façon brutale, avec 
une sévérité tout orientale, avec une injustice vraiment 
asiatique. Gela est-U noble, chevaleresque et peut41 bien 
finir? » 

Il est nécessaire de bien établir cette situation pour 
comprendre les événements de 1848 et la haine que les 
Croates montrèrent contre les Hongrois dans la guerre. 
Jellacic fut Tépée du slavisme méridional, plus épris 
de nationalité que de liberté. 

Serbes. — Les Serbes, frères d'origine des Croates et 
des Slavons et parlant presque la même langue, mais 
qui, tournés vers Byzance, tandis que les Croates s'étaient 
tournés vers Rome, avaient embrassé la religion grec^ 
que orientale, cherchèrent de bonne heure à se sous- 
traire à la domination turque par l'émigration. On 
constate l'existence de colonies serbes en Hongrie dès le 
XIV* siècle, avant et après cette fameuse bataille de Ko- 
sovo (15 juin 1339), qui soumit l'empire serbe aux Otto- 
mans. En 1481, 50,000 Serbes vinrent s'établir autour 
de Temesvâr et furent, avec leurs prédécesseurs, les 
plus vaillants lutteurs contre les Turcs, sous leur famille 
nationale des Brankovic'. Après la bataille de Mohàcs, 
cette émigration devint considérable. En 1522 le Kneze 
Paul Bakic' avait déjà passé en Hongrie avec de nom- 
breuses familles serbes. Ces émigrés se montrèrent de 
vaillants soldats et servirent fidèlement la maison d'Au- 
triche dans la lutte contre l'ennemi commun , contre le 
Turc. Ils la servirent même contre d'autres ennemis 
pendant la période suédoise de la guerre de Trente ans 
où ils figurent en grand nombre dans les armées impé- 
riales. L'empereur Léopold I«' voulut peupler ses fron- 
tières de ces vaillantes populations qui s'étaient jointes 
aux Polonais de Sobieski pour sauver Vienne, tandis 



ÉMIGRATION SERBE DE 1690 — LÉOPOLD 1" 168 

que les Magyars s'alliaient aux Turcs, et fit tout pour 
engager Crnojevic, patriarche de Pèc, à se mettre à la 
tête d'une émigration bien plus considérable que toutes 
les antérieures d'habitants de la Bosnie, de la Rascie et 
de la Serbie. Par sa fameuse proclamation du 6 avril 
1690 (année où Belgrade retomba aux mains des Turcs), 
il promit aux Serbes qui viendraient s'établir en Hon- 
grie, la pleine liberté religieuse, l'indépendance vis-à-vis 
de la féodalité hongroise, le droit d'élire un patriarche 
et un voiévode. C'était un véritable contrat entre l'em- 
pereur et les immigrants et qui liait les deux parties. 
Ceux-ci, au nombre de quatre à cinq cent mille, fran- 
chirent la frontière en 1693. On les cantonna entre le 
Danube et la rive gauche de la Theiss (Ttsza), dans le 
Banat et au nord du Maros ainsi qu'en Sirmie, en Sla- 
vonie, dans la Backa. Le prince [Eugène ne perd pas 
une occasion de rendre justice à ses soldats de race 
serbe. En 1713 et en 1715 Charles VI confirma les pri- 
vilèges des Serbes. 

Mais dès les premières années, les Magyars d'une part, 
les Jésuites de l'autre, se mirent à l'œuvre pour violer le 
contrat et pour soumettre les Serbes au despotisme féo- 
dal et au despotisme religieux. Nous ne pouvons donner 
en détail l'histoire de ces persécutions continuées avec 
une implacable persévérance depuis 1694 jusqu'en 1848 
et qui expliquent la haine que les Serbes déployèrent 
contre les Magyars. Elles amenèrent à diverses reprises 
des révoltes comme celle de 1735-1736 qui fut réprimée 
avec une cruauté inouïe, et même une émigration en 
Russie au nombre de 100,000 (1750). En 1779, le Banat 
fut réincorporé à la Hongrie et les Magyars y créèrent 
une noblesse qui aujourd'hui soutient seule leur cause. 
En 1790, à la diète hongroise, le cardinal Batthyani di- 
sait encore que les Serbes n'étaient que des étrangers 
tolérés sur le sol et il fallut toutes les instances de Léo- 
pold II pour que cette même diète leur reconnût les 
droits de citoyens et le libre exercice de leur culte. Et 



164 HISTOIRE DE L*AUTRIGHE 

cependant, durant les guerres de Tempire, les Serbes 
se battirent avec fidélité dans les contingents hongrois 
pour la maison d'Autriche, ce qui n'empêcha pas que 
les Magyars n'obtinssent dès le début la suppression de 
la chancellerie illyrienne établie à Vienne et l'attribu- 
tion exclusive de toutes les affaires serbes à la chan- 
cellerie hongroise (22 juin 1792). A la diète de 1843-44, 
le patriarche Rajacic réclamait encore contre l'exclusion 
des Serbes de tous les emplois et obtenait seulement 
qu'on leur confiât une place de chef de bureau dans 
chacun des trois conseils supérieurs de la Hongrie. « Les 
grecs-orientaux, disait-il, ne peuvent chercher fortune 
que dans les camps ou dans les monastères. ». Ainsi ce 
peuple d'un sentiment national si vivace, venu lihi'e- 
ment sur le territoire hongrois en vertu d'un contrat, 
n'y avait rencontré ni l'autonomie poUtique, ni la liberté 
religieuse, ni la vraie égalité civile, et n'avait recueilli, 
en échange de son sang prodigalement répandu, que 
persécutions et avanies. 

Les confins militaires. — C'est une institution absolu- 
ment propre à l'Autriche et qui ne fait que dispa- 
raître de nos jours. Elle est née de la lutte contre les 
Turcs, si longtemps la principale affaire de la mo- 
narchie autrichienne : elle a été en même temps la 
principale cause de la durée de cette monarchie com- 
posite à laquelle elle a donné la cohésion qui lui man- 
quait. 

Cette armée de soldats-laboureurs, cantonnée sur une 
longue et étroite bande de terre qui allait de l'Adria- 
tique aux Karpathes, c'est-à-dire aux frontières moldo- 
valaques, soustraite avec' son territoire à l'administra- 
tion civile, composée de Croates, de Serbes, de Rou- 
mains, de Magyars, de Szeklers suivant les provinces 
dont elle était l'ourlet, ne s'était pas formée d'un seul 
coup. Ce ne fut que successivement que les troupes en- 
voyées pour défendre les lignes de l'Unna, de la Save et 
du Danube contre l'invasion musulmane devinrent une 



REGIME ]>fiS CONFINS MILITAIRES 165 

institution permanente {Grœnztnstttuû). Le premier do- 
cument où il en soit question est Tédit de Bruck-sur-la- 
Mûr (en 1558). Les diètes résistent, car plus Tarmée 
des conjftns s'étend, plus ce sont de citoyens et de con- 
trées soustraits à leur autorité au profit du gouverne- 
ment central. L'état de choses est consacré après la 
paix de Garlowitz en 1699 : il est dit dans un document 
annexe que « les Grœnzer ou soldats des confins doi- 
vent à Tétat le service militaire* en retour des terres 
dont ils ont la jouissance. » Ge n'était pas facile que de 
trouver un régime convenable pour cette zone où vi- 
vait une population militaire et rurale à la fois : des 
vieillards, des jeunes filles, des veuves, des commer- 
çants pour fournir les denrées indispensables, des pré* 
très de diverses confessions. Plus de trente systèmes 
furent tour à tour essayés et on se perd dans les détails 
de la mobile législation à ce sujet. 11 faut étudier sur- 
tout les ordonnances de 1704, de 1783 et surtout du 
!•' novembre 1807, destinées à protéger les familles 
conûnaires contre Tabsolutisme des états-majors. On 
tenait à contenter, ces régiments qui fournissaient à l'ar- 
mée son plus solide et son plus précieux contingent, 
tout en maintenant un million de sujets autrichiens sous 
un régime si anormal. L'ordonnance de 1807 était en- 
core en vigueur en 1848. 

Le territoire militaire avait, avant 1848, une longueur 
de 1681 kilomètres sur une largeur moyenne de 29. 11 
était partagé en cercles de régiment et cercles de com- 
pagnie. Sur la rive gauche du Danube, c'est-à-dire dans 
la Transylvanie et le banat de Temesvar, les soldats 
étaient Roumains et Magyars ; sur la rive droite, le 
long de la Save et de ses afûuents, les soldats étaient 
Serbes et Croates. Chaque famille possédait un lot de 
terre, à titre d'usufruit et dont le revenu garantissait 
l'entretien d'un soldat. La loi foncière réglait de la fa- 
çon la plus minutieuse les moyens de maintenir cette 
parcelle dans les mains de la famille, de la cultiver et 



166 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

d^empècher d'une part Textréme morcellement et de 
l'autre la concentration en quelques mains. Les autori- 
lés, depuis le colonel de l'état-major du régiment jus- 
qu'au capitaine, intervenaient constamment pour assu- 
rer ces prescriptions qui soumettaient à la même disci- 
pline la terre et Thomme. Ces soldats paysans étaient 
organisés de façon à ne rien coûter à Tétat, en même 
temps qu'on les maintenait suffisamment pauvres et 
ignorants pour qu'ils demeurassent soumis. 

De plus les législateurs des confins s'étaient servis 
d'une institution propre aux Slaves, celle de la propriété 
collective, de la communauté. Un groupe d'individus 
s'associe pour cultiver en commun un fonds indivis, 
sous la conduite d'un chef ou d'un gérant qui est le plus 
âgé ou élu par les autres. Les bénéfices sont partagés, à 
la fin de la campagne, en parts égales. C'est, comme on 
l'a dit, une sorte de communisme patriarcal. Dans les 
confins, cette forme de la propriété fut soigneusement 
maintenue par les conseils de Vienne : l'a^utorité du chef 
patriarche ou gospodar y reçut protection, afin que le 
Grânzer conservât les hahitudes de discipline prises au 
régiment pendant les cent et quelques jours qu'il y 
passe en temps de paix. Tout ce qui peut diminuer, 
annuler l'individu fut savamment employé : le résultat 
répondit à ces efforts. Le Granzer était paresseux, in- 
souciant, ivrogne, superstitieux, demi-sauvage : c'est 
lui qui a valu au nom de Croate cette renommée sinistre 
qui désespère les habitants de la Croatie civile. Les 
femmes étaient renommées pour la légèreté de leurs 
mœurs : le nombre des enfants naturels était considé- 
rable. L'Autriche jouissait de cette pépinière de soldats 
soumis et farouches au prix de l'abrutissement et de la 
démoralisation d'un million de ses sujets. 

En 1848, les frontières transylvaines comprenaient 
cinq districts ou régiments : le 1®^ et le 2® régiment 
d'infanterie Valaque, le i^ et le 2® régiment d'infanterie 
Szekler et le régiment des hussards Szekler. Les fron- 



ÉTAT DE LA TRANSYLVANIE EN 1847 167 

tières hongroises comprenaient le régiment des Tchai- 
kistes (du nom des chaloupes canonnières avec lesquelles 
ils surveillaient le Danube et la Save), le régiment alle- 
mand bannatique et le régiment illyrien-valaque com- 
posé de Serbes et de Roumains. 

Les frontières croates étaient divisées en trois généra- 
lats : celui de Warasdin (régiment de Kreutz et régiment 
de Saint-Georges ou Gjurjevac) ; — celui de Karlstadt 
(régiment d'Otocac, régiment de Lika, régiment Slunj 
et régiment d'Ogulin) ; — celui dit Bannal Graenze (l*'' et 
2» régiment Banal). Les frontières slavonnes compre- 
naient trois régiments : celui de Gradiska,* celui de 
Brod et celui de Pétro-Varadin. 

Là aussi les Magyars devaient rencontrer des haines 
violentes. 

Transylvanie. — Nous avons déjà donné quelques dé- 
tails sur cette principauté, qui fut de 1000 à 1526 pro- 
vince de Hongrie — de 1526 à 1699, état indépendant 
et électif que se disputaient les Turcs et les Impériaux — 
et de 1699 à nos jours, province directe de la monar- 
chie autrichienne. En 1848 on y retrouvait les trois na- 
tions souveraines jouissant seules des droits politiques 
(les Hongrois, 500,000, -^ les Szeklers 170,000 — les 
Saxons 300,000) liguées pour opprimer les Roumains 
ou Valaques plus nombreux qu'eux (1,250,000) et pour 
les maintenir dans un effroyable état de servage. Les 
quatre religions d*état reconnues par la diète de Torda 
en 1562, subsistaient encore (calvinistes 300,000 — lu- 
thériens 260,000 — cathoUques 580,000 — sociniens ou 
unitabes 50,000) ; en face de 1,140,000 Grecs non unis 
ou orthodoxes. Tous les calvinistes étaient Magyars ou 
Szeklers, tous les luthériens Saxons, tous les Grecs non 
unis Roumains. 

Il y avait une diète dont les députés représentaient 
plutôt des races que des castes et qui était ainsi com- 
posée : 



168 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

Députés des comitats hongrois ou szeklers et des munici- 
palités saxonnes 114 

Députés des villes libres et des territoires soumis à la taxe. 13 
Comtes suprêmes des comitats, capitaines de district, juges 

suprêmes ^ 

Sénateurs ou juges de villes libres 6 

Régence souveraine (gubemixim regium) ^ 

Table royale judiciaire 13 

Régalistes ou députés nommés directement par le souver^n . 120 

316 

Le Gubemium regium exerçait le pouvoir exécutif et 
siégeait -à Hersmansladt. Les régalistes, choisis parmi 
les Hongrois et les Szeklers, ce qui leur donnait une 
énorme prépondérance, étaient les plénipotentiaires à 
la diète de ce quatrième souverain appelé l'Empereur. 
Les membres du Gubemium regium et tous les fonction- 
naires étaient choisis par l'Empereur sur une liste de 
quatre candidats pour chaque charge élue par la diète, 
chacun des quatre candidats représentant une des qua- 
tre religions d'état. Il y avait à Vienne une chancellerie 
de Transylvanie composée d'un chancelier et de six con- 
seillers. 

Telles étaient les races, les religions et les institutions 
dans cette forteresse immense [arcem Hungarix) que 
les Karpathes entourent au midi, à l'est et en partie au 
nord comme d'un rempart taillé à pic, qui va en s'a- 
baissant par larges plateaux vers la Hongrie et ({^ 
épanche la Maros, le Szamos et l'Olto. Les Szeklers, 
Hongrois restés à l'état primitif, tous nobles, y étaient 
soldats, pâtres et laboureurs. Les Saxons étaient can- 
tonnés dans leurs villes manufacturières, vrais bour- 
geois allemands du xvi« siècle, d'un germanisme effréné. 

La diète avait pour lieu de réunion Klausenbourg. 
Elle était convoquée d'une façon intermittente. Nous 
l'avons vue réunie en 1790 et en 1792. En 1811, on lui 
demande des hommes et de l'argent, puis on la délaissa 
pendant 20 ans. Convoquée en 1834, elle est dissoute 



LES POLONAIS ET LES RUÎHËNËS EN GÂLLIGIE 169 

en 1835 à cause de son attitude réformatrice. En 1841- 
4842, les races y luttent. Nous allons voir la Transyl- 
vanie, en 1848, demander sa réunion à la Hongrie et 
servir de champ de bataille aux armées de Bem. 

Galltcte. — La Gallicie est un fragment de cette Po- 
logne que les trois puissances du nord se sont parta- 
gées en 1772, en 1792 et en 1795. Elle se compose des 
royaumes de Gallicie, de Lodomérie et du grand-duché 
de Gracovie. Elle compte près de cinq millions d'habi- 
tants. Tandis que les Tchèques et les Magyars se sont 
volontairement réunis à l'empire, les GalUciens n'ont 
ratifié par aucun acte les partages, et leur seul but est 
de sortir de l'Autriche par la reconstitution de la patrie 
commune^ et non de faire reconnaître leur droit na- 
tional sous le sceptre des Habsbourg. Sa diète, com- 
posée de dignitaires ecclésiastiques, de membres de la 
-haute aristocratie , de représentants de la noblesse 
payant 300 florins dlmpôts fonciers, de délégués de la 
ville de Lemberg, n'admettait dans son sein ni la bour- 
geoisie des autres villes, ni le peuple des campagnes. 
De 1817 à 1847, réunie assez régulièrement, elle émet- 
tait, sous forme de vœu, des réclamations en faveur de 
l'introduction de la langue nationale dans l'enseigne- 
ment et de la réforme des impôts. L'Autriche soumit 
les GalUciens à son étouffant despotisme. La Jacquerie 
de 1846 faillit jeter la Gallicie dans les bras de la Russie, 
et le marquis Wielopolsky traça un programme pan- 
siaviste, mais il n'eut pas d'écho. Les vrais représentants 
du Panslavisme en Gallicie étaient non les Polonais, 
qui ne sont que deux millions, mais les Ruthènes au 
nombre de trois millions qui occupent tout l'ouest du 
pays à partir de la rivière la San, Les Polonais, géné- 
ralement propriétaires, sont catholiques romains. Les 
Ruthènes, paysans, sont Grecs-Unis : leur race est 
répandue dans les provinces russes de la Podolie, de 
Yolhynie, de Kiew, de Minsk, de Mohilev, de Grodno, 
où les Gzars les ont ramenés au rite grec orthodoxe. Or 

ASSELTNE. i 



170 HISTOIRE D£ L'AUTRICHE 

les Ruthènes persécutés par les Jésuites, opprimés par 
les propriétaires polonais, frappés dans leur langue, se 
tournent vers la Russie qui flatte leur clergé et qui 
entretient leur sentiment national en Gallicie, tandis 
qu'elle Tétouffe chez elle. L'Autriche, en 1840, se mit 
aussi à favoriser les Ruthènes galliciens pour les opposer 
aux Polonais. On a raconté comment, en 1846, elle les 
lança contre Taristocratie polonaise. Du reste, Polonais 
et Ruthènes, en 1848, se battirent sous le drapeau au- 
trichien contre les Hongrois. 

Bohème. — La Bohème, où les Tchèques Slaves sont 
contre les Allemands dans les proportions de trois 
contre deux, invoque un droit historique. En 1526, 
elle appela librement au trône Ferdinand, frère de 
Gharles-Quint, à titre héréditaire, mais en réservant 
les droits de Tindépendance nationale : tout cela était 
réglé nettement dans les Pacta canventa jurés par Fer- 
dinand. La Hongrie en fit autant en 1527. La fédération 
autrichienne, où chaque peuple devait conserver son 
autonomie, s'était formée au xvi* siècle pour défendre 
l*Ëurope contre les Ottomans : ces mêmes peuples doi- 
vent renouveler, contre Tambition moscovite, les paeta 
conventa du xvi* siècle, dans les conditions plus pré- 
cises du droit moderne. L'Autriche a tout intérêt à le 
faire, car elle a encore plus besoin de la Bohême que 
la Bohême n'a besoin d'elle. C'était la thèse soutenue 
à la veille de 1848 par l'historien national des Tchèques, 
Palacky. En attendant, la Bohème, qui n'avait pas 
montré la persistance de revendications des Magyars, 
vivait avec sa noblesse féodale, ses riches prélats, ses 
littérateurs, ses villes savantes, laissant les Allemands 
maîtres de l'industrie, du commerce et de la banque ; 
elle lisait les écrits de ses historiens qui démontraient 
qu'un état constitué par les siècles, formant une incon- 
testable individualité historique, a le droit de réclamer 
son autonomie. 

Telle était, à la veille de la grande crise de 1848, 



LA RÉVOLUTION DE 1848 ET L'ALLEMAGNE 171 

rètai des diverses nationalités soumises au despotisme 
des Habsbourgs et aux combinaisons de Metternich. 

Dès les premiers jours de mars, la Révolution fran- 
çaise du 24 février eut son contre-coup dans FAUe- 
magne toute entière. L'Allemagne étouffait sous la 
double compression de ses princes et de sa diète go- 
thique : ses velléités d'indépendance populaire cher- 
chaient partout une issue, tantôt dans l'économie poli- 
tique, tantôt dans les vagues idées de réforme eatho- 
tique des prêtres Ronge et Gzerki, tantôt enfin dans les 
doctrines philosophiques. Mais partout, dans ses élans, 
elle se heurtait à ces terribles lois contre la presse si 
savamment élaborées sous Tinspiration de TAutriche, 
et elle retombait grondante et désespérée. Aussi l'esprit 
révolutionnaire, venu d'outre-Rhin, trouva-t-il le ter- 
rain admirablement préparé : en un instant tout fut en 
Qamme. 

Dès le 3 mars, Francfort forçait son sénat à abolir 
la censure et à établir la liberté de la presse ; Hambourg 
obtenait les mêmes résultats après avoir démoli les 
maisons de quelques-uns de ses oligarques détestés. Le 
duc de Nassau accordait une constitution le 5 mars; 
le grand-duc de Saxe-Weimar en faisait autant le 6, 
et le grand-duc de Hesse-Darmstadt, forcé de prendre 
pour ministre le célèbre Henri de Gagern, lançait le 
même jour une proclamation réformatrice qui pro- 
duisit une immense sensation. Le 7, un des principicules 
les plus arriérés, l'électeur de Hesse-Gassel, reçut de 
ses sujets un ultimatum et, comme il n'y répondait pas, 
vit son palais envahi par vingt mille révoltés qui le 
forcèrent, au bruit du tocsin, à tout accorder. Dans le 
grand-duché de Bade, déjà très-ouvert aux idées libé- 
rales, l'agitation se manifesta dès le 29 février, et sous 
l'impulsion des Struve et des Hecker, aboutit le 3 mars 
à l'obtention d'une constitution accueillie avec en- 
thousiasme à Carlsruhe, à Manheim, consacrée par les 
larmes d'attendrissement du grand jurisconsulte Mit- 



172 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

termaier, mais qui n'arrêta pas les revendications ré- 
publicaines. 

Le roi de Wurtemberg avait cédé de bonne grâce dès 
le 2 mars, devant les démonstrations. Il fallut, au con- 
traire, une émeute pour faire céder le grossier despote 
du Hanovre, Ernest- Auguste. Les 2, 3 et 4 mars, on se 
battit à Munich encore toute flévreuse des événements 
relatifs à Lola-Montès. Le roi fit toutes les concessions 
dans sa proclamation du 6 mars et abdiqua le 20 mars. 
L*élan populaire triompha aussi dans le royaume de 
Saxe des résistances de Frédéric-Auguste , qui , le 
16 mars , prit un ministère de réformes. Enfin la 
Prusse, à son tour, fut entraînée dans le mouvement, 
dans Télec trique tourbillon , après avoir vainement 
tenté de soulever les esprits contre la France et de 
noyer l'esprit révolutionnaire dans l'esprit national. 
Cet appel à la Prusse militante ne réussit pas : les 
Prussiens de ce temps-là n'entendaient pas sacrifier la 
vraie liberté à la fausse gloire. Il n'entre pas dans 
notre cadre de raconter les journées de troubles qui 
aboutirent à la patente du 18 mars, immédiatement 
suivie de la furieuse bataille des rues qui se prolongea 
jusqu'au 19, jour où la foule força le roi à venir saluer 
ses morts. Le 21, Frédéric-Guillaume publia sa fameuse 
proclamation constitutionnelle et posa en même temps 
ses prétentions à l'hégémonie de l'Allemagne unifiée. 

Le drame de la révolution autrichienne présente les 
mêmes péripéties que les autres drames révolution- 
naires de l'époque. D'un côté, un gouvernement de 
mauvaise foi n'accordant des concessions qu'avec l'es- 
poir de les reprendre, éveillant par cette conduite des 
soupçons qui se traduisent en émeutes, essayant d'abord 
d'étouffer ces émeutes dans le sang, puis cédant à 
nouveau jusqu'au jour où il peut tout ressaisir par la 
force; de l'autre côté, le peuple confiant d'abord, con- 
tent de peu, puis éveillé au soupçon par des trahisons 
(Je tout genre, s'exaspérant peu à peu par le chômage 



SYMPTOMES DE RÉVOLUTION A VIENNE 173 

et la misère, et finissant par retomber sous le joug, 
avec quelques martyrs de plus sur le pavé des rues ou 
dans les bagnes de la réaction. 

La première pensée de la vieille Autriche absolutiste 
fut de se mettre en travers de la Révolution. Dès le 
4 mars 1848, la Gazette officielle publiait les articles 
les plus violents contre la France démagogique et pro- 
pagandiste, et on commençait des armements. Mais les 
nouvelles de l'Allemagne, de la Prusse et des provinces 
intérieures. Bohème, Hongrie, Transylvanie, Gallicie, 
firent réfléchir. On se résolut au statu quo, et TEmpe- 
reur publia, le 10 mars, la déclaration suivante : « Sa 
Majesté considère le changement de gouvernement en 
France comme une affaire intérieure de ce pays. L'Au- 
triche est bien éloignée de vouloir intervenir médiate- 
ment ou immédiatement dans les affaires de France... 
La volonté de Sa Majesté est, dans ces temps difficiles, 
de faire tous ses efforts pour que TAutriche soit fcrrte 
au-dedans, respectée au dehors. Mais Sa Majesté veillera 
avec la même énergie pour qu'aucune tentative de bou- 
leversement n'ait lieu, qui pourrait jeter dans l'anarchie 
son empire béni du ciel. » Voici les formules vagues et 
les menaces précises qu'on offrait à ce peuple affamé 
de réformes et enivré par les souffles qui lui venaient 
de tous les points de l'horizon. Il voulait mieux et se 
mit de suite à l'action. 

Le 11 mars une adresse était remise aux Etats de la 
Basse-Autriche (la Diète locale composée des prélats, 
des seigneurs, des chevaliers et des députés des villes). 
Elle réclamait (c la publication immédiate de l'état des 
recettes et dépenses publiques; la convocation pério- 
dique d'une assemblée des représentants pris dans toutes 
les classes de la population ; la liberté de la presse ; la 
publicité des débats judiciaires ; des institutions muni- 
cipales et communales. » Le 12, les dix-huit cents étu- 
diants de l'université de Vienne prenaient la tête du 
mouvement et se formaient le 13 en cortège pour aller 

10. 



174 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

porter leurs vœux au Palais des États. Ils se heurtèrent 
à un grand déploiement militaire : les places étaient 
garnies de canons. Alors éclata la colère populaire ; aux 
cris furieux de : A bas Mettemich, on alla démolir au 
Renweg la villa du ministre exécré. A quatre heures et 
demie, les troupes firent une première décharge sur la 
Judenplatz et couchèrent sur le pavé six morts : le com- 
bat s*engagea. L^arsenal fut forcé et pillé, et du haut de 
son palais, Ferdinand pleura en voyant incendier ses 
écuries. A neuf heures du soir une députation des États 
vint demander la retraite de Mettemich. Il n'y avait pas 
à s'y tromper : c'était plus qu'une émeute, et, malgré ses 
18,000 hommes de garnison et son artillerie, la cour 
comprit qu'il fallait céder. Metternich épouvanté se 
cacha dans le palais du prince de Lichtenstein : au ma- 
tin il se sauva par la porte de Carinthie, déguisé, tapi 
avec sa jeune femme, non moins détestée que lui, au 
fond d'une voiture de blanchisseuse. Le Timesy en annon- 
çant le 33 mars son arrivée en Angleterre, écrivait : 
« Le dernier débris du vieux système est tombé; le 
prince de Metternich a été vaincu dans une lutte qull 
ne pouvait pas soutenir contre l'opinion publique des 
pacifiques habitants de la Basse-Autriche. Le plus vieux 
ministre de la plus vieille cour a été chassé... Après 
quarante ans d'un pouvoir ilUmité, Metternich aban- 
donne l'Autriche en arrière du reste de l'Europe, appau- 
vrie dans ses finances, divisée dans ses provinces, me- 
nacée ouvertement dans ses plus importantes posses- 
sions. » 

Le 14 au matin, on pouvait lire au coin de toutes les 
rues une proclamation impériale annonçant l'armement 
des étudiants, la démission de Metternich, l'institution 
d'un comité des États dont était appelé à faire partie 
Alexandre Bach, mais menaçant de l'emploi de la force 
si on ne se contentait pas de ces concessions. La garni- 
son, sortie de ses quartiers, bivouaquait sur les glacis 
des remparts. Le prince de Windischgraetz était nomme 



JOURNÉES DU 14 ET DU 45 MARS 1848 175 

commandant supérieur des troupes. Ce choix seul mon- 
trait combien la cour nourrissait d'arrière-pensées. Une 
camarilla cherchait à entraîner Ferdinand dans la voie 
de la résistance. Les chefs du mouvement populaire 
firent déclarer au palais que cette attitude équivoque ne 
permettait pas de désarmer, et la ville prit un aspect si 
redoutable que Ton céda. A une heure un rescrit établis- 
sait la garde nationale sous le commandement du comte 
Hoyos et avant la fin de la journée quarante mille ci- 
toyens s'étaient déjà fait inscrire sur ses contrôles. Une 
proclamation engageait les États de la monarchie à en- 
voyer des députés à Vienne pour le 3 juillet. Le Prési- 
dent de la Basse-Âutrichie annonçait que la censure était 
abolie et qu'on allait élaborer une loi libérale sur la 
presse. Mais le soir, dans les rues déjà désertes et déjà 
silencieuses, on afficha un décret mettant Vienne en état 
de siège, et le lendemain, à l'aube du jour, un bando de 
Windischgraetz écrit dans le style provocateur et brutal 
inhérent à ce genre de littérature. Il n'y a pas dans 
l'histoire de spectacle plus curieux que celui de cette 
journée du 14 mars avec les alternatives précipitées de 
concessions et de résistances, d'abattement et de rage 
en haut, d'enthousiasme et de déception en bas, comé- 
die par ces attaques et ces retraites multipliées de la 
camarilla, tragédie par ces perspectives de guerre 
civile entrevue grâce à l'absence de sincérité dans la 
cour et au fauve désir des chefs militaires d'entrer en 
lutte. 

On croyait bien le 15 au matin qu'elle allait éclater 
terrible, cette guerre civile. Mais la nuit avait porté 
conseil et, plus que la nuit, la nouyelle des événements 
de Hongrie. Ferdinand résolut de se montrer au peuple 
et bientôt, accompagné de son frère et de son neveu 
(François-Joseph actuellement régnant), il parcourut 
les rues de Vienne dans une voiture à quatre chevaux. 
Le peuple l'accueillit avec des transports d*affectîon : 
ce fut un échange d'attendrissements infinis, des effu- 



176 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

sions mouillées de larmes réciproques. Ferdinand, de 
retour au palais, déclara à son entourage qu'il fallait 
accorder à cet excellent peuple une constitution : des 
lettres-patentes annoncèrent qu'un projet dans ce sens 
serait soumis aux délibérations des députés des états. 
Les promesses étaient vagues , mais n'en furent pas 
moins accueillies avec délire. Vienne illumina : on fra- 
ternisait sur les places publiques. Qui de nous n'a vu 
ces haltes joyeuses dans les révolutions, ces moments 
de confiance où tous les soupçons se dissipent, où 
la foi rayonne, où Ton croit l'entente définitive et 
l'avenir assuré? Elles sont toujours suivies de tristes 
réveils. 

Le vieux Kolowrat fut nommé président du Conseil ; 
Lichstenstein remplaça Windischgraëtz dans le com- 
mandement supérieur des troupes. Mais le portefeuille 
de l'intérieur fut confié au comte de Ficquelmont, élève 
de Metternich, un de ces hommes dans lesquels la réac- 
tion s'incarne aux époques troublées. Le 17 mars on 
enterra solennellement les victimes de la révolution; 
le 23, le Spielberg rendit à la liberté et au soleil sa lé- 
gion de prisonniers-spectres. La vue de cette troupe de 
hâves martyrs ne suffisait-elle pas à justifier la révo- 
lution? 

Cette période sereine ne tarda pas à s'assombrir. Le 
i^ avril Ficquelmont fut nommé premier ministre : les 
principaux membres du cabinet étaient Pillersdorf, 
Kraus, Sommariga. On prépara tout pour la réaction, 
et Windischgraëtz reçut le commandement d'un corps 
d'armée du Nord dont il était facile de prévoir la mis- 
sion. Ficquelmont d'aUleurs, habile et souple, ne pré- 
cipitait pas les choses. Amélioration de la loi sur la 
presse, publication du budget de 1848 et des budgets 
antérieurs depuis 1841, réformes sociales pour délivrer 
les paysans des coutumes féodales qui pesaient encore 
sur eux, aucun trompe-l'œil n'était négligé. Enfin le 
25 avril, la Constitution fut octroyée avec pompe. La 



LA CONSTITUTION DU 25 AVRIL 177 

proclamation s'en fit devant l'armée, la garde natio- 
nale et l'université. 

Le préambule était plein d*effusion. La Constitution 
établissait un sénat composé de princes impériaux, de 
membres nommés à vie par l'empereur et de cent cin- 
quante membres élus par les principaux propriétaires, 
et une Chambre des députés de 383 membres élus sui- 
vant un mode à déterminer. La Constitution garantissait 
l'égalité devant la loi, la liberté de conscience, la liberté 
delà parole et de la presse, le droit de réunion, l'éga- 
lité devant l'impôt, la propriété accessible à tous. Elle 
accordait le jury en matière criminelle, les juges ina- 
movibles, les débats publics. 

Mais cette Constitution avait deux grands vices : elle 
supposait résolue la question des nationalités si domi^ 
nante en Autriche et étabUssait une unité et une cen- 
tralisation tout à fait chimériques. Elle émanait, non 
des représentants librement élus du pays , mais de 
la simple volonté de l'empereur qui, l'ayant donnée, 
pouvait la retirer. De plus c'était l'impopulaire FicqueU 
mont qui était chargé de l'appliquer et de préparer la 
loi électorale provisoire en vertu de laquelle serait élue 
la prenûère diète générale. Que de motifs de défiance, 
tant chez les diverses races de l'empire que chez ce 
peuple de Vienne qui se sentait vaguement la . proie 
d'une immense mystification I Bien des idées confuses 
s'agitaient dans ces masses si récemment initiées, après 
des siècles d'oppression, au mouvement de la vie po- 
litique. Elles avaient quelque peu conscience qu'un 
monarque absolu ne devient jamais qu'en apparence 
un roi constitutionnel, et que le dogme du droit divin 
n'a que des semblants d'abdication devant le dogme de 
la souveraineté du peuple. Mais d'un autre côté, elles 
^^ s'étaient pas encore élevées à la conception de la 
République : le respect dynastique les tenait encore, 
ûe là les oscillations et la gaucherie qu'on remarque 
dans le cours de leurs revendications. 



478 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

LTJniversilé, dont Texpression armée était la lé^on 
académique, voulut au moins se débarrasser du sosie* 
de Mettemich, et le 3 mai une foule immense alla de- 
mander au comte de Ficquelmont sa démission immé- 
diate. Il obéit après avoir consulté Tempereur et quitta 
Vienne le 4 mai, laissant sa succession à Pillersdorf. 
Mais son esprit parut avoir inspiré la loi électorale pro- 
visoire publiée peu après. Les journaliers , c*esf^à-dire 
tous les ouvriers, étaient exclus des listes électorales. 
On vit de plus en plus clair dans le jeu de la cour, et 
un comité central de la garde nationale se forma pour 
résister à la réaction. Le gouvernement en prononça la 
dissolution le 14 mai. Le 15, la légion académique ap- 
pela le peuple à une grande manifestation armée et fit 
parvenir à l'empereur une pétition réclamant le main- 
tien du comité de la garde nationale, une autre loi élec- 
torale, une seule Chambre, la sortie de la garnison. On 
attendit la réponse pendant tout l'après-midi et une 
partie de la nuit, faisant face aux grenadiers et aux 
cuirassiers rangés devant le château. La cour céda, et 
le 16 mai un rescrit concédait le maintien du comité 
central et Télection d'une seule Chambre qui aurait le 
pouvoir constituant et qui serait élue par le suffrage 
universel. C'était la reconnaissance complète du dogme 
de la souveraineté du peuple. 

Mais dès ce moment Ferdinand, profondément blessé 
de la ctoire de ce qu'il appelait la démagogie, avait 
pris la résolution de quitter cette ville qui avait le tort 
de montrer trop de logique dans les voies de la révo- 
lution et de faire de chaque point conquis le point de 
départ d'une autre conquête. Le 17 mai il exécuta une 
fuite de Varennes qui réussit, et le 19 il arrivait à Ins- 
pruck, où les dévots et monarchistes Tyroliens l'accueil- 
lirent avec transport. Il se sentait chez lui dans cette 
Vendée montagneuse. Aussi donna-t-il libre carrière à 
ses rancunes et à ses reproches, qu'il exposa dans un 
long manifeste. C'était le ton d'un père irrité gounnan- 



FERDINAND S'ENFUIT DE VIENNE 179 

dant ses enfants ingrats : la vieille notion du despotisme 
j)atemel accordant ou refusant ses dons en vertu de 
Tonmipotence que la Providence lui délègue inspirait 
ce langage suranné. Et, il faut bien le dire, la masse du 
peuple viennois se montra profondément déroutée et 
inquiète de la fuite de son monarque : les vieilles habi- 
tudes de soumission reprirent momentanément le des- 
sus ; tant de siècles d'autorité incontestée en avaient 
imprégné la matière cérébrale de ces hommes chez les- 
quels le citoyen n'était pas encore suffisamment sorti 
du sujetl 

Le ministère profita de cet effarement. Composé de 
Pillersdorf à Tintérieur, de Golloredo-Wadsee aux af- 
faires étrangères, de Kabeck aux finances, de Stadion 
à la présidence du conseil aulique et de Kollowrat et 
Hardig, ministres sans portefeuille, il déclara qu'il res^ 
terait aux affaires, qu'il avait envoyé le comte de Hoyos, 
commandant en chef de la garde nationale, et le comte 
Wilczeck auprès de l'empereur pour rengager à revenir, 
qu'il était prêt à s'entendre avec les comités pour main- 
tenir Tordre. Le comité central se dispersa de lui-» 
même. Le comte d'Auesrperg fut nommé commandant 
de la garde nationale et de la légion académique 
réunies ; le comte de Montecuculli, président de la ré-^ 
gence de la basse Autriche, fut mis à la tète dW 
comité de sûreté et défendit les attroupements et les 
assemblées nocturnes. Les quelques libres et prévoyants 
esprits qui proposèrent de répondre à la fuite de l'em- 
pereur par la proclamation de la République soule- 
vèrent contre eux la réprobation et les défiances. L'ar- 
deur monarchique devint du fanatisme ; les Bohèmes, 
les Hongrois envoyèrent des députations à Inspruck 
pour offrir un asile à l'empereur. Hoyos et Wilczeck 
rapportèrent d'Inspruck une lettre impériale demandant 
aux ministres de rester à leur poste et déclarant que 
le maître ne reviendrait que quand le peuple serait 
revenu à ses anciens sentiments de fidélité. 



i80 HISTOIRE DE L'AUTRIGHË 

Le bon peuple de Vienne ne tarda pas à recueillir les 
fruits de cette crise de soumission et de repentir. A le 
voir si courbé, les hommes du pouvoir pensèrent qu'on 
le jetterait facilement à plat ventre. Le 26 mai, le comte 
de Montecuculli fit afficher la dissolution de la légion 
académique, cette force vive de la révolution, fermer 
les portes de la ville et prendre à la garnison des dis- 
positions de combat. C'était trop t6t. Etudiants, bour- 
geois, ouvriers coururent aux armes. Un soldat tua d*un 
coup de baïonnette un bourgeois nommé Drechsler, 
ce fut le signal des barricades : la viUe s'en couvrit et 
la garde nationale prit position derrière elles. Un co- 
mité de sûreté spontanément formé signifia au gouver- 
nement les volorités du peuple. Après bien des négo- 
ciations qui durèrent le 27 et le 28 mai, au milieu d'a- 
lertes continuelles, de préparatifs de lutte, le ministère 
céda, et le 29 il publia une profession de foi dans la- 
quelle il promettait de hâter la réunion de la Diète , de 
presser le retour de l'empereur et de gouverner loya- 
lement dans l'esprit des concessions du 15 mai. Monte- 
cuculli prit la fuite et Hoyos fut livré en otage, bientôt 
rendu à la liberté. La tentative réactionnaire avait com- 
plètement échoué. L'empereur le comprit, et, par ses 
proclamations dictées d'Inspruck le 3 et le 6 juin, sanc- 
tionna tout ce qui s'était fait. On ne pensa plus qu'aux 
élections générales. 

L'empereur ne voulant pas encore revenir, envoya 
comme son suppléant le populaire archiduc Jean, 
l'homme à tout faire de la monarchie qu'on songeait 
à Francfort à élire empereur d'Allemagne, et que la 
Hongrie et la Croatie avaient choisi comme arbitre. Le^ 
députés à la diète se réunirent le 40 juillet en assemblée 
préparatoire à Vienne; le 19 juillet fut constitué le nou- 
veau ministère : Wessemberg, affaires étrangères-— 
Dobbelhof, intérieur — Alexandre Bach, justice — Comte 
Latour, guerre — Krauss, finances — Hornbostel, com- 
merce — De Schwarzer, travaux publics. L'assemblée 



LA DIÈTE DE VIENNE 181 

fut ouverte le 27 juillet par un discours libéral de Tar- 
chiduc Jean. Elle nomma président pour un mois le 
Viennois François Schmidt, et vice-présidents Strohbach 
de Prague et Magueneau de Trieste. Il y avait des re- 
présentants de la Bohème et de la Gallicie. Mais nul ne 
pensait que la nouvelle ère constitutionnelle, ouverte 
après tant de luttes et d'agitations, aurait le pouvoir 
magique d'apaiser les rivalités de races et de rallier 
tant de peuples divers à l'idée de l'unité. On eut vite la 
preuve que l'amour de la nationalité l'emportait sur 
celui de la liberté. Voyons en effet ce qui s'était passé 
dans le reste de l'empire pendant les crises révolution- 
naires de Vienne. 



ÀSSEL!NE. t 1 



CHAPITRE II 



Hongrie. — Diè^ de 1847. — Kossuth. — Ministère Batthyany. 

— Lois hongroises de 1848. — Insurrection Serbe. — Jellacic. 

— Insurrection des Roumains. — Bombardement de Prague. — 
Pologne. — Italie : défaites de Charles-Albert. 



Hongrie. Nous avons vu que les comitats étaient les 
organes essentiels de la vie politique et nationale en 
Hongrie sous la conduite de leurs comtes suprêmes, 
présidents des assemblées électorales ou congrégations^ 
des diètes locales et des tribunaux de chefs-lieux. Gomme 
ces dignitaires échappaient à Faction du pouvoir cen- 
tral, le gouvernement de Vienne, à la suite des diètes 
de 1843-1844, où s'était manifesté un si vif esprit de 
réforme et d'indépendance, résolut de forcer les comtes 
suprêmes à devenir ses agents directs ou de les remplacer 
par des administrateurs à ses gages, qui pourraient, 
à rinstar des préfets de Louis-Philippe, corrompre les 
électeurs et envoyer à la diète une majorité de minis^ 
tériels et de satisfaits. Metternich, pour réaliser cette 
idée, fit confier rarchichancellerie de Hongrie au comte 
Georges Apponyi, un des auteurs de ce plan. L'exécu- 
tion souleva en Hongrie les plus vives colères et Louis 
Kossuth, à la congrégation de Pesth, stigmatisa le nou- 
veau système dans un éloquent discours. Douze cents 
libéraux présidés par un magnat dévoué à la cause po- 



DIÈTE HONGROISE DE 1S41 183 

pulaire, le comte Louis Batthyany, publièrent un pro- 
gramme du parti progressiste dû à la plume du jeune 
sage François Déak. Il se résumait dans les propositions 
suivantes : 1® partage entre tous les citoyens des charges 
publiques ; 2° participation des citoyens non nobles, et 
avant tout des habitants des villes royales et des dis- 
tricts libres, à la législation et aux droits municipaux ; 
3° égalité civile ; ÂP abolition, moyennant une loi obliga- 
toire, des corvées et redevances, avec indemnité aux 
possesseurs ; 5<> sécurité donnée au crédit et à la pro- 
priété par l'abolition de Vavittcité, 

C'est sur ce programme très-modéré qu'on se pré- 
para aux élections. La congrégation de Pesth, malgré 
les efforts désespérés des conservateurs et au miUeu 
d'un grand enthousiasme, élut députés le vice-comte 
Maurice Szentkirâlyi et Louis Kossuth (17 octobre 1847). 
La diète s'ouvrit à Presbourg {Posony) le 7 novembre. 
Le 22 l'empereur-roi Ferdinand prononça un discours 
du trône qui, au lieu d'être rédigé en latin, le fut pour 
la première fois en jnagyar. Ce fut un délire et les deux 
chambres élurent Palatin par acclamation l'archiduc 
Etienne, fils du populaire archiduc Joseph. Celui-ci prit 
possession le 15 du fauteuil de la présidence et à son 
tour prononça un discours patriotique. Puis les tra- 
vaux législatifs commencèrent sous ces heureux aus- 
pices. 

Dès les premiers jours l'attitude des deux députés 
croates que la diète d'Agram envoyait siéger à la diète 
hongroise fit prévoir que la question de race ne tarde- 
rait pas à dominer. Ces deux députés ne cessèrent de 
faire entendre leurs revendications nationales, tandis 
qu'au contraire les Magnats croates faisaient cause 
commune avec les Magyars. 

Nous n'entrerons pas dans le détail des travaux de la 
diète où chaque jour grandit l'influence de Kossuth. 
On y montrait un esprit de réformes progressives et 
temporisatrices beaucoup plus qu*un esprit de révo- 



184 HISTOIRE DE L^AUTRICHE 

luiion. C'était prudemment, morceau par morceau, 
qu*on y voulait démolir Tédifice féodal. La chambre 
haute ou chambre des Magnats résistait aux plus timides 
innovations, ce qui était dans son rôle, et cette lutte où 
tantôt Tun, tantôt l'autre des adversaires cédait, faisait 
rintérêt des débats. Le Palatin intervenait comme ar- 
bitre entre l'oligarchie de la chambre haute âprement 
attachée aux privilèges féodaux et la bourgeoisie pour- 
tant peu exigeante de la chambre basse. Il faut bien 
dire que Kossuth et ses amis se montraient plus préoc- 
cupés d'assurer l'indépendance de la Hongrie vis à vis 
de l'Autriche que de faire passer dans les lois les prin- 
cipes démocratiques. Ils le prouvèrent dans la question 
des villes libres si insuffisamment représentées à la 
diète. La diète alla même jusqu'à voter que les im- 
migrants ne seraient naturalisés qu'à la condition de 
savoir le magyar. 

La nouvelle de la révolution de février vint imprimer 
une toute autre allure à ces parlementaires jusque-là 
si timorés. Dès le 3 mars, la seconde chambre vota 
une adresse au roi dans laquelle on demandait pour la 
Hongrie un ministère responsable. Le 14 mars la nou- 
velle des événements de Vienne arriva à Presbourg et 
excita le plus vif enthousiasme : son premier effet fût 
de faire voter par les Magnats l'adresse qu'ils auraient 
repoussée huit jours avant. Le 15 mars, on vota toute 
une série de mesures radicales bien autrement accen- 
tuées que celles qui faisaient, depuis l'ouverture de la 
diète, l'objet des délibérations timides de la diète : abo- 
lition définitive des corvées et de tous les droits féodaux, 
avec indemnité par l'état aux seigneurs dépossédés; 
droit de vote individuel entraînant l'abolition des anti- 
ques classes et corporations ; nouvelles élections à bref 
délai. Le même jour une députation , conduite par 
Louis Batthyany et Kossuth, partit pour Vienne. Le 
même jour encore, la jeunesse de Pesth ayant à sa tête 
un homme qui s'était soudainement révélé grand ora- 



NOUVELLES DE LA RÉVOLUTION DE FÉVRIER 185 

leur : Vasvari, et ses amis Pelofî le poète, Jokay le 
futur journaliste, Bulyovsky, etc., fit imprimer de force, 
sans visa de la censure, un programme en douze articles 
qui devint la Charte de la révolution : 1" liberté de la 
presse ; 2* ministère responsable siégeant à Buda-Pesth ; 
3» convocation annuelle de la diète et sa réunion à Pesth ; 
4* Tégalité devant la loi; 5» la garde nationale ; 6^ les 
charges publiques également supportées par tous ; 
7^ l'abolition de tous les liens féodaux entre les paysans 
et les seigneurs ; 8<* le jury ; 9** une banque nationale ; 
10* serment des militaires à la constitution ; garnison 
des régiments hongrois sur le sol hongrois; 11* mise en 
liberté des détenus politiques ; 12^ union de la Transyl- 
vanie à la Hongrie. Puis Alexandre Petofy, qui n'avait 
alors que vingt-quatre ans, lança un poème magnifique 
aux strophes enflammées. Un comité de sûreté publique 
fut organisé, ainsi qu'une garde nationale. On craignit 
un instant, comme à Vienne, un conflit avec la gar- 
nison; mais ce malheur fut évité. 

Ferdinand, faisant contre fortune bon cœur, accueillit 
la députation ma^are et lui accorda tout ce qu'elle 
demandait. Le comte Batthyany fut chargé de former le 
premier ministère national hongrois. Le 18 mars, la 
diète eut une sorte de nuit de quatre août et les pré- 
lats eux-mêmes renoncèrent à la dime. Pesth d'ailleurs 
veillait : son comité de sûreté exerçait une pression sur la 
diète dans le sens des idées révolutionnaires. Kossuth 
protesta même contre ce joug d'une seule commune. Ce 
fut sans doute pour mieux marquer la protestation que 
la diète retomba de nouveau dans la voie des demi- 
mesures et des transactions, établissant un cautionne- 
ment de 25,000 florins pour les journaux, excluant les 
Juifs des listes électorales municipales, accordant aux 
fonctionnaires de l'ancienne administration des dédom- 
magements magnifiques. 

Le premier ministère national hongrois fut constitué 
le 23 mars : il se composait du comte Batthyany, prési- 



186 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

dent du conseil sans portefeuille ; de Szemere à Tinté- 
rieur ; du prince Paul Esterhazy au département des 
relations entre la Hongrie et TAutriche ; de Louis Kos- 
suth aux finances ; de Mészaros à la guerre ; du comte 
Széchenjri aux travaux publics ; du baron Eotvos à Tins- 
truction publique et aux cultes ; de IQauzal à l'agricul- 
ture et au commerce ; de Français Déak à la justice. Il 
était malheureusement loin d'être homogène : rélément 
libéral, conciliateur, timoré, y dominait, et par ses ter- 
giversations , ses incertitudes vis à vis de TAutriche, 
compromit promptement le présent et l'avenir. Les 
Magyars, profitant des embarras de la cour d'Autriche, 
auraient dû alors prononcer sans hésiter la séparation 
absolue ; les circonstances étaient favorables. Kossuth 
n'osa pas prendre ce grand parti et se contenta d'une 
demi-mesure qui ne donna qu'une demi-indépendance. 
Les conséquences de cette faute irréparable ne tardèrent 
pas à se faire sentir. Ferdinand refusa même pendant 
quelques jours d'accorder des portefeuilles de la guerre 
et des finances ; il n'y consentit que le 31 mars sur les 
instances du Palatin. 

La diète fit une loi électorale qui établissait des élec- 
teurs censitaires, laissait de côté toute la plèbe, écar- 
tait les Juifs, conservait aux nobles leur ancien droit de 
vote personnel. La future assemblée, élue par les douze 
cent mille électeurs que donnait cette loi si timide, 
devait être composée de 317 députés. La loi sur les co- 
mitats conserva le droit de vote aux nobles de race et 
aux capacités et maintînt aux congrégations ou assem- 
blées locales leur caractère aristocratique et privilégié. 
L'émancipation des juifs fut repoussée, de l'avis même 
de Kossuth qui déclara la mesure inopportune. 

Le 10 avril Ferdinand vint clore la diète, accompagné 
du jeune archiduc François-Joseph. Il sanctionna les 
trente et une lois votées au cours de la session et prononça 
une allocution en hongrois qui souleva, comme d'habi- 
tude, un ardent enthousiasme chez ce peuple monar- 



kossuth; lois sur les langues 187 

chiste jusqu'aux moelles. Cette diète de 1847-1848 s'était 
montrée bien indécise, bien troublée, bien peu dégagée 
de l'esprit du passé ; elle ne sut, dans aucune direction, 
vouloir jusqu'au bout. Son leader, Louis Kossuth, dont 
l'Europe républicaine de 1848 fit le type du révolu- 
tionnaire radical et l'Europe réactionnaire le type du 
démagogue eifréné, ne se montra ni l'un ni l'autre et 
ne mérita ni cet excès d'honneur ni cette indignité. Il 
fallut plus tard la pression des circonstances pour lan- 
cer cet oratoire et mystique tribun dans des voies plus 
avancées. Ses deux fautes capitales furent son refus de 
briser l'union avec l'Autriche et son attitude dans la 
question des nationalités. Il montra, dans cette der- 
nière, le patriotisme le plus étroit et le plus égoïste : il 
y fut l'incarnation de l'esprit magyar, des prétentions 
de ce petit peuple à la domination sur les Slaves et sur 
les Roumains, de ses préjugés de race 1 II prononça des 
paroles irréparables, et il fut le principal instigateur de 
la croisade des peuples yougo-slaves qui sauva la mo- 
narchie autrichienne. Cette croisade se préparait, tandis 
que les Magyars enivrés acclamaient à Presbourg le roi 
de Hongrie. Sur la Save et à l'embouchure de la Theiss, 
retentissait déjà le cri : « nolumus madgyartsari, nous 
ne voulons pas être magyarisés I » 

Les députés de la Diète qui venait de se clore, 
avaient élaboré un projet dont voici quelques articles : 
« ... â^ Dans toutes les branches de l'administration 
civile et ecclésiastique, nulle autre langue ne sera désor- 
mais admise que le magyar : tout document écrit dans 
un autre idiome est et demeure sans caractère légal. — 7* Les 
pays annexes (Croatie) auront le droit de faire usage du 
latin dans le plein exercice de leurs libertés munici- 
pales, mais ils devront employer le magyar dans leurs 
relations avec les autorités hongroises... 8® L'enseigne- 
ment de la langue magyare sera obligatoire dans toutes 
les écoles... » C'était encore une aggravation de la loi 
de 1844. Aussi la Diète, la réservant comme pierre d'at- 



188 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

tente, n^osa la comprendre dans son décret définitf. Mais 
le coup était porté : Slaves, Roumains et Serbes compri- 
rent qu'au lieu des espérances d'égalité et de liberté 
que leur avait fait concevoir le mouvement de réveil, le 
joug magyar allait s'appesantir sur eux plus lourd que 
jamais. Il y avait d'ailleurs encore d'autres motifs de 
scission. 

En pleine Croatie, dans le comitat même d'Agram, 
se trouvait un district noble qui avait le singulier privi- 
lège d'envoyer à la fois directement un député à la 
seconde chambre hongroise et d'envoyer tous ses nobles 
prendre part à la Diète d'Agram et y voter par tète. 
Ces nobles de Turopolya, fiers de cette étrange situation, 
se montraient en toutes circonstances plus Magyars que 
les Magyars eux-mêmes. En 1845, la Diète d'Agram, 
hardiment leur enleva le droit de voter par tête et Fer- 
dinand, comme roi de Hongrie, sanctionna cette mesure. 
Dès les premiers jours de 1847, le député de Turopolya 
protesta à la Diète de Presbourg et déclara qu'on de- 
vait regarder comme nulle l'élection des deux députés 
croates envoyés à Presbourg par la Diète d'Agram. 
Ceux-ci protestèrent à leur tour et conservèrent pendant 
toute la durée de la session une attitude menaçante. 
En même temps les nationaux croates faisaient circuler 
des manifestes séparatistes qui enflammaient les esprits 
et bien que Ferdinand eût fait mauvais accueil en avril 
à une députation du parti illyrien, il était facile de voir 
que le mouvement allait éclater. Il éclata à la fois chez 
les Croates et chez ces Serbes du Banat dont nous avons 
résumé la situation. 

La principale des cités serbes, Neusatz (Ujvid^k) 
accueillit avec une certaine sympathie les premiers 
actes de la Diète de Presbourg. Elle crut que les Ma- | 
gyars, qui travaillaient de si bon cœur à leur affrari- i 
chissement national, allaient affranchir les nationalités ^^ 
dépendant de la couronne de Saint-Etienne, que ce ^ 
peuple si jaloux de son autonomie et de sa liberté allait i 



RÉSISTANCE DES CROATES ET DES SERBES 189 

garantir Tautonomie et la liberté des autres peuples. 
Elle envoya le 8 avril une députation à la Diète pour 
demander que les Serbes fussent reconnus à titre de 
nation, admis à tous les emplois publics, autorisés à 
tenir des synodes ou congrès nationaux. Kossuth fit une 
vague réponse et renvoya la décision à la future assem- 
blée ; puis, dans une audience privée qu'il accorda à la 
députation, s'emporta et finit par s'écrier : « Dans ce 
cas le glaive seul peut décider I » 

En Croatie, par un rescrit impérial daté de la veille 
même de la constitution du ministère Batthyany, le ba- 
ron Jellacic était nommé ban et allait donner une direc- 
tion unique au mouvement serbo-croate contre les Ma- 
gyars. Officier chez les confinaires, Jellacic était alors 
âgé de 48 ans. De belle et martiale tournure, de noble 
physionomie, brave, poète, auteur de chansons popu- 
laires chez les soldats, il exerçait une grande attraction. 
Il avait juré de ressusciter la nationalité croate par les 
armes, sachant que tout arrangement amiable avec les 
Magyars était impossible. On a voulu le représenter 
comme un simple instrument du despotisme autrichien, 
un comparse exécutant un plan convenu d'avance dans 
le drame de la réaction, en faire une sorte de Radetzky 
du Danube exclusivement discipliné et militaire. C'est 
un point de vue exagéré. Sans doute Jallacic, à un mo- 
ment donné, combina ses efforts et ses mouvements 
avec ceux de la cour impériale, à laquelle son éduca- 
tion militaire le rendait tout dévoué, mais à l'origine son 
action fut plus spontanée, inspirée par l'ardeur de l'idée 
nationale. Quand les Croates lui ont élevé, il y a quelques 
années, une statue sur une des places d'Agram, ce n'est 
pas au serviteur de la djmastie d'Habsbourg-Lorraine 
qu'ils ont entendu l'élever, mais au serviteur de la grande 
cause yougo-slave contre la tyrannie magyare, à celui 
qui posa le premier jalon de la confédération des peuples 
du Danube. 
Jellacic arriva à Agram le 18 avril et dès le 49 il se 

il. 



100 HISTOIRB DE L'AUTRICHE 

mit à Tœuvre en plaçant sous le coup de la loi martiale 
quiconque oserait agiter les esprits contre le roi légitime^ 
la patrie et la nationalité croates. Le 25, il détacha du 
littoral hongrois (directement placé sous Tautorité de la 
couronne de Saint-Etienne et représenté à la Diète de 
Presbourg par son gouverneur) le district de Buccani 
et l'annexa à la Croatie. Au même instant les Serbes 
mettaient à la tète du mouvement Rajacîc, archevêque 
de Garlowitz {Karlovci) et métropolitain des Grecs non- 
unis. Le âO avril, une assemblée populaire tenue à Neu- 
satz {NoviSad) vota la séparation d'avec la Hongrie et 
l'union avec la Groatie-Slavonie et décida qu'une grande 
Assemblée nationale serbe se réunirait le 13 mai. Le 
24 avril, à Nagy-Kikinda, dans le comitat de Torontal, 
les Serbes se mirent en insurrection et chassèrent les 
autorités hongroises. Mêmes faits le 26 avril à O'Becse 
dans le comitat de Bdcs. Partout on brûlait les registres 
de l'état civil tenus en langue magyare. Enfin, le 13 mai, 
eut lieu à Garlowitz la réunion annoncée. Des milliers de 
Serbes votèrent : 1** que la dignité de patriarche serait 
rétablie dans la personne de Rajacic et celle de voï- 
vode dans la personne d'Etienne Schuplikatz ; 2** que 
les Serbes se constituaient en nation libre et indépen- 
dante sous le sceptre de la maison d'Autriche et sous la 
couronne de Hongrie; 3<> que la voïvodie serbe se com- 
poserait du comitat de Sirmie avec ses confins mili- 
taires, des comitats de Baranya et de Bacs avec les con- 
fins des Tchajkistes, du banat de Temesvar avec ses 
confins et du district de Kikinda; 4^ que la nouvelle 
voïvodie serait unie au royaume de Croatie, de Sla- 
vonie et de Dalmatie sur la base de la liberté com- 
mune; 5' qu'une députation serait envoyée à Vienne 
et une autre à Agram ; 6° qu'un comité prendrait la 
direction du mouvement et qu'on mettrait à sa dispo^ 
sition les fonds des églises et des écoles. Le comité 
choisit Rajacic pour président et, pour vice-président, 
un jeune homme de 26 ans, ancien lieutenant dans 



LE MINISTÈRE BATTHYANY ET LES SERBES 191 

Tannée autrichienne, Georges Stratimirovic. Des repré- 
sentants devaient être envoyés au congrès général des 
Slaves de Prague; une proclamation fut adressée, pour 
les rassurer, aux nombreux Allemands de la Backa. 

Le ministère Batthyany manqua d'énergie et de déci- 
sion contre l'agitation serbo-croate : il obtint de Ferdi- 
nand un rescrit qui lui soumettait Jellacic et qui en- 
voyait en Croatie un commissaire extraordinaire pour 
réprimer les tendances séparatistes , le général Hra- 
bovsky. Il chargea le comte suprême de Temes, Crno- 
jevic, de réprimer les petites insurrections serbes : les 
patrouilles magyares le firent avec une grande cruauté ; 
on brûla et on pendit. Il convoquait en même temps 
les Serbes à un synode national à Garlowitz pour le 
15 mai, qu'il ajourna ensuite au 15 juin. Enfin il dé- 
créta une levée de 10,000 hommes de gardes natio- 
nales. Il ouvrit une souscription nationale pour les be- 
soins de la patrie menacée. Il établit un camp à Szeged 
et y appela les régiments transylvains sicules. Le 
14 mai, il fit destituer Jellacic de sa dignité de ban 
par décret du Palatin. Enfin, à la nouvelle de la fuite 
de l'empereur de Vienne le 17 mai, il fit supplier Fer- 
dinand par le ministre Esterhazy de venir s'établir 
au milieu de ses fidèles Hongrois. C'est ainsi qu'en 
tout et toujours, Batthyany et ses amis se montraient 
constitutionnels scrupuleux et dynastiques dévoués, in- 
voquant contre les rebelles serbo-croates l'autorité 
royale, sauf à s'indigner plus tard que les Serbes et 
les Croates invoquassent contre les Magyars l'autorité 
impériale. En offrant un asile à Ferdinand, qui d'ail- 
leurs refusa, ils blessaient en même temps les révolu- 
tionnaires viennois. 

Jellacic répondit aux timides mesures du ministère 
hongrois en ordonnant la levée en masse, en convoquant 
la congrégation générale des Croates et des Slavons 
pour le 5 juin et en faisant désarmer les nobles du dis- 
trict de Turopolya inféodés à la cause hongroise (25 mai). 



192 HISTOIRE DE L'âUTRIGHE 

Le ministère hongrois, devant cette audacieuse activité, 
émît pour 12 millions et demi de billets de 1 à 2 florins, 
payables à vue à la Banque commerciale de Pesth, et 
poussa à la souscription nationale qui, malgré Télan 
général, ne produisit que deux millions de florins. De 
plus il avait négligé, quand 'on avait institué la garde 
nationale, de faire venir du dehors des fusils pour l'armer, 
et cette faute grave pesa sur toute la suite des événe- 
ments. Quant à sa sommation respectueuse à Ferdinand 
d'avoir à rappeler les régiments hongrois qui alors com- 
battaient pour l'Autriche en Italie, il savait bien que la 
cour ne ferait jamais droit à cette demande. Mesure 
dérisoire aussi que celle par laquelle il exigea que tous 
les corps stationnés en Hongrie prétassent serment à la 
constitution hongroise. Plus efQcace fut la réunion de 
la Transylvanie à la Hongrie décrétée le 30 mai par la 
Diète assemblée à Kolosvar, avec l'enthousiasme des 
deux nations magyare et sicule, avec quelques réserves 
de la troisième nation, la nation saxonne. Un décret 
abolit les corvées, dîmes, redevances et autres abus féo- 
daux, sur la proposition du vieux patriote Wesselenyi 
(6 juin). Le 19 juin un rescrit royal daté d'Inspruck 
confirma l'union. 

Mais cette union réveilla la question roumaine. Nous 
avons dit combien les Roumains, qui forment la majeure 
partie de la population de la Transylvanie, étaient 
opprimés par les trois nations souveraines des Magyars, 
des Sicules et des Saxons. Le mouvement partit de Hei^ 
manstadt (Nagy-Szeben). Dès le 25 mars des proclama- 
tions manuscrites circulaient et rappelaient les griefs 
de la race misérable. Une grande Assemblée nationale 
fut indiquée pour le 15 mai à Balasfalva (Blajum). Les 
journaux roumains y préparèrent les esprits par une 
ardente polémique. L'arrestation de l'avocat valaque 
Micas, porta au comble l'irritation que le gouverneur 
autrichien, le comte Teleki, tenta vainement d'apaiser. 
L'Assemblée eut lieu le 15 mai ; les patriotes roumains. 



ASSEMBLÉE DES ROUMAINS A BALASFALVA 193 

Janka, Butéano, l'évêque Schaguna y prononcèrent des 
discours enflammés devant plus de quinze mille de leurs 
concitoyens. Les Hongrois répandirent alors le bruit, de- 
puis prouvé faux, que la tribune était décorée de dra- 
peaux russes, leur intérêt étant de faire soupçonner der- 
rière les levées de boucliers de chaque nationalité contre 
leur tyrannie des influences panslavistes et Tor de la Rus- 
sie. L'Assemblée vota une adresse célèbre, qui est restée 
la charte des revendications roumaines. Elle demanda : 
l<*la reconnaissance de la nation roumaine comme qua- 
trième nation constitutionnelle, 2® Tégalité des cultes, 
3" Tabolition des dîmes et corvées, 4° la liberté îndus- 
trklle, 5** la liberté de la presse, 6<^la liberté individuelle 
et le droit de réunion, 7® le jury, S^ un budget des cultes, 
9^ la suppression des termes outrageants pour les Rou- 
mains contenus dans le corps des lois, !(>> le retard du 
vote d*union avec la Hongrie jusqu'au jour où les Rou- 
mains seraient représentés dans la Diète. L'Assemblée 
prêta serment dé fidélité à Ferdinand P'^, empereur 
d'Autriche, et non à Ferdinand V, roi de Hongrie. Gomme 
les Croates, comme les Serbes, comme les Tchèques, 
les Roumains voulaient former une confédération d'états 
indépendants sous le sceptre de l'empereur de Vienne, 
ce qui allait directement contre les idées et les préten- 
tions magyares. Une députation conduite par Schaguna 
reçut à Pesth du ministère hongrois un fort mauvais 
accueil et alla jusqu'à Inspruck, où on lui répondit que 
l'union avec la Hongrie étant sanctionnée par l'empe- 
reur, il n y avait qu'à se soumettre. La mise en liberté 
de l'avocat Micas fut refusée. 

La guerre des races pouvait être considérée comme 
commencée. Ce furent les Serbes qui en donnèrent le 
signal eifectif Non contents d'avoir envoyé des délé- 
gués à la congrégation d'Agrara du 5 juin (illégalement 
convoquée par Jellacic), ils s'emparèrent de l'arsenal 
de Titel, chef-lieu du district frontière des Tchajkistes, 
entraînèrent dans le mouvement ces Graentzers (soldats 



194 HISTOIRB DE L'AUTRICHE 

des confins) et se retranchèrent fortement. Un autre 
camp se forma à Garlowitz même pour la défense du 
comité central, à une heure de Petrovaradin, résidence 
du général Hrabovszky. Les Serbes déclarèrent à celui- 
ci qu'ils ne le considéraient que comme général de la 
couronne de Hongrie et conséquemment comme en- 
nemi. Hrabovszky fit attaquer Garlovitz par une co- 
lonne hongroise qui fut repoussée avec de grosses pertes 
(12 juin). Aussitôt la révolte gagna les coiâns militaires 
que le ministre de Pesth avait eu Tûapardonnable fai- 
blesse de laisser organisés comme devant, au lieu de 
les faire rentrer dans le droit commun, faute grâce à 
laquelle les Serbo-Croates eurent de suite sous la main 
une puissante force organisée, la meilleure partie de 
rinfanterie de l'armée autrichienne. Le comité serbe 
mit sa caisse en sûreté à Belgrade, entre les mains du 
ministre de la principauté sœur d'où ne tardèrent pas à 
arriver de nombreux volonts4i^s. 

Simultanément, Jellacic, tout destitué qu'il était de 
sa dignité de ban par décret du Palatin, conduisit à 
Inspriick une députation serbo^roate. Il fut d'abord 
reçu par l'archiduc François-Charles, frère puîné et 
héritier de Ferdinand et époux de cette archiduchesse 
Sophie, mère de l'empereur actuel, qui était le vrai 
homme de la famille pour l'énergie, l'audace et le sens 
des situations. Est-ce dans cette entrevue du 19 juin, 
comme le prétendent les historiens hongrois, que le 
pacte fut conclu entre le despotisme autrichien et la 
nationalité yougo-slave? Est-ce là que l'on convint que, 
tout en désavouant hautement Jellacic au nom de la 
constitution magyare, on le mettrait peu à peu à même 
de constituer l'armée destinée à écraser les Magyars? 
Le problème est difficile et j'incline à croire que les 
rôles ne furent pas distribués ce jour-là avec cette pré- 
vision et cette précision : la cour de Vienne devait en- 
core hésiter et temporiser. Le lendemain l'empereur 
reçut, à titre de renseignement, la pétition croate qu'il 



LES TCHÈQUES DE BOHÊME 195 

remit au prince Esterhazy, ministre hongrois présent, 
et engagea les pétitionnaires à s'entendre avec les Hon- 
grois par Tentremise de Tarchiduc Jean. Ferdinand en 
fit autant pour la pétition serbe. 

Avant de poursuivre ce récit, racontons les infortunes 
d'un autre peuple slave, mais appartenant aux Slaves 
du Nord. L'épisode fut court et terrible : il venait d'a- 
voir son dénouement suprême la veille même du jour 
où Jellacic et Rajacic, mandataires des Slaves du Sud, 
étaient reçus à Inspruck. Je veux parler des Bohémiens 
ou Tchèques. 

Nous avons vu, dans le tableau général de la situa- 
tion en 1848, quelles étaient les aspirations des Tchè- 
ques ou Bohémiens. La révolution de Vienne leur ofiFrit 
le moyen de les réaliser. Une députation partie de 
Prague fut chargée de porter à Vienne les vœux de la 
nation formulés dans une assemblée au Wentzelbad 
(19 mars). Il ne s'agissait pas seulement des revendica- 
tions générales telles que l'abolition des dîmes et cor- 
vées, la suppression des droits et des justices féodales, 
mais bien de la reconstitution de l'antique royaume de 
Bohème (avec la Moravie et la Silésie) ayant, dans le 
sein de la monarchie, son existence distincte à l'instar 
de la Hongrie, avec diète siégeant tantôt à Prague, tan- 
tôt à Brunn. L'empereur d'Autriche se ferait couronner 
roi de Bohème comme il se faisait couronner roi de 
Hongrie. La cour d'Autriche promit, par un rescrit en 
date du 8 avril, de donner satisfaction à ces vœux et, en 
attendant, elle confia le gouvernement de la Bohème 
au jeune archiduc François-Joseph. 

Mais bientôt les aspirations nationales redoublèrent 
de vigueur et s'élargirent. Les sommations des Alle- 
mands qui préparaient le parlement de Francfort les 
surexcitèrent. Les Allemands, maîtres dans les villes de 
la Bohème, croyaient avoir germanisé le royaume et le 
voyaient déjà englobé dans la grande unité qu'on allait 
créer à Francfort : le mouvement littéraire, linguistique 



196 HISTOIRE DE L-AUTRIGHS 

et historique suscité par les Palacky, les Bieger 6t au* 
très ne les avait que médiocrement inquiétés ; mais cette 
idée de Tunité allemande réveilla précisément Tidée de 
Tunité slave. Les Tchèques refusèrent netteftient d'en- 
voyer des députés à Francfort, malgré les invitations 
pressantes et redoublées de la commission des cin- 
quante. Le i" mai, ils lancèrent un appel à tous les 
Slaves, tant du nord que du midi, pour se réunir le 
31 mai à Prague en une assemblée rivale de celle de 
Francfort. « Les Allemands, disait cet appel, se ras- 
semblent au parlement de Francfort, qui doit prendre 
à TAutriche autant de souveraineté qu'il en faut pour 
constituer Tunité germanique. L'empire autrichien va 
donc s'incorporer à l'empire allemand et avec lui il en- 
traînera toutes les provinces non allemandes, la Hon- 
grie exceptée. L'indépendance et la nationalité des peu- 
ples Slaves n'ont jamais couru de plus grand péril. 
C'est notre droit d'homme de protéger notre bien le plus 
sacré. Le temps est arrivé où, nous autres Slaves, nous 
sommes également obligés de nous concerter pour agir. » 

Les Allemands poussèrent des cris de fureur au nom 
de la grande Allemagne qui voulait englober toutes Jes 
provinces de l'Autriche autres que la Hongrie. Les Hon- 
grois, qui séparent si fâcheusement les Slaves du nord 
des Slaves du sud et qui sentaient frémir leurs sujets 
slovaques à la voix du prêtre Urban, prirent parti, dans 
tous leurs journaux, pour les Allemands, et applaudirent 
aux nouvelles et menaçantes déclarations de la com- 
mission des cinquante. 

Quand l'empereur se sauva de Vienne pour se réfugier 
à Insprûck, les Tchèques lui offrirent de venir au mi- 
lieu d'eux et protestèrent contre la révolution de là ca- 
pitale ; leur président, le comte Léon de Thun, le iypf 
du vieux Tchèque, était aussi peu révolutionnaire qu u 
était national. Vienne, indignée, voulut chasser les ou- 
vriers et les employés tchèques. Le 31 mai, s'ouvrit à 
Prague le congrès slave : ce fut un curieux spectacle. 



LE CONGRÈS SLAVE DE PRAGUE 107 

Ea tète du cortège marchaient les étudiants, les corps 
firancs, de belles amazones, puis les représentants des 
divers peuples slaves, le Slovaque Urban, le Serbe Ka- 
radjic, le Polonais Lubomirski, le grand historien Schaf- 
farik, l'exilé russe Bakounine, des Croates, des Slavons^ 
des Dalmates, des Ruthènes, etc. Palacki fut nommé 
président général. Le 8 juin le congrès décida qu'il n'en- 
verrait de députés ni à la diète de Vienne ni au parle- 
ment de Francfort. L'aspect de Prague était étrange : les 
afiaires et le travail étaient suspendus ;- on se pressait 
autour du lieu où siégeaient les assises de la nation 
slave ; on s'enivrait d'espérances et de perspectives im- 
menses : le réveil devait être terrible. Le 11 juin, le 
prince Windisgraetz, commandant militaire, ayant re- 
fusé armes, canons et munitions à la légion des étu- 
diants, ceux-ci mirent la ville en insurrection. Le 12, 
tout Prague était couvert de barricades. On attaqua 
l'hôtel du prince, et la princesse, s'étant mise impru- 
demment à une fenêtre, tomba mortellement frappée. 
Le 43 et le 14, un horrible combat des rues, rappelant 
nos journées de juin, se livra sur chaque rive de la 
Moldau. Cette population mal armée se battait avec 
rage. Windisgraetz, ne pouvant venir à bout de ces in- 
surgés indomptables, prit un grand parti. Il fit évacuer 
la ville, installa son artillerie sur le cirque de monta- 
gnes qui l'environne et de là bombarda pendant deux 
jours la vieUle cité slave. Sous cette pluie de feu et de 
fer, des quartiers entiers s'écroulaient ensevelissant sous 
leurs décombres les ouvriers, les étudiants, les ama- 
zones (qui se battirent intrépidement), aussi bien que 
les Allemands ennemis de l'insurrection. Il fallut se ren- 
dre : le 17, les otages furent livrés, les meneurs arrêtés, 
et parmi eux le brasseur Faster. Les troupes occupè- 
rent la ville qu'elles avaient foudroyée de loin n'ayant 
pu la prendre et les cours martiales se mirent à fonc- 
tionner impitoyablement. L'assemblée slave disparut 
dans la tempête, 



196 HISTOIRE DE L'AUTRIGHB 

Que de contradictions dans ce formidable imbroglio 
de 18481 La révolution viennoise, au nom de Tidée alle- 
mande, mitraillait la révolution slavo-tchèque, et bien- 
tôt les Slaves du sud, frères de race des Tchèques, al- 
laient aider les Allemands à mitrailler la révolution 
viennoise en même temps que la révolution magyare. 
Les questions de liberté s'effaçaient de toutes parts de- 
vant les questions de nationalité. Les cheâ des mouve- 
ments de races ne reculaient pas devemt les alliances les 
plus réactionnaires pour arriver à leur but et demeu- 
raient étrangers à toute idée supérieure et générale, 
égoïstement cantonnés dans leurs revendications. 

Court épisode aussi que celui de la tentative de la 
nationalité polonaise pour reconquérir quelque autono- 
mie. Les haines sociales que TAutriche avait, avec une 
si sanglante habileté, exploitées en 1846 dans la Gallicie, 
étaient toujours vivaces. Le gouvernement de Vienne 
avait continué dans cette province son rôle de réforma- 
teur sociaUste et de protecteur des paysans contre les 
nobles. Dès les premiers jours de mars, Lemberg en- 
voya à Vienne une députation demander l'organisation 
d'un comité national provisoire chargé d'élaborer une 
constitution et une loi électorale pour une nouvelle as- 
semblée destinée à remplacer la diète, et de résoudre 
toutes questions administratives et sociales. L'empereur 
fit de vagues promesses : le populaire archiduc Jean 
donna de bonnes paroles et maudit rétrospectivement 
le partage de la Pologne. Et pendant ce temps, la cour 
de Vienne faisait afficher à Lemberg et dans toutes les 
parties de la Gallicie une patente qui, motu proprto, af- 
franchissait les paysans des dîmes et corvées, tout en 
promettant une indemnité aux nobles. Il arrachait ainsi 
à la noblesse la gloire et le profit du sacrifice qu'elle 
voulait faire : la noblesse expiait durement les crimes 
de ses ancêtres. Les paysans, au moindre mouvement 
des nobles et des bourgeois, étaient prêts à renouveler 
les massacres de 1848. 



ÉVÉNEMENTS DE GRACOVIE 199 

A Cracovie, dont nous avons vu Tannexion, un comité 
de quarante membres s'était formé spontanément : il 
lança une proclamation le 6 avril dans le style mystique 
et religieux qui est dans les habitudes polonaises. Les 
autorités autrichiennes laissaient faire. Le gouverneur 
militaire comte de Gastiglione laissa même, malgré le 
staroste Krieg, rentrer les proscrits qui se dirigeaient de 
toutes parts vers la ville (24 et 25 avril). Mais c'était 
un leurre : le 26, toutes les dispositions militaires étant 
achevées, les soldats autrichiens ouvrirent le feu sur 
les rassemblements, sans sommation. Gomme Prague, 
Cracovie se hérissa de barricades ; comme à Prague, la 
population à peine armée se battit avec rage et fit flé- 
chir les troupes, mais, comme à Prague encore, du haut 
de la citadelle, les troupes couvrirent la ville d'obus et 
de fusées à la congrève. Il fallut capituler le 27. Le co- 
mité dissous fît ses adieux dans une proclamation tou- 
chante et Cracovie retomba dans le silence et dans l'op- 
pression. Le 27 mai, le ministère de Vienne signifiait à 
la députation gallicienne que toutes ses demandes étaient 
repoussées. 

Après avoir dompté la nationalité tchèque et la na- 
tionalité polonaise, l'Autriche devait dompter aussi 
avec le même succès la nationaUté italienne. Ce sont 
les succès momentanés de celle-ci qui expliquent la 
condescendance que la cour de Vienne témoigna d'a- 
bord à la Hongrie : elle ne voulait ni ne pouvait se 
mettre tant d'affaires sur les bras. Mais la guerre ita- 
lienne terminée, elle devait jeter le masque vis à vis 
des Magyars en prenant pour auxiliaire la nationalité 
serbo-croate. 

Dès le 17 mars la nouvelle de la chute de Metternich 
et de l'état révolutionnaire de Vienne avait répandu 
une violente agitation à Milan. Vainement le gouver- 
neur comte O'Donnel convoqua-t-il pour le 3 juillet 
l'assemblée centrale du royaume Lombarde-Vénitien; 
l'insurrection s'organisa sous l'impulsion des Cernus- 



200 HISTOIHE DE L'AUTRICHE 

chi, des Gattaneo, des Terzaghi et répondit par une 
prise d*armes aux menaces de bombardement de Ra- 
detzki retiré dans le château. La lutte dura effroya- 
ble, héroïque, acharnée^ le 19, le 20, le 21 et le 22 mars. 
Le soir du 22, Radetzki abandonna la ville et le châ- 
teau en emmenant toute Tarmée autrichienne. Le 
même soir, après deux jours de lutte, le comte Zichy 
était chassé de Venise et les Autrichiens de Brescia, de 
Bergame, de Padoue. Le 24, le roi de Piémont, Charles- 
Albert, se décida à se jeter dans la lutte et passa le 
Tessin. S'il Tavait fait deux jours plus tôt, comme le 
lui proposa le général Lecchi, Tarmée autrichienne, 
coupée dans sa retraite, était perdue. Mais il laissa le 
temps à Radetzki d'aller s'établir solidement dans le 
fameux quadrilatère. 

Lltalie aurait eu besoin d'un immense effort dans 
une immense union. Mais les souverains de la péninsule 
trouvaient que dans le mouvement d'indépendance U y 
avait trop de mouvement révolutionnaire. Pie IX, sur 
lequel on avait l'illusion de compter, ne laissait qu'à 
regret Durando former une armée dans les États de 
l'église. Le duc de Toscane n'envoyait qu'en rechignant 
quelques régiments sous les ordres de Laugier. Le roi 
de Naples, furieux d'avoir subi une constitution, n'at- 
tendait que l'occasion de trahir la cause nationale. 
Charles-Albert lui-même manquait d'élan, s'irritait 
que la république eût été proclamée à Venise par Ma- 
nin et repoussait l'alliance de la République française 
par la fameuse phrase : Italta fara 4a se. 

La guerre commença le 6 avril. Les volontaires ita- 
liens cherchaient à couper les communications de 
Radetzki avec le Tyrol et les Vénitiens sa retraite sur la 
Piave. Le 8, Charles-Albert s'empara du pont de Goïto 
sur le Mincio. On s'attendait à une grande bataille, 
quand Radetzki, abandonnant tout à coup la ligne du 
Mincio, se replia sur l'Adige. Charles- Albert perdit un 
temps précieux à s'établir sur le Mincio et à investir 



CHARLES-ALBERT BATTU A CUSTOZZA 20l 

Peschiera. Radetzki en profita pour chasser les volon- 
taires du Tyrol et pour attendre l'armée de réserve que 
lui amenait Nugent. Le 29 avril, les Piémontais s'empa- 
rèrent de la hauteur de Pastrengo qui protégeait Vé- 
rone et Radetzki recula encore , sans accepter de 
batailles. 

Mais le même jour Pie IX, trahissant la cause natio- 
nale, publia la fameuse encyclique qui condamnait la 
guerre contre l'Autriche et qui mettait fin à la comédie 
du papisme révolutionnaire. Nugent s'empara d'Udine 
sur le Vénitien Zucchi, se rapprocha de la Piave qu'il 
passa le 8 mai en battant le Toscan Ferrari, défit Du- 
rando et ses Romains le 9, et le rejeta sur Vicence. On ne 
comptait plus que sur les 16,000 Napolitains qu'ame- 
nait Pepe pour empêcher la jonction de Radetzki et de 
Nugent. 

Le moment était grave : Parme et Modène s'étaient 
donnés au Piémont et la Lombardie était appelée à la 
fin du mois à voter sa réunion. Il fallait des succès. 
Mais le 15 mai Ferdinand de Naples dissolvait son par- 
lement, reprenait le pouvoir absolu à la suite d'une 
guerre de rues où les Suisses lui donnaient la victoire et 
s'empressait de rappeler Pepe qui résistait, mais que son 
armée abandonnait. Le 22 mai, la réserve autrichienne 
opérait sa jonction avec l'armée de Radetzki qui put 
reprendre l'offensive, et qui, maîtresse le 5 juin de Vi- 
cence, n'avait plus à s'inquiéter d'être coupée par le 
Tyrol. 

Charles-Albert fit venir ses réserves du Piémont, 
équipa tant bien que mal Tarmée lombarde, et rassem- 
bla 80,000 hommes sur le Mincio. Le 22 juin Radetzki 
l'attaqua. Après une série d'engagements autour des 
collines de Sona et de Somma Gampagna et des posi-» 
tiens de Custozza et de Volta, sur les deux rives du 
Mincio dans les journées du 23 et du 24, l*armée ita- 
lienne fut complètement battue et se mit en retraite 
sans pouvoir se défendre ni sur l'Oglio ni sur l*Adda* 



202 HISTOIRE DE L'AUTRICHB 

Charles-Albert rentra le 3 août à Milan où les Lom- 
bards désespérés raccueillirent d'une façon menaçante. 
Le 6 il signa une capitulation, et le 7 il évacua la ville 
que Radetzki occupa. Le 10 août, le roi de Piémont 
dut consentir à un armistice par lequel il cédait Pes- 
chiera et promettait de retirer de la Vénétie toutes ses 
forces. Le sol lombard était tout entier rentré sous le 
sceptre autrichien. 

Restait la Vénétie et l'héroïque Venise que Manin 
gouvernait et que Pepe défendait. Elle devait résister 
jusqu'au 28 août 1849. 



CHAPITRE III 



Débats de la diète hongroise. — Jellacic entre en Hongrie. — 
Bataille de Pakozd. — Vienne : massacre du ministre Latour. 
Ferdinand à Olmûtz. — Bombardement de Vienne. — Bataille 
de Schwechat. — Windisgraôtz. — Abdication de Ferdinand : 
François-Joseph. — Prise de Buda-Pesth. — Le gouvernement 
hongrois à Dâ)r6czen. — Bataille de Godollœ. -~ Bem en Tran- 
sylvanie. — Constitution du 4 mars 1849. — Déclaration d'in- 
dépendance de la Hongrie. — Intervention russe. — Capitu- 
lation de Vilagos. — Supplices d'Arad. — Novare. — Venise. 



Revenons maintenant aux nationalités qui allaient 
montrer plus de résistance et surtout à la nationalité 
hongroise. Ce fut le 5 juillet 1848 que la diète se réunit 
à Pesth. Elle fut ouverte par la lecture d*un message de 
Ferdinand nommant le palatin Etienne son alter ego^ et 
par un discours plein d'effusion et de belles promesses 
du palatin lui-même qui préparait déjà, une correspon- 
dance saisie plus tard en fait foi, Tinvasion de la Hon- 
grie. 

Le ministère Batthyany continua à se montrer incer- 
tam et troublé, ne prenant parti ni pour ni contre la 
révolution, cherchant à concilier des choses inconcilia- 
bles : Tindépendance hongroise et la fidélité à TAu-^ 
triche, et mécontentant tout le monde. Si Kossuth, par 
on de ses plus beaux discours dans lequel il révéla que 
le ministère de Vienne avait envoyé cent mille florins à 



â04 flIâtOIRE DE l'aUTRICHË 

Jellacic, fit décréter le il juillet une levée de deux cent 
mille hommes et un crédit de 42 millions de florins au 
nom du pays menacé, il se montra très-faible dans son 
exposé-programme du 20 juillet, en déclarant que la 
Hongrie aiderait rAutriche à se défendre contre les 
Italiens, avec cette restriction dérisoire que cette aide 
était en vue d'une paix sauvegardant les droits de la 
nation italienne. L'opposition, par la voix des Nyary, 
des Madarasz, des Perczel, fit voir combien il serait 
déshonorant pour la Hongrie de faire servir ses soldats 
à combattre une nation qui avait autant de droits 
qu'elle-même à l'indépendance nationale. Le ministère, 
empêtré dans sa fausse situation, se retrancha derrière 
les prescriptions de la pragmatique sanction, et Kossuth 
laissa échapper l'assertion, vraie d'ailleurs, qu'en Hon- 
grie le peuple était essentiellement monarchique. Après 
une discussion violente et seulement sous la menace de 
la question .de cabinet, Kossuth fit adopter un amende- 
ment portant que les secours ne seraient accordés que 
si l'Autriche consentait à accorder à ses possessions 
italiennes un gouvernement indépendant sous le sceptre 
autrichien et que, dans le cas où les Italiens^ n'accepte- 
raient pas cet arrangement, une ligne de démarcation 
serait tracée. Misérable spectacle que celui de cette pre- 
mière assemblée libre de la Hongrie prenant une pa^ 
reille résolution contre la liberté d'un autre peuple I De 
quel droit blàmera-t-elle les Serbo-Croates de s'allier à 
l'Autriche pour reconquérir leur nationalité méconnue 
et opprimée, quand elJe-même s'allie à l'Autriche pour 
étouffer la nationalité italienne ? 

Malgré cette concession, Ferdinand (qui rentra d'Ins- 
pruk à Vienne le 8 août) refusa de venir à Pesth. Le 
3 août, la diète hongroise vota, au milieu des acclama^ 
tions enthousiastes, que si le gouvernement autrichien 
se trouvait impliqué dans une guerre avec l'Allemagne, 
l'Autriche ne pourrait pas compter sur l'assistance de la 
Hongrie. Ainsi la Hongrie, qui prétait ses soldats contre 



INSURRECTION SERB& PRÉPARATIFS DE LÀ CROATIE 205 

lltaliè, refusait de les prêter contre rÂllemagne, mon- 
trant dès lors cette sympathie pour le germanisme 
qui n*a d'égale que sa S3rmpathie pour les Osmanlis. Le 
ministère présenta un projet sur l'instruction publique 
tellement empreint de partialité religieuse qu'il fallut 
l'amender et que l'amendement, encore bien insuffisant, 
ne passa que grâce à la question de cabinet posée par 
Kossuth. La discussion sur l'organisation de l'armée, où 
le ministre Meszaros soutint passionnément le maintien 
des peines corporelles, fut très-vive et amena un duel 
entre Szechenyi et Patay. Il est important d'insister sur 
ces détails pour montrer combien l'engouement de l'Eu- 
rope démocratique en 1848 pour les prétendus révolu- 
tionnaires hongrois était mal fondé : ils pactisaient avec 
le passé, ces mesures le prouvent^ et ce ne fut que mal- 
gré eux qu'ils rompirent leurs liens. Avec l'Autriche mo- 
narchique, le ministère Batthyany était plus que modéré. 
L'insurrection serbe se poursuivait : Stratimirovic, 
son général, avait 15,000 hommes et 40 canons qui furent 
bientôt portés à 30,000 hommes et cent canons. Le com- 
mandant en chef de l'armée hongroise, Bechtold, avait 
des forces égales, mais d'origine autrichienne ; il obéis- 
sait évidemment au mot d'ordre de la cour de Vienne. 
Aussi mit-il autant de mollesse dans la défense que dans 
l'attaque. Le 19 août il échoua dans sa tentative de 
s'emparer du camp serbe de Szent-Tamas. La guerre 
avait un caractère atroce : on ne faisait pas de prison- 
niers, on brûlait, on massacrait, on torturait, on rui- 
nait. Les préparatifs de la Croatie étaient évidents. 
Kossuth voulut poser la question nettement, d'autant 
plus que Milan avait capitulé le 5 août, que Charles- 
Albert était rentré dans ses états et que l'Autriche était 
libre de ce c6té. Il demanda, dans la séance du 4 sep- 
tembre, qu'on rédigeât un manifeste à l'Eurppe, qu'on 
envoyât au roi une députation et qu'on nommât un 
comité chargé de rédiger en projet de loi un compro- 
mis avec les Croates. Ce fut voté. La députation partit 

ASSELINE. 12 



a06 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

immédiatement pour Vienne. BUe fut reçue le 9 sep- 
tembre à Schœnnbrun et son président, Pazmandy, lui 
une adresse où les griefs et le« demandes de la Hongrie 
étaient fermement exposés. Ferdinand fit une réponse 
glaciale, évasive, qui sonna comme un glas aux oreilles 
des députés. Ils se retirèrent furieux d'avoir recueilli 
un pareil fruit de tant de concessions et de respect de 
la légalité. Mais ce fut bien pire quand, de retour à 
Tienne, ils lurent dans la Gazette officielle une lettre 
de Tempereur à son cher baron Jellacic, le réintégrant 
dans toutes ses dignités et rengageant à persévérer, 
pour l'intérêt de la monarchie, dans la voie où il était 
entré. Il n'y avait plus à se faire d'illusions. Les espé- 
rances constitutionnelles de la Hongrie étaient brisas. 
On sut plus tard d'ailleurs que l'ordre d'attaque avait 
été déjà donné à Jellacic. La députation se rembarqua, 
la rage au cœur ; et cependant on' ne voulut pas encore 
faire la seule réponse possible : une déclaration d'indé- 
pendance I Kossuth, toujours épris de légalité, prétendit 
qu'il fallait défendre à la fois la patrie et le tr6ne. Le 
ministre donna sa démission, mais Kossuth, Meszaros 
et Szemère déclarèrent qu'ils garderaient leurs porte* 
feuilles jusqu'à ce qu'ils pussent les remettre entre les 
mains de ministres légalement choisis et reconnus. Le 
prince Esterhazy se rallia à l'Autriche ; le noble et 
généreux Széchenyi venait d'être frappé d'aliénation 
mentale. Le palatin chargea Batthyany de former ua 
nouveau ministère. C'est pendant qu'on le formait 
qu'arriva le 12 septembre la nouvelle que Jellacic, res- 
tauré dans sa dignité de Ban, avait franchi la Drave, 
près de Legrad, et que le commandant des forces hon- 
groises, Adam Teleki, avait déclaré qu'il ne combattrait 
pas l'invasion conduite par un général autrichien* 
Teleki commandait un corps d'observation de 10,000 
hommes sur la Drave. Jellacic, au préalable, avait oc- 
cupé Fiume et repris sur Hrabowski le commandement 
des frontières slavones. 



SECOND MINISTÈRE BATTHYANY 207 

C'était bien la guerre. Batthyany déclara au Palatin 
qu'il n'accepterait de former un ministère qu'autant 
que le roi ordonnerait immédiatement à Jellacic d'éva- 
cuer le sol hongrois. Le roi répondit qu'il ne pouvait 
s'expliquer sur ce point et reprocha à la Diète de n'a- 
voir rien fait depuis deux mois pour apaiser le différend 
entre la Hongrie et la Croatie (15 septembre). Batthyany 
voulait se retirer. À la demande de la Diète , il resta et 
forma un ministère tout à fait centre gauche , quand il 
aurait fallu une administration révolutionnaire (Kolo- 
man Ghiczy, Szentikyralyi , Erdody, Vay, Kémeny, 
Eôtvos, Meszaros). On envoya une députation à l'Assem- 
blée de Vienne, mais cette assemblée, par 186 voix 
contre 108, refusa de la recevoir (19 septembre). Le 
peuple de Vienne fit une ovation aux Hongrois. Le 22 
septembre on adjoignit au ministère pour, la direction 
des affaires six représentants ; Kossuth, Szemere, Nyary, 
Ladislas Madarasz, Patay et Zsembery, et trois magnats : 
Perenyi, Michel Eszterhazy et Josika. Le Palatin fut 
chargé de combattre l'invasion : c'était son rôle consti- 
tutionnel.. Mais après une rapide excursion au camp il 
prit la fuite et se sauva jusqu'au cœur de l'Allemagne, 
dans son château de Schaumbourg. Les lettres saisies 
chez lui prouvèrent qu'il trahissait depuis longtemps la 
cause hongroise : elles énuméraient les moyens à em- 
ployer pour soumettre la Hongrie et indiquaient les 
plus violents, même la Jacquerie à la façon gallicienne. 
Et c'était le même homme qui faisait à la diète des dis- 
cours si constitutionnels et si magyars 1 

La situation était grave pour la Hongrie. Les Serbes 
continuaient la guerre sans trop se douter que mainte- 
nant, au lieu de combattre uniquement pour leurs droits, 
ils faisaient le jeu du despotisme autrichien et obéissaient 
à une direction nouvelle. Les Roumains et les Saxons 
de Transylvanie prenaient les armes sous la conduite 
du colonel Urban et du major Riebel. Les Slovaques se 
soulevaient sous la direction du pasteur protestant Har- 



206 HISTOIRE DE L'AUTRIGHE 

ban. La cour de Vienne ne prenait même plus la peine 
de dissimuler son hostilité : elle conservait en plein pays 
hongrois les forteresses d*Arad , de Temesvar et de 
Fehervar, et faillit, grâce à la trahison du général 
Mœrz, occuper la citadelle de Komorn (Komarom). Deux 
documents officiels vinrent porter au comble l'exaspé- 
ration des Magyars. Un premier manifeste en date da 
25 septembre nommait le général comte Lamberg com- 
missaire royal muni de pleins pouvoirs et commandant 
de toutes les forces militaires dans toute retendue de la 
Hongrie. Un second ordonnait à tous les soldats de ren- 
trer sous leurs anciens drapeaux. La Hongrie , envahie 
par les Croates, attaquée de huit côtés à la fois, était 
en même temps soumise à la dictature d'un commis- 
saire autrichien : c*en était trop. L'Assemblée déclara 
nulle la nomination du général Lamberg et une agita- 
tion terrible commença à régner à Pesth et à Bude. 
Lamberg, arrivé à Bùde, eut l'imprudence de sortir en 
fiacre. Reconnu au milieu du pont qui unit les deux 
villes, il fut arraché de sa voiture par une bande armée 
de faux et massacré, malgré les efforts d'un poste de 
garde nationale (28 septembre). La foule était persuadée 
que le malheureux Lamberg précédait de peu une armée 
impériale chargée d'anéantir la liberté hongroise. Ce 
meurtre fut exploité largement par la réaction autri- 
chienne. 

Les préparatifs de défense continuaient en même 
temps. Kossuth allait de ville en ville prêchant la guerre 
sainte et levait en trois jours douze mille volontaires. 
Toute la cavalerie hongroise en garnison en Gallicie, 
en Bohême et dans les autres provinces déserta par pe- 
tits détachements, dont quelques-uns accomplirent des 
prodiges d'énergie et de persévérance, et vint rejoindre 
le drapeau national. 

Le 29 septembre, Jellacic , à la tête de 30,000 hom- 
mes, quitta Fehervar pour marcher sur Pesth. Il ren- 
contra la petite armée hongroise de 16,000 hommes, 



BATAILLE DE PAKOZD 209 

commandée par Moga, à Pakozd. Il attaqua et fut re- 
poussé grâce à Tartillerie magyare bien dirigée par 
Mack. Jellacic demanda un armistice de trois jours, qui 
lui fut accordé à condition que les armées restassent 
dans leurs positions respectives. Mais dès le lendemain, 
violant Tarmistice, Jellacic se mit eh retraite du côté 
de Vienne par Moor et Gyor (Raab). Il allait au-devant 
des renforts impériaux. L'effet moral de cette bat£aU& 
fut immense en Hongrie. Kossuth parvint à l'apogée de 
la popularité. Batthyany s'était retiré, après avoir vai- 
nement tenté de fléchir à Vienne , après le meurtjRç de 
Lamberg, la colère de la cour. Kossuth n'était r^sté 
que trop longtemps asservi à la politique indécise ji^e 
ce ministère. S'il avait précipité la rupture avec TAu-* 
triche tandis que celle-ci était dans tous les embarras 
de la guerre d'Italie, les événements auraient pris une 
Wtre tournure. 

Le 4 octobre Maurice Perczel attaqua la réserve de 
Jellacic laissée en arrière et lui fit 1800 prisonniers. Le 
7, il fit mettre bas les armes au corps principal de cette 
réserve commandée par les généraux Roth et Philip- 
povich. Il avait sous ses ordres un jeune officier qu'on 
appelait le major Arthur Gœrgey, qui venait d'acquérir 
une notoriété en faisant pendre, pour crime de haute 
trahison et relations avec l'armée croate, un magnat, 
le comte Eugène Zichy. Moga suivait de loin l'armée 
de Jellacic, manquant l'occasion de l'attaquer et 
s'arrêtant quand il le vit firanchir la frontière autri- 
chienne, faute énorme que les événements qui venaient 
de s'accomplir à Vienne rendirent plus énorme en- 
core. 

L'empereur était rentré dînspruck à Vienne le 12 
août. Le ministère du 16 juillet — dont le général La- 
tour faisait partie avec le portefeuille de la guerre — 
fonctionnait, et la diète — dominée par les Slaves — 
poursuivait le cours de ses travaux, aussi peu sympathi- 
que en majorité à la cause hongroise que l'était beaucoup 

12. 



310 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

le peuple de Tienne où dominait Télément gennaniqne. 
Le général Latour n'hésita pas à déclarer à la diète 
qu'il avait envoyé 280,000 florins à Tarmée impériale 
de Jellacic, en attendant qu'il lui expédiât des ren- 
forts. La garde nationale , la légion académique et le 
peuple accueillirent ces déclarations avec des mur- 
mures d'indignation. Depuis le 19 septembre, jour où 
la diète avait refusé de recevoir la députation hongroise, 
une alliance intime s'était formée entre les Viennois et 
les Magyars. Aussi, le 6 octobre, quand Latour, confor- 
mément à ses déclarations, expédia cinq bataillons à 
Jellacic, les Viennois s'y opposèrent par la force, La 
foule démolit le pont du Danube que ces renforts vou- 
laient traverser , et la garde nationale attaqua les 
troupes, tandis qu'une bande furieuse assaillait l'hôtel 
de Latour, s'emparait de lui, l'assommait et le pendait 
à une lanterne. L'insurrection acheva son triomphe par 
la prise de l'arsenal le 7, à quatre heures du matin. La 
lutte avait été formidable. 

La diète était restée en permanence, sans prendre 
part à l'insurrection. Elle demanda à l'empereur : 1® la 
révocation du manifeste qui investissait Jellacic de pou- 
voirs extraordinaires sur la Hongrie; 2* la formation 
d'un ministère sous la présidence de Doblhof. Ferdinsuid 
consentit à la seconde demande, en ajournant sa réponse 
sur la première. Mais le 7, à huit heures du matin, il 
s'enfuit de Schoenbrunn et gagna Olmutz par Linz. Il 
laissait un manifeste que M. Kraus vint lire en son nom 
devant la diète. Il déclarait quitter la capitale pour 
trouver moyen de porter secours à ses sujets opprimés 
et il invoquait Dieu et son bon droit. Le même jour 
était lu à la diète de Pesth un autre manifeste impérial 
daté du 8 octobre, saisi sur les courriers du Ban : il 
dissolvait la diète, en annulait tous les actes, déclarait 
tout le pays en état de siège et conférait à Jellacic des 
pouvoirs illimités. Ce manifeste était contre-signe par 
un vieux général hongrois retraité à Vienne, Adam 



MEURTRE DU GÉNÉRAL LATOUR 211 

Recsey, nommé président du conseil magyar, et que les 
Viennois mirent en prison. 

La situation était grave à Vienne. Forcé de battre en 
retraite, le général Âuersperg, commandant militaire de 
Vienne, s'était retiré avec 10,000 hommes sur les hau- 
teurs du Belvédère. Il y attendait des renforts, c'est-à- 
dire d'une part l'armée de Jellacic et de l'autre eelle 
de Windisgraétz nommé généralissime des forces au- 
trichiennes, sauf de celles dltalie, et qui avait appris 
à Prague son métier de bombardeur. Ni les Viennois 
ni les Hongrois ne surent prendre de décision. Si le 
général Moga, sans s'inquiéter de la frontière, s'était 
jeté sur Jellacic, il aurait arrêté la marche du Ban sur 
Vienne et une victoire aurait changé le cours des évé- 
nements. Les Hongrois, toujours formalistes et juristes, 
attendaient un appel officiel de la diète de Vienne. 
Celle-ci, très-travaillée par les influences slaves, refusa 
cet appel. Le peuple viennois, excédé de ces subtilités 
si vaines en temps révolutionnaires, invita l'armée hon- 
groise à passer la frontière (10 octobre). Moga passa la 
Leitha (17 octobre). Mais le comité de défense de Pesth 
lui ordonna de revenir sur le territoire hongrois. Le 
21 octobre, même opération : passage et retraite. Kos- 
suth amena 1200 volontaires et demanda dans un con- 
seil de guerre qu'on allât enfin au secours des Viennois : 
Moga et Gœrgey s'y opposèrent et Kossuth n'usa pas 
de son autorité dictatoriale pour ordonner le mouve- 
ment. Toujours procédurier, il somma le 25 octobre 
Windisgraetz de désarmer Jellacic et de lever le siège 
de Vienne. Celui-ci haussa les épaules et arrêta les por- 
teurs de la sommation. 

Jellacic était arrivé le 9 octobre en vue de Vienne et 
s'était établi à Schwechat : il reçut poliment un député 
envoyé par la diète, mais sans rien lui promettre. Le 
manifeste impérial prouva aux Viennois qu'ils n'avaient 
plus qu'à compter sur eux-mêmes. Messenhauser fut 
nommé commsmdant en chef de la garde nationale, le 



âi2 HISTOIRE DE L'AUTRICSE 

Polonais Bem commandant de la place : Robert Blum, 
député de Zwickau au parlement de Francfort, ^tait 
l'âme de la défense. La diète, délivrée de ses membres 
réactionnaires qui étaient allés slnstailer à Prague, 
entrait franchement dans la résistance. 

Ce fut le 28 octobre que Windisgraetz donna le 
signal de Tattaque générale. La lutte fut terrible : mais 
le soir même, Jellacic s'était emparé des deux faubourgs 
de la Landstrass et de la Mœrgass, et le lendemain le 
faubourg de la Léopoldstadt tombait au pouvoir de 
Windisgraetz. Le 29, il répondit à une députation du 
conseil municipal qu'il commencerait le soir même à 
bombarder. Le 30, Vienne capitula, et on négociait les 
conditions, quand on apprit l'arrivée de cette armée 
hongroise si passionnément attendue par le peuple. 
Aussitôt le combat recommença dans les rues de Vienne, 
et recommença aussi le terrible bombardement. 

Jellacic fit front aux Hongrois enfin décidés ; la bataille 
se livra à Schwechat, en vue de Vienne : elle dura de 
sept heures du matin à quatre heures de l'après-midi ; 
les recrues magyares ne purent entamer les solides 
confînaires du Ban. Les porteurs de faux de Komarom 
se débandèrent : l'armée vaincue repassa la Leitha, 
laissant 1,500 morts sur le champ de bataille. Vienne 
n'avait plus qu'à mourir; elle se rendit sans conditions, 
et Windisgraetz y entra le 1*' novembre, précédé d'un 
bando menaçant. Alors le bombardeur de Prague ins- 
talla la terreur militaire dans la malheureuse capitale 
des Habsbourgs. Robert Blum fut fusillé à la Briget- 
tenau; Messenhauser à Neuthaus. Le journaliste Jel- 
linek, le docteur Becker, des étudiants par douzaines, 
subirent le même sort. La révolution autrichienne finis- 
sait dans le sang ; elle avait duré huit mois : l'absolu- 
tisme des Habsbourgs, vainqueur en Italie, en Bohème, 
et dans les états héréditaires, n'avait plus à compter 
qu'avec les Magyars. 

Avant d'entrer dans la lutte, le gouvernement autri- 



ABDICATION DE FERDINAND ; FRANÇOIS-JOSEPH 213 

chien se renouvela. Ferdinand avait, aussitôt après la 
soumission de Vienne, donné la présidence d*un nou- 
veau ministère au prince de Schwarzenberg assisté du 
comte Stadion et du docteur Alexande Bach, transfuge 
du parti populaire. La diète constituante, transportée à 
Kremsier et privée de ses éléments démocratiques, se 
traînait dans de longues délibérations sur les droits 
féodaux et entamait ensuite la lente élaboration de la 
constitution générale qui devait être abolie dès le mois 
de mars suivant. Après avoir nommé le vainqueur de 
Vienne, Windisgraetz , commandant en chef de l'ar- 
mée qui allait opérer en Hongrie, et lancé un manifeste 
menaçant contre le rebelle Kossuth et ses complices, 
Ferdinand abdiqua le 2 décembre au profit du fils aîné 
de son frère François-Charles, de son neveu François- 
Joseph, alors âgé de dix-huit ans. Quels furent les motifs 
de cet acte? L'hypothèse qu'il répugnait à violer le 
serment solennel par lui prêté à la constitution hon- 
groise parait peu vraisemblable : il est plus probable 
que vieux et valétudinaire, Ferdinand se sentait inca- 
pable de suffire aux exigences d'une situation aussi 
grave. Aidé des conseils de sa femme, l'impératrice 
Marianne, et de ceux de l'archiduchesse Sophie, la 
virile et ambitieuse mère de son jeune successeur, il 
voulut qu'un nouveau souverain eût la responsabilité 
de la politique de fer et de centralisation à outrance 
qu*allait inaugurer Schwarzenberg. Le jeune François- 
Joseph P' lança à son tour un manifeste de prise de 
possession. « Convaincue de la nécessité et de la valeur 
des institutions libérales. Sa Majesté entame avec con- 
fiance la mission qui lui incombe de réorganiser et de 
rajeunir toute la monarchie. La vraie liberté, l'égalité 
des droits de toutes les nationalités de l'empire, ainsi que 
celle de tous les citoyens devant la loi, non moins que 
la participation des mandataires du peuple à la légis- 
lation, telles seront les bases par lesquelles la patrie se 
relèvera dans son ancienne grandeur.., l'édifice nouveau 



214 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

que nous allons reconstruire sera comme une grande 
tente où, sous le sceptre héréditaire de nos aïeux, les 
diverses races de Tempire s'abriteront plus libres et 
plus unies que jamais. » Nous verrons ce qu*allaient 
être cette liberté et cette unité promises par François- 
Joseph. 

Certes Toccasion était belle pour la Hongrie de rompre 
avec la dynastie et de proclamer son indépendance. 
Mais les légistes magy^ars — qui n'étaient révolution- 
naires qu'à la dernière extrémité et à leur corps défen^ 
dant — s'avisèrent de recourir à une fiction excessive- 
ment constitutionnelle, ils refusèrent de reconnaître 
l'abdication : Ferdinand fut toujours considéré comme 
étant le roi, le roi trompé par une camarilla seule res- 
ponsable de la violation des lois de 1848. Les officiers 
ne reçurent leur commission qu'avec cette clause : 
« sauf confirmation ultérieure par le roi. » Les membres 
du comité de défense présidé par Kossuth ne voulurent 
point prendre le titre de ministres parce qu'ils n'étaient 
pas nommés par le roi. C'était pousser l'amour de la 
légalité jusqu'à la duperie. 

Nous raconterons très-sommairement le côté militaire 
de la guerre de Hongrie, véritable épopée qui passionna 
l'Europe de 1848 à 1849. Les Magyars y montrèrent 
une bravoure superbe ; Kossuth sut faire sortir de terre 
et organiser des armées imposantes : il y eut dans ce 
peuple, combattant pour sa liberté, mais non pour 
celle du monde, un élan digne de l'élan de 92. L'armée 
se composa, durant cette lutte formidable, de Honveds 
ou soldats réguliers engagés pour quatre ans, réunis en 
bataillons de 1200 hommes, et qui rendirent célèbre 
leur uniforme : Attila brun à brandebourgs rouges, 
pantalon bleu et shako noir ; ce fut une admirable 
infanterie; de régiments de hussards qui devinrent 
légendaires; d'une artillerie improvisée, mais qui fut 
promptement excellente; de légions étrangères dont la 
plus nombreuse fut la Polonaise ; et enfin de volontaires 



SOULÈVEMENT DES ROUMAINS 215 

et de corps francs. Les forteresses de Munkacz, Léopold- 
stadt et Komom restèrent aux Hongrois, mais les com- 
mandants autrichiens de Temesvar, d^Arad et de Feher- 
var conservèrent ces forteresses à TEmpereur. 

Le plan des Autrichiens était très-simple : Tarmée 
principale commandée par Windisgraëtz et par Jella- 
cic devait marcher en deux corps des environs de 
Vienne par Presbourg et par Raab sur Buda-Pesth. 
D'autres corps d'armée devaient partir des autres pro- 
vinces autrichiennes dont le cercle entoure la Hongrie 
pour se rejoindre au centre : le général Goetz de la 
Moravie, le général Schlick de la Gallicie, le baron 
Puchner de la Transylvanie, le général Albert Nugent 
de la Croatie et du Banat. Le général Simonich était 
chargé de faire le siège des forteresses du Nord. Le 
comité de défense opposait Arthur Gœrgey à Windis- 
graëtz, Meszaros à Schlick , Perczel et Kiss à Nugent 
et aux Serbes. Petrovaradin en Slavonie tenait pour les 
Magyars. 

L'invasion autrichienne était fortement appuyée par 
les Roumains de Transylvanie et par les Serbes du 
Banat. La race opprimée et méprisée des Roumains 
s'était soulevée dès le printemps à la voix de chefs 
populaires : Janku, Pap, Barnutz, et des officiers autri- 
chiens Urban et Riebel contre ces Szeklers et ces Ma- 
gyars, leurs tyrans séculaires qui prétendaient les recru- 
ter pour leurs armées. Ce n'était pas par amour de 
VImperatu de Vienne qu'ils prenaient les armes, mais 
par soif de vengeance et d'indépendance. Le commis- 
saire général magyar, baron Vay, ne sut pas d'ailleurs 
agir, et le 18 octobre, le général autrichien Puchner se 
mit à la tête du mouvement. La guerre prit le caractère 
d'une Jacquerie : les Roumains étaient impitoyables 
pour leurs oppresseurs ; il y eut des traits atroces. Le 
général hongrois, Baldacsi, concentra toutes ses troupes 
devant Kolosvar (Klausenbourg) et fut battu le 12 novem- 
bre par Urban auquel il abandonna cette ville. Les Hon- 



216 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

grois se miretot en retraite dans la direction de La Hon- 
grie, évacuant la principauté-sœur. 

La campagne contre les Serbes ne tourna pas mieux, 
malgré les divisions entre le patriarche Rajacic plus 
dévoué à FAutriche, et le jeune général Stratimirovic 
plus dévoué à la cause nationale ; Tincapacité du chef 
magyar Kiss, qui ne savait qu'éparpiller ses forces et 
temporiser, compromit tout. Enfin ses lieutenants enle- 
vèrent le canxpcerbe de Perlaz (2 septembre) , mais il fut à 
nouveau repoussé dans son attaque contre Szent-Tamas 
(21 septembre). Des alternatives de succès et de revers 
marquèrent les mois d'octobre, de novembre et de dé- 
cembre. Repoussé devant Pancsova, Kiss dut se mettre 
en retraite par un froid terrible. Damjanic, un Serbe 
dévoué aux Hongrois et qui exécrait ses compatriotes, 
lui succéda, mais il reçut du comité de défense Tordre 
de se retirer sur la ligne de la Maros, en évacuant com- 
plètement la Yoiévocline serbe. 

Windisgraëtz était resté six semaines inactif et on 
croyait qu'il renonçait à faire une campagne d'hiver, 
quand il se mit en route le 10 décembre. Le 18, il entra 
à Presbourg évacué par Gœrgey, le 27 à Raab aussi 
abandonnée, le 28, il défit à Babolna l'arrière-garde 
de Gœrgey qui occupa les hauteurs de Bicske pour 
attendre les renforts conduits par Perczel. Mais Jellacic, 
qui s'était avancé de son côté, avait complètement battu 
le 30 décembre, Perczel à Moor. Au nord, même insuc- 
cès : Schlick battit à Kaschau (Kossa) Meszarosle 4 jan- 
vier. Les nobles magyars et les bourgeois du comitat 
de Saros, où s'était livrée la bataille, se déclarèrent 
pour les Autrichiens. Au midi, Nugent était entré dans 
Funjfkirchen, et nous avons vu que, le 2 janvier, les 
^Serbes avaient battu Kiss devant Pancsova. 

Buda-Pesth étaient ouvertes à l'ennemi. Le 31 dé- 
cembre, Kossuth proposa que le comité de défense et 
la diète se retirassent à Debreczen, derrière les marais 
de la Theiss. On proposa aussi qu'une députation fût 



ÉVACUATION DE PESTÏÎ "iil 

iBnvoyée à Windisgraëtz. Ces deux propositions furent 
adoptées. Le 1®' janvier 1849, le comité de défense partit 
pour Debreczen, excellente situation à quinze lieues au- 
delà de la Theiss, défendue par la rivière et par des 
marais impraticables en hiver, ville de 50,000 âmes of- 
frant de grandes ressources pour l'organisation mili- 
taire, centre du plus pur magyarisme. Le 4, un conseil 
de guerre décida l'évacuation militaire de Pesth. Gœrgey 
se dirigea vejs le nord-est pour opérer une diversion en 
faveur de l'armée qui allait se concentrer et se reformer 
derrière là Theiss. 

L'Europe crut la cause hongroise définitivement per- 
due à la suite de cette campagne foudroyante de moins 
d*un mois. Windisgraëtz — qui excellait dans ce genre 
de littérature — lança le 7 janvier de Buda-Pesth un 
manifeste terroriste et, passant des menaces aux actes, 
frappa les deux villes jumelles de grosses contribu- 
tions de guerre, institua des cours martiales, fit exé- 
cuter deux officiers autrichiens qui avaient servi sous 
le drapeau hongrois, Zell et ZoU, et jeter dans les fers 
ceux-là même qui n'avaient pas .servi, mais qui étaient 
restés. Les simples soldats furent envoyés en Italie. 
Inutile de dire qu'il avait refusé de recevoir la dépu- 
tation composée de Louis Batthyany, des deux Mailath, 
de François Deâk et de l'évêque Lonovitz. Louis Bat- 
thyany fut arrêté quelques jours après. 

Mais on peut être un grand exécuteur sans être un 
grand général : l'histoire a montré plus d'une fois des 
bombardeurs de capitales insurgées se conduisant en 
rase campagne, contre l'ennemi, à la façon des plus 
piètres capitaines. Windisgraëtz perdit cinq semaines 
à Buda-Pesth, cinq semaines qui furent admirablement 
mises à profit par les Hongrois. Certes, la situation était 
périlleuse, la Hongrie libre ne comptait plus qu'une 
dizaine de comitats. Une foule de députés désertaient 
leur poste de Debreczen, une foule d'officiers quittaient 
l'armée; enfin il y avait des germes de division. 

ASSELIXE. 13 



âl8 HISTOIRE DE L'AUTRIGHE 

Gœrgey, dévoré d'ambition et d'orgueil, détestait 
Kossuth. La vieille lutte du pouvoir militaire et du 
pouvoir civil, si visible à toutes les époques de révolu- 
tion et dont notre Convention sut sortir à force d'é- 
nergie, allait compromettre la cause magyare qu'elle 
devait plus tard perdre complètement. Arrivé à Vacz le 
6 janvier, Gœrgey publia deux ordres du jour qui étaient 
deux actes d'accusation formels contre le comité de 
défense et contre le gouvernement national. Il excitait 
l'armée contre le comité, critiquait de la façon la plus 
amère la retraite qu'on lui avait ordonnée, l'évacuation 
de Buda-Pesth et l'envoi d'une députation à Windis- 
graëtz. Il déclarait que, fidèle à la constitution, il ne 
reconnaîtrait que les ordres de Meszaros, ministre de la 
guerre régulièrement nommé par le roi, et que, si des 
tentatives républicaines se produisaient, il marcherait 
contre l'ennemi du dedans. 

Quelque justes que fussent plusieurs des critiques 
de Gœrgey, tenir un pareil langage dans un pareil mo- 
ment était un acte criminel, presque une trahison. A 
tout prix il aurait fallu écraser dans l'œuf ce Dumou- 
riez magyar. Kossuth ne prit aucune mesure à cet égard: 
il craignait que l'armée du Danube ne se dispersât si 
on lui enlevait son général. Il avait d'ailleurs à lutter 
dans la diète contre un parti de la paix fortement or- 
ganisé. Ce parti avsdt pour organe le Kozlom où un 
jeune journaliste, Maurice Jokay, développait la thèse 
de l'innocence du roi trompé par la camarilla. La 
seconde chambre dut déclarer cent sept députés démis- 
sionnaires pour cause d'absence. Nombre des magnats 
avaient accepté des emplois de Windisgraëtz . Au 
milieu de ces défections et de ces sourdes hostilités, 
Kossuth déploya une merveilleuse activité, levant des 
volontaires enflammés par sa parole, organisant des 
fabriques d'armes et de poudre, reformant des armées. 

Le plan était de concentrer tous les corps de l'armée 
en une seule masse compacte et de marcher sur Pesth. 



BATAILLE DE KAPOLNA — DEMBINSKI DESTITUÉ 219 

Mais a fallait d'abord empêcher Schlick de marcher du 
nord-ouest sur Debreozen. Ce fut l'œuvre de Gœrgey, 
parfaitement secondé par ses lieutenants Aulich et 
Guyonl Tlrandais. La prise des défilés du Branickzko 
par ce dernier (5 février) enleva sa base d'opérations à 
Schlick, déjà battu à Tokai le 31 janvier par Klapka. 
Désormais la concentration était possible. Un brave 
Polonais arrivé de Paris, Dembinski, reçut le comman- 
dement en chef et la mission de marcher sur Pesth : il 
avait sous ses ordres les corps de Gœrgey, de Klapka, 
de Perczel et de Damjanic (46,000 hommes, 6000 che- 
vaux et 170 canons). Windisgraëtz, rejoint par les dé- 
bris de Schlick, avait 60,000 hommes , 5000 chevaux 
et 200 canons. Il marchait sur la Theiss et sur Dé- 
breczen. La bataille s'engagea le 27 février à Kapolna. 
Gœrgey, campé à quelques lieues du champ de bataille, 
refusa obstinément d'amener ses 14,000 hommes à Dem- 
binski dont la nomination l'avait exaspéré. Dembinski 
fut battu après une lutte qui prouva au moins que 
l'armée hongroise pouvait se battre contre l'armée au- 
trichienne en rase campagne. Les Hongrois se mirent 
en retraite sur la Theiss. Atteinte par la cavalerie des 
Autrichiens le 28 février à Mezokovesd, elle la repoussa 
énergiquement : Gœrgey, qui avait à se faire pardonner 
son inaction, et Klapka suppUèrent Dembinski de pro- 
fiter de ce succès pour faire volte-face et attaquer les 
Autrichiens avec toutes ses forces réunies. 11 refusa, 
passa la Theiss et vint s'établir à Tiszafiired. Le plan 
avait complètement échoué. 

Gœrgey donna alors cours à sa haine contre Dem- 
binski : il décida le commissaire du gouvernement 
Szemère à destituer Dembinski à la suite d'un conseil 
de guerre auquel prirent part les autres généraux non 
moins jaloux du Polonais. Kossuth arriva : Gœrgey et 
Dembinski s'expliquèrent violemment devant lui, se 
rejetant l'accusation d'avoir fait manquer la campagne. 
Kossuth donna raison à Gœrgey dont c^était, en somme, 



220 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

la seconde révolte contre ses supérieurs. Gœrgey, nommé 
général des 1" et 27"« corps, fut comblé d'honneurs et 
de décorations : sa rébellion fut récompensée comme 
une victoire. Dembinski prédit à Kossuth qu'il se don- 
nait là un rival avec lequel plus tard il aurait à compter. 

Yetterfut nommé généralissime. Il résolut de reprendre 
le plan primitif : le 28 et le 29, il passa la Theiss à la 
tète de toutes ses forces. Mais il tomba malade et 
Gœrgey fut enfin à son tour commandant en chef de 
toutes les forces hongroises. L'ambition satisfaite le 
maintint pour quelque temps dans le chemin du devoir 
et le laissa déployer tous ses talents militaires. Win- 
disgpaêtz manœuvrait de la façon la plus incertaine et 
la plus décousue ; il avait dispersé ses 52,000 hommes 
sur une longue ligne de Yacz à Gzegled et sur la grande 
route depuis Godollo jusqu'à Hatvan. Une bataille gé- 
nérale s'engagea entre Godollo et Isaszeg le 6 avril. 
Schiick et Jellacic faillirent d'abord déterminer la vic- 
toire en faveur des Autrichiens. Mais à cinq heures du 
soir Aulich arriva avec ses 8000 hommes, sa cavalerie 
et ses canons, et les Autrichiens furent complètement 
battus. Le colonel Gaspar était resté immobile avec ses 
16,000 hommes à une lieue du champ de bataille : s'il 
était arrivé, comme Aulich, à l'appel du canon, les 
Autrichiens étaient plus que battus, ils étaient anéantis. 
L'effet de cette victoire fut immense. Après les désastres 
de la campagne d'hiver, après l'échec de Kapolna, 
l'Europe avait cru la Hongrie anéantie. L'activité de 
Kossuth , l'élan des volontaires se battant comme des 
vieilles troupes et renouvelant, à la grande confusion 
des militaires classiques, les merveilles de 92, avait tout 
réparé. 

Mêmes succès en Transylvanie, grâce à un presti- 
gieux capitaine, Bem le Polonais, qui avait commandé 
Vienne insurgée et qui en était sorti caché dans une 
bière. On voudrait conter en détail cette campagne 
de trois mois dans laquelle Bem, à la tète d'une toufe 



VICTOIRE DES HONGROIS A GODOLLO 221 

petite armée, déploya un génie supérieur, une bravoure 
épique, une activité surhumaine. La guerre entre les 
Saxons, les Valaques et les Autrichiens d'une part, et 
les farouches Szeklers et les Magyars d'autre part, prit 
un caractère atroce. Bem, arrivé à la mi-décembre en 
Transylvanie, battit les Autrichiens dans, le nord, s'em- 
para le 25 de la capitale Kolosvar [Klausenbourg) et 
força les débris de l'armée impériale à se retirer en 
Bukovine. Puis il descendit vers le sud contre l'armée 
de Puchner, la battit à Galfalva (17 janvier) et marcha 
sur la capitale saxonne Hermanstadt (Nagy-Szeben) qu'il 
attaqua avec des forces par trop inférieures. Il fut 
repoussé et battu ensuite le 4 février. Les Autrichiens 
avaient reçu un secours imprévu : ils avaient demandé 
aide au général russe Luders qui occupait la Yalachie : 
le czar consentit, et le !•' février 10,000 Russes entrèrent 
en Transylvanie et occupèrent Hermanstadt et Grons- 
tadt. Etait-ce avec l'assentiment du gouvernement autri- 
chien ? celui-<îi s'en défendit et désavoua ostensiblement 
Puchner et les Saxons-Valaques. En tous cas Bem, 
qui avait repris l'offensive et reçu du renfort, tomba 
comme la foudre le 11 mars sur Hermandstat et s'en 
empara d'assaut sur les Russes et les Saxons. Les Russes 
se mirent en retraite sur la Valachie par les défilés des 
Karpathes, au milieu de la neige, emmenant avec eux 
une partie de la population d'Hermanstadt qui craignait 
les vengeances des Szeklers. Ceux-ci mirent le pays à 
feu et à sang. Le joug le plus terrible s'appesantit sur 
les Saxons et sur les Valaques. 

Maurice Perczel ne fit pas une campagne moins bril- 
lante contre les Austro-Serbes. Il ravitailla Petro va- 
radin (31 mars) et s'empara le 3 avril de cette place de 
Szent-Tamas qui avait été si fatale aux Magyars. Perczel, 
qui était excessivement cruel, la détruisit de fond en 
comble. Du reste, là comme en Transylvanie, la guerre 
avait un caractère horrible. Le 10 mai il entra à Panc- 
9ova, capitale des gerbes dans le Banat. Il ne restait 



S22 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

plus à i*Autriche que Titel dans le district des Tchzai- 
kistes et Temesvar. 

Les armes hongroises étaient donc victorieuses de toutes 
parts. La cour d'Olmûtz furieuse destitua Windisgraëtz 
pour cause d'incapacité : on fit du sanglant bombardeur 
un grand chambellan, dérision méprisante, et on le rem- 
plaça par le général Welden retour d'Italie. Gœrgey, 
sans perdre de temps après la victoire de Godollo, en- 
voya un corps d'observation sur Pesth et marcha lui- 
même pour débloquer Komorn. Le 9 avril la division 
du général Gotz fut battue à Vacz (Waitzen). Le 19 avril, 
la principale armée autrichienne fut mise en une déroute 
qui prit les proportions d'un désastre à Nagy-Sarlô. Les 
conséquences de cette victoire furent l'évacuation de 
Pesth par les Autrichiens qui laissèrent une forte gar- 
nison dans la citadelle de Bude et le débloquement de 
Komorn où les Hongrois entrèrent le 22 avril. Le 26 avril 
les Hongrois passèrent le Danube et infligèrent un nouvel 
échec aux Autrichiens, qui se mirent de toutes parts en 
retraite sur Raab (Gyor). 

Après le gain de la bataille de Kapolna (27 février), 
la cour impériale avait cru la Hongrie anéantie et le 
moment venu de reprendre toutes les concessions qu'elle 
avait faites sous la pression des événements. La cons- 
tituante de Kremsier, épurée et languissante, élaborait 
une constitution bizarre, trop libérale encore pour les 
nouvelles intentions de la cour qui ne tenait plus à jouer 
auconstitutionalisme. Le 4 mars, Prançois^oseph publia 
à Olmûtz un manifeste par lequel il dissolvait la diète 
de Kremsier. « Grâce à la marche victorieuse de nos 
armées en Hongrie, disait-il, la grande œuvre de l'unité 
de l'Autriche, œuvre dont nous nous sommes proposé la 
réahsation comme base de notre règne, a été avancée 
d'une manière notable. C'est pourquoi la diète est dis- 
soute, et nousi octroyons de notre volonté impériale une 
constitution à toute la monarchie une et indivisible. » 
Cette constitution octroyée et préparée dans les bureaux 



CONSTITUTION DU 4 MARS 223 

de la chancellerie impériale, est un document peu inté- 
ressant, car elle ne fut jamais exécutée. Elle supprimait 
entièrement l'autonomie de la Hongrie devenue simple 
province de l'empire, et en séparait la Transylvanie, la 
Croatie et le territoire serbe. Elle consacrait l'égalité 
des droits entre toutes les races {Gkichbefi*echtigung), 
mais c'était l'égalité sous l'absolutisme, régime auquel 
cette constitution du 4 mars devait, dans la pensée de 
son auteur, servir simplement de transition. 

Les Slaves, qui avaient si puissamment aidé l'Autriche 
contre les Magyars, commençaient aussi à se sentir joués. 
De vives discussions avaient éclaté entre Windisgraëtz 
et Jellacic. Quand après les victoires des Hongrois, celui- 
ci rentra en Croatie, il publia contre les Autrichiens un 
mémorandum amer que publia le journal Serbe Serbske 
novïne, H se plaignait que Windisgraëtz et son succes- 
seur ne s'entourassent que de Magyars restés fidèles à 
l'empereur, mais tout aussi ennemis des Slaves que les 
hommes de Debreczen. Théodorovic, qui avait pris le 
commandement en chef des Serbes à la mort du voïvode 
Suplikatz, exhalait les mêmes plaintes et refusait de 
remplacer le drapeau serbe par le drapeau jaune et 
noir de l'Autriche. Les habitants des confins, replacés 
sous l'ancien régime, protestaient. « Nous sommes 
redevenus partie intégrante de l'armée autrichienne : 
la discipline militaire est notre seul code civil... où 
trouver dans le monde un peuple aussi paria que le 
nôtre?... » 

Vinrent les victoires des Hongrois. Kossuth comprit 
que le moment était favorable pour s'affranchir de cette 
légalité à laquelle on avait fait tant de sacrifices et de 
proclamer l'indépendance de la Hongrie. Aussitôt après 
le manifeste du 4 mars, il proposa cette mesure à la 
diète. Elle fut adoptée par acclamation dans la séance 
du 14 avril, après un des plus beaux discours de Kos- 
suth. La Hongrie fut déclarée royaume indépendant 
avec un territoire indivisible et inviolable. La maison 



S24 HISTOIRE DE L'aUTRIGHE 

de Habsbourg-Lorraine fut déchue pour toujours du 
gouvernement, proscrite du sol hongrois. La forme 
définitive du gouvernement fut réservée et Kossuth élu 
gouverneur-président, choisissant des ministres et admi- 
nistrant sous sa responsabilité propre et sous la res- 
ponsabilité de chacun de ses ministres. Le 24 avril, la 
déclaration d Indépendance fut lue solennellement de- 
vant les deux chambres réunies. 

Cette déclaration d*indépendance a été Tobjet de 
nombreuses controverses parmi les historiens. On Ta 
déclarée inopportune et on a prétendu que c'est elle 
qui avait décidé TAutriche à demander l'intervention 
russe. Sur le premier point, il faut plutôt lui reprocher 
d'avoir été tardive. Les Hongrois se sont laissé trop 
longtemps dominer par leur amour de la légalité et par 
leur crovance dans la bonne foi de la cour de Vienne. 
L'histoire de cette cour depuis Joseph II prouvait qu'elle 
n'avait jamais renoncé à l'idée d'abolir Tautonomie 
hongroise et de faire rentrer le royaume de Saint-Etienne 
dans l'unité autrichienne comme simple province. Elle 
ne faisait des concessions aux Magyars, sous la pression 
des circonstances, que comme elle en faisait au peuple 
de sa capitale, avec la ferme intention de les retirer à 
la première occasion. Quant au second point, l'inter- 
vention russe aurait eu lieu quand même : eUe était 
préparée de longue main et la tentative de Ludërs 
n'était que la préface d'une pièce convenue. Nous avons 
là-dessus le témoignage officiel du colonel Ramming, 
chef d'état-major de Haynau, qui prouve que l'interven- 
tion était décidée au commencement d'avril. Quant à 
avoir rendu cette intervention inutile en se hâtant de 
traiter après les victoires, c'est une illusion : l'Autriche 
n'aurait pas traité ou, si elle l'avait fait, c'eût été pour 
déchirer la constitution de 1848 comme elle déchira la 
constitution du 4 mars. Les Hongrois avaient deux 
choses à faire : se déclarer indépendants dès le com- 
mencement de la guerre et 3e réconcilier avec les Slavçs 



KOSSUTH GOUVERNEUR — SON MINISTÈRE 225 

du sud. Leur légalisme d'un côté, leur orgueil de Tautre, 
les en empêchèrent et ils Texpièrent durement. Il est 
regrettable aussi que Kossuth et ses amis n'aient pas 
osé proclamer la république. Ils réservèrent entièrement 
la question de la forme du gouvernement, incertains et 
timides jusqu'au bout. 

Kossuth forma son ministère le 2 mai ; il était ainsi 
composé : présidence du Conseil et Intérieur : Barthé- 
lémy Szemère ; — Affaires étrangères : comte Casimir 
Batthyany ; — Finances : FrançoisDuscheck ; — Travaux 
publics : LadislasCzany; — Instruction publique et cul- 
tes ; l'évéque catholique Michel Horwath ; — Justice : 
Sabbas Vukovich; — Guerre : Gœrgey. Le 14 mai, 
Kossuth et les ministres prêtèrent serment. Kossuth 
était religieux et mystique. Le bas clergé hongrois était 
entré avec entrain dans la révolution , mais le haut 
clergé était resté fidèle à l'Autriche. 

Jellacic s'était mis en retraite sur la Croatie avec 
1500 hommes : une garnison de 4000 hommes avait été 
laissée dans la forteresse de Bude. Dans la nuit du 2â 
au 24 avril le reste des forces autrichiennes évacua 
Pesth où Aulich entra le 24 au matin à la tête d'un pe- 
loton de hussards. Battu, comme nous l'avons vu, le 
26 devant Komorn, Welden s'enfuyait vers Vienne. Ici 
se pose un des plus importants problèmes de la guerre 
hongroise : Gœrgey devait-il poursuivre l'armée autri- 
chienne et s'emparer de Vienne où il aurait été reçu 
comme un libérateur? Au lieu de le faire, Gœrgey ré- 
trograda pour s'emparer de la forteresse de Bude, ne 
laissant qu'un corps d'observation à Raab. Il s'est élevé 
plus tard sur ce point la controverse la plus violente et 
la plus confuse. Gœrgey a d'abord prétendu qu'il n'avait 
fait qu'obéir aux ordres de Kossuth, ce que Kossuth a 
démenti péremptoirement. Puis il a avoué sa vraie 
raison : la déclaration d'indépendance l'avait irrité : il 
voulait, à la tête de son armée victorieuse , renverser 
Kossuth qu'il haïssait et qu'il enviait, et traiter avec 

13. 



2^26 HISTOlttE DE L'AUTRICHE 

TAutriche comme dictateur de la Hongrie. Il était dans 
la logique de son attitude vis* à vis du pouvoir civil, 
attitude qui n'avait été qu'une rébellion permanente 
dont Kossuth, avec une inexcusable faiblesse , n'avait 
pas su triompher. Gœrgey, imbu de militarisme, détes- 
tait les révolutionnaires et ne visait qu'à s'emparer du 
pouvoir pour rétablir la monarchie des Habsbourg, tout 
en stipulant pour son ambition personnelle. C'est pour 
cela qu'il ne voulut pas réduire à la dernière extrémité 
la cour de Vienne. 

Quelles auraient été les conséquences de la prise de 
Vienne ? Il est probable que les provinces allemandes 
de l'Autriche se seraient jetées dans les bras de l'Alle- 
magne, tandis que les Slaves du sud auraient cherché 
à échapper à la tyrannie magyare en se donnant à la 
Russie. Il faut donc reconnaître que l'intérêt général 
de l'Europe, même de l'Europe démocratique , n'aurait 
pas été servi par le triomphe des Hongrois. On s'y trom- 
pait alors, car ce n'est pas au milieu de la poussière 
des batailles et du choc des événements qu'on voit clair. 
Mais aujourd'hui ces conséquences apparaissent avec 
une entière évidence. 

Après une lutte sanglante pendant laquelle les Autri- 
chiens bombardèrent Pesth impitoyablement, après plu- 
sieurs assauts repoussés, les Hongrois enlevèrent le 21 
mai la forteresse de Bude, où ils trouvèrent 80 pièces 
de siège, 4000 fusils et où ils firent 2500 prisonniers. 
L'effet moral fut immense. 

Mais déjà les troupes russes étaient en marche de 
toutes parts. Le 1®' mai la Gazette de Vienne avait an- 
noncé ofiiciellement que l'empereur d'Autriche ayant 
sollicité l'assistance armée de la Russie, le Gzar la lui 
avait promise immédiatement, avec le plus généreux 
empressement et dans la mesure la plus Ubérale. Le 
6 mai, l'avant-garde russe entrait à Gracovie. Le 8 mai, 
Nicolas publiait un manifeste à l'Europe : il déclarait 
envoyer ses armées écraser la révolution en Hongrie 



PROTESTATIONS HONGR. CONTRE L'INVASION RUSSE. 227 

« OÙ les traîtres polonais de 1831 , réunis à des réfugiés 
et à des proscrits appartenant à d'autres nations, usur- 
paient le pouvoir. » 

La Hongrie protesta par ses représentants diploma- 
tiques à l'étranger. Le comte Ladislas Teleki était l'en- 
voyé hongrois à Paris où régnait un grand enthousiasme 
pour les Magyars, où la parole enflammée de Michelet 
recommandait cette cause, où l'on suivait passionné- 
ment les péripéties de la guerre. Le 12 mai, à la nou- 
velle de l'intervention russe. Flocon interpella le mi- 
nistre des aifaires étrangères du président Louis-Napo- 
léon, M. Drouyn de Lhuis, qui fit une déclaration assez 
satisfaisante. Le 22 mai, à la suite d'un discours de 
M. Sarrans jeune, M. Joly (de Toulouse) proposa un 
ordre du jour des plus belliqueux qui fut combattu par 
le général Oavaigftac et par le président du conseil 
Odilon Barrot, mais qui fut appuyé par Ledru-RoUin, 
qualifiant le manifeste du Gzar de nouveau manifeste 
de Brunswick, et par Grémieux, qui déclara que l'Italie 
et la Hongrie étaient les boulevards de la liberté. « La 
lutte est ouverte entre la révolution et la contre-révo- 
lution : il faut que la France prenne un parti. » Un 
ordre du jour très- vague, proposé par le général Ga- 
vaignac, fut voté par 346 voix contre 184. Le Gzar ve- 
nait de reconnaître la République française. L'Angle- 
terre déclara, par l'organe de lord Palmerston, qu'elle 
n'avait pas à manifester d'opinion. La Turquie resta 
neutre malgré les efforts du jeune envoyé hongrois, le 
comte Jules Andrassy. 

Le gouvernement hongrois publia le 18 mai une so- 
lennelle protestation et prit un ensemble de mesures 
^religioso-militaires qui peignent bien à la fois le peuple 
et l'époque : la levée en masse et le jeûne obligatoire, 
le tocsin et les services religieux, la destruction des 
récoltes aux frontières menacées et les évèques et curés 
appelés à marcher à la tète des soldats. On était en 
plein mysticisme : on demandait au Ghrist en Hongrie 



228 HISTOIRE DE L* AUTRICHE 

de bénir les armes, comme on lui demandait en France 
de bénir les arbres de la liberté. 

Les partisans de la paix dans la Diète se mirent en 
rapport avec Gœrgey. Il alla à Debreczen et proposa à 
ses complices d'abolir la déclaration d'indépendance 
par une contre-révolution militaire. Geux-ci refusèrent. 
Gœrgey dut renoncer à son plan de- dix-huit brumaire, 
d'autant plus que la Diète se prorogea du 31 mai au 
2 juillet, après avoir décidé que le gouvernement re- 
viendrait se fixer à Pesth. Mais il résolut d'agir de ruse 
et de prêter serment, comme il l'avance dans ses Mé- 
moires, à une loi dont le renversement lui semblait in- 
dispensable. Il garda le portefeuille de la guerre et par- 
vint à décider Kossuth, l'aveugle Kossuth, à le débar- 
rasser de Dembinski, de Perczel et de Guyon, car il 
voulait avoir toute l'armée dans la main. Il essaya aussi 
de renverser Bem, mais il échoua. Perczel écrivit une 
lettre où il prouvait jusqu'à l'évidence que depuis l'o- 
rigine Gœrgey jouait un rôle de traître. Kossuth n'en- 
tendit rien. Mystique, paisible, homme de plume, poëte 
d'imagination, incomparable à parler et défaillant à 
agir, il ne sut pas, au nom du salut public, briser l'ins- 
trument de la contre-révolution. 

Les Autrichiens, tout surpris de n'être pas poursuivis 
par Gœrgey, s'étaient cantonnés à Presbourg. Ils y fu- 
rent rejoints le 4 juin par une division russe. L'armée, 
composée de 80,000 hommes (dont 12,000 Russes) et de 
324 canons, fut mise sous les ordres du général Haynau, 
le bourreau de Brescia. L'armée hongroise appuyée à 
Komorn comptait 55,000 hommes et 230 canons. Le 
16 juin , les généraux hongrois , attaquant sans en- 
semble, furent successivement battus. Gœrgey à son 
tour échoua dans les sanglantes journées du 20 et du 
21 à Pered. Haynau résolut de marcher sur Pesth et fit 
passer son armée sur la rive droite du Danube. Le 28 il 
attaqua l'armée hongroise devant Raab et la battit com- 
plètement sous les yeux du jeune empereur François- 



HÉSITATIONS ET REBELLIONS DE GŒRGEY 229 

Joseph. La ville fut occupée. Gœrgey écrivit à Kossuth 
qu'il faUait évacuer Pesth , se réfugier à Nagy-Varad 
et l'abandonner, lui, à son sort. En même temps la 
grande armée russe , après avoir été passée en revue 
par Nicolas à Zmygrod, franchissait la frontière du 
nord sôus les ordres de Paskéwisch : elle comptait 
100,000 hommes (17 juin). Enfin Luders, à la tète de 
50,000 Russes, envahissait la Transylvanie (19 juin) , et 
Jellacic reparaissait au sud avec 34,000 hommes. La 
Hongrie était enserrée dans un cercle de près de 300,000 
baïonnettes auxquelles elle n'avait à en opposer que de 
150 à 160,000. Dembinski proposa à Kossuth un plan 
audacieux : se retirer dans le Banat entre la Theiss et le 
Maros ; de là attaquer séparément les armées d'inva- 
sion ; en cas de défaite se rabattre sur Komorn et es- 
sayer de prendre la route de lltalie pour rompre le 
blocus de Venise et soulever les régiments hongrois de 
Radetzki. Il y avait sans doute là bien des illusions, 
mais c'était gagner du temps : d'ailleurs le choléra 
sévissait dans l'armée austro-russe; l'automne allait 
venir avec ses pluies qui transforment en marais la 
Puzta. Surtout on se devait à un suprême effort. 

Gœrgey, pour obéir à ce plan qu'il accepta d'abord, 
devait se retirer vers la Theiss où se ferait le mouve- 
ment général de concentration des forces nationales. 
Mais, changeant d'avis, il se retira dans le camp retranché 
de Komorn où le 2 juillet, après un sanglant combat qui 
coûta aux Hongrois 1500 morts, il fut battu par les Au- 
trichiens, Il écrivit au gouvernement une lettre qui le 
constituait en pleine rébellion. Le gouvernement le des- 
titua et nomma Meszaros généralissime. Les officiers de 
Gœrgey protestèrent contre cette décision et déléguèrent 
à Pesth Klapka et Nagy Sandor. Kossuth céda, à condi- 
tion que Gœrgey se soumît aux ordres que lui trans- 
mettrait Meszaros. Les délégués se portèrent forts pour 
Gœrgey. Vaine promesse I Au lieu de quitter Komorn 
pour aller opérer sur la Theiss la concentration pro- 



230 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

jetée, Gœrgey se décida, malgré Klapka, à transporter 
le théâtre de la guerre sur la rive droite et à attaquer 
Tannée autrichienne rangée devant le camp retranché. 
Kossuth eut le tort de ne pas venir lui-même à l'armée 
où sa popularité était supérieure à celle de Gœrgey. Du 
7 au 11 juillet, grâce à ces dissentiments lamentables, 
l'armée hongroise demeura immobile : elle attaqua 
enfin le 11 et fut battue. L'occasion d'opérer la concen- 
tration était perdue. 

Le gouvernement et la Diète s'étaient retirés à Szeged. 
Dès le 3 juillet l'armée russe du nord occupa Drf)reczen. 
Le 20 juillet, Percel fut battu à Tura. La veille, Haynau 
avait fait son entrée à Buda-Pesth, dont il couvrit les 
murs de proclamations sanguinaires. Déjà le 5 juin, à 
Presbourg, il avait fait pendre les deux commandants de 
la forteresse de Léopoldstadt, Mednyantzky et Guber, 
et le ministre protestant Razga. Puis il marcha sur 
Szeged. 

Dans le Banat, Jellacic, après avoir remporté de nom- 
breux succès, s'était fait battre le 14 juillet par Guyon, 
mais Vetter et Guyon, après avoir vainement tenté de 
s'emparer de Titel, furent rappelés à Szeged menacé. 
Dans la Transylvanie, Bem, malgré des prodiges de 
valeur et d'audace et après avoir essayé de soulever la 
Roumanie, perdait le 27 juillet la bataille de Segesvar 
où disparut le poète Petofi. 

A Szeged, s'agitaient bien des intrigues. Tout un 
parti conspirait pour que la dictature fût confiée au 
royaliste Gœrgey et Kossuth s'agitait dans le vide, ne 
sachant pas prendre un parti et finissant par décréter 
deux mesures qui auraient pu tout sauver, mais qui ne 
pouvaient plus avoir d'eff'et : Bem nommé généralis- 
sime et les races proclamées égales (28 juillet). Il fallut 
quitter Szeged et se rendre à Arad dont le général hon- 
grois Vecsey s'était emparé le l®"" juillet. La diète se 
dispersa. Haynau passa la Theiss le 3 août et battit le 
5 août Dembinski à Szoreg. Gœrgey s'était mis en re- 



ABDICATION DE KOSSUTH 234 

traite sur Szeged, subordonnant évidemment ses opéra- 
tions militaires à ses ténébreuses inspirations politi- 
ques et laissant battre à Debreczen le corps de Nagy- 
Sandor qui lui était hostile. Il arriva le 9 août à Arad. 
Mais le même jour, par une fatalité qui porta le der- 
nier coup à la cause hongroise, Bem était battu devant 
ia forteresse de Temesvar toujours occupée par les 
Austro-Serbes. Ce fut la fin. Gœrgey négociait depuis 
juillet avec les Russes et leur avait offert de faire cou- 
ronner le duc de Leuchtenberg roi de Hongrie, chose 
absurde, car Nicolas n'aurait pas osé accepter pour un 
prince de sa famille une couronne qu'il était venu pour 
rendre à son allié François-Joseph, mais curieuse en ce 
sens qu'elle montre des Magyars, ennemis du pansla- 
visme, disposés à livrer le pays à ce même panslavisme 
plutôt qu'aux Habsbourgs. Le 11 août, Kossuth abdi- 
qua la dictature entre les mains de Gœrgey. Celui-ci 
avait encore deux ressources : conduire son armée en 
Turquie dont la route était ouverte ou se réfugier dans 
Komorn défendue par Klapka et là obtenir de meil- 
leures conditions. Mais il se décida à se rendre aux 
Russes de Rûdiger à discrétion et, d'accord avec eux, 
dirigea son armée d'Arad sur Yilagos. Le 13 août, dans 
la plaine de Szollos, 23,000 hommes rendirent leurs 
sabres et leurs fusils avec 130 canons. Les officiers et 
les civils furent, au bout d'une semaine, livrés à Hay- 
nau qui fit emprisonner les officiers à Arad et les civils 
à Pesth. Gœrgey, gracié par l'empereur d'Autriche, fut 
interné à Klagenfurt en Garinthie. Bem voulait lutter 
encore, il somma de reprendre le pouvoir Kossuth qui 
n'osa, il chercha à transporter le théâtre de la guerre 
en Transylvanie, mais Vecsey se sépara de lui le 
16 août pour se rendre aux Russes, et Beke avec 
6000 hommes capitula le 19 août à Piski. C'était la dé- 
bandade : Bem, Guyon, Stein, par des sentiers inacces- 
sibles, parvinrent à gagner le territoire turc. Le 17, 
Damjanich avait rendu sans conditions la forteresse 



232 HISTOIRE DE L*AUTRIGHE 

d'Arad aux Russes. Le drapeau hongrois ne flottait 
plus que sur Pétrovaradin et sur Komorn. 

Kiss rendit Pétrovaradin sans conditions le 27 août. 
Klapka défendit plus longtemps Komorn où il était en- 
fermé avec 18,000 hommes. Le 3 août il avait fait subir 
à Tarmée assiégeante une sanglante défaite et espéra 
un instant rallumer la guerre dans tout le pays. Mais 
vint la nouvelle de la capitulation de Gœrgey. Après 
bien des négociations, l'acte de reddition de Komorn 
fut signé le 27 septembre. La garnison partait libre, 
mais sans armes, les officiers gardaient leur sabre. Le 
5 octobre le drapeau jaune et noir flotta sur le dernier 
boulevard de la Hongrie. 

Ce fut alors que l'Autriche, littéralement ivre de 
rage et de vengeance, se livra à une orgie de supplices 
qui flétrira à jamais le règne de François-Joseph et la 
mémoire de Schwarzenberg. Le 6 octobre, le premier 
ministre de la Hongrie constitutionnelle, le faible, mais 
noble et sincère Louis Batthyany, était fusillé à Pesth. 
Le même jour, tous ces braves généraux qui s'étaient 
rendus sans conditions aux Russes et que les Russes 
avaient livrés aux Autrichiens, étaient mis à mort à 
Arad. Quatre furent fusillés grâce à la bienveillance de 
Haynau : Kiss, Schweîdel, Dessewffy, Lazar. Neuf fu- 
rent pendus : Aulich, Damjanic, Nagy-Sandor, Torok, 
Lahner, Vecsey, Knézich, Poltenberg, Leiningen; ils 
moururent héroïquement. Mais quelle épouvantable 
tuerie 1 Le 10 octobre, à Pesth, pendaison du vieux Pé- 
renyi, président de la chambre des magnats, de Szacs- 
vay, secrétaire de la chambre des députés, du conseil- 
ler Gsernus. Les jours suivants pendaison encore de 
Csany, ministre des travaux publics, de Jeszenak, du 
prince Woroniecki, du français Abancourt. Quelques 
milliers de patriotes furent condamnés au bagne ou à 
la détention, et parmi eux des femmes admirables 
telles que la comtesse Blanka Teleki, Clara Lovey, 
Eslher Lazar. Haynau fît fouetter publiquement d'au- 



LES RÉFUGIÉS HONGROIS EN TURQUIE 233 

très femmes, telles que madame Maderspach, et y gagna 
ce renom de bourreau et de tigre qui lui valut plus tard 
la rude correction des ouvriers de la brasserie Barklay 
de Londres. Les biens de toutes les victimes furent 
confisqués. 

La question des réfugiés hongrois en Turquie devint 
ane grosse question. Ils étaient environ cinq mille 
(3615 Hongrois, 871 Polonais, 464 italiens). La Russie et 
TAutriche firent demander l'extradition par leurs am- 
bassadeurs dans les termes les plus menaçants. La 
France et l'Angleterre engagèrent la Turquie à résister, 
et le 6 octobre les escadres anglo-françaises de la Médi- 
terranée allèrent mouiller dans les eaux du Levant. La 
Russie et l'Autriche reculèrent et demandèrent l'inter- 
nement ou l'expulsion de leurs « sujets rebellea ». 
Bem, Kmety, Stein, Guyon et 250 de leurs compagnons 
s'étaient faits musulmans. Kossuth, Casimir Batthyany, 
Meszaros, Perczel, Wysocki furent internés à Kutahia 
d'où en 1851 on les laissa gagner l'Amérique. Bem, 
quelques jours avant leur départ, mourut de la fièvre 
à Alep. 

Pendant la lutte hongroise, les armes de l'Autriche 
avaient été également heureuses en Italie. Dès le 
9 août 1848, Venise avait proclamé la république, con- 
fiant le pouvoir à Manin et la défense militaire à Pepe. 
La résistance de l'héroïque cité entretenait les espé- 
rances dans le reste de la péninsule et empêchait la 
prescription du droit de s'accomplir. Les souverains 
firent quelques concessions (ministères Montanelli à 
Florence et Rossi à Rome, septembre). Mais Pie IX 
s'enfuit à Gaëte (25 novembre), et le 26 décembre, Rome 
fut appelée à élire une constituante qui se réunit le 
6 février 1849 et proclama le 9 la république. Le 16 fé- 
vrier la république était aussi proclamée à Florence. 
Le parlement de Turin demanda formellement à Char- 
les-Albert de recommencer la guerre contre l'Autriche. 
Il céda, prit Rs^ta^zi pour ministre et dénonça le 



234 HISTOIRE DE L*AUTRICHE 

12 mars l'armistice à Radetzky. Dès le début, la cam- 
pagne s'annonça mal. Les Piémontais commandés par 
le Polonais Chrzanowsky, après avoir passé le Tessin, 
furent obligés à le repasser le 21 mars par suite d'un 
mouvement hardi de Radetzky. Il fallut se mettre en 
retraite sur Novare et y jouer le tout pour le tout. La 
bataille se livra le 23 mars et malgré la valeur dé- 
ployée par les Italiens, fut perdue. Le soir même 
Charles-Albert abdiqua, laissant à son fils Victor-Emma- 
nuel II le soin douloureux de négocier la paix. Brescia 
se défendit pendant cinq jours avec une véritable subli- 
mité de bravoure. Haynau s'en empara le V^ avril et ce 
bourreau, préludant à ses sanglants exploits d'Arad, 
livra la ville au pillage, à l'incendie et après les mas- 
sacres de la rue, fit pendre plus de cent citoyens. L'Eu- 
rope en même temps, la France en tête, hélas I mar- 
chait pour étouffer la république romaine. Peruzzi ré- 
tablissait le grand-duc à Florence où les Autrichiens 
entrèrent le 25 mai et abolirent la constitution. Us 
avaient bombardé et pris Bologne le 16. Venise résista 
seule jusqu'au 28 août, jour où, par suite d'une capitu- 
lation honorable, le drapeau jaune et noir flotta de 
nouveau sur la place Saint-Marc, quinze jours après la 
capitulation de Gœrgey à Vilagos. 



CHAPITRE IV 



Ministère Schwarzenberg. — Bach. — Réaction. — Parlement de 
Francfort. — Archiduc Jean. — Parlement d'Erfurth. — Con- 
férences d'Olmûtz. — Dix ans d'absolutisme. — Voïvodine 
serbe. — Finances. — Abolition de la Constitution du 4 mars. 
— Concordat de 185^. — Zollverein. — Guerre de Crimée. — 
Congrès de Paris. — Guerre d'Italie. — Solferino. — Villafranca. 



L'Autriche était libre dès lors de poursuivre les deux 
buts que Schwarzenberg avait donnés à ses efforts : 
rétablir à l'intérieur l'absolutisme bureaucratique, mi- 
litaire et religieux tout en conservant les réformes 
sociales issues du mouvement de 48 et reprendre en 
Allemagne la prépondérance que lui avaient fait perdre 
les progrès de la Prusse et les aspirations unitaires. 

Voltaire a écrit : « La multiplicité des états sert à 
tenir la balance jusqu'à ce qu'il se forme en Allemagne 
une puissance assez grande pour engloutir les autres. » 
La formation de cette puissance unique et dominante, 
contraire à l'esprit d'individualisme, de particularisme 
de la race germanique, ne pouvait avoir lieu qu'à la 
condition de créer en Allemagne un irrésistible senti- 
ment national auquel elle servit d'organe. Ce sentiment 
n'existait pas au-delà du Rhin au xviii* siècle. La révo- 
lution française l'éveilla, mais ce qui le créa définitive- 
ment, ce fut la lutte contre l'empire napoléonien : il 



236 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

sortit, pour ne plus s'éteindre, de la guerre de déti- 
vrance {Befreiungskrteg) ; ce fut en luttant contre l'é- 
tranger que les Allemands se sentirent un peuple et que 
la passion de Tunité s'empara d'eux. La Sainte-Alliance, 
qui avait exploité ce sentiment contre les périls de Tex- 
térieur, le combattit quand il se tourna vers les réfo^ 
mes intérieures. Nous avons vu que ce fut le rôle de 
l'Autriche de Metternich toute occupée à maintenir la 
vieille confédération dans l'esprit féodal, absolutiste et 
en partie catholique qu'elle avait avant 1789. La Prusse 
protestante, savante et libérale, ne jouait son rôle tout 
indiqué d'opposante qu'avec timidité. Ses souverains 
d'ailleurs, tout en se laissant porter à la tète du mouve- 
ment populaire et unitaire dans le reste de l'Allemagne, 
entendaient continuer à gouverner chez eux au nom du 
droit divin, et cette contradiction nuisait singulière- 
ment à leur influence. Les unitaires furent pris d'un 
grand espoir à l'avènement de Frédéric-Guillaume IV. 
Mais l'avortement de la révolution prussienne leur fit 
voir qu'il ne fallait compter que sur eux-mêmes et fé- 
vrier 1848 les détermina à agir. Cinquante délégués des 
divers états de l'Allemagne se réunirent spontanément 
le 5 mars à Heidelberg et prirent les mesures nécessai- 
res pour qu'une assemblée préparatoire fût convoquée 
le 30 mars à Francfort-sur-le-Mein. Les souverains, de 
leur côté, essayèrent d'un congrès à Dresde pour le 
25 mars, mais ce projet échoua, l'Autriche faisant vio- 
lemment attaquer dans ses journaux officiels l'ambi- 
tion et les calculs de la Prusse. L'assemblée prépara- 
toire se réunit le 31 mars à Francfort. Dès le premier 
moment se trouvèrent en présence le parti de la grande 
Allemagne {gross Deutsch) et celui de l'Allemagne res- 
treinte {klein Deutsch), Le premier voulait grouper sous 
la main du pouvoir central tous les pays allemands, y 
comprise l'Autriche avec toutes ses possessions : Hon- 
grie, Lombardo-Vénétie, Gallicie, etc. L'autre groupait 
sous l'hëgémonie de la Prusse, tous les états allenaands, 



LE PARLEMENT DÉ FRANCFORT 237 

excepté TAutriche, exclue ainsi avec ses neuf millions 
i'Allemands de la patrie commune, parce qu'on savait 
qu'elle ne se soumettrait jamais à sa rivale et qu'on ne 
iroulait pas perpétuer le dualisme austro-prussien si 
Funeste à l'unité allemande. La question fut ajournée , 
et on décida que la future constituante, élue par le 
aiffrage universel direct, à raison d'un député par 
50,000 habitants, se réunirait le 1*" mai à Francfort. 
L'assemblée préparatoire avait tout d'abord écarté la 
forme républicaine. Elle se sépara le 3 avril, et la cons- 
Utuante, connue dans l'histoire sous le nom de parle- 
ment de Francfort^ se réunit le 18 mai. L'Autriche alle- 
mande y comptait 121 députés. 

Lies difficultés étaient immenses et, à vrai dire, inso- 
lubles par la seule action parlementaire. Chaque état 
allemand convoquait des parlements particuliers, ce 
qui indiquait bien l'intention de n'accepter que sous 
Y>éiiéfice d'inventaire les décisions du parlement géné- 
ral. Celui-ci déclara vainement, sur la motion de 
M. Werner de Goblentz, que toutes les constitutions par- 
ticulières ne seraient valables qu'après avoir été mises 
en accord avec la constitution générale : cette déclara- 
tion était dépourvue de force exécutrice. L'organisation 
du pouvoir central, la forme républicaine étant écartée, 
n'était pas moins difficile, et ce fut le sentiment de cette 
difficulté qui fît prendre le parti bâtard de nommer 
l'archiduc Jean d'Autriche vicaire général de l'empire, 
en attendant l'achèvement de la constitution allemande. 
Enfin la question de la grande Allemagne et de l'Alle- 
magne restreinte se posa et domina tout ; elle fut tran- 
chée, grâce à M. Henri de Gagern, contre l'Autriche en 
faveur de l'AUenjagne restreinte. Le 27 novembre le 
parlement vota les paragraphes 2 et 3 du projet de 
constitution ainsi conçus : « 1° Aucune partie de l'em- 
pire ne pourra être réunie en un seul état avec des pays 
non allemands ; 2** si un pays allemand a le même sou- 
verain qu'un pays non allemand, les rapports entre les 



238 HISTOIRE DE L' AUTRICHE 

deux pays ne pourront être réglés que d'après les pri»- 
cipes de tunton personnelle pure, » C'était rexclusionj 
complète de TAutriche, et le poète Arndt s'évanouit ei 
votant cette amputation considérable. C'était en menu 
temps se jeter dans les bras de la Prusse. Schwarzen- 
berg, qui entrait justement au pouvoir le jour même df 
ce vote si grave, prit une attitude menaçante vis à vb 
de l'assemblée de Francfort à laquelle il reprochait d'( 
voir reçu les envoyés mag^^ars, d'avoir porté le deuil ai 
Robert Blum et d'avoir agité la question d'une média< 
tion fédérale entre l'Autriche et la Hongrie. Il déclai 
qu'il attendrait, pour régler la nature de ses rappoi 
avec l'Allemagne, que celle-ci fût organisée. Les cathofr 
ques s'alarmèrent de cette exclusion de la grande puis-l 
sance catholique, la Bavière protesta : il devint évident 
que l'idée de l'unité allemande allait aboutir à un écla- 
tant fiasco. La Prusse elle-même hésitait, cherchant par' 
une politique équivoque et par des propositions bizar- 
res, à ménager à la fois le parlement et l'Autriche. Le 
parlement s'irrita. 

Le 14 janvier 1849, 261 voix contre 224 consacrèrent 
définitivement l'exclusion de l'Autriche. Après avoir re- 
poussé divers projets tendant à confier le pouvoir cen- 
tral à un directoire de cinq membres, à faire passer la 
couronne impériale de six mois en six mois à chacun 
des souverains les plus puissants de l'Allemagne, à 
créer un empereur, mais à condition que tout Allemand 
fût éligible, le parlement décida par 258 voix contre 
211 que la dignité impériale serait conférée à un des 
princes régnants. 263 voix contre 211 décidèrent, mal- 
gré les efforts de MM. Dahlmann et de Vincke combat- 
tant pour l'hérédité, que cette dignité serait élective. 
On institua ensuite un conseil impérial composé de plé- 
nipotentiaires fournis par chaque état allemand. 

Le 23 janvier, la Prusse envoya à Francfort une note 
ou elle déclarait que le roi préférerait à un empire uni- 
taire une union d'états reconnaissant volontairement 



DISCUSSIONS SUR l'ëMPIRE 289 

l'hégémonie de la Prusse et étant en politique ce que 
le Zollverein était en matière commerciale. L'Autriche, 
par une note du 4 février, se prononça énergiquement 
contre la création d'un état unitaire et homogène, et 
demanda que la constitution définitive de l'Allemagne 
fût concertée entre l'assemblée et les états allemands. 
Lia Prusse, émue de la note autrichienne, répondit le 
16 février en protestant qu'elle était sincèrement atta- 
chée à l'Autriche et d'avis de fortifier les liens sécu- 
liers qui attachaient cet empire à l'Allemagne. Le 27, 
l'Autriche, à son tour, protesta contre toute intention 
de s'isoler et de rompre avec la confédération et pro- 
posa la création d'un directoire exécutif de neuf 
membres, base de discussion que la Prusse accepta le 
10 mars. 

Mais le parti prussien reprit courage. L'Autriche, en 
dissolvant la Diète de Kremsier et en proclamant la cons- 
titution du 4 mars, semblait vouloir s'organiser en état 
très-centraUsé trop fort dès lors pour entrer dans l'unité 
allemande. De plus, la Hongrie reprenait le dessus et 
lltalie recommençait la guerre. N'était-ce pas le mo- 
ment d'agir au profit de la Prusse? MM. de Gagern et 
Welker proposèrent le 21 mars de conférer l'empire 
héréditaire à Frédéric-Guillaume. Cette proposition fut 
repoussée par 282 voix contre 252, ce qui amena la 
démission du ministère de l'empire. Mais six jours après, 
le 27 mars, complet revirement : 267 voix contre 263 
décrétaient que la dignité impériale serait héréditaire 
et le 28, 290 voix contre 248 conféraient cette couronne 
héréditaire au roi de Prusse et envoyaient une députa- 
tion la lui offrir officiellement. Le revirement avait pour 
cause un marché entre le parti prussien et les radicaux. 
Ceux-ci donnèrent leurs voix en échange des conces- 
sions suivantes : l'empereur n'aurait qu'un veto suspen- 
sif; il n'y aurait pas de conseil d'empire; les élections 
se feraient par le suffrage universel et direct. 
Mais le roi de Prusse, malgré les sommations de sa 



240 HISTOIRE DE L'AUTRICHÈ 

deuxième chambre qui fut dissoute à cause de cela, 
refusa la couronne. La Prusse protestante et libérale 
trahissait Tespoir des unitaires. Il est facile de deviner 
pourquoi cet empire démocratisé, fondé sur le suffrage 
universel, décerné par la souveraineté populaire, ne 
paraissait plus désirable à Frédéric-Guillaume, imbu 
des doctrines du droit divin. Un député obscur de la 
seconde chambre prussienne, M. de Bismarck, destiné à 
un si grand rôle, s'écria : « Je ne veux pas que mion roi 
devienne le vassal de M. Simon » (Simon de Trêves, 
président du parlement de Francfort). De plus rAutriche 
sortait de ses embarras intérieurs grâce au secours de 
la Russie (il est à remarquer que le refus de Frédéric- 
Guillaume est du 28 avril, le lendemain même de l'in- 
tervention des Russes en Hongrie) et prenait une atti- 
tude menaçante : elle avait rappelé, aussitôt le vote du 
27 mars, ses cent vingt-et-un représentants de Francfort 
et le 5 avril son plénipotentiaire, M. de Schmerling 
avait communiqué une très-vive protestation du cabinet 
Schwarzenberg. Pour tous ces motifs, le cœur manqua 
à Frédéric-Guillaume qui aurait accepté une unité mo- 
narchique, mais qui ne voulait pas se faire l'organe 
d'une unité démocratique. L'œuvre du parlement de 
Francfort, le rêve de la patrie allemande, tout manquait 
par la défaillance de celui en qui les théoriciens avaient 
mis leur confiance. Faute de décision et d'énergie, la 
représentante du progrès contre l'immobilisme autri- 
chien trahit son rôle historique. Elle ne devait le re- 
prendre qu'après Sadowa et après Sedan, mais en faisant 
l'unité par le despotisme militaire au lieu de la faire 
par la souveraineté du peuple affranchi, et en apprenant 
aux descendants des démocrates de 1848 à trouver dans 
la gloire des armes et dans l'ivresse de l'esprit de con- 
quête une compensation à l'écrasement de la liberté. 

L'Autriche l'emportait donc en Allemagne comme en 
Hongrie et en Italie. Les déceptions des peuples, après 
tant d'espérances, soulevèrent partout des mouvements 



TRAITÉ DES TROIS ROIS 241 

insurrectionnels. On se battit à Berlin le 28 avril, du 5 
au 9 mai à Dresde, le 13 et le 14 mai à Garlsruhe dans 
le grand-duché de Bade, à la voix des Struve, des Bren- 
tano, des Gœg. La Prusse se trouva entraînée à verser 
le sang des Allemands en allant au secours de ces mo- 
narques menacés. Le 14 mai elle rappela ses députés 
de Francfort. Le Parlement décida qu'il irait siéger à 
Stuttgard, où 105 de ses membres seulement se réuni- 
rent, pour achever de mourir dans Timpuissaiice et sous 
la police du roi de Wurtemberg. Mais Frédéric-Guillaume 
n'avait pas perdu tout espoir de se mettre à la tète de 
TAllemagne, sinon par le concours des peuples, au 
moins par celui des rois. C'est un curieux spectacle que 
celui de ses tentatives multipliées et de l'énergique 
habileté avec laquelle Schwarzenberg, qui ne voulait 
que la reconstitution pure et simple de l'ancienne Diète, 
les déjoua successivement. 

Frédéric-Guillaume essaya d'abord de faire une cons- 
titution unitaire nouvelle avec l'aide du Hanovre et de 
la Saxe (traité des trois rois). Le conseil exécutif de 
l'empire serait composé d'un collège de princes présidé 
héréditairement par la Prusse, son pouvoir législatif de 
deux chambres, la première nommée de compte à demi 
par les monarques et les parlements de chaque état, la 
seconde élue par le suffrage universel à deux degrés : 
l'Autriche fit proposer le 16 mai un contre-projet, tout 
en donnant à la Bavière le rôle d'un contre-poids entre 
elle et la Prusse. Une entrevue à Tœplitz entre Frédéric- 
Guillaume et François-Joseph n'amena pas de résultats, 
la Prusse persistant dans sa prétention que le chef de 
l'état fédéral fût un chef sérieux, disposant des forces 
militaires. Enfin après bien des débats, fut signé le 
30 septembre un traité qui créait, conformément aux 
vues de l'Autriche, un pouvoir central provisoire intitulé : 
commission d'empire, et qui durerait jusqu'au 1®' mai 
1850. La commission était composée de deux membres 
prussiens et de deux membres autrichiens siégeant à 

àsseline. 14 



242 HISTOIRE DE L^AUTRIGHE 

Francfort. C'était un replâtrage de Tancienne diète ger* 
manique. Le Prusse était jouée : il ne lui restait que le 
conseil d'administration institué à Berlin par le traité 
des trois rois : elle voulut s'en servir contre la commis- 
sion d'empire, ce que l'Autriche refusa d'admettre par 
une note du 25 octobre ; le Hanovre et la Saxe d'ailleurs, 
les deux autres parties contractantes au pacte des trois 
rois, inclinaient vers l'Autriche. La Prusse néanmoins 
fit décider par ce conseil d'administration, organe d'une 
union restreinte, qu'une assemblée constituante serait 
convoquée à Erfurth, ville prussienne. 

L'Autriche et la Bavière protestèrent et, le 8 décembre 
1849, la Saxe adhéra à ces protestations. Le Hanovre 
alla même plus loin : il renonça au traité des trois rois 
et sortit de l'union restreinte. La Prusse était aban- 
donnée par les grands états allemands : s'appuyant sur 
vingt-sept petits états, elle n'en persista pas moins à 
convoquer un parlement à Erfurth pour le 20 mars 1850; 
alors la Bavière, la Saxe et le Wurtemberg signèrent le 
27 février à Munich un traité qui organisait en face de 
l'union prussienne une union particulière inspirée par 
l'Autriche de plus en plus maîtresse des coups sur cet 
échiquier compliqué, mais s'appliquant en même temps 
avec une grande habileté à ce que l'union de Munich ne 
devint pas une garantie d'indépendance pour les puis- 
sances de second ordre et la faisant même blâmer par 
la Russie, qui demandait le retour pur et simple à la 
confédération de 1815. 

Le parlement d'Erfurth se traîna dans l'impuissance 
du 20 mars au 27 avril 1850 et la Prusse elle-même le 
remplaça le 10 mai par un congrès des princes. De son 
côté l'Autriche convoqua tous les gouvernements à se 
réunir le 10 mai à Francfort pour organiser un nouvel 
intérim. Il y avait donc dans ce moment deux assemblées 
rivales : le congrès des princes de Berlin et la réu- 
nion ou Plénum de Francfort, représentant chacun une 
union restreinte et occupées réciproquement à empê- 



AFFAIRES DE LA HESSE — CONVENTION D'OLMUTZ 243 

cher que leurs actes ne prissent un caractère général. 

Pour sortir d'embarras, l'Autriche, par l'organe de 
son plénipotentiaire le comte de Thun-Hohenstein, pro- 
posa à Francfort de rétablir l'ancienne diète et le vieux 
pacte fédéral, tout en le mettant d'accord avec les idées 
modernes. Ce fut voté le 8 août. Schwarzenberg était 
arrivé à ses fins; l'ancien régime fédéral, qui donnait 
en Allemagne la prépondérance à l'Autriche, était res- 
tauré : il avait su constamment opposer aux efforts de 
la Prusse, qui n'avait pas su se servir de la coalition 
des peuples, la coalition des gouvernements. La Prusse 
allait-eUe accepter cette défaite ? il y avait chez elle un 
parti belliqueux qui souffrait de tant d'humiliations et 
de déceptions et qui songeait à dénouer par la guerre 
ces difficultés de la diplomatie. Un accident qui se pro- 
duisit dans la Hesse électorale lui parut une excellente 
occasion. 

La Hesse venait de chasser son électeur compromis 
par son ministre exécré Hassenpflug. L'électeur réclama 
l'appui de la diète de Francfort, ses sujets révoltés celui 
de la Prusse. Schvi^arzenberg qui avait dit : « pour dé- 
moUr la Prusse, il faut l'avilir, w prit la balle au bond. 
Le 12 octobre il réunit à Brégenz dans un congrès so- 
lennel l'empereur d'Autriche et les rois de Bavière et de 
Wurtemberg : quelques jours plus tard il ménagea une 
entrevue à Varsovie entre François-Joseph et le Gzar 
Nicolas devant lequel tremblaient tous les potentats de 
l'Allemagne; à Brégenz comme à Varsovie, on adhéra 
d'une façon éclatante à sa politique. Le 1" octobre, les 
troupes austro-bavaroises entrèrent dans la Hesse et oc- 
cupèrent Hanau. Le 6 novembre les troupes prussiennes 
entrèrent à leur tour et occupèrent Gassel. Il y eut même 
du côté de Fulda, à Bronzell, échange de coups de fusil 
entre les avant-postes. Le ministre prussien, M. de Ra- 
dowitz, fit décréter la mobilisation de l'armée et de la 
landwehr : Schwarzenberg, grâce à l'emploi des che- 
mins de fer, réunit sur les frontières de Hesse une ai^ 



244 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

mée de 180,000 -hommes. Le 26 novembre Fenvoyé au- 
trichien, M. de Prokesch, somma la Prusse d'avoir à 
évacuer la Hesse dans les vingt-quatre heures. La Prusse 
céda. M. de Manteuffel remplaça le belliqueux Radowitz 
et courut en hâte à Olmûtz se soumettre aux exigences 
de Schwarzenberg (29 novembre 1850). On signa une 
convention portant que dans la Hesse un corps d'armée 
prussien coopérerait avec un corps d'armée fédéral au 
rétablissement de l'électeur; qu'il y aurait même coopé- 
ration dans le Holstein (affaire qui sera expliquée dans 
un autre chapitre) ; que des conférences libres s'ouvri- 
raient à Dresde pour régler la constitution future de 
l'Allemagne. 

Le mot de Schwarzenberg était réalisé : la Prusse 
était avilie : elle ne désertait pas seulement les causes 
qu'elle avait embrassées avec tant d'ardeur, elle con- 
sentait à les combattre à côté de sa rivale. De plus elle 
abandonnait les derniers débris du mouvement révolu- 
tionnaire de 1848 dont elle n'avait pas su profiter à 
cause de sa haine pour la révolution et elle laissait le 
champ libre à l'Autriche, représentante du conserva- 
tisme et marchant avec la Russie à la tête de cette 
aveugle réaction qui allait emporter l'Europe toute en- 
tière pendant dix ans. La journée d'Olmûtz flétrissait la 
monarchie militaire de Frédéric II : celleKîi rêva de s'en 
venger et dès lors s'y prépara. Schwarzenberg, en écri- 
vant son orgueilleuse et hautaine dépèche du 7 décembre 
où il se vantait d'avoir rétabli l'ordre en Allemagne et 
clos définitivement le mouvement de 1848, ne se doutait 
pas qu'il n'avait fait que préparer l'orage qui creva en 
1866 à Sadowa. 

Il en fut de même à l'intérieur et les dix ans d'abso- 
lutisme à laquelle l'Autriche fut impitoyablement sou- 
mise ne firent que la laisser, pour les désastres de 1859 
et de 1866, afi'aiblie, désorganisée, ruinée, impuissante, 
avec les haines de races plus vivaces que jamais et ses 
nationalités diverses complètement désafTectionnées par 



LA RÉACTION EN AUTRICHE 245 

les déceptions qui suivirent 1849. Quand on lit les écrits 
et les journaux réactionnaires du temps, on y trouve 
les éloges les plus hyperboliques pour la politique de 
Schwàrzenbérg sauveur de TAutriche au-dedans et au- 
dehors. En France la Revue des deux Mondes publiait 
de véritables hymnes d'admiration au « restaurateur de 
Tempire des Habsbourgs, » à lliomme de fer qui avait 
vaincu la démagogie, et Tœuvre de Thomme de fer s'é- 
croula au premier choc ! 

La constitution du 4 mars demeura partout à l'état 
de fiction et les diverses provinces de l'empire, réduites 
uniformément à l'état de « pays de la couronne, » for- 
mèrent de simples divisions administratives gouvernées 
par des bureaucrates allemands. Fidèles comme la Croa- 
tie ou rebelles comme la Hongrie, elles furent également 
dépouillées de leurs privilèges et institutions autonomes, 
et les Croates purent s'écrier avec justesse : « Vous nous 
donnez comme récompense ce que vous donnez comme 
châtiment aux Magyars. » On ne conserva des conquêtes 
de la révolution que les lois qui abolissaient les privi- 
lèges féodaux et qui établissaient l'égalité civile au point 
de vue des propriétés et des personnes. 

La Transylvanie, réunie naguères à la Hongrie avec 
le plein consentement de Ferdinand, fut séparée de la 
sœur-patrie. La Hongrie, réduite à l'état de pays de la 
couronne, fut subdivisée en lieutenances impériales au 
nombre de cinq. Tous les emplois jadis électifs et réser- 
vés aux nationaux furent donnés à des Allemands venus 
des provinces héréditaires : la langue allemande rem- 
plaça la langue magyare dans l'administration, dans les 
tribunaux, dans les écoles. De plus une véritable inqui- 
sition de police appuyée de nombreux bataillons de gen- 
darmerie terrorisa le pays : au moindre soupçon d'in- 
telligence avec les exilés, on était arrêté, traduit devant 
les commissions militaires et condamné à la mort ou au 
carcere duro. Erlau vit ainsi, le 21 juillet 1851, quarante 
de ses habitants arrêtés sous l'accusation d'être demeu- 

14. 



246 HISTOIRE DS L'AUTRICHE 

rés partisans de Kossuth. Le 25 septembre de cette 
même année, des greffiers lurent sur les places publi- 
ques de Pesth (lecture qui dura trois beures) Parrèt 
condamnant Kossuth et ses compagnons à la peine de 
mort. 

Les Serbes reçurent cependant un commencement de 
satisfaction, car Scbwarzenberg craignait de froisser la 
Russie en manquant à toutes les promesses qu*on leur 
avait faites. Une patente impériale du 18 octobre 1849 
érigea en Voiévodine de Serbie et BancU de la TemeSy la 
Backa et le Banat (comitats de Bacs Bodrog, de Toron- 
tal, de la Temes et de Krasso) et les districts de Ruma 
et dllok en Sirmie (partie de la Slavonie). Le nouveau 
territoire était divisé en trois grands cercles adminis- 
tratifs répondant aux trois principales nations qui l'ha- 
bitent. Mais Tempereur se réservait le titre de grand 
voiévode et il nomma le général Mayerhofer vice-voié- 
vode. Ces concessions de 1849 étaient aussi illusoires 
pour les Serbes que celles de 1791. Ils furent d'ailleurs 
désarmés et virent leur administration nationale dis- 
soute, leurs journaux interdits, les membres de leur 
ancien comité supérieur expulsés, leur drapeau sup- 
primé. Au mois de juillet 1851, Mayerhofer donna sa 
démission et le gouvernement civil et militaire du terri- 
toire fut remis au comte Goronini-Gromberg qui ger- 
manisa à outrance. Les Serbes furent dans leur propre 
pays exclus de tous les emplois. Remarquons de plus 
que le territoire de la Voïevodine avait été découpé de 
façon à ce que les Serbes y fussent en minorité vis-à-vis 
des Allemands, des Roumains et des Magyars, et que 
leurs frères des confins et de la Groatie restassent en 
dehors. 

Les confins, qui avaient espéré, après tant de services 
rendus à l'empire, rentrer sous le régime civil, furent 
replacés sous le régime militaire comme devant. Une 
loi du 7 mai 1850 rendit seulement le confînaire pro- 
priétaire dans une certaine mesure du sol qu'il occupait 



LA RÉACTION EN ITALIE ET EN GALLICIE 247 

et dont il n'avait été jusque-là qu'usager et introduisit 
quelques réformes dans l'organisation municipale. 

La Croatie et la Slavonie avec le littoral hongrois foi^ 
mèrent une province à part, entièrement détachée de 
la Hongrie et où la centralisation et la germanisation 
s'exercèrent de concert. 

La Lombardo-Vénétie fut soumise à un joug de fer 
sous le gouvernement général du vieux Radetzky. Son 
histoire pendant ces années maudites est celle des con- 
seils de guerre, prononçant sentences sur sentences con- 
tre ceux qui osaient protester. Une proclamation de 
Radetzky du 22 juillet 1851 aggravait encore l'état de 
siège. Les prisons se remplissaient et le 4 novembre on 
fusillait à Milan le prêtre don Giovani Grioli, coupable 
de publications nationales. Il faut lire dans les journaux 
du temps toute cette monotone et navrante série d'ar- 
rêts frappant les patriotes. Ce système de terreur ré- 
gnait du reste d'un bout à l'autre de la monarchie. Au 
moindra soupçon, les hommes les plus illustres étaient 
jetés dans les cachots, témoin le comte Adam Potocky, 
arrêté le 27 septembre 18S1 à Cracovie, à l'immense 
consternation de ses concitoyens. Le 22 août de la même 
année un décret avait dissous toutes les gardes natio- 
nales de l'empire. L'état de siège redoublait de rigueur 
à Prague. La réaction n'ayant pas encore assez de vic- 
times dans les limites de l'empire, s'efforçait d'en trou- 
ver à l'étranger parmi les réfugiés : elle menaçait la 
Turquie et la Suisse coupables d'exercer trop large- 
ment le droit d'asile, et le premier soin des chefs autri- 
chiens en occupant les pays voisins était d'y saisir les 
sujets de leur empereur, témoin le Hongrois Michel 
Perringer arrêté dans le Schleswig et le Galhcien Patacki 
arrêté à Hambourg et pendus tous deux à Vienne le 
5 février 1852. Le clergé catholique reprenait sa supré- 
matie tracassière et persécutrice : la guerre à la pensée 
redoublait de rigueur. Un ministre de François-Joseph 
eut même un instant l'idée d'exiger les catalogues de 



248 HISTOIRE DE L*ÂUTRICHE 

toutes les bibliothèques privées pour en bannir a les 
mauvais livres ». L*ex-libéral Bach s'associait à toutes ces 
mesures. 

La situation financière était déplorable. L'Autriche 
n*avait fait face aux événements de 1848-1849 que 
grâce au concours de la banque de Tienne, vis à vis de 
laquelle sa dette se monta à la fin de 1850 à la somme 
énorme de 231 millions de florins et resta encore 
de 1851 à 1853 à un chiffre variant de 144 à 125 mil- 
lions de florins, pour remonter pendant la ^erre de 
Grimée (1854-1856) à 326 et 371 millions. De plus eUe 
ne cessait de faire appel au crédit par des emprunts 
multipliés et dans toutes les formes imaginables, tantôt 
donnant la concession de l'emprunt à qpielque grande 
maison de banque, tantôt s'adressant au public par Yoie 
de souscription nationale, ici promettant des intérêts en 
monnaie fiduciaire, là s'engageant à payer les intérêts 
en espèces métalliques, etc., etc. Le ââ septembre 1849, 
elle emprunta en monnaie fiduciaire 74,550,000 florins 
monnaie de Vienne (le florin de 60 kreutzers) et en 
argent 33,600,000 florins f en mai 1851, 70,350,000 flo- 
rins monnaie fiduciaire et 18,900,000 en argent ; en 
septembre 1852, 84,000,000 florins monnaie fiduciaire, 
et à Londres et à Paris 36,750,000 florins en argent ; 
en 1854, 36,750,000 argent à Francfort et à Amster- 
dam, 52,500,000 en emprunt-loterie monnaie fiduciaire, 
525,000,000 emprunt national i. De plus les charges 
résultant de la fameuse expiation de 1818, dont j'ai 
exposé le mécanisme, grevaient annuellement le trésor 
d*une somme considérable. Enfin nous avons à ajouter 
la dette contractée en 1848 pour la libération du sol. La 
loi du 7 septembre 1848 avait aboli les droits féodaux, 
les uns à titre gratuit, les autres à titre onéreux. On 
capitalisa la somme représentant la rente et le bénéfice 

1. Voir l'excellent livre du comte de Mûlinen : Les finances de 
l'Autriche; Paris, Guillaumin, 1875. 



ABOLITION DE LA CONSTITUTION DU 4 MARS 249 

de ces charges et servitudes : on en retrancha le tiers 
comme équivalant aux charges que les ayants droit 
avaient jadis à supporter et les deux tiers restants 
formèrent le chiffre revenant aux anciens seigneurs, 
comme rachat et comme indemnité équitable. Les pay- 
sans, anciens vassaux, eurent à payer les deux tiers du 
rachat et un tiers de Tindemnité, paiement qui se fit au 
moyen d'une addition au principal des impôts fonciers. 
Les provinces et l'État eurent à payer le surplus, ce 
qu'on fit au moyen de fonds spéciaux et par le méca- 
nisme de caisses provinciales. Cette dette pour la libé- 
ration du sol se montait encore en 1859 à 279,172,456 
florins monnaie d'Autriche (le florin de 100 kreutzers). 
Un article de la Gazette de Vienne (journal officiel) 
du 26 août 1851 faisait prévoir l'abolition de la consti- 
tution du 4 mars, ce qui était plus franc puisque cette 
constitution était abolie en fait. Cet article disait : « Il 
faut ramener au trône la solution définitive de la que^ 
tion de constitution, la remettre entre les augustes 
mains de Sa Majesté... Il faut que tout repose sur le 
maintien de la puissance pleine et entière de l'empe- 
reur... L'Autriche a été sauvée de la révolution par l'at- 
tachement du peuple au principe monarchiqtte. » Les 
augustes mains de Sa Majesté signèrent en, eflet le 
!•' janvier 1852 des lettres-patentes abolissant la consti- 
tution du 4 mars et les droits fondamentaux, réduisant 
toutes les provinces de la monarchie en états de la cou- 
ronne divisés en bailliages et en cercles dont les auto- 
rités étaient assistées de commissions consultatives 
composées de membres de la noblesse héréditaire, de 
propriétaires et de grands industriels, rendant plus 
facile l'établissement des majorats et des fidéicommis, 
supprimant le jury, etc. Bien entendu, il n'était pas 
question de parlement : les diètes provinciales suffi- 
saient sous le contrôle du conseil de l'empire dont les 
membres étaient nommés par l'empereur. Ce régime 
4evait durer jusqu'en 1861 , 



250 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

Il fallait aussi restaurer dans toute Tampleur de sa 
domination la théocratie. On ouvrit avec la cour de 
Rome de longues négociations conduites pour rAntriche 
par l'archevêque de Vienne Rauscher et pour Rome 
par le cardinal Vîale-Prela. Elles aboutirent au Con- 
cordat du 18 août 1855 qui livrait absolument l'Autri- 
che à la suprématie du sacerdoce. Il maintenait le ca- 
tholicisme comme culte privilégié, excluait la liberté 
religieuse, autorisait la publication de toutes les pièces 
émanées de la cour de Rome sans leplacet, c'est-à-dire 
sans l'autorisation du pouvoir civil, plaçait l'enseigne- 
ment tant public que privé sous la direction de l'église 
dont les dignitaires contrôlaient souverainement l'or- 
thodoxie des leçons et des livres et faisait de l'état l'exé- 
cuteur des décisions de VIndex vis à vis de tous les 
écrits. Il remettait le jugement de toutes les causes ecclé- 
siastiques aux prêtres, qui pouvaient prononcer contre 
les clercs Temprisonnement (et sur ce, les In Pace furent 
rétablis à Prague), et soustrayait les évéques pour les 
crimes et délits ordinaires au juge civil. Il consacrait le 
droit d'asile des églises comme en plein moyen-âge, 
mettait les mariages mixtes dans les mains des curés, 
rendait à l'église le plein droit d'acquérir et de trans- 
mettre, maintenait les dîmes non abolies et se terminait 
par un article général qui achevait de livrer toute la 
vie intellectuelle et morale des peuples autrichiens à 
Tabsolutisme épiscopal. Telle fut Tincroyable charte de 
tyrannie cléricale que souscrivit l'empereur François- 
Joseph et dont n'auraient pas voulu les plus pieux sou- 
verains du xii« siècle. Il faut lire la brochure d'un offi- 
cier saxon en garnison près de Vienne après Sadowa, 
intitulée : F Autriche sous le concordat, pour se rendre 
compte de ce que cette charte avait fait de l'Au- 
triche ; ignorance, torpeur intellectuelle, pèlerinages, 
fétichisme grossier, arrogance du clergé persécuteur, 
multiplication des couvents, marasme de l'enseigne- 
ment, de la science et de l'art, c'est complet. Une seule 



hétâblissëmënt de Là vieille confédération 25d 

petite nation de TAmérique latine, TEquateur, avait ac- 
cepté en 1853 un concordat semblable. Les deux abso- 
lutismes marchaient dans un touchant accord. La fa- 
meuse égalité des races promise dans les proclamations 
de 1849 était l'égalité sous le joug, 30us Tobscuran- 
tisme, sous le pied du prêtre, sous le sabre du soldat et 
souvent sous la main du bourreau. 

Après la convention d'Olmiitz, le rétablissement de 
la vieille confédération, du Bund et de la vieille diète 
de Francfort était sorti des laborieuses conférences de 
Dresde. Gomme avant 1848, la gothique assemblée sié- 
geait à Francfort, avec ses deux espèces de réunions : 
le Plénum et VEngere-Rath ou conseil restreint. L'Au- 
triche y dominait, cherchant à réaliser l'idée qu'elle 
avait émise à Dresde d'entrer avec toutes ses provincers 
italiennes et slaves dans la confédération germanique, 
idée que ne combattait pas seulement la Prusse, mais 
qui soulevait en 1851 les énergiques protestations de la 
France et de l'Angleterre. La Prusse faisait même dé- 
clarer en octobre 1851 par son envoyé qu'elle renon- 
çait à l'incorporation de ses provinces polonaises (Posen 
et Prusse orientale) pour forcer l'Autriche à en faire au- 
tant. La diète, frappée de stérilité par la lutte sourde, 
mais perpétuelle des deux grands états, se consumait 
en débats impuissants et fastidieux autour de l'idée 
unitaire, échouant dans toutes les mesures qui auraient 
pu être le symbole de cette unité, telles que l'établisse- 
ment d'une loi générale sur la presse et d'une police 
fédérale, mais se ruant aux mesures réactionnaires, 
telles que la suppression des droits fondamentaux du 
peuple allemand décrétés par le parlement de 1848 
(août 1851) et la révision dans le sens conservateur des 
constitutions des états particuliers. Elle ne réussissait 
guère que dans l'organisation d'une armée fédérale 
qu'elle concentrait dans les provinces rhénanes, bien 
qu'aecueillant avec sympathie le coup d'état napoléo- 
nien du 2 décembre dont on pouvait, dès le 4 décembre» 



252 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

lire reloge dans la Gazette de Vienne. Lldée unitaire 
paraissait de plus en plus compromise : « L'unité alle- 
mande, disait ironiquement une brochure autrichienne, 
c'est la quadrature du cercle : quand on croit la saisir, 
c'est alors qu'on la reconnaît impossible. Elle ressem- 
ble à nos cathédrales : il n'y en a pas une de finie. » 

Schwarzenberg mourut le 5 avril 1852. Le comte de 
Buol-Schauenstein lui succéda comme mmistre des bP 
faires étrangères. Mais l'empereur supprima la prési- 
dence du conseil des ministres qu'espérait Alexandre 
Bach, simple ministre de l'intérieur, et annonça qu'il 
continuerait par lui-même la politique absolutiste, cen- 
tralisatrice et germanique de Schwarzenberg. Gelui-ci 
avait échoué dans la tâche de faire entrer l'Autriche 
avec toutes ses provinces dans la confédération. Il 
échoua aussi dans une autre tâche, qui était une des 
faces de la même question, celle de faire entrer l'Au- 
triche dans le Zollverein ou union douanière formée en 
1834 et qui devait être renouvelée en 1854. Mais là, la 
Prusse opposa une résistance invincible dans les détails 
de laquelle il serait fastidieux d'entrer. Schwarzenberg 
avait parfaitement compris que si la forme politique de 
la confédération était la Diète, sa forme commerciale 
était le Zollverein et que, pour mener l'Allemagne, il 
fallait être et dans l'une et dans l'autre. Mais la Prusse, 
qui avait la même intelligence de la situation, défendait 
la position commerciale, puisqu'elle avait été débusquée 
de l'autre à 01m (itz, et ne consentait qu'à une simple 
alliance entre le Zollverein d'une part et l'Autriche de 
l'autre, nullement à une incorporation. 

La politique de Schwarzenberg fut en effet partout 
continuée. L'Autriche appesantit son joug sur l'Italie, 
cherchant de plus à lier les destinées de ce pays aux 
siennes par des traités de douanes avec les souverains 
courbés sous son influence et en nouant les chemins de 
fer de la péninsule aux siens. De leur capitale, Vérone, 
ses généraux et ses policiers multipliaient les exécutions 



PRÉLIMINAIRES DE LA GUERRE D'ORIENT 253 

et les procès, soutenaient la cour de Rome contre l'in- 
fluence française, suscitaient embarras sur embarras 
aux cabinets piémontais, ensanglantaient les Romagnes 
par les supplices et provoquaient le 6 février 1853, à 
Milan, une insurrection terriblement réprimée et à la 
suite de laquelle le séquestre fut mis sur tous les biens 
des émigrés lombardo-vénitiens. En Hongrie, même ré- 
gime : exécutions et germanisation. François-Joseph 
faisait de fréquents voyages dans ses états, au milieu 
des transports officiels, acclamé par les nobles italiens 
ou par les magnats magyars qui étalaient, comme Paul 
Esterhazy, des pierreries légendaires dans les réceptions 
de Pesth. Le 24 avril 1854, le jeune souverain épousa 
Elisabeth-Amélie-Eugénie, fille de Maximilien-Joseph, 
duc en Bavière ; il avait 24 ans et la nouvelle impéra- 
trice 17. 

Ce fut dans ces circonstances qu'éclata la guerre 
d'Orient entre la Russie d'une part, la France, l'Angle- 
terre, le Piémont et la Turquie de l'autre. La question 
des lieux saints à Jérusalem n'était pour la Russie qu un 
prétexte à essayer de recueillir la succession de l'homme 
malade. Elle comptait sur la coopération de l'Autriche 
qu'elle avait sauvée en 1849 et qui venait elle-même 
d'interdire à l'armée turque, conduite par OmeivPacha, 
d'attaquer les Monténégrins. Nicolas avait une vive 
affection pour le jeune François-Joseph et voyait pres- 
que en lui un pupille et un élève. Récemment encore, 
aux grandes manœuvres d'Olmûtz, il avait voulu défiler 
à la tête du régiment de lanciers autrichiens dont il 
était propriétaire devant son Habsbourg bien-aimé et 
l'avait ensuite serré dans ses bras en pleurant. Il vivait 
en camarade avec les généraux autrichiens. Comment 
penser que François-Joseph prendrait parti contre lui 
pour cette Angleterre qui avait si enthousiastement reçu 
le rebelle Kossuth et pour cette France conduite par un 
descendant de Napoléon I®»"? aussi n'hésita-t-il pas à 
donner au prince Mentzchikoff cette célèbre mission de 

ASSELINE. 15 



254 HISTOIRE DE L^ÂUTRIGHK 

mai 1853 par laquelle il revendiquait le protectorat de 
tous les catholiques grecs de tout Tempire ottoman, ce 
qui était demander à la Turquie Tabdication pure et 
simple de sa souveraineté. 

Schwarzenberg , grand faiseur de mots, avait dit 
après l'intervention russe, qu'un jour TAutriche étonne- 
rait le monde par son ingratitude. Ce jour était venu. 
L'Autriche (l'explication de cette nécessité ressort de 
toute l'histoire que nous avons écrite) est forcée de 
maintenir le statu quo sur le Danube et conséquem- 
ment l'intégrité de l'empire turc à cause de ses pro- 
vinces slaves. L'ordre à Belgrade, à Mostar, en Bulgarie, 
c'est pour elle l'ordre à Agram, à Karlovics, à Pra- 
gue, etc. Son rôle est de résister à l'attraction du Sla- 
visme. Aussi se contenta-t-elle d'abord de proposer une 
conférence en vertu du traité de 1841 qui plaçait l'exis- 
tence de la Turquie sous la garantie des cinq puissan- 
ces, et d'envdyer une note que la Turquie refusa d'ac- 
cepter comme exorbitante et que la Russie interpréta 
dans le sens le plus abusif. François-Joseph écrivit au 
Czar. Celui-ci répondit par la publication d'un manifeste 
aux chrétiens grecs qui respirait le plus pur panslavisme 
et envoya le comte Orloff à Vienne pour demander la 
neutralité de l'Autriche vis à vis de l'Angleterre et de la 
France (29 janvier 1854). M. de Buol exigea que la Rus- 
sie s'engageât au moins, en retour, à respecter l'intégrité 
de l'empire ottoman et à abandonner les provinces da- 
nubiennes : Orloff refusa. M. de Buol tint bon et le diplo- 
mate russe quitta Vienne en disant amèrement : « Puis- 
que vous nous rendez la guerre impossible, autant vaut 
nous la déclarer. » Le Czar se montra furieux de cet 
échec et l'Autriche concentra un corps de troupes sur Je 
Danube ; elle signa avec la Prusse le 20 avril une con- 
vention par laquelle elles se garantissaient mutuelle- 
ment leurs possessions allemandes ou non allemandes. 
Tous les petits états de la confédération adhérèrent à 
cette convention, sauf le Mecklembourg. 



NOTE DU 8 AOUT; MORT DE NICOLAS 255 

Après la destruction de la flotte turque à Sinope, 
l'Autriche envoya à la Russie une nouvelle note où elle 
demandait que le protectorat exercé jusqu'à présent 
par la Russie sur la Moldo-Yalachie et sur la Serbie fût 
remplacé par celui des cinq puissances, — ; que la navi- 
gation du Danube à ses embouchures fût délivrée de 
toute entrave, — que le traité du 13 juillet 1841 fût 
révisé de concert par les hautes parties contractantes, — 
que la Russie cessât de revendiquer le droit d'exercer un 
protectorat officiel sur les sujets de la Sublime Porte, à 
quelque rite qu'ils appartinssent (8 août 1854) : la 
Prusse et la Diète approuvèrent. La Russie refusa. L'An- 
gleterre et la France communiquèrent alors le plan de 
l'expédition de Crimée à l'Autriche qui y applaudit vi- 
vement, heureuse de voir la guerre s'éloigner de ses 
frontières. Le 2 décembre, après la bataille d'Inkermann 
qui avait eu lieu le 3 novembre 1854, l'Autriche signa 
avec la France et l'Angleterre un traité par lequel elle 
s'engageait à défendre les Principautés Danubiennes 
contre les Russes et à n'accueillir aucune proposition ni 
ouverture tendant à là cessation des hostilités sans s'en- 
tendre avec les alliés. Le 3 mars 1855, la cour d'Autriche 
apprenait la mort du Czar Nicolas, de cet arbitre de l'Al- 
lemagne qui s'était posé en champion de l'absolutisme 
monarchique et religieux contre la Révolution. A coup 
sûr, François-Joseph pleura cet imposant allié à l'aide 
duquel il avait vaincu en Hongrie, pendu à Arad et 
abaissé la Prusse à Olmûtz. Le successeur de Nicolas, 
Alexandre II, consentit à ce que de nouvelles conférences 
s'ouvrissent à Vienne, sur la base des quatre garanties de 
la note précitée du 8 août 1854. La France demanda 
que la Mer Noire fût neutralisée ou qu'on limitât les 
forces navales que la Russie pourrait entretenir dans 
cette mer. L'Autriche demanda que les puissances alliées 
pussent avoir autant de forces que la Russie dans la 
Mer Noire, mais elle refusa de donner à cette proposi- 
tion, malgré les instances de lord John Russell et de 



256 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

M. Drouyn de Lhuis, le caractère d'un ultimatum. La 
Russie refusa; TAutriche fit une autre proposition, 
qu'accepta alors la Russie, mais que repoussèrent les 
alliés. La conférence se sépara et les puissances occi- 
dentales furent définitivement convaincues querAutriche 
ne voulait pas tirer Tépée; elle ménageait tout et tous. 
On sait que les alliés s'emparèrent le 8 septembre 1855 
de Sébastopol, ou du moins de sa moitié. FrançoisnJoseph 
n'en complimenta Napoléon III que le 8 octobre. Mais 
l'Autriche avait intérêt à ce qu'on Ûi la paix le plus vite 
possible, à cause des sympathies russes qu'étalaient la 
Prusse et les petits états allemands. Elle s'inquiétait 
aussi de voir dans les armées alliées ce corps piémon- 
tais dont le ministre de Victor-Emmanuel, M. de Cavour, 
avfidt si habilement fait décider l'envoi et qui s'était si 
fort distingué à la journée de Traktir. Elle estimait que 
la prise de Kars par les Russes sauvegardait un peu 
l'amour-propre du Czar. Le 27 décembre, elle fit re- 
mettre à Saint-Pétersbourg par le comte Valentin Bs- 
terhazy un ultimatum qui reproduisait les quatre garan- 
ties du 8 août en les aggravant, car il ajoutait la cession 
d'une partie de la Bessarabie et il excluait de la Mer 
Noire toute marine militaire et tout arsenal maritime. 
La Russie envoya le 9 janvier 1856 des contre-proposi- 
tions à Vienne. Tout en consentant à les discuter, TAu- 
triche rappela son ambassadeur de Saint-Pétersbourg:. 
Allait-elle faire la guerre ? la Prusse effrayée conseilla 
au Czar de céder et celui-ci, le 16 janvier au soir, fit 
connaître soudainement qu'il acceptait la paix: il fut 
décidé que les conditions en seraient réglées dans un 
congrès tenu à Paris, où il s'ouvrit en effet, le 21 fé- 
vrier 1856, sous la présidence du ministre français Wa- 
lewski. La Prusse n'y fut appelée que le 17 mars, tandis 
que la petite Sardaigne y figurait dès l'origine. Malgré les 
objections énergiques de l'Autriche , la paix fut signée 
le 30 mars et ratifiée le 25 avi'il : elle neutralisait la 
Mer Noire, affranchissait le Danube, forçait la Russie 



GAVOUR AU CONGRES DE PARIS 257 

à. renoncer au protectorat exclusif des sujets grecs 
orthodoxes de la Porte et stipulait que tout débat de 
l*iine des puissances signataires avec la Turquie serait 
soumis à l'arbitrage des autres puissances. 

A la séance du congrès du 8 avril, M. Walewski attira 
tout à coup Tattention du congrès sur la situation des 
Ktats de l*Ëglise, du royaume de Naples et sur les dan- 
gers de Toccupation d'une grande partie de lltalie par 
)es armées autrichiennes. Les plénipotentiaires de TAu- 
triche, MM. de Buol et de Hubner, déclarèrent qu'ils 
n'avaient pas à répondre sur ces objets étrangers au 
congrès. M. de Gavour demanda la parole et fit un ta- 
bleau très-saisissant de l'occupation des États Romains 
par l'Autriche, occupation durant depuis sept ans. « La 
présence des troupes autrichiennes dans les Légations et 
dans le duché de Parme, ajouta-t-il, détruit l'équilibre 
politique en Italie et constitue pour la Sardaigne un 
véritjbible danger. Notre devoir est de signaler à liSurope 
un état de choses aussi anormal que celui qui résulte 
de l'occupation indéfinie d'une grande partie de l'Italie 
par l'Autriche. » M. de Hubner répliqua vivement. Le 
plénipotentiaire russe, comte Orloff, ne pouvait que se 
réjouir de voir l'ingrate Autriche mise à son tour sur la 
sellette. Ce n'était qu'un échange d'idées, mais la ques- 
tion italienne était posée et Gavour pouvait écrire à un 
de ses amis : « dans trois ans nous aurons la guerre, la 
bonne. » 

Passons rapidement sur les années 1857 et 1858 qui 
virent s'organiser les principautés Danubiennes dans une 
union administrative, signer la convention pour la libre 
navigation du Danube et mourir le vieux Radetzki rem- 
placé par l'archiduc Maximilien (5 janvier 1858). Ces 
deux années furent à proprement parler une prépara- 
tion à la guerre d'Italie, une lutte diplomatique avec ]e 
Piémont, précédant la lutte à main armée. L'Europe la 
pressentait. Après la guerre de Grimée, la France s'était 
sensiblement rapprochée de la Russie qui entraînait 



aS8 HISTOIRB DE L'AUTRICHE 

eUe-mème la Prusse dans son orbite et, à toutes les 
conférences de ces deux années, on vit constamment la 
Russie, la France et la Prusse voter contre rAutriche et 
l*Angleterre. L*entrevue de Stuttgard en 1857, entre 
Napoléon III et Alexandre II, accentua encore cette 
situation. Gavour marchait à son but avec une persévé- 
rance inouïe, préparant flottes, armées, finances, al- 
liances, lançant contre TAutriche le recueil des lettres 
de Joseph de Maistre où Tempire des Habsbourgs est 
traité d'ennemi du genre humain, faisant tout pour se 
concilier la France, même de faire voter, après l'at- 
tentat d*Orsini, une honteuse loi contre les réfugiés. En 
juillet 1858, il eut à Plombières avec Napoléon III cette 
fameuse entrevue où la guerre fut décidée et le i^ jan- 
vier 1859, à une réception du jour de Tan, TEmpereur 
disait à M. de Hubner, ambassadeur d'Autriche : « Je re- 
grette que nos relations avec votre gouvernement ne soient 
pas aussi bonnes que par le passé. Je vous prie de dire à 
l'Bmpereurque mes sentiments personnels pourlui ne sont 
pas changés. » Le 13 janvier, le prince Napoléon-Jérôme 
partait pour Turin où il allait épouser la fille de Victor- 
Emmanuel, la princesse Glotilde, pauvre jeune fille sa- 
crifiée à la patrie. La Russie entendait livrer l'Autriche 
à son sort. L'Angleterre envoya à Vienne lord Gowley 
pour essayer de prévenir la rupture enitre l'Autriche et 
le Piémont par des concessions de la première. M. de 
Buol demanda si ces concessions lui garantircdent ses 
possessions en Italie. M. de Gavour, pressenti par lord 
Gowley, répondit que les dangers de guerre ne pou- 
vaient être évités que par la création d'un gouverne- 
ment national séparé pour la Lombardo-Vénétie, la ces- 
sation de l'occupation des Romagnes, et l'établissement 
d'institutions constitutionnelles à Parme , Modène et 
Florence. La Russie alots proposa un congrès accepté le 
22 mars par l'Autriche, à la condition qu'il y aurait 
désarmement préalable de la part du Piémont. Napo- 
léon III eut ou fit semblant d'avoir des velléités de paix 



GUERRE D'ITALIE : MONTEBBLLO 2S9 

qui trompèrent absolument M. de Hubner et qui amené* 
rentCavour à Paris. M. de Buol, trompé par M. de Hubner, 
prit le ton le plus arrogant vis à vis du Piémont et 
enfin lui adressa le 19 avril un ultimatum hautain exi- 
geant le désarmement dans les trois jours. Alors Napo- 
léon III, dont le journal officiel venait encore de publier 
une note pacifique, jeta le masque et le 3 mai M. Wa- 
lewski annonça officiellement la déclaration de guerre 
au Corps législatif. 

L'Italie était en feu. Léopold II, grand-duc de Tos- 
cane, ne pouvait empêcher la jeunesse de partir en foule 
pour le Piémont. Son fils, Tarchiduc Charles, convoquait 
vainement le 27 avril ses officiers d'artillerie au fort du 
Belvédère pour leur communiquer un plan de bombar- 
dement de Florence : les officiers déclaraient qu'il fal- 
lait que leur souverain déclarât la guerre au Piémont ou 
partit, ce qu'il fit quelques jours après. La duchesse de 
Parme avait livré son duché à l'Autriche ; François V de 
Modène, fier de son grade de lieutenant général autri- 
chien, fusillait et emprisonnait ses heureux sujets après 
les avoir au préalable fait bâtonner : il se sauva avec 
ses trésors et en emmenant ses prisonniers politiques 
qu'il déposa, homme de précaution et tyran avisé, 
dans les cachots empruntés de l'Autriche. 

A l'expiration du troisième jour de l'ultimatum , 
Giulay, général en chef des Autrichiens, reçut l'ordre 
d'envahir le Piémont : il ne le fit que le 29 mars. Il aurait 
pu prendre Turin ou Alexandrie : il montra une lenteur 
et des incertitudes étonnantes et dcmna à l'armée fran- 
çaise le temps d'arriver en Italie et de se concentrer à 
Alexandrie. Le 20 mai le premier combat de la cam^- 
pagne se livra à Montebello et fut suivi d'une inaction 
de 23 jours. Mais pendant ces vingt-trois jours, Gari- 
baldi, à la tète des volontaires , fit cette admirable 
marche sur Yarese, puis sur Côme dont il s'empara à la 
fin de mai, menaçant ainsi le flanc droit de Giulay. 

Les armées franco-sardes se mirent enfin en marche 



200 HISTOIRE DE L^AUtRIGHE 

à la fin de mai. Le 30 et le 31, elles gagnèrent les bril- 
lantes batailles de Palestro et le 3 juin celle de Turbigo; 
le 4 juin eut lieu la bataille de Magenta. On sait que les 
Autrichiens faillirent la gagner et faire prisonnier Napo- 
léon III et une partie de sa garde, et que ce fut Mac- 
Mahon qui sauva Tarmée et rétablit la bataille en mar- 
chant au bruit du canon. La lutte avait été improvisée : 
les pertes des deux côtés étaient considérables. Giulay 
avait commis de grosses fautes et Milan était ouvert 
aux alliés, Mac-Mahon y entra le 7 juin. L'armée autri- 
chienne, tout en livrant le sanglant combat de Mêle- 
gnano (Marignan) abandonna les lignes du Tessin et de 
TÂdda pour se concentrer derrière le Mincio. Le 16 juin 
Tempereur François-Joseph prit le commandement de 
son armée réunie dans le quadrilatère. L*armée fran- 
çaise marcha en avant, à tâtons, et se trouva inopiné- 
ment le 23 juin en face de 160,000 Autrichiens soutenus 
par 650 pièces de canon. Les alliés avaient 151,000 hom- 
mes. La bataille eut lieu le 24 : elle porte dans Thistoire 
le nom de Solferino. On Ta qualifiée de bataille de sol- 
dats ; rimprévu en effet y régna plus que la stratégie 
raisonnée, comme le témoignèrent plus tard les que- 
relles qui s'élevèrent entre les généraux français sur les 
péripéties de la lutte. 

. On pensait que ce n'était que le commencement de la 
campagne. Napoléon III, auquel le sénateur Piétri avait 
présenté JCossuth et qui faisait grand accueil aux officiers 
magyars, parlait de faire appel à la Hongrie et de jeter 
un corps de débarquement en Dalmatie. On croyait 
TAutriche à deux doigts de sa perte, quand tout à coup 
on apprit que l'Empereur des Français proposait à 
l'empereur d'Autriche un armistice (6 juillet) et une 
entrevue. Cette entrevue eut lieu le 11 juillet à Villa- 
franca et on signa les préUminaires de paix que consa- 
cra plus tard le traité de Zurich : les deux monarques 
s'engageaient à favoriser la création d'une confédéra- 
tion italienne sous la présidence du pape. L'Empereur 



VILLAFRANCA — TRAITÉ DE ZURICH 261 

d'Autriche cédait à l'Empereur des Français ses droits 
sur la Lombardie, à Texception des forteresses de Man- 
loue et de Peschiera; TEmpereur des Français devait 
remettre les territoires cédés au roi de Sardaigne. La 
Vénétie resterait sous le sceptre de l'Empereur d'Au- 
triche tout en faisant partie de la confédération ita- 
lienne. Les grands-ducs de Toscane et de Modène ren- 
treraient dans leurs états en donnant une amnistie 
générale. Lltalie cria à la trahison et Gavour désespéré 
fit une scène terrible à Victor-Emmanuel à la Casa Mel- 
chiori. Le 12 juillet Napoléon III repartit pour la France 
et traversa Milan et Turin au milieu d'un silence gla- 
cial. A son arrivée aux Tuileries, il expliqua aux grands 
corps de l'État les causes de cette paix si brusque : 
l'Europe avait pris une attitude menaçante : il aurait 
fallu faire la guerre sur le Rhin comme sur l'Adige, <( ou 
partout franchement se fortifier du concours de la Révo- 
lution. » 



i&. 



LIVRE IV 



DE LA GUERRE d'iTALIE A NOS JOURS. — (TENTATIVES CONSTITU- 
TIONNELLES. — GUERRE CONTRE LA PRUSSE. — LE DUALISME 
AUSTRO-HONGROIS^ 1859-1877.) 



CHAPITRE ï« 



Hésitations constitutionnelles. — Conseil de Tempire. — Consti- 
tution du 20 octobre 1860. — Constitution du 26 février 1861. 
— Déak. — Diète hongroise de 1861 et son adresse. — - M. de 
Schmerling. — Tchèques, — M. de Reichberg. — Affaires d'Al- 
lemagne. -T- Congrès de Francfort. — Affaires du Slesvig-Hols- 
tein. — Paix de Vienne. — Affaires de Pologne. 



La défaite de l'Autriehe en Italie était le digne cou- 
ronnement de cette politique d'absolutisme à outrance 
commencée par Schwarzenberg et continuée par Bach. 
La conservation de la Vénétie n'était pas un avantage : 
elle allait maintenir forcément à Tétat aigu Tantagonisme 
entre l'Autriche et le nouveau royaume d'Italie. La 
Prusse, dont l'attitude avait été si hésitante pendant la 
guerre et qui avait si mollement poussé ses préparatifs 
militaires, était heureuse de l'abaissement de sa rivale 
et pensait que le moment était venu de se venger 



964 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

des humiliations d*01mûtz — dont la plaie saignait 
comme au premier jour — en reprenant Thégémonie 
en Allemagne. La Hongrie, soumise depuis dix ans à 
un si rude régime, avait cependant réparé ses forces et 
si elle n*avait pas bougé grâce aux conseils de Déak « le 
sage de la patrie », elle redevenait agitée et frémissante 
et se préparait à revendiquer sa constitution de 1848. 
Les autres nationalités étaient mécontentes. Les finances 
se trouvaient dans le plus déplorable état; la dette de 
l'État s'élevait en capital à 2,331 millions de florins 
(5,590 millions de francs), comportant un intérêt an- 
nuel de 113 millions de florins : le déficit de Tannée 1859 
avait été de 306 millions de florins ; il fallait essayer un 
emprunt de 200 millions de florins par voie de souscrip- 
tion publique et qui échoua en grande partie.La prépon- 
dérance cléricale fondée sur le concordat de 1855 révol- 
tait tous les libres esprits. Il devenait évident pour tous 
que la monarchie des Habsbourg était arrivée à un de 
ces moments où il faut se renouveler ou mourir. 

Et cependant l'empereur ne parut pas tout d'abord 
le comprendre. Si le 21 août 1859, il congédia le 
funeste Bach pour lie remplacer par M. de Hûbner, il 
abandonna ce ministre au bout de deux mois. Le mot 
seul de constitution paraissait lui répugner autant qu*à 
son aïeul François. En octobre 1859, il appela au minis> 
tère de la police, à la place de M. de Hûbner, le baron 
Thierry, tout imbu des haines et des rancunes de l'ad- 
ministration antérieure et qui semblait un Bach res- 
suscité, ramenant ce qu'on avait si justement appelé. 
« le système de fer ». Dans les premiers mois de 1860, 
ce baron Thierry faisait défense aux journaux de dis- 
cuter la compétence du conseil des ministres, de parler 
de constitution, d'annoncer que les diètes provinciales 
auraient des pouvoirs législatifs, etc. H continuait les 
arrestations et les perquisitions. Ses persécutions pous- 
sèrent l'illustre magyar comte Stephan Széchenyî à se 
suicider le 8 avril dans l'hospice de Dobling. 



MINISTÈRE GOLUGHOWSKI 965 

Des scandales retentissants vinrent frapper Topinion 
publique ; le 8 mars, le baron Ëynatten, feld-maréchal 
lieutenant, chef de Tadministration militaire, arrêté 
pour malversations, se pendit aux grilles de son cachot 
avec les aiguillettes de son uniforme. Des banquiers 
furent mis en prison. Le 23 avril, on apprit le suicide 
du ministre des finances, M. de Brûck, soudainement ré- 
voqué la veille. Un peu avant le 6 mars, une patente im- 
périale avait établi le conseil de f empire renforcé, amé- 
lioration dérisoire. Le !•' mai on y fit entrer quelques 
nouveaux membres parmi lesquels des magnats hongrois 
et un Vieux-Thèque le comte Clam-Martinitz, apôtre 
effréné de la féodalité la plus pure. Les magnats hon- 
grois déclarèrent qu'ils n'entendaient nullement engager 
leur pays et se coalisèrent d'ailleurs avec les autres 
aristocrates du conseil : le cardinal Rauscher et le comte 
de Thun y défendirent avec ardeur le concordat. Ce ne 
fut guère que comme mesure fiscale que l'empereur, 
par un message du 18 juillet 1860, se décida à étendre 
les attributions du conseil de l'empire en matière d'im-* 
pots et encore avec cette restriction que ces attribu- 
tions seraient suspendues en temps de guerre. On mul- 
tiplia d'ailleurs les circulaires contre les espérances 
constitutionnelles. Mais la vie politique se réveillant 
malgré tout avec une irrésistible puissance, les adresses 
au conseil de l'empire devenant de plus en plus pres- 
santes, la Hongrie semblant se réveiller tout à fait, 
François-Joseph et ses conseillers prirent peur et un Gal-< 
licien, le comte Goluchowski, fut appelé au ministère 
de l'intérieur avec mission de préparer une constitu- 
tion (22 août 1859). Le conseil de l'empire lui-même 
déclarait que les difficultés financières étaient tellement 
énormes qu'on ne pouvait en sortir qu'avec le concours 
d'un parlement issu des suffrages des citoyens et non, 
du bon plaisir impérial. 

La nouvelle constitution fut établie par la patente du 
20 octobre 1860, publiée la veille du départ de François- 



966 HISTOIRE DE L'AUTRIGHE 

Joseph pour cette entrevue de Varsovie où il put se 
convaincre que la Russie ne l'aiderait pas à s^opposer 
aux progrès de Tunité italienne, émanée, comme tou- 
jours, du pouvoir personnel, bien que préparée par une 
sorte de parlement consultatif {Verstarkte Reichsratk), 
réuni en mai à Vienne. Elle étaiblissait deux ordres de 
représentations. Tune centrale, Tautre provinciale. Lare- 
présentation centrale était composée de députés choisis 
parTempereur sur des Ustes dressées par les diètes pro- 
vinciales. La Hongrie et ses partes annexée (Croatie, Sla- 
vonie) devaient être remises en possession de leurs an- 
ciennes constitutions, modifiées en ce point que ce serait 
le conseil de l'empire, et non la diète hongroise , qui 
voterait la part du royaume de Saint-Etienne dans le bud- 
get général et dans le contingent annuel de l'empire. Tous 
les autres pays de la couronne devaient avoir des diètes 
organisées selon les anciennes chartes spéciales à cha- 
cun de ces pays. Pour bien affirmer les idées décentra- 
lisatrices qui présidaient au nouvel état de choses, les 
ministères de l'intérieur, de la justice et des cultes 
étaient supprimés. Le comte Goluchowski fit promul- 
guer successivement ces statuts provinciaux (du 28 8*^ 
au 13 9^) qui faisaient de chaque diète une sorte de 
parlement anglais au petit pied, avec ses lords hérédi- 
taires, son banc des évoques et son tiers-état. C'était du 
fédéralisme, mais du fédéralisme rétrograde et aristo-* 
cratique. Ces diètes, dominées par la noblesse, par le 
clergé et par la grande propriété, étaient en opposition 
absolue avec les idées modernes et elles faisaient payer 
la conquête de l'autonomie du sacrifice de la liberté et 
de régalité. La patente du 20 octobre donna beau jeu 
aux centralistes, qui invoquèrent les principes de 89 et 
qui se mirent à montrer que, si Schwarzenberg et Bach 
avaient centralisé par le despotisme, ce n'était pas une 
raison pour décentraliser par un retour au moyen-âge. 
Les questions qui travaillent éternellement ce bizarre 
agrégat de nationalités qu'on appelle l'Autriche se po- 



fédéralisme' ET CENTRALISME 267 

sèrent toutes à cette occasion avec une nouvelle oppor- 
tunité. On discuta sur le fédéralisme et sur le centra- 
lisme dans leur double forme : la forme libérale et 
démocratique — et la forme féodale, absolutiste et aris- 
tocratique, car chacun des systèmes les comporte égale- 
ment. Mais en Autriche, les questions ne sont pas abstrai- 
tes : elles se compliquent immédiatement des éléments 
ethnographiques. Le centralisme ou libéral ou absolu- 
tiste, qu'il ait pour organe un pouvoir monarchique et 
bureaucratique ou un parlement unique doté des plus 
larges attributions constitutionnelles, ne fonctionne pas 
moins à Vienne, ville allemande, avec des fonction- 
naires allemands ou des députés forcés d'adopter pour 
langue parlementaire l'allemand. Le centralisme, tant 
démocratique et progressif qu'il soit, équivaut donc à 
germanisation et c'est pour cela que les Slaves et les 
Magyars n'en veulent à aucun prix. Le fédéralisme , 
soit qu'il organise chaque état autonome sur un modèle 
moyen-âge, soit qu'il l'organise sur le modèle démo- 
cratique moderne, transforme l'Autriche en une sorte 
de confédération helvétique où les cantons seraient rem- 
placés par des provinces égales en droit et dès lors plaît 
aux Slaves, parce qu'il anéantirait l'influence allemande 
et donnerait la prépondérance à letir race l*elativement 
la plus nombreuse ; mais ni les Allemands ni les Magyars 
ne l'admettent, car ces deux races orgueilleuses pré- 
tendent dominer les autres. Enfin dans la Hongrie, 
Déak préparait le dualisme, qui n'est que le partage du 
centralisme entre les Allemands et les Magyars, sur le 
dos des Slaves et des Latins. En somme, jusqu'alors, 
l'unité autrichienne n'avait de représentante réelle que 
l'armée : il n'y a pas de peuple autrichien, il y a une 
armée autrichienne dont les soldats ne s'appellent ni 
Allemands , ni Slaves , ni Magyars, ni Roumains, mais 
KaiserltchSj Impériaux. Or, cette unité militaire venait 
d'être entamée par la campagne d'Italie. 
On prévoyait donc que la constitution Goluchowski 



988 HISTOIRE DB L'âUTRIGHB 

ne serait pas de longue durée. D'ailleurs le mouvement 
des nationalités s'accusait avec une intensité et une con- 
fusion incroyables et le gouvernement oscillait éperdu 
entre les mesures les plus contraires. Ainsi le 27 décenir 
bre 1860, il décréta la réincorporation de la Voïvodine 
serbe à la Hongrie, tout en confiant à un comité présidé 
par le patriarche serbe le soin de rédiger la liste des 
desiderata des Serbes et de transmettre cette liste à la 
diète hongroise. Quelques jours avant, le 15 décembre, 
le comte Goluchowski s'était retiré, remplacé par M. de 
Schmerling, Allemand de race, de cœur et de politique, 
qui allait essayer du centralisme libéral, en constituant 
un État autrichien constitutionnel, comme il y a un 
État français. Le 30, le nouveau ministre reçut Déak 
et Eotvos que le chancelier baron Vay avait décidés 
à venir à Vienne , et les présenta à l'empereur. Déak 
demeura inébranlable sur le terrain des lois de 1848 et 
répéta ce qu'il avait dit à Bach : « Je ne connais que la 
constitution hongroise. Tant qu'elle n'est pas rétablie, 
je n'existe pas, ne suis rien et par conséquent ne puis 
rien » : cependant il ne rompit pas les négociations. Mais 
l'agitation redoubla en Hongrie et on eut recours au 
refus de l'impôt comme au moyen le plus efficace de 
rétablir l'état légal de 1848. On eut beau promettre la 
convocation de la diète hongroise pour le 2 avril 1861 
à Bude, les comitats déclarèrent de toutes parts que 
tout impôt non voté par la diète était illégal, que la 
diète devait se réunir à Pesth et non à Bude. Le 16 
janvier 1861, François-Joseph adressa aux Magyars un 
manifeste moitié conciliant, moitié menaçant, qui fut 
de nul effet. Le gouvernement concentra 80,000 hommes 
en Hongrie et parla d'état de siège. Les Galliciens au 
même moment envoyaient une députation pour demafl- 
der que leurs représentants au futur parlement central 
fussent élus par la diète et non directement par les 
citoyens, et une députation ruthène arrivait presque 
aussitôt pour demander à ne pas dépendre purement et 



CONSTITUTION DU 26 FÉVRIER 1861 9^ 

simplement de la diète galicienne. Les étudiants de Gra- 
covie se remuaient pour que les cours de TUniversité se 
fissent en langue polonaise et un mouvement éclatait 
en Dalmatie. Enfin dans le ministère même, il y avait 
une lutte sourde entre M. de Rechberg et M. de Schmer- 
ling soutenu par TArchiduc Maximilien. On se serait 
cru dans le camp d'Agramant. 

Ce fut dans ces circonstances qu'on promulgua, le 
26 février 1861, une nouvelle constitution, qui modifiait 
considérablement les dispositions du diplôme du 20 oc- 
tobre et qui établissait le centralisme parlementaire. Le 
parlement central se composait de deux chambres : celle 
des seigneurs comprenant les princes du sang par droit 
de naissance, les nobles grands propriétaires ou pairs 
héréditaires et les archevêques, évêques, hommes émi- 
nents à titre viager ; et celle des députés formée de 
343 membres ainsi répartis : Hongrie 85, Bohème 54, 
Yénétie 20, Dalmatie 5, Groatie-Slavonie 9, Gallicie-Gra- 
covie 38, Basse-Autriche 18, Haute-Autriche 10, Saltz- 
bourg 3, Styrie 13, Garinthie 5, Garniole 6, Bukovine 5, 
Transylvanie 26, Moravie 22, Istrie-Trieste 6, Silésie 6, 
Tyrol et Voralberg 12. Ces députés étaient élus par les 
diètes dans leur sein. Le parlement recevait des attribu- 
tions assez étendues aux dépens des diètes provinciales : 
les ministères de la justice, des cultes et de Tintérieur 
étaient rétablis, mais il n'y avait aucune trace de res- 
ponsabiUté ministérielle. Les députés hongrois ne de- 
vaient siéger que dans les séances où il s'agissait d'inté- 
rêts communs à toute la monarchie et le parlement 
formait alors un plénum ou Weitem-ReichsTath; dans le 
cas contraire, c'était un parlement restreint [Engem 
Itetchsrath) , où les députés des autres provinces trai- 
taient des matières législatives que leurs diètes n'a- 
vaient pas le droit de traiter à l'instar de la diète hon- 
groise privilégiée. Quant aux diètes provinciales, au lieu 
d'être organisées diversement, selon le système Golu- 
chowski, suivant les vieux us et coutumes spéciaux à 



270 HISTOIRE DE L'àUTRIGHE 

chaque province, elles furent établies sur un modèle uni- 
forme pour tous les pays de la couronne, avec la même 
composition et les mêmes attributions, comme nos con- 
seils généraux français, mais en conservant la représen- 
tation par ordres. 

La constitution fédéraliste de M. Goluchoin^ski avait 
méconté les Allemands et les Magyars. La constitution 
centraliste ne satisfit ni les Allemands qui la trouvaient 
trop peu libérale, ni les Magyars qui n'admettaient que 
leur constitution de 1848, mais elle mécontenta au plus 
haut degré les Slaves qui Taccusèrent de ne pas res- 
pecter leur autonomie. Voyons comment se traduisirent 
ces diverses résistances. 

Le 6 avril 1861, la diète hongroise, élue conformément 
à la loi électorale de 1848, se réunit à Bude, ouverte 
par le comte Apponiy, Judex curïœ, avec Déak, élu par 
Pesth, comme chef du parti patriotique et le comte Té- 
léki comme chef de la gauche. Le gouvernement de 
Vienne proposa une série de projets tendant à modifier 
la constitution de 1848 pour la mettre en harmonie 
avec la constitution générale du 26 février. La Diète 
voulait répondre par une résolution, mais Déak h 
décida à donner à ses revendications la forme plus 
respectueuse d'une adresse et se chargea de la rédiger. 
Il la lut le 13 mai et elle produisit une sensation pour ainsi 
dire européenne ; c'était l'exposé le plus magistral, le 
plus solide et le plus imperturbable du droit historique 
hongrois : il établissait qu'il n'y avait jamais eu d'état 
autrichien unitaire, que l'union entre la Hongrie et les 
états héréditaires est purement personnelle, que la Hon- 
grie ne peut admettre qu'un pariement central vote des 
écus et des hommes pour des intérêts qui ne sont pas 
les siens, tels par exemple que ceux de l'Autriche dans 
la confédération germanique, qu'elle ne peut rien sacri- 
fier de son antique constitution née du développement 
historique de la nation et que, par conséquent, elle 
n'enverrait jamais de députés au Reichsrath de Vienne. 



ADRESSE HONGROISE : DIÈTE DE PRAGUE 271 

Cette adresse, que la Hongrie a déposée dans ses archives 
nationales comme un impérissable monument, fut votée 
grâce à l*abstention de Tisza et de Ghyczy, qui avaient 
remplacé à la tète de l'opposition Teleki suicidé. La chan- 
cellerie de Vienne essaya de réfuter ce document dans 
un rescrit du 21 juillet. Déak répliqua par un mémoire 
non moins solide, non moins juridique que le premier : 
le débat était sans issue. M. de Schmerling prononça le 
21 août la dissolution de la diète qui protesta, dans son 
dernier procès- verbal, qu'elle ne cédait qu'à la force ; le 
mois suivant les assemblées locales des villes libres et 
des comitats furent également dissoutes ; des commis- 
saires royaux et des bureaucrates allemands reprirent 
la direction des affaires comme aux plus beaux temps 
de Bach. « Nous pouvons attendre ! » dit fièrement M. de 
Schmerling en montrant dans le Reichsrath central, qui 
était ouvert depuis le !•' mai, les quatre-vingt-cinq siè- 
ges vacants des députés hongrois. Il y manquait aussi 
les 20 députés de la Vénétie, les 9 de la Croatie-Slavonie, 
et les 26 de la Transylvanie, c'est-à-dire 140 députés 
sur 343. 

Le 6 avril ouvrit également la diète de Prague. Les 
chefs du parti Tchèque, MM. Rieger, Palacky, Braun, 
protestèrent énergiquement tant contre le statut octroyé 
que contre la loi électorale. Cependant les Tchèques se 
décidèrent à envoyer des députés au Reichsrath ouvert 
le 2 avril. La diète Croate approuva une violente circu- 
laire contre la Hongrie publiée parle comitat d'Agram et 
à laquelle Déak répondit par un mémoire où il déclarait 
que toute transaction deviendrait à jamais impossible si 
les Croates consentaient à se faire représenter à Vienne. 
Le statut avait été ajourné pour la Dalmatie. La diète 
transylvaine, réorganisée sur ses anciennes bases, dé- 
clara vouloir conformer sa conduite à celle de la nation- 
sœur dont on l'avait séparée. Quant à la Vénétie, acca- 
blée de douleur devant ce royaume italien qui s'était 
annexé la Toscane, Parme et Modène, la Romagne et 



878 HISTOIRE DB L'AUTRICHE 

les deux Siciles, elle ne voulait pas même entendre par* 
1er d*une représentation à Vienne. En présence de tant 
de résistances, il fallait donc une certaine confiance à 
M. de Schmerling pour prononcer sa fameuse phrase : 
« Wtr koennen warlen, nous pouvons attendre. » Cette 
situation intérieure se prolongea pendant toute Tan- 
née ia62 et toute Tannée 1863. En Hongrie, Déak savait 
aussi qu'il pouvait attendre et, écouté comme un ora- 
cle, au faite d'une situation que jamais citoyen n'eut 
dans un pays quelconque, il comprimait par sa seule 
autorité morale les impatiences du parti avancé. Le 
nouveau chancelier de Hongrie, le comte Forgacs, ne 
dissimulait pas lui-même ses sympathies pour le dua- 
lisme. « Entrez d'abord dans le Reichsrath, disait M. de 
Schmerling aux Magyars et aux Croates, et ce parlement 
plénier pourra ensuite réviser la constitution de février 
selon vos vœux. — Non, répondaient les Magyars, faites 
d'abord réviser la constitution par votre Reichsrath res- 
treint qu'une ordonnance de l'empereur suffit à rendre 
compétent. » Le Reichsrath du reste, dans sa session 
de 186â, n'osa pas appliquer à la Hongrie le code com- 
mercial allemand qu'il adopta. 

En septembre 1862, M. de Schmerling qui, obéissant 
à son tempérament allemand et aux excitations de la 
presse de Vienne, blessait et exaspérait les diverses 
nationalités de l'empire au lieu de les apaiser et de les 
rallier par la douceur à son centralisme, ordonna la 
dissolution des sociétés agricoles de Bohème sous pré- 
texte qu'elles faisaient de la politique. On fournit occa^- 
sion à M. Rieger de protester dans le Reichsrath : « Les 
états autrichiens, déclara-t-il, ne formeront jamais vd 
état autrichien, parce qu'ils n'ont pas une histoire com- 
mune, parce que chaque province ou plutôt chaque état 
a son histoire, ses souvenirs particuliers. Le Reichsrath, 
composé d'éléments presque exclusivement allemands, 
n'a présenté que des exemples de ce patriotisme res- 
treint qui reste indifférent au sort des autres nationa- 



GUILLAUME I*"" ET BISMARCK 273 

lîtés. Fièresd'un titre pompeux, mais illusoire, les pro- 
vinces héréditaires, en voulant se faire passer pour la 
représentation de Tempire entier, se rendraient impo- 
pulaires dans les autres provinces. » A la session de 4863, 
il manqua encore 142 députés et cette fois, la plupart 
députés Tchèques, mais au mois d'octobre arrivèrent 
députés élus par la diète transylvaine, ce qui causa 
une vive joie à M. de Schmerling. Joie trompeuse, car 
Vindomptable résistance de la Hongrie rendait toutes les 
combinaisons inutiles et frappait d'avance de stérilité 
la tentative du ministre allemand. 

Pendant ces difficultés intérieures, l'Autriche se heur- 
tait à l'extérieur à d'autres difficultés dans lesquelles 
était en germe la guerre de 1866. Son ministre des 
affaires étrangères, M. de Rechberg, homme d'une 
grande légèreté et d'une parfaite inconsistance, soule- 
vait à la fois la question de la réforme fédérale et celle 
des Duchés et les compromettait toutes deux. 

Dès 1861, M. de Sybel écrivait dans une brochure : 
« aussi certainement que les rivières coulent vers la 
mer, il se formera en Allemagne, à côté de TAutri- 
che, une fédération restreinte sous la direction de la 
Prusse. Pour y arriver, on aura recours à tous les moyens 
de la persuasion et de la diplomatie, même à la guerre 
en cas de résistance. » Ces paroles prophétiques pour- 
raient servir d'épigraphe à l'histoire des cinq années qui 
ont précédé Sadowa. La passion de l'unité avait atteint 
dans l'Allemagne en général et dans la Prusse en particu- 
lier le dernier degré de l'exaltation ; mais chez le peuple 
prussien, depuis les humiliations d'Olmûtz, l'idée de l'u- 
nité par la liberté avait disparu et on ne rêvait plus 
que la prussifîcation de l'Allemagne par la force. La 
haine contre l'Autriche, qui affichait si orgueilleusement 
sa suprématie, et contre la diète si docilement pliée à 
cette suprématie, était à l'état aigu. Guillaume pr, cou- 
ronné roi de Prusse en 1861, n'aurait pas été capable 
de servir de guide et d'instrument à cette passion incom- 



274 HISTOIRE DE l'aUTRIGHE 

pressible, mais le guide et llnsirument étaient trouvés 
dans la personne du comte de Bismark. Jusqu'en 1851, 
M. de Bismark appartint à cet arrogant parti des Hobe- 
reaux (Junkerpartei) dont Torgane était la Geuette de la 
Croix, qui ne rêvait que féodalité et qui avait placé son 
idéal dans le plus pur moyen âge. Envoyé comme repré- 
sentant de la Prusse de 1851 à 1859 près de la diète de 
Francfort, parti pour son poste avec de véritables sym- 
pathies pour rAutriche, il changea d'avis du toat au tout 
en voyant fonctionner la gothique machine et en se bles- 
sant au sot orgueil des représentants de TÂutriche, les 
Rechberg et autres : il devint partisan décidé de Tunité 
allemande par la Prusse. Lors de la guenre d'Italie, il 
manifesta si vivement Topinion que la Prusse en pro- 
fitât pour attaquer TAutriche et réorganiser l'Allemagne 
dans son sens, qu'il fut rappelé de Francfort et envoyé 
comme ambassadeur à Saint-Pétersbourg jusqu'en 18^2. 
Il passa ensuite six mois à Paris en même qualité et 
enfin, en septembre de la même année, il entra dans ce 
ministère qui lutta si violemment contre la chambre des 
députés de Berlin. En octobre 1862, il disait dans un de 
ses discours : « Ce qui importe à l'Allemagne, ce n'est pas 
le libéralisme de la Prusse, cest sa force. Elle doit l'ac- 
croître et la concentrer pour saisir le moment favorable 
qu'on a déjà laissé échapper. Nos frontières ne sont pas 
celles d'un état bien constitué. D'ailleurs souvenez-vous 
de ceci ; ce n'est point par des discours et des votes que 
se décideront les grandes questions. C'a été l'erreur de 
1848 et de 1849 de le croire 1 ce sera par le fer et par le 
sang. » Toute sa théorie était là, ainsi que son pro- 
gramme. L'Autriche, avec un incroyable aveuglement, 
l'aida à le réaUser. La Hongrie elle-même faisait des 
vœux pour l'unité germanique, sûre qu'elle était que 
l'Autriche, expulsée de l'Allemagne, était forcée de s'ap- 
puyer sur elle en lui rendant la liberté ; Botvos le dit 
nettement en une brochure. M. de Bismark comptait 
plus sur l'Italie à l'alliance de laquelle il voulait ra- 



LÀ TRIADE : AFFAIRE DE RESSE-GASSEL 275 

mener Guillaume, bien que celui-ci eût été en iB59 à 
la veille de combattre Victor-Emmanuel. Enfin il ne 
désespérait pas d'amener la France impériale à le 
laisser faire : il y avait déjà travaillé pendant son am- 
l>assade à Paris, préludant ainsi à l'entrevue de Biarritz 
et essayant de prouver que l'unité allemande devait être 
\a conséquence de l'unité italienne. 

L'Autriche était donc peu à peu enlacée dans les fils 
d'une trame immense. Elle ne s'en doutait pas et n'a- 
vait jamais eu tant de confiance : elle conservait son 
ton de supériorité vis-à-vis de la Prusse et se flattait de 
constituer enfin la Grande- Allemagne. Elle était per- 
suadée que la lutte si violente du ministère et de la 
chambre à Berlin jetait sa rivale dans des embarras 
tels qu'elle pouvait tout oser. Pendant ce temps, M. de 
Beust, ministre du roi de Saxe, imaginait un système 
pour assurer l'indépendance des petits états vis-à-vis 
des deux puissances rivales, celui de la triade : la 
Bavière, la Saxe, le Wurtemberg et le Hanovre auraient 
formé un troisième groupe faisant équilibre à la Prusse 
et à l'Autriche. Mais la Prusse ne voulait que l'union 
restreinte, c'est-à-dire la suprématie politique, militaire 
et commerciale de la Prusse sur les adhérents à cette 
union : le ministre prussien, M. de Bernstorff, en for- 
mula nettement la théorie. L'Autriche réussit à décider 
la Bavière, la Saxe, le Wurtemberg, le Hanovre, la 
Hesse-Darmstadt et le Nassau à protester contre cette 
théorie dans des notes séparées, mais identiques, qui 
furent toutes remises à Berlin le 2 février 1862. Les 
signataires déclaraient que l'union restreinte était la 
négation même de la confédération basée sur la répar- 
tition des voix établie par le pacte et composée d'états 
autonomes. La question était clairement posée. L'aff'aire 
de la Hesse-Gassel faillit précipiter les choses. L'élec- 
teur refusait de rétablir la constitution de 1831 que sa 
seconde chambre ne se lassait pas de réclamer, malgré 
des dissolutions coup sur coup. La Prusse et l'Au- 



276 HISTOIRE DE L'âUTRIGHE 

triche demandèrent à la diète le 8 mars de rétablir 
cette constitution. Mais pendant que la diète délibérait, 
l'électeur prenait des mesures telles que la Prusse lui 
adressa le 18 mai un ultimatum et se prépara à occuper 
ses états avec deux corps d'armée. Grave précédent que 
celui qui tendait à substituer à Texécution fédérale 
l'exécution par la Prusse seule ! L'Autriche agit et fit 
prendre les devants à la diète qui rétablit la constitu- 
tion de 1831 dans la Hesse par un arrêté fédérai du 
â4 mai, auquel céda l'électeur effrayé. 

L'Autriche, voyant à quel point le sentiment unitaire 
passionnait les esprits, voulut lui donner une certaine 
satisfaction : elle proposa à la diète d'établir pour 
toute l'Allemagne un code uniforme de procédure civile 
et une loi générale sur les obligations. Cette loi aurait 
été élaborée à Francfort par une assemblée des délégués 
des diverses chambres allemandes. La Prusse s'opposa 
et fit si bien miroiter aux yeux de quelques états secon- 
daires le fantôme du parlement de 1849 que la proposi- 
tion autrichienne tut repoussée par 9 voix contre 7, le 
22 janvier 1863. Ce fut alors que François-Joseph ima- 
gina de réunir tous les souverains allemands à Francfort 
en congrès pour discuter la réforme fédérale. Il vit le 
roi de Prusse à Gastein et essaya vainement de le dé- 
cider à prendre part à ce congrès : le refus fut absolu. 
Le congrès s'ouvrit le 15 août 1863 : tous les souverains 
allemands, accompagnés des hommes politiques les plus 
célèbres, se trouvèrent réunis dans la vieille cité impériale 
autour du jeune empereur d'Autriche, qui put se croire 
le maître de l'Allemagne, au bruit des acclamations du 
peuple de Francfort enivré par cette image de l'unité. 
C'était une contre-partie de la fête qui, le 13 juillet 1862, 
avait réuni dans la même ville les sociétés de tir de l'Al- 
lemagne confédérées sous la présidence du duc de Saxe- 
Cobourg-Gotha et sous l'inspiration du National-Verein^ 
personnage et institution qui jouaient au radicalisme 
et servaient les desseins de la Prusse, tout en persuadant 



CONGRÈS DE FRANCFORT : SON ÉCHEC 277 

aux. masses qu'ils travaillaient à rétablissement d'une 
république fédérative. François- Joseph proposa au con- 
grès de donner'comme pouvoir exécutif à la confédéra- 
tion un directoire de cinq membres dont trois perma- 
nents : Empereur d'Autriche, roi de Prusse, roi dé Ba- 
vière, et deux alternants : le roi de Wurtemberg, le roi 
de Saxe et le roi de Hanovre. L'Empereur d'Autriche 
en aurait la présidence perpétuelle. François-Joseph 
ajoutait qu'en cas de guerre entre un état de la confé- 
dération ayant des possessions en dehors de la dite confé- 
dération et un état étranger, le conseil fédéral pourrait, 
sur l'initiative du directoire et à la simple majorité des 
voix, voter que la confédération prendrait part à cette 
guerre. C'était naïf et on reconnaissait là la légèreté de 
M. de Rechberg : il aurait été plus franc de proposer 
que le Buhd garantirait à l'Autriche ses possessions non 
allemandes et mettrait toutes ses forces à son service 
pour les lui conserver. Le roi de Bavière se montra mé- 
content et le grand-duc de Bade énergiquement opposé. 
D'ailleurs l'absence du roi de Prusse frappait de stérilité 
les délibérations du congrès. Le parti unitaire, qui 
l'avait d'abord accueilli avec quelque espoir, voyant 
qu'on n'y proposait pas un parlement central à la façon 
de 1849, s'en détourna et on se sépara dans les pre- 
miers jours de septembre sans avoir rien fait, et en re- 
mettant à des conférences ministérielles qui n'eurent 
jamais lieu le soin d'achever le projet ébauché. Il n'en 
subsistait qu'un aveu, celui que la diète était désormais 
une forme insuffisante de la confédération. Le même 
mois, le cabinet de Berlin avança un programme réfor- 
miste basé sur la parité absolue des deux puissances et 
qui fut mal accueilli, bien qu'il comportât un parle- 
ment national. 11 devenait de plus en plus évident que 
la question de la constitution allemande n'était pas de 
ceUes qui se résolvent pacifiquement. 

La question des Duchés n'était pas moins compli- 
quée. Il importe de bien comprendre cette affaire du 

ASSELINE. 16 



278 ffISTOIRE DE L^ÂUTRIGHE 

Slesvig-Holstein qui fut, en définitive, i'aliumette met- 
tant le feu à des matières incendiaires depuis long- 
temps préparées. Mais ayons bien soin de nous dire que 
si ça n'avait pas été cette allumette-là, c'en eût été une 
autre. 

Entre TËlbe, au sud, et l'Ëider, au nord, s'étendent 
les duchés dllolstein et de Lauenbourg, le Holstein 
placé sous la suzeraineté du Danemark, mais faisant 
partie, depuis le moyen-âge, de la confédération ger- 
manique, le Lauenbourg moitié autonome, moitié dé- 
pendant du Holstein par le contingent militaire et, par 
suite, de la confédération , tous deux peuplés d'AUe- 
mands. Au-delà de l'Eider et jusqu'aux frontières du 
Jutland, s'étend un autre duché, le Slesvig, peuplé 
moitié de Danois et moitié d'Allemands. Le Slesvig M 
toujours isolé des Etats formant la monarchie danoise 
proprement dite, mais, uni au Holstein par une consti- 
tution et une diète commune, il ne fit non plus jamais 
partie de la confédération germanique. Le Slesvig, d'une 
étendue de six mille kilomètres carrés et comptant, en 
1848, à peu près 375,000 habitants, excitait vivement 
les convoitises de l'Allemagne à cause de ses ports in- 
dispensables à la formation de la marine germanique. 
De son côté, le Danemark ne rêvait que de séparer le 
Slesvig du Holstein pour se l'incorporer. 

L'Allemagne fit formuler par ses savants une théorie 
en vertu de laquelle le Slesvig et le Holstein ne pou- 
vaient être séparés sans que la constitution du Holstein 
fût brisée, ce qui donnait dans ce cas droit à la confé- 
dération germanique, dont le Holstein fait partie, dln- 
tervenir dans les afi'aires des deux duchés. Elle gardait 
de plus comme arme de réserve le principe des natio- 
nalités, en se fondant sur ce que la moitié des habitant» 
du Slesvig est de race germanique. En juillet 1846, le roi 
de Danemark, Christian VIII, fatigué de la propagande 
allemande, prit une résolution hardie : il déclara le 
Slesvig partie intégrante de la monarchie danoise. Le 



AFFAIRE DBS DUCHÉS; TRAITÉ DE LONDRES S79 

Slesvig et le Holstein protestèrent au nom de leur union 
indissoluble historiquement consacrée, et la diète alle- 
mande (17 septembre 1846) s'associa avec éclat à leurs 
protestations. Quand Christian VIII mourut, le 20 jan- 
vier 4848, son fils et successeur, Frédéric VII, donna, le 
28 janvier, une constitution commune au Danemark et 
aux Duchés; elle était illibérale. A la nouvelle de la 
révolution de février, les Danois se soulevèrent, for- 
cèrent leur roi à réformer cette constitution dans un 
sens démocratique, mais exigèrent l'incorporation du 
Slesvig-Holstein. De leur côté, les deux Duchés se mirent 
en insurrection, établirent un gouvernement provisoire 
et demandèrent à être incorporés ensemble à la confé- 
dération. L'Allemagne entière prit feu et la Prusse en- 
vahit les Duchés pour les défendre contre le Danemark 
qui se battit héroïquement. Grâce à la Russie et à l'An- 
gleterre, la guerre fut arrêtée, un armistice signé le 
23 août 1848 (ce qui provoqua une sanglante émeute à 
Francfort) et des négociations ouvertes pour le règle- 
ment de la question. Elles aboutirent, en 1852, au traité 
de Londres (8 juillet), qui établit l'intégrité de la mo- 
narchie danoise et donna comme successeur éventuel à 
Frédéric VII, qui n'avait pas d'enfants, le prince Chris- 
tian de Gluksbourg. Le Gzar, représentant de la bran- 
che aînée des Hobtein-Gottorp, renonça à tous ses 
droits ainsi que les autres branches, et la renonciation 
du duc d'Augustenbourg, qui avait aussi des droits et 
dont on avait songé à faire un souverain pour le Sles- 
vig-Holstein, fut payée d'une forte somme de rixdalers. 
Le Holstein resta dans la confédération germanique, et 
le Slesvig demeura dans sa situation mixte, à la fois au- 
tonome et partie intégrante de la monarchie danoise, à 
la grande fureur des partisans de la patrie allemande 
s'écriant qu'on fermait à cette patrie la route vers la 
mer. 

Ce traité n'était pas une solution. Aussi la question se 
posa-t-elle plus impérieusement que jamais au commen- 



S80 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

cément de 1862. Les petits Etats allemands surtout se 
montraient acharnés à la résoudre contre le Dane- 
mark, mal soutenu et mal conseillé par rAngleterre. 
Le 30 mars 1863; le roi Frédéric YII consacra par une 
patente l'autonomie du Holstein et, en même temps, il 
prépara une constitution commune au Danemark et au 
Slesvig, auxquels elle assurait une représentation pa^ 
lementaire. L'Allemagne toute entière cria à Tincorpo- 
ration du Slesvig et à la violation du traité de 1^2. 
L'Autriche et la Prusse protestèrent à Copenhague et, 
le 18 juin, la diète vota l'exécution fédérale contre le 
Danemark abandonné par l'Angleterre. Frédéric YII 
n*en fit pas moins voter cette constitution par son par- 
lement, le 18 novembre, et mourut presque subitement 
quelques jours après, laissant pour héritier, aux termes 
du traité de Londres, Christian, prince de Slesvig- 
Holstein-Sonderbourg-Gluksbourg, qui prit le nom de 
Christian IX. Aussitôt, les Allemands lui opposèrent Fré- 
déric d'Augustenbourg, fils de celui qui avait renoncé, 
en 1852, pour beaucoup de rixdalers, lequel Frédéric 
affirmait n'être pas lié par l'engagement paternel. Une 
immense effervescence se déclara d'un bout à l'autre de 
la Germanie, et la diète fit envahir le Holstein, au mois 
de décembre, par un corps d'armée saxo-hanovrien 
commandé par le général de Hacke. 

Qu'allait faire l'Autriche? Le comte de Rechberg dé- 
clarait lui-même, au commencement de 1863, « que 
rien n'était plus éloigné des désirs et des intérêts de 
l'Autriche, que de soulever la question des nationa^ 
lités. » Mais d'un autre côté, l'Autriche devait-elle se 
désintéresser d'une question qui passionnait si fort l'opi- 
nion allemande et laisser à la Prusse, sa rivale, le béné- 
fice d'agir seule selon les désirs de cette opinion? C'est 
à ce moment que M. de Bismark persuada à M. de 
Rechberg qu'il était de l'intérêt de la Prusse et de l'Au- 
triche de prendre en mains l'exécution fédérale, en 
écartant la confédération comme trop emportée. Mal* 



PAIX DB VIENNE (30 OCTOBRE 1864) 281 

gré la protestation de la diète du 6 janvier 1864, les 
deux puissances sommèrent Christian IX, en leur pro- 
pre nom, le 18 janvier, d'abolir la constitution du 
18 novembre dans un délai de 48 heures. Sur le refus 
du roi, un corps composé de 20,000 Autrichiens et de 
34,000 Prussiens, après avoir forcé le contingent saxo- 
hanovrien à se retirer, passa l'Bider, le 27 janvier, et là 
guerre commença. M. de Bismark avait ainsi entraîné 
l'Autriche pour déjouer les projets de la « troisième 
Allemagne » inventée par M. de Beust et achever de 
déconsidérer la diète par cette éclatante désobéissance 
à ses ordres, commise de Complicité avec la puissance 
dominant dans cette diète. L'Angleterre, éperdue et flot- 
tante sous la conduite de lord John Russell, fit demander 
à Napoléon III si elle pouvait compter sur son concours 
pour sauver l'intégrité du Danemark : Napoléon III 
refusa, furieux qu'il était de la conduite de l'Angle- 
terre dans les affaires de Pologne dont nous parlerons 
bientôt. Le 25 avril, les Duchés étant occupés par les 
troupes austro-prussiennes, des conférences s'ouvrirent 
à Londres. La Prusse et l'Autriche y demandèrent la 
réunion des Duchés de Slesvig-Holstein sous la souve- 
raineté du prince d'Augustenbourg. Les conférences 
n'aboutirent pas : la guerre reprit en juin et le Dane- 
mark battu vint demander, le 1®^ août, un armistice 
qui ampna, le 30 octobre, la paix de Vienne. Le sang 
avait inutilement coulé à Dûppel et dans d'autres com- 
bats. Christian IX, abandonné par la France, par l'An- 
gleterre et par la Suède, cédait à l'Autriche çt à la 
Prusse, qui s'étaient violemment substituées à la confé- 
dération, ses droits sur le Slesvig, le Holstein et le 
Lauenbourg. La vieille monarchie danoise était démem- 
brée au nom du principe des nationalités. En attendant 
un règlement définitif, des commissaires prussiens et 
autrichiens administrèrent les terrains conquis en com- 
mun, ce qu'on appela, dans le latin barbare 4e la diplo- 
matie, le condominium et le provùorium. Ce condotni-^ 

16. 



282 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

nium devait être une pomme de discorde entre les deux 
spoliateurs du Danemark. 

En même temps que Taffaire des Duchés, s^était posée * 
la question polonaise avec un caractère européen qu'elle 
n'avait jamais eu à ce degré. Dans la nuit du 14 au 
i5 janvier 1863, le gouvernement russe accomplit su- 
bitement à Varsovie l'opération du recrutement. Les 
jeunes gens désignés furent enlevés par les soldats et 
par les agents de police, entre une heure et huit heures 
du matin. Ce fut un long cri de douleur et de colère 
dans la malheureuse nation : les jeunes gens des autres 
villes prirent les armes et se réfugièrent dans les bois. 
Le comité national lança un énergique appel à l'insur- 
rection ; les premiers engagements eurent lieu le 6 fé- 
vrier. Le 8, la Russie et la Prusse conclurent la célèbre 
convention en vertu de laquelle, sous prétex^te de sécu- 
rité du commerce et de recettes de douanes, les troupes 
des deux puissances pourraient pénétrer, quand elles le 
jugeraient nécessaire, dans l'intérieur des deux pays. 
En somme, la Prusse faisait la police pour la Russie. On 
invita l'Autriche à adhérer à Ift convention, mais eUe 
refusa. L'Angleterre et la France firent isolément des 
représentations à la Russie et à la Prusse, qui répondi- 
rent d'une façon évasive. 

L'Autriche avait à choisir entre deux rôles : se dé- 
clarer pour la Pologne avec le concours de la France, 
et l'Europe pouvait alors changer de face et Sadowa 
devenir impossible, ou déclarer l'état de siège en Gal- 
licie, afin de couper court à une insurrection qui ne 
pouvait aboutir. M. dé Rechberg ne fit ni l'une ni l'au- 
tre chose : il biaisa, équivoqua en s'estîmant fort habile, 
laissant croire tantôt à sa neutraliié absolue, tantôt à 
ses sympathies pour le mouvement polonais. Son atti- 
tude trompa assez le ministre des affaires étrangères de 
France, M. Drouyn de Lhuys, pour que celui-ci crût 
qu'une alliance franco-autrichienne allait se conclure et 



AFFAIRES DE POLOGNE : DIPLOMATIE 283 

préparer la restauration de la Pologne. Il se trompait 
du tout au tout. 

On eut alors le spectacle du plus écœurant tournoi 
diplomatique. Pendant que les Polonais se battaient 
héroïquement et organisaient un gouvernement occulte 
d'une incroyable activité, mais voyaient leurs divisions 
habituelles tout compromettre et amener la fuite et 
rinternement en Gallicie du dictateur Langewicz, pen- 
dant que Mouravief, le Hayiiau russe, fusillait, pendait, 
fouettait, massacrait à Varsovie et à Vilna, aux cris 
d'horreur de TEurope, les gouvernements échangeaient 
des dépêches et adressaient des notes à la Russie. Seu- 
lement ce qui ôtait à ces notes toute autorité, c'est que 
la Russie pouvait ^deviner derrière chacune d'elles la 
ferma volonté de ne pas intervenir, et la divergence de 
vues qui régnait entre les puissances. Le cabinet anglais, 
dirigé par lord John Russell, se montra surtout d'une 
dupUcité, d'une ondoyance calculée que l'histoire doit 
sévèrement flétrir. Le cabinet français , tiraillé entre 
des visées contraires, hésitant entre Talliance russe qu'il 
avait tant caressée depuis 1856, l'alUance autrichienne, 
ehère à M. Drouyn de Lhuys, et l'alliance allemande, 
plein de l'illusion flatteuse qu'il était maître de choisir 
entre ces alliances, partagé entre le désir de déchirer 
les traités de 1815 et celui de prendre place dans la 
légitimité européenne, ne sut pas agir. Mais ce fut sur- 
tout le cabinet autrichien qui tergiversa et se livra avec 
ardeur à cette vieille poUtique de bascule dés Habs- 
bourg», alors si peu de mise. Il s'attira, au mois d'août, 
une note confidentielle française qui lui fut remise par 
M. de Grammont, et qui déclarait que la France, en pré- 
sence des inconvénients et deà dangers créés par l'atti- 
tude équivoque du cabinet de Vienne, se verrait « forcée 
de chercher ses alliés parmi les états hostiles à l'Au- 
triche. » 

Nous n'entrerons pas dans les détails de ce combat 
de chancellerie. Le 10 et le 12 avril, l'Autriche, la France 



384 HISTOIRE DB L'AUTHIGHE 

et rAng^eterre, adressèrent séparément une déptche à 
la Russie, en même temps qu'elles conviaient l'Europe 
à s'associer à leur manifestation. L'EIspagne, le Saint- 
Siège, lltalie, la Suède, le Danemark, la Porte, le Por* 
tng^ répondirent favorablement. Le prince Gortchakot 
fit à ces ouvertures un accueil courtois. ESn môme temps 
Napoléon faisait présenter secrètement à l'Autriche, 
par le prince de Mettemich, le plan suivant : la Silésie 
en échange de la Gallicie, l'appui de la France pour son 
hégémonie en Allemagne, les principautés danubiennes 
et le littoral oriental de l'Adriatique en échange de la 
Vénétie. L'Autriche refusa, sûre de ne pas être soutenue 
dans cette aventure par l'Angleterre. Alors les trois 
cours s'entendirent pour présenter à la Russie un pro- 
gramme comportant l'amnistie, la création d'une admi- 
nistration distincte avec fonctionnaires polonais , la 
liberté de conscience, l'usage de la langue polonaise 
dans l'administration, la justice et l'enseignement, un 
système de recrutement légal et régulier. Mais chaque 
gouvernement présenta ce programme séparément et 
avec des nuances différentes ; la France, par exemplej 
l'étendant aux anciennes provinces polonaises : li- 
thuanie, Volhjmie, Podolie, Ukraine, Posnanie et Galli- 
cie, et l'Autriche ne s'associant pas à l'idée d'un armis- 
tice. Ces points devaient être discutés dans une confé- 
rence. Le 20 juin, la France proposa à l'Angleterre et à 
l'Autriche de prendre, sous forme de convention ou de 
protocole, l'engagement de poursuivre de concert le 
règlement de l'affaire de Pologne par les voies diploma- 
tiques ou autrement s'il était nécessaire ; les deux puis- 
sances refusèrent, l'Angleterre, par suite de son égoïsme 
habituel qui ne la poussait pas plus à donner un homme 
ou un écu pour la Pologne, qu'elle n'avait songé à en 
donner pour l'Italie ; l'Autriche, parce qu'elle était 
incapable d'une grande conception, qu'elle ne devinait 
pas que ses intérêts n'étaient pas du côté du monde 
germanique, mais du monde slave, et aussi parce qu'elJ^ 



NOTE DE GORTSGHAKOF DU 7 SEPTEMBRE 285 

craignait que le réveil de la nationalité polonaise fût un 
Éfsi^e de succès pour les nationalités hongroise, véné* 
Kenne et gallicienne. La Russie répondit le 13 juillet 
qu'elle ne négocierait qu'avec les puissances cop.arta* 
géantes (Prusse et Autriche). La France demanda que 
les trois puissances répliquassent à cette hautaine fin 
cle non-recevoir par une dépèche identique : TAutriche 
accepta, mais l'Angleterre refusa, repoussant ainsi cette 
solidarité dont la manifestation aurait pu seule agir sur 
le cabinet de Saint-Pétersbourg. On envoya trois com- 
munications distinctes : la dépèche française rappelait 
les stipulations du traité de 1815 en faveur de la Pologne 
y comprises toutes ses anciennes provinces. La Russie 
était sûre du défaut d'entente des trois puissances, sûre 
qu'elles n'iraient jamais jusqu'à la guerre que l'appro* 
che de l'hiver rendait d'ailleurs impossible. Elle lança 
sa fameuse note du 7 septembre, dans laquelle eUe 
déclarait péremptoirement << mettre fin à une discus<- 
sien sans but. » C'était un rude soufQet sur la joue des 
trois puissances, et de plus la main était sanglante, car 
Mouravief venait de se livrer à VUna à une orgie d^ 
meurtres. Lord Russell le sentit tellement, qu'il en fut 
presque belliqueux au banquet de Blairgowrie, mais, 
dès le lendemain, il envoyait à la Russie la plus plate 
des dépèches. Le 4 novembre. Napoléon adressa une 
invitation à tous les souverains pour un congrès, et le 
5 novembre prononça, à l'ouverture des chambres, ce 
i*etentissant discours où il déclarait déchirés les traités 
de 1815. Invitation ni discours n'eurent de suites, malgré 
les réponses courtoises de quelques puissances. L'Au- 
triche, qui avait accepté sans bouger le soufûet russe, 
déclara que le congrès ne pourrait avoir lieu qu'autant 
qu'on se serait entendu préalablement sur le point de 
départ, sur l'objet et sur les moyens d'action, ce qui 
était une manière habsbourgienne de refuser. Dès le 
milieu d'octobre, elle avait d'ailleurs fait savoir à la 
Russie que son intention n'avait jamais été d'annuler Jes 



286 HISTOIRE DE L'AUTRIGHE 

traités de 1815, et de reconnaitre la qualité de belligé- 
rants aux Polonais. M. de Rechberg félicita même le 
Gzar « des succès passés de ses soldats, ^age des succès 
futurs, » et prit en Gallicie des mesures rigoureuses 
contre les insurgés réfugiés. Quand Napoléon III eut 
déclaré que les traités de 1815 avaient cessé d'exister, 
la cour de Vienne tressaillit d'eflEroi et se rapprocha 
définitivement de la Prusse et de la Russie. Ge fut alors 
que M. de Bismark, profitant de cet effroi, acheva d'en- 
traîner rAutriche dans cette aventure des Duchés dont 
elle devait payer si cher la sottise et l'iniquité. L'inva- 
sion en commun du Holstein est de décembre 1863, et 
s'étendit au Slesvig et au Jutland pendant ce terrible 
hiver de 1863-1864 où la malheureuse Pologne acheva 
sa ruine pour longtemps. Le 29 février 1864, l'Autriche 
porta le dernier coup à l'insurrection en mettant la 
Gallicie en état de siège : cette mesure acheva de la ré- 
concilier avec la Russie qui de son côté demeura impas- 
sible devant le démembrement du Danemark. L'alliance 
des trois cours du nord était reconstituée, et dans ce 
•même mois de février, M. de Rechberg conclut un traité 
secret avec la Prusse dans lequel celle-ci lui promettait 
son concours en cas d'une attaque sur la Vénétie. Le 
cabinet français se trouva complètement isolé entre les 
trois puissances septentrionales et l'Angleterre si réso- 
lument retirée dans son monstrueux égoïsme : il s'en 
consolait par la grande pensée du règne, l'expédlÉion 
du Mexique, prologue de l'union des races latines, et il 
entraînait, dans cette aventure, l'archiduc MaximiJien, 
frère de l'empereur d'Autriche , ex-gouverneur de la 
Lombarde- Vénétie, qui vivait en son château de Mira- 
mar, près de Trieste, en une sorte de disgrâce. Fran- 
çois-Joseph autorisa son frère à accepter cette couronne 
que devaient briser les balles de Queretaro (10 avril 
1865). 

Gomment, de cette reconstitution de l'alliance du 
nord, de cette sainte alliance anti-révolutionnaire qui 



ENTREVUES DE ËERLIN, KISSIN6EN ET GARLSBÂD 287 

faisait se pâmer de joie^ Berlin M. de Gerlach, chef du 
parti de la croix, sortit la guerre de 1866 faite par la 
Prusse en commun avec l'Italie révolutionnaire et gari- 
baldienne? C'est un des plus curieux drames de This- 
loire. Mais ce drame eut pour prologue une comédie 
aux fils multiples, menée avec une incroyable habileté 
par M. de Bismark, à Tinsu du roi Guillaume lui- 
même. Tandis que les trois souverains du nord avaient, 
en mai et en juin 1864, des entrevues à Berlin, à 
Kissingen, à Garlsbad, qui inquiétaient toute l'Europe 
occidentale et rappelaient les intimités d'avant 1848, 
M. de Bismark travaillait, par mille moyens divers, à 
accomplir la prophétie de l'officieux Henri de Sybel. 



CHAPITRE II 



Préliminaires de Sadowa. — Conférences de Gastein et convenu 
tion. — Ministère Belcredi. — La diète de Francfort vote Texé- 
cution fédérale contre la Prusse. — Sadowa. — Italie : Gustozxa 
et Lissa. — Traité de Prague. 



La France, forcée de se retourner vers lltatie qae 
M. Drouyn de THuys avait si maltraitée depuis 1862 
dans Tespoir de Talliance autrichienne, conclut avec elle 
la célèbre convention du 15 septembre 1864, toute diri- 
gée contre la politique de rAutriche. La convention éta- 
blissait que la capitale de lltalie serait transférée de 
Turin à Florence ; que la France retirerait ses troupes 
de Rome dans l'espace de deux années à partir de la 
translation de la capitale et que, de son côté, lltalie 
prenait l'engagement, non seulement de ne pas inquiéter 
le Saint-Père, mais encore de s'opposer par la force à 
toute attaque dirigée contre lui. La translation de la 
capitale à Florence indiquait que lltalie se préparait à 
une campagne pour conquérir la Vénétie, car eue subs- 
tituait à Turin exposé aux surprises des armées autri- 
chiennes une capitale abritée derrière la double ligne 
de défense du Pô et de l'Apennin, une capitale de guerre. 
Ce fut alors que M. de Bismark, en dépit de l'alliance 
des trois cours et l'œil fixé sur sa proie autrichienne, se 
mit à faire des avances à lltalie et à la France. Il fit en 



CHUTE DE M. DE REGHBERG 289 

octobre 1864 un premier voyage à Biarritz où il se mon- 
tra léger, brillant, enjoué, où M. Drouyn de Lhuis saga- 
cement le trouva moquabky où il fit entrevoir que la 
Prusse mieux configurée, arrondie derrière la ligne du 
Mein, pourrait recouvrer la liberté des alliances. Avec 
ntalie, dans de simples conversations et échappées, 
il insinua que la Prusse et lltalie avaient la même enne* 
mie, TAutriche, et la même mission unitaire. Tune dans 
la Péninsule, l'autre dans l'Allemagne où elle n'avait 
qu'à ptémontiser ; il convertit le général La Marmora à 
une vraie prussomanie. Enfin, quand le cabinet de 
Vienne, très-ému de la convention de septembre, rap- 
pela le traité conclu en février par les soins de MM. de 
Rechberg et de Manteuffel, qui garantissait l'Autriche 
contre toute attaque sur la Vénétie, M. de Bismark ré- 
pondit que ces stipulations n'avaient jamais eu de force 
obligatoire que dans l'éventualité d'une guerre en ItaUe 
pendant l'exécution fédérale contre le Danemark. Cette 
réponse fit même tomber du ministère M. de Rechberg 
que remplaça le comte de Mensdorf-PouiUy (27 oc- 
tobre 1864). Dans tout cela, M. de Bismark posait de 
^simples jalons, car officiellement il paraissait dévoué à 
l'alliance autrichienne. Le roi Guillaume, lui, y allait 
de bonne foi et aurait tressailli d'horreur à l'idée de 
s'allier à l'Italie révolutionnaire pour faire la guerre à 
l'Autriche conservatrice; il répétait volontiers le mot 
du général de Radowitz : « l'Allemagne doit être défen- 
due sur le Mincio. » M. de Bismark devait d'ailleurs 
duper encore les Habsbourgs pour mener à bien l'af- 
faire des Duchés. 

Par une circulaire du 24 décembre 1864, il avait an- 
noncé qu'il avait besoin de consulter les légistes de 
la couronne sur la légitimité des droits des divers pré- 
tendants à la possession des Duchés. Par arrêt de juil- 
let 1865, les légistes déclarèrent solennellement que nul 
autre prétendant n'avait de droit à la succession du 
Slesvig-Holstein que le roi de Danemark; d'où M. de 

ASSELINE. 17 



t 



290 HISTOIRE DE L'AUTRIGHE 

Bismark conclut que dès lors Taffaire ne regardait pla& 
la confédération germanique, mais uniquement Tempe- 
reur d*Autriche et le roi de Prusse, légitimes posses- 
seurs des duchés par le pur et simple droit de conquête. 
Et sur ce il proposa à rAutriche, copropriétaire, de 
céder à la Prusse, moyennant finances, sa part de pro- 
priété dans les duchés conquis. 

G^était inouï d*audace : proposer à l'Autriche d'aban- 
donner à la Prusse la domination de la mer du Nord et 
de la Baltique avec Kiel pour port, de se faire la com- 
plice de la Prusse vis-à-vis de ces états secondaires, 
vraie force des Habsbourg contre leur concurrente à 
l'hégémonie et qu'ils avaient déjà tant blessés en les 
écartant « de la grande œuvre nationale du Slesvig- 
Holstein, » c'était lui proposer de perdre toute influence 
politique, comtaerciale et même morale en Allemagne» 
L'Autriche refusa. Alors de Garlsbad même, en pleine 
hospitalité autrichienne, M. de Bismark lança le il juil- 
let 1865 une dépêche menaçante, parla de guerre, fit 
tàter l'Italie par M. deUsedom, et flatta la Bavière de la 
perspective d'hériter des provinces allemandes de rAu- 
triche. Il dit même en ce mois d'août 1865 au premier 
ministre bavarois, M. de Pfordten, cette phrase prodi- 
gieuse de prophétie et qui se trouve dans les journaux 
allemands du dit mois : « TAutriche n'est ni armée ni en 
état de s'armer et il suffirait à la Prusse de porter un 
seul coup, de livrer une seule et grande bataille du côté 
de la Silésie pour dicter la paix au gouvernement de 
Vienne; » c'est toute l'histoire de Sadowa une année 
à l'avance, 

L'Autriche accepta une conférence à Gastein où se 
trouvèrent MM. de Bismark, de Goltz, de Werther et 
MM. de Mensdorf, de Beust, etc. Le 14 août 1865, i^^ 
deux souverains signaient la convention dite de Gastem: 
François-Joseph cédait à la Prusse le duché de Laûen- 
bourg pour 2,500,000 thalers danois (12,500,000 fr.) et 
convenait que désormais la Prusse administrerait seule 



CONVENTION DE GASTEIN 291 

le Slesvig et TAutriche seule le Hobtein, sans préjudice 
du droit de possession des deux puissances sur l'ensemble 
des deux provinces. On ne faisait même pas mention 
des droits de la confédération et de cette pauvre diète 
qui avait voté le 6 avril précédent que le Holstdn serait 
remis immédiatement aux mains du duc d'Augusten- 
bourg. L'Autriche sacrifiait ainsi les états secondaires 
qui, de rage, se mirent tous à reconnaître le royaume 
dltalie, et faisait supposer qu'un jour elle vendrait sa 
part du Slesvig et du Holstein, comme elle avait vendu 
celle du Laûenbourg. Le premier acte de la comédie, le 
prologue du drame, avait admirablement tourné pour 
les vues de M. de Bismark qui dut bien rire en voyant 
quelques jours après, à Saltzbourg, le Habsbourg se 
précipiter en pleurant d'attendrissement dans les bras 
du Hohenzollem. La convention de Gastein fut jugée 
sévèrement par l'opinion européenne. M. Drouyn de 
Lhuis put dire légitimement dans sa dépèche du 29 août 
<c qu'elle n'avait d'autre fondement que la force, d'autre 
justification que la convenance réciproque des deux 
copartageànts. » Le !«' octobre à Francfort, dans une 
solennelle manifestation, des députés des diverses cham- 
bres allemandes déclarèrent la convention attentatoire 
au droit et à la sécurité de l'Allemagne. Enfin, à Vienne 
même, le parti militaire protesta et le général Bénédek 
parla de donner sa démission ; on ne le retint qu'en le 
nommant feld-zeugmeister. 

A quelles préoccupations l'Autriche avait-elle donc 
obéi en compromettant ainsi sa situation en Allemagne 
et en signant une convention quasi-déshonorante ? Elle 
faisait une nouvelle expérience constitutionnelle et des 
plus graves : renonçant au centralisme soi-disant parle- 
mentaire et surtout germanique inauguré par la patente 
du 26 février 1861 et appliqué par M. de Schmerling, 
elle revenait au fédéralisme et cherchait à se réconcilier 
avec la Hongrie. François-Joseph avait confié l'exécu- 
tion du nouveau plan au comte Belcredi, gouverneur 



992 HISTOIRE DE L'âUTRIGHE 

de Bohème (juillet 1865) qui s'adjoignit comme collègues 
BfM. Haller, Mailath, Esterhazy et le Croate Mazuranic. 
Le mois précédent, l'empereur d'Autriche avait été 
visiter Buda-Pesth et y avait été reçu avec le vieil en- 
thousiasme monarchique des Magyars. Le 20 septembre 
il publia un manifeste suspendant la constitution du 
^36 février 1861, afin d'arriver à une organisation nou- 
velle qui pût satisfaire toutes les nationalités. Le reichs- 
rath fut prorogé indéfiniment. Le plan du comte Belcredi 
était de grouper les pays d'après leur langue et leur 
>origine en plusieurs états, de leur donner une autonomie 
complète pour leurs affaires intérieures et de réserver 
les affaires d'intérêt commun à un parlement central; 
mais si les Tchèques et les Polonais applaudissaient à 
ce plan, les Allemands et les Hongrois n'en voulaient 
entendre parler. Les Allemands voulaient conserver le 
système Schmerling en le perfectionnant dans le sens 
de la liberté. Les Hongrois, au nom de « la continuité 
du droit, » demandaient le rétablissement préalable de 
la constitution de 1848 avec ministère responsable; 
alors seulement les Deakistes consentiraient à une révi- 
sion des lois fondamentales pour examiner comment on 
pourrait les mettre d'accord avec le plan Belcredi. C'é- 
tait en somme le dualisme esquissé, préparé et se met- 
tant en travers de l'égalité des races dans une libre 
tîonfédération. 

La diète hongroise se réunit le 10 décembre 1865. 
Deak y avait une énorme majorité. Il fît voter une 
adresse dans laquelle on demandait la nomination d'un 
ministère hongrois responsable qui aurait seul qualité 
pour proposer les modifications jugées nécessaires. On 
ne put se mettre d'accord. Le comte Belcredi recula 
devant la certitude de mécontenter les Slaves en accep- 
tant le dualisme proposé. Après de longs débats qui 
durèrent jusqu'en février 1866, la diète fut ajournée. 
Deak reprit le mot de M. de Schmerling : nous pouvons 
attendre. La terrible année de Sadowa allait abréger 



MINISTÈRE BELGREDI 293^ 

cette attente et le ministère Belcredi porte simplement 
dans rhistoire le nom de : ministère de la suspension. 

L'Autriche était honteuse de la convention de Gas- 
tein. La sévérité des jugements de TEurope sur cette 
convention Thumiliait et la rassurait à la fois. Llden- 
tité des termes entre la dépêche de M. Drouyn de- 
Lhuis et celle de Lord John Russell lui fit croire à un 
accord entre les puissances occidentales. Bien qu'elle 
eût été complice de la cour de Prusse, l'Allemagne sem- 
blait moins lui en vouloir qu'à la Prusse elle-même 
de ce mépris pour la confédération et de ce trafic 
des Lauenbourgeois qui irritait si justement l'opinion- 
publique. M. Drouyn de Lhuis rêva de nouveau l'al- 
Mance de la France, de l'Angleterre et de l'Autriche, 
basée sur le rachat amiable de la Vénétie. Une mis- 
sion officieuse dans ce sens fut confiée à M. Landau, 
représentant de la maison. Rothschild à Florence. Mais 
l'Autriche avait déclaré dans ses instructions adresséeS:^ 
le l®»" juin 1866 à ses ambassadeurs à Paris, Londres et 
Saint-Pétersbourg, que son honneur militaire et sa di- 
gnité de grande puissance ne lui permettraient jamais- 
de céder la Vénétie « soit devant une offre d'argent, soit 
devant une pression morale ; qu'elle ne pourrait en faire 
l'abandon volontaire que dans le cas, d'ailleurs peu 
désiré, d'une guerre glorieuse pour les armes autri- 
chiennes et favorable à l'extension de l'Empire du côté 
de l'Allemagne. » La mission de M. Landau échoua 
donc et M. de Bismark, qui savait tout, s'en plaignit à 
M. de La Marmora, lequel répliqua avec raison que la 
convention de Gastein avait rendu à l'Italie sa liberté 
d'action. En même temps l'Autriche, qui décidément 
reprenait attitude, refusait avec hauteur l'offre de trois 
cents millions que lui faisait le ministre prussien pour 
la cession des Duchés. 

M. de Bismark, voyant l'alliance italienne menacée et . 
la France et l'Angleterre tournées du côté de l'Autriche,, 
fit alors son fameux voyage de Biarritz, le second, sur 



S94 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

les péripéties duquel il y a encore bien des coniroverses. 
Y joua-t-il le rôle d'un Gavour dans une nouvelle entrevue 
de Plombières? Y eut-il des stipulations aussi précises 
qu'alors? Offrit-il en échange de la neutralité de la 
France, des compensations éventuelles du côté du Rhin? 
on le nie en Allemagne. Toujours est-il qu'avant ce 
voyage, en septembre 1865, l'ambassade de Prusse 
faisait publier à Paris une brochure anonyme (La con- 
vention de Gastetn), où tout le programme de 1866 était 
exposé , Kossuth et Garibaldi évoqués , le rôle de la 
Prusse en Allemagne présenté comme identique « au 
rôle d'initiateur que la France de la révolution a joué eu 
Europe », l'alliance franco-prussienne exaltée comme 
« devant faire triompher en Europe la cause de la civi- 
lisation et de la liberté. » Quelques journaux de la démo- 
cratie césarienne montraient à la même époque la Prusse 
comme « le pivot de la révolution en Allemagne », déve- 
loppaient la théorie de la formation nécessaire des grands 
états, en ajoutant « que plus les états limitrophes sont 
puissants et plus il y a d'égalité entre leurs forces, 
moins il y a de chances de guerre », et que dès lors la 
France, sans réclamer les provinces rhénanes , n'avait 
« qu'à garder une attitude expectante et une neutralité 
bienveillante. » (Voir la brochure : la Politique de la 
Prusse, 1866, chez Dubuisson). Ce furent ces thèmes va- 
riés que dut développer M. de Bismark à Biarritz vis à 
vis de son nébuleux et absurde auditeur. Ajoutons qu'on 
ne prévoyait pas les si rapides succès de la campagne 
de sept jours et qu'on croyait l'armée autrichienne la 
première après celle de la France. 

Le calcul de Napoléon III était en somme de laisser 
les deux puissances se combattre, s'affaiblir, puis, quand. 
Tune des deux trop victorieuse menacerait « de rompre 
l'équilibre et de modifier la carte de l'Europe aU profit 
d'une seule d'elles » — ainsi qu'il l'écrivait le 11 juin 
1866 à M. Drouyn de Lhuis — d'intervenir en juge du 
camp et de forcer les adversaires à accepter ses plans. 



ENTREVUE DE BIARRITZ — MISSION GOVONE 295 

d'est sous rinfluence de ces chimères qu'il laissa M. de 
Bismark repartir de Biarritz (octobre 1865) avec sa li- 
berté d'action et que, dans son discours du trône du 
22 ja^^ier 1866, il déclara « qu'à l'égard de rAllemagne, 
il continuerait une politique de neutralité qui nous laisse- 
rait étrangers à des questions où nos intérêts ne sont 
pas directement engagés. » C'est quatre jours après cette 
déclaration, qui met dans une si pleine lumière la saga- 
cité et la perspicacité de Napoléon III, que M. de Bis- 
mark commença la campagne diplomatique, préface de 
la campagne militaire. Le prétexte fut la conduite des 
représentants de l'Autriche dans les Duchés. 

Tandis que le général prussien de Manteuffel admî- 
Distrait le Slesvig en faisant de la compression à ou- 
trance, le général autrichien de Gablentz montrait un 
vrai libéralisme dans le Holstein, ne tourmentait pas la 
presse et tolérait les assemblées populaires. Le 26 jan- 
vier M. de Bismark se plaignit dans une longue dépèche 
au baron de Werther que l'Autriche se fît le champion 
de la révolution dans les Duchés et manifestât en toute 
occasion des sentiments hostiles à la Prusse. M. de Mens- 
dorf répondit avec modération, ce qui n'empêcha M. de 
Bismark, dont le siège était fait, de répUquer que les 
relations de la Prusse et de l'Autriche « cessaient d'être 
cordiales ». Le 23 février, une conspiration renversait 
dans les principautés, avec le concours du consul de 
Prusse, le prince Gouza au proOt d'un HohenzoUern. 
Le 28 février, se tenait à Berlin un mystérieux grand 
conseil où sans aucun doute les voies et moyens furent 
définitivement adoptés. En même temps l'aUiance ita- 
lienne, ébranlée par la convention de Gastein, était 
reprise et La Marmora envoyait à Berlin le général Go- 
vone sous prétexte d'étudier « le système des fortifica- 
tions prussiennes » (10 mars). Le 11 mars enfin uu 
acte décisif se produisait : Guillaume signait un édit qui 
édictait les peines les plus sévères contre toute per- 
sonne coupable de porter atteinte par ses actes et par 



296 HISTOIRE DE L'AUTRIGHE 

ses paroles aux droits souverains de la Prusse et de 
TAutriche dans les Duchés ou dans Vun des Duchés. La 
Prusse intervenait ainsi dans l'administration du Hols- 
tein. M. deMensdorf fit demander à M. de Bismark s'il 
avait rintention de rompre violemment la convention de 
Gastein. « Non, répondit le ministre prussien, mais sî 
j'avais cette intention, vous répondrais-je autrement? » 
(16 mars). 

L'Autriche arma aussitôt et concentra des troupes en 
Bohème. On a vivement débattu le point de savoir la- 
quelle des deux puissances avait pris l'initiative des ar-^ 
mements. Question secondaire, car la Prusse, par le fait, 
était depuis plusieurs années dans un état perpétuel 
d'armement et l'Autriche n'eut que le tort de ne pas 
commencer plus tôt. M. de Bismark en profita pour 
lancer sa fameuse circulaire du 24 mars qui dénonçait 
les armements voisins et demandait à l'Allemagne régé- 
nérée par une constitution nouvelle de se défendre contre 
l'agresseur. Les états secondaires invitèrent la Prusse à 
porter le différend devant la diète, selon l'article onze 
du pacte fédéral. M. de Mensdorf releva dans une dépê- 
che avec une véritable éloquence les fantastiques accu- 
sations de la Prusse. M. de Bismark signa le 8 avril une 
alliance ofiTensive et défensive avec l'Italie. 

Les négociations avaient été laborieuses. M. de La 
Marmora avait peu de confiance dans le trop habile 
ministre prussien et craignait qu'après s'être servi de 
ntalie comme d'un épouvantail pour amener l'Autriche 
à ses vues, M. de Bismark ne l'abandonnât. Il se méfiait 
aussi de la politique si exactement neutre de la France, 
qui faisait le même accueil à M. de Goltz qu'à M. de 
Metternich. Aussi en même temps qu'il envoya le géné- 
ral Govone à Berlin, il envoya le comte Arese à Paris : 
celui-ci n'obtint que de vagues déclarations, réservant 
toutes les éventualités, sauf celle acceptée de l'annexion 
de la Vénétie. Le général Govone lui-même, aidé de l'en- 
voyé italien à Berlin, M. du Barrai, eut une rude besogne 



PRÉLIMINAIRES DE SADOWÀ 297 

avec le retors Otto de Bismark. Il fut enfin convenu que 
la Prusse attaquerait la première, que Tltalie se met- 
trait aussitôt en campagne, qu'aucune des deux alliées, 
n'accepterait de trêve séparée, que l'Italie s'annexerait 
la Lombardo-Vénétie, et la Prusse des territoires équi- 
valents en Allemagne, que si la guerre n'éclatait pas 
dans les trois mois de la date du traité, chacune des 
parties reprendrait sa liberté et qu'enfin la Prusse don- 
nerait à l'Italie, dont les finances étaient dans le plus 
triste état, un premier subside de cent vingt millions. 
Le 9 avril, M. de Bismark saisit la diète d'un projet 
de réforme fédérale où il demandait « la convocation 
d'une assemblée issue des élections directes et du suf- 
frage universel de toute la nation germanique : cette 
assemblée discuterait les propositions des gouverne- 
ments allemands touchant la réforme fédérale. » C'était 
un parlement de Francfort avec l'exclusion de l'Autri- 
che. Et cependant, celle-ci faisait des efforts pour con- 
jurer la crise et avait proposé, le 7 avril, le désarme- 
ment simultané d'elle et de la Prusse. M. de Bismark 
répondit favorablement, mais alors il poussa en avant 
lltalie qui déclara que l'Autriche armait en Vénétie et 
concentrait des troupes sous les ordres de l'archidue 
Albert, et prévint l'Europe qu'elle se mettait sur ses 
gardes (27 avril). Le Prussien déclara, à son tour, que 
les armements de l'Autriche en Vénétie ne pouvant 
être dirigés contre lltalie innocente et paisible , de- 
vaient viser indirectement l'Allemagne et que, par con- 
séquent, il ne désarmerait pas. Et pendant ce temps, 
M. de Bismark avait à combattre les scrupules du roi 
GuiUaume, les objections du parti de la croix qui l'accu- 
sait de pactiser avec la révolution, et l'opinion publique 
elle-même qui, à Cologne, à Magdebourg, à Stettin, à 
Kœnigsberg, faisait des démonstrations en faveur de la 
paix. En France, l'opinion aussi devenait hostile à la 
Prusse, et M. Thiers prononçait, le 3 mai, son prophé- 
tique discours sur les affaires d'Allemagne. Enfin, le^ 

17. 



â88 HISTOIRE DE L' AUTRICHE 

gouvernement italien lui-même, auquel M. de Bismark 
avait fait entrevoir qu'il considérait le traité secret du 
8 avril comme n'étant pas bilatéral, déclarait qu'il pre- 
nait l'engagement de ne pas attaquer l'Autriche, décla- 
ration que M. Rouher Usait à la tribune pour détruire 
l'effet du discours de M. Thîers. 

Peut-être cette situation générale des esprits eût-elle 
retardé le conflit quand, le 6 mai, Napoléon III pro- 
nonça son fameux discours d'Auxerre, où « il déclarait 
détester, comme la majorité du peuple français, ces 
traités de 1815 dont on voulait faire aujourd'hui Tuni- 
que base de notre politique extérieure. » C'était pres- 
que une déclaration d'alliance avec la Prusse et lltalie : 
du moins l'opinion publique, tant en France qu'en Eu- 
rope, l'interpréta comme telle, et M. de Bismark n'eut 
plus de peine à triompher des scrupules du roi Guil- 
laume. Napoléon III, peut-être effrayé lui-même dç 
Teffet de ses paroles, mit cependant en avant l'idée d'un 
congrès, ce congrès philosophai qu'il rêva toute sa vie. 
Le programme, formulé par M. Drouyn de Lhuis dans 
une circulaire du 24 mai, comprenait : « La question 
des Duchés de l'Elbe, celle du différend italien et celle 
des réformes à apporter au pacte fédéral, en tant que 
ces réformes pourraient intéresser l'équilibre européen. » 
La Prusse, convaincue que la proposition ne pouvait 
aboutir, se donna le mérite d'accepter l'idée du con- 
grès. L'Autriche refusa : elle n'admettait pas qu'on lui 
demandât de céder la Yénétie que des traités lui avaient 
assurée sans conditions, quand on ne demandait pas à 
la Russie, non-seulement de céder la Pologne, mais d'y 
exécuter les conditions que ces mêmes traités avaient 
stipulées. On ne lui offrait même pas de compensations 
territoriales, tandis qu'on paraissait reconnaître à la 
Prusse le droit de s'arrondir des Duchés et qu'on admet- 
tait que lltalie s'arrondit de la Yénétie. Elle demandait 
de plus pourquoi on n'avait pas exécuté les traités de 
Villaft'anca et de Zurich. Il est certain qu'au point de 



LA RÉSOLUTION DU 44 JUIN — Ï.A GUERRE 399 

vue du vieux droit européen, l'Autriche avait raison. A 
Vienne, non-seulement on était résigné à la guerre, 
mais on la considérait comme salutaire à l'Émpijce. 
D'ailleurs, l'Autriche victorieuse pourrait faire la cession 
qu'elle refusait avant la guerre, et elle n avait pas laissé 
ignorer à la France qu'on l'y trouverait alors disposée, 
moyennant une compensation territoriale. 

Le i" juin, l'Autriche soumit à la diète d^e Francfort 
la question du Slesvig-Holstein. En même temps, elle 
ordonna au général de Gablentz de convoquer les Etats 
du Holstein « pour recevoir les vœux du pays sur son 
sort à venir. » La Prusse déclara aussitôt la conventioi} 
de Gastein violée et donna ordre au général de Man*- 
teufifel, de faire rentrer ses troupes dans le Holstein^ 
■que les Autrichiens, inférieurs en forces, évacuèrent le 
11 juin. Le même jour, l'Autriche en appela à la diète 
«outre la Prusse et demanda qu'on mobilisât l'armée de 
la confédération, pour procéder à une exécution, fédé- 
rale contre son ennemie. Le 14 juin, cette motion fut 
adoptée par 9 voix contre 5. M. de Bismark répliqua 
par une circulaire, où il déclarait que la confédération 
germanique n'existait plus et que, dans la nouvelle con- 
fédération qu'organiserait le futur parlement allemand, 
l'Autriche ne serait pas admise. Puis, en quatre jours» 
il fit occuper le Hanovre, la Saxe et la Hesse électorale 
(du 15 au 18 juin). 

En même temps l'Italie se mettait en can^pagne ;,La 
Marmora partait, le 17 juin, pour son quartier général 
«et on formait un corps de volontaires sous les ordres de 
ôaribaldi. L'envoyé prussien à Florence, M. d'Usedpm, 
proposa à l'armée italienne, comme plan de campagne, 
de marcher sur Vienne sans s'attarder au siège du qua- 
drilatère, de jeter Garibaldi sur les côtes de Dalmatie 
pour soulever les Slaves, tandis que la Prusse essaierait 
de soulever les Magyars au nom de Kossuth. La Marr. 
mora refusa. 

Alors commença cette guerre qui révéla tant de 



900 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

choses ignorées de l'Europe et donna des leçons dont 
l'imbécile régime impérial sut si peu profiter. La Prusse, 
vouée toute entière à l'idée de venger Thumiliation 
d'Olmûtz, s'était préparée en siLence. L'étude straté- 
gique des chemins de fer et leur emploi, l'armement 
par le fusil à aiguille, la connaissance topographique 
approfondie des théâtres probables de la guerre tels 
que la Bohème, les ressources pécuniaires, les plans de 
de Moltke, tout était à point. De plus, les forces morales 
étaient immenses : il y avait dans cette armée, com- 
posée de toutes les classes de la nation, une ardente 
unité de patriotisme, une foi farouche dans la mission 
historique de la nation jointe à l'excitant souvenir des 
revers passés et de l'année de honte mil huit cent cin- 
quante. 

L'Autriche, au contraire, ne s'était renouvelée en 
rien. Son armée, d'une incontestable bravoure, avait 
encore, sauf en son admirable artillerie, l'armement an- 
cien, et ses généraux ne connaissaient que la vieille tac- 
tique. De plus, l'unité morale y manquait : dans l'armée 
qui se battit à Kœniggraetz, il y avait 23 régiments 
allemands, 23 hongrois, 13 polonais, 7 italiens et encore 
les régiments hongrois étaient-ils mélangés de Croates, 
de Serbes et de Roumains. C'était une Babel militaire, 
image de la Babel nationale. La concentration s'opéra 
lentement. Ce ne fut que vers le milieu de juin que 
Bénédek compta sous ses ordres 263,000 hommes et 
752 canons : il fut rejoint de plus, du 16 au 18, par la 
petite armée saxonne de 23,000 hommes et 60 canons. 
On avait envoyé, en ItaUe, 164,000 hommes des meil- 
leures troupes. La Prusse, elle, avait rapidement amené 
à la frontière austro-saxonne, grâce à ses chemins de 
fer, 254,000 hommes avec 800 canons, commandés en 
chef par le roi Guillaume et divisés en trois armées : 
première armée sous les ordres du prince Frédéric- 
Charles, armée de Silésie sous ceux du prince royal, et 
armée de ITElbe sous ceux du général Herwarth. 



] 



BATAILLE DE SADOWA 30f- 

La Prusse opéra avec rapidité dans le double but 
d'assurer les communications entre les deux parties de^ 
la monarchie et de couper les Autrichiens des Bavarois. 
Dès le 18 juin, Herwarth entrait à Dresde et, le 20 juin, 
la Saxe toute entière, que Bénédek n'avait pas occupée,, 
était aux mains prussiennes. La Hesse électorale fut 
envahie le 19 par Falkenstein et l'Électeur transporté 
à Stettin. Le 22, le Hanovre subit le même sort et, 
le 28, la petite armée hanovrienne, qui cherchait à 
gagner la Bavière, livra le sanglant combat de Langen- 
salza et capitula le 29. Les Autrichiens étaient isolés des 
Bavarois et n'avaient plus à compter sur le secours de 
l'armée fédérale. 

Bénédek, dans son orgueilleuse confiance, commit 
fautes sur fautes. Il croyait que les Prussiens tente- 
raient de s'ouvrir le chemin de Vienne par la Silésie et 
Olmûtz, et il manœuvra constamment sous l'empire de 
cette fausse idée. Il les attendit en Bohème pour les 
battre successivement, à la sortie des défilés. Mais les 
Prussiens envahirent à la fois, par le nord-ouest et par 
le nord-est, les 23 et 24 juin. Le premier combat eut 
lieu le 25 à Liebenau, où l'on constata les terribles 
effets du fusil à aiguille : l'effet moral fut énorme. L'ar- 
mée de l'Elbe défit Glam-Gallas, à Gitschin, le 27. Enfin, 
Bénédek échoua dans son dessein d'attirer l'armée du 
prince royal à Kœniginhof pour la battre , et , le 27, 
Steinultz battit Gablentz à Nackod et le força à se 
retirer sur Skalitz ; puis, les jours suivants, il remporta 
une série de succès qui permit à l'armée du prince royal" 
de se concentrer et de se mettre en communication 
avec l'armée de Frédéric-Charles. La grande bataille 
était inévitable. Bénédek choisit, pour la livrer, la posi- 
tion depuis longtemps étudiée de Sadowa, adossée à 
l'Elbe. Les Prussiens résolurent de l'y attaquer, bien que 
le prince royal fût à cinq lieues de là, et de soutenir 
tout le choc de l'armée autrichienne pour lui donner le 
temps d'arriver. La bataille s'engage^ le 4 juillet. A 



a02 HISTOIRE DE L'AUTRIGHE 

deux heures les Prussiens étaient tenus en échec sur 
toute la ligne : mais à ce moment Tarmée du prince 
royal arriva, se mit en ligne et attaqu«^ Textrème droite 
des Autrichiens ; un des généraux du prince, Hiller, s'em* 
para, au cœur même de Tarmée autrichienne, de la posi- 
tion dominante et décisive de Ghlum que Bénédek ne put 
reprendre. A trois heures et demie, les Prussiens débus- 
quaient les Autriciiiens de toutes les hauteurs et chan- 
geaient leur retraite en déroute : des milliers de kai-^ 
serlicks se noyèrent dans TElbe. Les Autrichiens lais- 
saient entre les mcdns de Tennemi 20,000 prisonniers, 
7 drapeaux, 160 canons, et comptaient 4,861 morts el 
13,920 blessés. 

Bénédek demanda un armistice qui fut refusé. L^Autri- 
che soUicita alors la médiation de Napoléon III, auquel 
François-Joseph remit la Yénétie dans la nuit même du 
4 juillet. Guillaume consentit, mais à condition que TAu- 
iriche acceptât préalablement certains préliminaires de 
paix, et, tout en continuant de marcher sur Vienne par 
Olmûtz, Brûnn et Iglau. L*armée dltalie avait été rap- 
pelée avec le vainqueur de Gustoza, rarchiduc Albert, 
nommé généralissime, qui se concentrait sur la rive 
gauche du Danube. Le 18 juillet, le quartier-général 
du roi de Prusse fut porté à Nikolsbourg, à dix milles 
de Vienne. La résistance était difficile : Albert n'avait 
que 20,000 hommes, en partie désorganisés, à opposer 
aux armées prussiennes portées par des renforts i 
246,000 hommes. Le 26, les préliminaires de paix furent 
signés à Nikolsbourg, et le 29 Guillaume repartit pour 
Berlin. 

Les Prussiens n'avaient pas été moins heureux sur le 
Mein où Falkenstein fit une campagne remarquable. 
L'armée fédérale, qui comptait dans ses rangs 12,000 Au- 
trichiens, évita constamment des engagements décisif,, 
mais fut non moins constamment repoussée, trompée, 
coupée par la rapidité et la science des généraux prus- 
siens qui s'avancèrent jusqu'à Darmstadt, à Heidelberg 



BATAILLE DE GUSTOZZA 308 

«t dans le nord du Wurtemberg. Le 16 juillet ils avaient 
pris Francfort d*où la diète s'était enfuie le 14, un moia 
juste après le fameux vote de mobilisation. On sait com- 
ment ils punirent cette malheureuse ville de ses sympa- 
thies autrichiennes, la contribution de 25 000 000 de flo-* 
nns de Manteuffel, le suicide du bourgmestre, Thisto- 
rique menu des réquisitionnaires prussiens. L'armistice 
de Nikolsbourg s'étendit à la Bavière, au Wurtemberg, 
à Bade et à la Hesse grand-ducale. 

Vaincus en Allemagne, les Autrichiens avaient été 
vainqueurs en Italie : Victor-Emmanuel et La Marmora 
avaient vu battre en quelques heures l'armée qu'ils pré* 
paraient si soigneusement depuis six ans. Cette armée 
de 225,000 hommes à mettre en ligne, commandée par 
Gialdini, Brignone, Govone, Sirtori, Medicî, Bixio, 
Pianelli, s'appuyait à un corps de 40,000 volontaires 
sous les ordres de Garibaldi et à une flotte puissante 
qui devait combiner ses mouvements avec elle. L'Au- 
triche lui opposait l'invincible front du quadrilatère et 
200,000 hommes dont 20,000 gardaient la vallée supé- 
rieure de l'Adige du côté du Tyrol, 25,000 occupaient 
llstrie, Trieste et Pola; 10,000 observaient le littoral de 
la Dalmatie où on craignait un débarquement de Gari- 
baldi, et 55,000 tenaient garnison à Vérone, Mantoue, 
Peschiera, Legnago et Venise. Le général en chef autri- 
chien était l'archiduc Albert, fils du célèbre archiduc 
Charles et avait sous ses ordres les généraux Lichtenstein, 
Maroicic, Hartung, Ruprech et Pultz. 

Le 20 juin La Marmora adressa à Albert son mani- 
feste de guerre. Le 22 il se trouvait sur ce terrain bien 
-connu d'opérations où l'avait surpris en 1859 la paix de 
ViUafranca. Le 23 il passa le Mincio et entreprit la rude 
opération de pénétrer de front dans le quadrilatère, 
tandis que Gialdini se disposait à tourner le même qua- 
drilatère en attaquant par le Bas-P6 : mais l'archiduc 
Albert devina qu'avant que Gialdini accomplît son opé- 
ration, il avait deux ou trois jours devant lui pour se 



904 HISTOIRE DE L'AUTRIGHE 

porter au devant de La Marmora. Le 24, quittant ses po- 
sitions entre Vérone, Vicence et Padoue, il se déploya 
devant l'armée italienne qui marchait à l'aventure et 
ne le croyait pas si près. La bataille s'engagea auprès de 
Gustoza : perdue par les Italiens à dix heures et demie 
du matin, elle fut rétablie en leur faveur entre midi et 
deux heures, puis définitivement perdue de deux heures 
au soir par le manque de coordination des mouvements 
des divisionnaires italiens et par la faiblesse de la direc- 
tion supérieure. L'armée italienne se mit en retraite. 

Lltalie ne fut pas plus heureuse sur mer. Elle avait 
dépensé trois cent millions pour se donner une des plus 
belles flottes de l'Europe : ses cuirassés construits en 
Amérique et en France, son monitor VAffondatore à 
l'artillerie formidable, ses canonnières devaient anéantir 
d'un seul coup la vieille flotte autrichienne mal armée 
et montée par des équipages de Dalmates et de Véni- 
tiens. L'amiral italien était Persano, l'autrichien Te- 
gethof. Persano appareilla le 16 juillet pour s'em- 
parer de Lissa, grande île de la côte de Dalmatie et 
prendre la revanche de Gustoza. L'attaque eut lieu du 
17 au 19, et le 20 Tegethof accourut à la tète de tous ses 
bâtiments au secours de la forteresse. Avec une audace 
merveilleuse et une admirable décision, il massa son 
escadre et la lança de toute sa vitesse sur l'ordre mince 
si absurdement adopté par Persano. Monté sur le Mclx^ 
frégate de 600 chevaux, il coula le cuirassé ilRe â^ItaUa 
qui disparut dans les flots avec 400 hommes. Le Paiestro 
sauta. La flotte italienne, battue par les vaisseaux de 
bois de l'Autriche, rentra à Ancône, laissant toutes les 
marines de l'Europe en doute de l'efficacité des cui- 
rassés. 

La paix entre l'Autriche et la Prusse fut signée le 
23 août à Prague. Elle stipula que l'empereur d'Autriche 
consentait à la réunion de la Vénétie au royaume d'Italie, 
qu'il reconnaissait la dissolution de la confédération ger- 
manique et ne s'opposerait pas à une organisation nou- 



TRAITÉ DE PRAGUE 30& 

relie de TAllemagne dont TAutriche serait totalement 
3X-clue, qu'il reconnaîtrait l'union fédérale plus étroite 
[jui serait fondée par le roi de Prusse au nord de la 
li^ne du Mein ; il consentait à ce que les états allemands 
au sud de cette ligne contractassent une union qui aurait 
une existence internationale indépendante et dont les 
\iens nationaux avec la confédération du nord feraient 
l'objet d'une entente ultérieure entre les deux parties ; 
M transférait au roi de Prusse tous les droits que la paix 
de Vienne du 31 octobre 1864 lui avaient reconnus sur 
les Duchés de Slesvig et de Holstein, avec cette réserve 
que les populations des districts du nord du Slesvig 
seraient de nouveau réunies au Danemark, si elles en 
exprimaient le désir par un vote librement émis. 11 fut 
convenu que le roi de Prusse laisserait subsister la Saxe 
dans son étendue actuelle, que l'empereur d'Autriche 
reconnaîtrait les modifications territoriales qui seraient 
opérées par la Prusse dans le nord de l'Allemagne, que 
l'Autriche paierait à la Prusse une indemnité de 20 mil- 
lions de thalers versés en trois semaines, que le traité 
de commerce et de douane du 11 avril 1865 rentrerait 
en vigueur provisoirement, mais que le traité moné- 
taire de 1857 serait aboli. 

Dès le 18 août des traités particuliers avaient cons- 
titué la fédération du nord. La Prusse avait gagné à cette 
campagne foudroyante la direction du nord de l'Alle- 
magne, la direction militaire du sud, l'exclusion de l'Au- 
triche du corps germanique, 1,300 milles carrés de ter- 
ritoire et 4 millions et demi de nouveaux sujets, 230 mil- 
lions d'indemnités de guerre, des ports militaires et la 
certitude qu'elle absorberait tôt ou tard l'Allemagne 
entière. 



CHAPITRE m 



Le dilMBiift. — M. de Beosl. — Bxposé de la Gonstitation de 
déeembre et da nteamsaie dualiste. — Gonstitation de la Cis- 
leithaaie. — Gonstitation de la Transleithanie. — Lois confes- 
sionnelles. — Finances. 



Le monde entier crat à la dissolution fatale de rem- 
pile autrichien, à reffacement complet de ce qui était 
bien plus que lltalie une expression géographique. Le 
finù Austrùe retentit dans toutes les appréciations, 
même les plus indulgentes Nationalités se haïssant et 
aspirant dans le chaos à Tautonomie, effroyable crise 
financière et commerciale, le germanisme et le pansla- 
visme sollicitant chacun de leur côté les épaves des 
vaincus de Sadowa, Tannée humiliée, le décourage- 
ment, le peu de sjrmpathie du monde moderne qui 
voyait dans la couronne des Habsbourgs le symbole de 
l'absolutisme, du cléricalisme et de Toppression des 
peuples, tout semblait conjuré pour faire de la Felùc Attf- 
tria le plus malheureux des pays. Toutes les formes 
constitutionnelles qui lui avaient été appliquées avaient 
successivement échoué ; rénumération en était longue : 
contîtution octroyée par l'empereur Ferdinand le 
25 avril 1848 ; constitution octroyée par François- • 
Joseph en mai 1849 et révoquée par la patente da 
31 décembre 1851 ; absolutisme de Schwarzemberg et 



LE DUALISME — SON ADOPTION 307 

Ag Bach ; diplôme du 20 octobre 1860 revenant au 

régime constitutionnel ; fédéralisme timide de M. Golu* 

cliowski; constitution centraliste libérale de M. de 

Schmerling du 26 février 1861, suspendue par le mani* 

f este du 20 septembre 1865 ; essais fédéralistes de Bel- 

credi repoussés par la Hongrie et contemporains de ia 

crise de Sadowa. Que restait-il à tenter ? 11 ne restait 

forcément que le dualisme voulu par les Hongrois, 

devenus les arbitres des destinées de Tempire et le 

sachant bien. 

Le dualisme a deux formes : la première est Tunion 
purement personnelle ; les deux parties absolument 
indépendantes n'ont de commun que le souverain qui 
les gouverne ; tel est l'état de la Suède et de la Nor- 
wége, qui vivent chacune avec leurs institutions propres, 
leurs chambres, leurs finances, leur armée, sous le 
sceptre du monarque de Stockholm. La seconde est celle 
où les deux parties reconnaissent qu'elles ont un certain 
nombre d'intérêts communs qui doivent être réglés 
dans des délibérations communes et par le jeu d'un 
mécanisme spécial. Les démocrates hongrois, tels que 
Tisza et Ghycky, ne voulaient que l'union personnelle ; 
Deak admettait le dualisme mitigé par la reconnais- 
sance d'intérêts communs aux deux moitiés de l'empire. 
U salua avec joie la sortie de l'Autriche de la confédé- 
ration germanique, car c'était de là qu'étaient toujours 
venus les plus grands dangers pour les Hongrois, mais 
attendant son heure, il ne prêta pas la main à ce que, 
pendant la lutte, les exilés de Klapka soulevassent le 
pays. Aussitôt la paix de Prague signée, le ministère 
Belcredi comprit en effet qu'il fallait satisfaire à tout 
prix les Hongrois : il leur accorda un ministère respon- 
sable, convoqua la diète et l'invita à préparer un projet 
d'accord (Atts^/etcA). 

En septembre, François-Joseph déclara que le projet 
élaboré par la diète hongroise serait soumis à l'examen 
des autres diètes de la monarchie. Il le fut, en effet, le 



906 HISTOIRE DE L*AUTRIGHE 

19 novembre 1866. Les diètes slaves (Gallicie, Bohème^ 
Moravie, Garniole, Croatie) le rejetèrent, car. elles ne 
voulaient entendre parler à aucun prix du dualisme. 
Les diètes allemandes réclamèrent le rétablissement de 
la constitution Schmerling suspendue en 1865 et la 
convocation du Reicbsrath selon cette constitution. 
L'empereur, toujours flottant, s 'effraya des clameurs 
des Slaves, et le 2 janvier 1867, il convoqua pour le 
25 février un Retcksrath extraordinaire, c'est-à-dire une 
assemblée constituante qui discuterait VAmgleïck. Elle 
devait être composée de 203 membres. Les Slaves, sûrs 
d'y avoir la majorité, applaudirent, mais les Magyars, 
non moins sûrs d'y être en minorité, et les Allemands, 
certains qu'on y voterait le fédéralisme, réclamèrent 
avec une énergie qui amena la chute du ministère 
Belcredî. M. Belcredi eut pour successeur, le 7 février, 
le baron de Beust, l'ex-ministre de Saxe, tant détesté 
de M. de Bismark qui avait refusé de l'admettre à 
Nikolsbourg. M. de Beust, avec une grande décision, 
renonça au reichsrath extraordinaire et convoqua le 
reichsrath ordinaire établi par la constitution Schmer- 
ling, mais en le bornant à la Gisleithanie et en lui de^ 
mandant de ratifier l'accord conclu avec la Hongrie, car 
il s'était mis d'accord avec Déak. On dut inventer ces 
deux expressions d'une étrange et toute artificielle 
géographie pour désigner les deux moitiés de l'empire 
séparées par la petite rivière Leitha : Cisleithante (Basse- 
Autriche, Haute-Autriche, Saltzbourg, Styrie, Garinthie, 
Garniole, Tyrol, Voralberg, Goritz et Gradisca, Istrie, 
Dalmatie, Bohême, Moravie, Silésie, Gallicie, Bukovine, 
Trieste) et TVansfeiYAanze (Hongrie, Transylvanie, Groatie- 
Slavonie, Gonfins, Voïvodie serbe). 

Les Slaves étaient absolument sacrifiés : on les livrait 
à l'hégémonie des Allemands dans la Gisleithanie, à 
celle des Magyars dans la Transleithanie. Les diètes 
chargées de faire les élections au reichsrath ordinaire 
(18 février) protestèrent énergiquement contre ce dua- 



CE QUE c'est que LE DUALISME 309 

&inequi les broyait, eux supérieurs en nombre, entre 
jux nationalités exclusives et oppressives. L'adresse 
la diète de Bohème, votée par 56 voix contre 76, 
Lt si vive, que la diète fut dissoute : celle qui la rem- 
iaça, grâce aux influences allemandes, consentit à 
ienvoyer ses députés au reichsrath. La Gallicie, satisfaite 
Ae recevoir pour gouverneur le comte Goluchowski, 
envoya aussi ses députés à Vienne. Le reichsrath put se 
réunir et délibérer utilement ; il ratifia VAmgkich que 
l'empereur avait accepté le 17 février, et qu'avait défi- 
nitivement élaboré une commission de 67 députés à la 
diète hongroise {Elaborât des 67). 

Voyons quels sont les traits de ce compromis qui est 
en ce moment la loi de TAustro-Hongrie et qui doit 
être renouvelé en la présente année 1877. Nous en don- 
nerons d'abord une idée générale, puis nous l'examine- 
rons en détail. 

Il y a dans l'Austro-Hongrie trois sortes d'aflaires : 
d'un côté les affaires cisleithanes, de l'autre les affaires 
transleithanes , et au-dessus d'elles les affaires com-. 
munes à ce tout indivisible qui forme l'empire. Pour le 
règlement de ces trois sortes d'affaires, il y a trois 
sortes d'institutions : un ministère et un parlement cis- 
leithan — un ministère et un parlement transleithan — 
un ministère commun aidé de deux délégations de cha- 
eune 60 membres, élues par le parlement cisleithan et 
par le parlement transleithan pour une année, et sié- 
geant alternativement à Vienne et à Pesth : les déléga- 
tions, rouage tout à fait nouveau, sont, à proprement 
parler et quelque horreur que ce terme inspire aux Ma- 
gyars, un parlement commun émanant des deux parle- 
ments spéciaux. 

Les deux moitiés de l'empire n'ont d'intérêt commun 
que sur les trois points suivants : relations étrangères 
— armée — finances. Trois départements ministériels 
correspondant à ces trois ordres d'intérêt forment le 
ministère commun présidé par le chancelier de l'empire 



910 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

qui était alors M. de Beust, qui est maintenant te 
comte Andrassy, et auquel est réservé le portefeuille 
des affaires étrangères. La Gisleithanie contribue aux 
dépenses communes pour 70 0/0 et la Transleithanie 
pour 30 0/0. On convint de plus, le i9 novembre 4867, 
que la Transleithanie fournirait annuellement, pour 
couvrir les intérêts des dettes de TÉtat, une somme 
invariable de 29, 188,000 florins. 

En dehors de ces intérêts communs, chaque moitié de 
l'empire agit dans ses limites comme un état absolu* 
ment indépendant : le ministère de Vienne et le parle- 
ment cisleithan ou Beîcksratk, le ministère de Pesth et 
le parlement transleithan ou Reichstag règlent souve- 
rainement tout ce qui concerne le culte, la justice, 
l'administration, Tinstruction publique, les chemiiis 
de fer, dans leur moitié d*£mpire, et même si Tamiée 
hongroise est considérée comme partie intégrante de 
l'armée nationale commandée par Tempereur, le Reich-^ 
stag s'est réservé le droit de régler le mode de recru- 
tement, la durée du service et l'entretien des troupes. 

Tels sont les traits généraux du dualisme ou com- 
promis {Ausgleich) qui constitua tous les états des 
Habsbourgs en deux groupes distincts, ayant chacun 
un gouvernement et des institutions à part, qui consacra 
le droit historique de la Hongrie comme nation souve- 
raine, et donna aux Magyars non-seulement l'indépen- 
dance nationale , mais encore cette domination sur les 
autres races des pays de Saint-Etienne à laquelle ils 
aspiraient depuis longtemps. Le pacte fut conclu pour 
jusqu'au 31 décembre 1877 et consacré par le sacre 
solennel à Pesth de François-Joseph comme roi de Hon- 
grie, au milieu d'un enthousiasme monarchique qui 
effaça trop facilement le souvenir des héros pendus et 
fusillés à Arad (juin 1867). Toute la presse européenne 
multiplia le récit de ces pompes gothiques et religioso- 
féodales, si chères aux Magyars. 

Mais en entrant dans le détail du compromis, nous 



MÉCANISME DES DÉLÉGATIONS 311 

dlons voir quels inconvénients il présente tant au 
[loint de vue de son propre fonctionnement qu'au point 
Je vue des autres races de l'empire, et combien provi* 
soîre doit être cette solution à la fois compliquée et 
injuste, uniquement conçue dans l'intérêt des Allemands 
et des Magyars. 

Lies deux délégations, de chacune 60 membres, nom- 
mées par le Reichsrath de Vienne et le Reichstag de 
Pesth pour s'occuper des intérêts communs de l'empire, 
et devant lesquelles le ministère commun est respon- 
sable, siègent et délibèrent séparément. Un tiers de& 
membres est pris dans les chambres hautes des deux 
parlements, et les deux autres tiers dans les chambres 
basses : ils sont nommés pour un an et rééligibles. Cha- 
que délégation nomme son président et son secrétaire 
et partage avec le ministère commun le droit d'initia- 
tive. Après avoir délibéré chacune séparément, les délé- 
gations se réunissent en séance plénière et si, dans cette 
Téunion, une des délégations est plus nombreuse que 
l'autre, on élimine par la voie du sort autant de mem- 
bres qu'il le faut pour rétablir l'égalité. Ces séances plé- 
nières se passent dans un profond silence : on se con- 
tente de voter sur les propositions mises à l'ordre du 
jour et délibérées pour chaque délégation dans sa séance 
spéciale, sans pouvoir ni les discuter ni les amender. 
Quand une proposition faite par une délégation reste 
sans résultat après un échange de trois communication» 
écrites, la séance plénière est de droit. Ce sont les Ma- 
gyars qui ont exigé ces débats silencieux : 1® pour éviter 
jusqu'à l'apparence d'une représentation commune avec 
les pays cisleithans; 2^ pour n'être pas obligés d'em- 
ployer dans les séances plénières la langue officielle, 
c'est-à-dire l'allemand. Les communications écrites de 
chaque délégation à l'autre, sont faites dans la langue 
nationale de la délégation communiquante, avec tra- 
duction authentique. Les résolutions prises par les 
délégations en séance plénière et sanctionnées par 



312 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

l'empereur, deviennent lois générales de Tempire. 

Voilà certes uii étrange mécanisme : dans le but 
^l'éviter toute apparence de parlement central, on a ré- 
duit les délégations à une véritable impuissance : pas 
.plus que le ministère central, elles n'ont d'action sur la 
marche des affaires intérieures dans chacune des deux 
moitiés de Tempire. « Supposons, dit M. de Laveleye 
-avec raison, une question grave sur laquelle Içs deux 
parties ne soient point d'accord, il s'agit par exemple 
d'une guerre avec la Prusse ou avec la France, com- 
mandée par l'intérêt allemand, acceptée par la déléga- 
tion cisleithane : la Hongrie, elle, veut la paix. Néan- 
jBoins quelques membres de la délégation hongroise 
. votant avec ceux de l'autre assemblée, les crédits néces- 
saires aux armements sont accordés. Groit-on que les 
iroupes et les finances hongroises se prêteraient à Texé- 
<;ution d'une décision prise contrairement à la volonté 
^e la nation, et s'imagine-t-on que le mécanisme de la 
constitution centrale résisterait à cette épreuve ? Le mo- 
ment peut donc venir où les délégations deviendraient 
Aine occasion de conflits et d'animosités de race, parce 
qu'une nation supportera difficilement de se voir liée ou 
entraînée par une résolution émanant de représentants 
'<iu'elle n'a pas élus. » M. de Laveleye écrivait ceci 
en 1868 : la question d'Orient où les Magyars prennent 
si âprement parti pour les Turcs, leurs consanguins, va 
peut-être nous prouver combien ces prévisions étaient 
justes, et combien fragiles sont ces combinaisons artifi- 
cielles sorties du cerveau du juriste Déak, pour ré- 
pondre aux nécessités d'une situation artificielle elle- 
même. 

Examinons maintenant la constitution de chacune 
des deux moitiés de l'empire. 

La constitution de la Gisleithanie, discutée par le 
Reichsrath qui se réunit le 22 mai 1867 et sanctionnée 
par l'empereur le 21 décembre de la même année (d'où 
le nom de constitution de décembre), la première des 



CONSTITUTION DE DÉCEMBRE 313 

XîOTistîtutions autrichiennes qui n'émanât pas de la toute- 
^puissance impériale, consacre les grands principes du 
parlementarisme : inviolabilité des députés, initiative, 
tiroit d'interpellation, droit de pétition, publicité des 
débats, responsabilité ministérielle ; elle établit aussi : 
l'égalité devant la loi, Tadmissibilité de tous aux em- 
plois publics, l'inviolabilité de la propriété, l'abolition 
de toute servitude, la liberté individuelle, la liberté de 
penser, la liberté de conscience, l'égalité des races, 
ch cune ayant le droit de sauvegarder sa nationalité et 
sa langue. 

Le Reichsrath ou parlement cisleithan se compose 
de deux chambres : celle des seigneurs qui comprend 
les princes majeurs de la maison impériale, membres 
de droit, ainsi que les 9 archevêques et les 7 évéques 
ayant rang de princes — les grands seigneurs proprié- 
taires au nombre de 53, membres héréditaires — et les 
membres nommés à vie par l'empereur au nombre de 
cent ; et la chambre des députés qui comprenait, en 1868, 
203 membres élus par les diètes dans leur propre sein, 
mais qui en compte maintenant 358, élus, ainsi que 
nous le verrons plus tard, par voie d'élection directe, 
dans quatre classes d'électeurs de chaque pays. — Les 
attributions du Reichsrath, ainsi composé, sont celles 
des parlements européens les plus avancés ; les séances 
sont publiques. 

Le ministère cisleithan comprend un président du 
conseil, un ministre de l'intérieur, un ministre des cultes 
et de l'instruction publique , un ministre de la justice, 
un ministre du commerce et de l'économie nationale, 
un ministre de l'agriculture, un ministre des finances, 
un ministre de la défense du pays et quelquefois des 
ministres sans portefeuille. 

Les Etats, dont la réunion forme la Cisleithanie, ont 
conservé leurs diètes ou assemblées provinciales, telles 
qu'elles ont été organisées par le diplôme de 1860. Elles 
sont présidées, au nom du .pouvoir central, par le 

A8SELDIE. 18 



314 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

gouverneur ou maréchal de la province. Réunies chaque 
année, elles sont renouvelées tous les six ans, et leurs 
attributions embrassent toutes les questions intéressant 
la province. Leurs décisions doivent être revêtues de la 
sanction impériale; elles nomment un comité eK.écutif 
que préside également le gouverneur ou maréchal^ 
kquel doit être lui-même membre élu de la diète. 
Leur système de recrutement est excessivement corn-- 
pliqué ; U varie légèrement d*état à état, mais on peut 
dire qu'il repose encore sur la représentation par or- 
dres, car les députés aux diètes sont élus : 1^ par les 
grands propriétaires fonciers; â® par les villes, places 
de marché, chambres de commerce et d'industrie; 
3^ par les communes rurales. Pour faire partie comme 
électeur du premier groupe, il faut payer un cens plus 
ou moins élevé selon les états, et être détenteur d'un 
ancien domaine seigneurial privilégié d'avant 1848 : ce 
détenteur peut être un non noble, excepté en Tyrol où 
la noblesse est exigée. Les électeurs^ grands proprié- 
taires, peuvent voter par procuration. En un mot, ee 
premier groupe comprend l'aristocratie terrienne et 
nobiliaire : ses députés, qui sont au nombre de 2â9 sur 
les 1016 membres que comptent les 17 diètes cislei- 
thanes sont, à proprement parler, les députés de l'ordre 
de la noblesse, et quand on pense que la haute chambre 
du Reichsrath est presque exclusivement composée de 
nobles, on voit quelle part énorme est faite à l'aristo- 
cratie dans la Gisleithanie actuelle. Les électeurs du 
2* groupe appartiennent au commerce, à l'industrie et 
aux professions libérales : ainsi , pour prendre un 
exemple, ce groupe envoie 29 députés à la diète de la 
Basse-Autriche : à savoir, 9 pour Vienne, 12 pour les 
autres douze villes de l'État,. 4 pour les chambres de 
commerce et d'industrie. Ce groupe répond à peu près 
à notre ancienne bourgeoisie. Le 3* groupe est composé 
des électeurs des communes rurales, mais ces électeurs 
n'exercent leur droit qu'à deux degrés. Chaque com- 



INSTITUTIONS TRANSLIETHANES 315 

mune nomme un électeur par 500 habitants, et ce sont 
ces électeurs du 2« degré ( Wahlmaenner) qui élisent les 
députés à la diète. 

Voilà bien des choses bizarres, reste des anciens us 
féodaux; telle petite ville fait partie du deuxième groupe 
et voit ses électeurs voter directement, tandis que telle 
commune réputée rurale et bien plus importante que 
les villes déclarées telles par la loi, n'a qu'une voix par 
500 habitants. Mais nous constaterions bien d'autres 
anomalies encore si nous entrions dons le détail des lois 
qui régissent la capacité électorale dans le deuxième 
et dans le troisième groupe : tantôt c'est le cens, tantôt 
c'est la qualité personnelle du citoyen qui confère cette 
capacité : les femmes, excepté dans la Haute- Autriche 
et à Vienne, ont le droit électoral à la condition de 
l'exercer, soit par leur mari, soit par une procuration 
donnée à un tiers. 

Les réformes de 1873, qui ont introduit les élections 
directes pour le Reichsrath, n'ont pas touché à l'orga- 
Hisation des diètes provinciales : celles-ci continuent à 
former de vrais petits parlements nationaux, dont quel- 
ques-uns comptent un très-grand nombre de membres ; 
la diète de Bohème en a 241 , celle de Gallicie 150, 
celle de Moravie, 100, etc. Ces diètes seraient des or- 
ganes puissants de décentralisation et de progrès, si 
elles n'étaient toutes dominées exclusivement par les 
idées de nationalité et sous l'influence du fédéralisme 
aristocratique et religieux dont le prototype est en 
Bohème le parti des Vieux-Tchèques. 

Telles sont les institutions cisleithanes : voyons main- 
tenant les institutions transleithanes. 

A la tète de la Transleithanie se trouve le ministère 
hongrois responsable devant le parlement de Pesth ou 
Reichstag, Ce ministère — qui commença à fonctionner 
le 17 février 1867 — comprend les départements sui- 
vants : présidence du conseil, ministre de la cour, mi- 
nistère de l'instruction publique et des cultes ; minis- 



316 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

tère des voies de communication et des travaux publics;, 
ministère des finances; ministère de la justice; minîs- 
tère de l'agriculture, de Tindustrie et du commerce; 
ministère de la défense du pays ; ministère de l'intérieur. 
Plus tard fut créé un ministère pour la Croatie et pour 
la Slavonie. 

Le Reichstag comprend deux chambres : la chambre 
haute ou table des Magnats et la chambre des députés. 
La chambre haute se compose de 414 députés : archi- 
ducs royaux propriétaires dans le royaume; 31 arche- 
vêques, évèques et abbés; 12 bannerets du royaume; 
57 palatins supérieurs; 1 comte saxon, 1 gouverneur 
de Fiume; 3 princes; 218 comtes, 80 barons et 3 réga- 
listes de Transylvanie. Tout cela sent absolument la 
féodalité. La chambre ou table des députés comprend 
444 membres dont 334 de la Hongrie proprement dite, 
75 de Transylvanie, 1 de Fiume, 34 de Croatie et de 
Slavonie. 

Les députés sont nommés d'après la loi électorale 
dé 1848. Cette loi confère le droit de suffrage au haut 
clergé, aux cinq ou six cent mille nobles. Magyars, à la 
bourgeoisie des villes royales libres, à tous les habitants 
de Transleithanie ayant 20 ans, et remplissant l'une 
des conditions suivantes : posséder une propriété immo- 
bilière de 300 florins — être établi comme ouvrier, 
marchand, fabricant pour son propre compte, avec 
l'aide d'un employé permanent — jouir d'un revenu 
annuel d'au moins 100 florins — exercer une profession 
libérale ou appartenir à une classe instruite - être 
bourgeois permanent d'une ville. C'est presque le suf- 
frage universel. 

Le comitat, ce foyer de la vie politique hongroise, a 
été conservé et amélioré par la diète de 1848. Chaque 
comitat a son assemblée ou congrégation régulièrement 
élue et un préfet {cornes ou foïspan), nommé par l'empe- 
reur et presque sans attributions. Les villes libres royales 
sont indépendantes des comitats et du pouvoir central 



INCONVÉNIENTS ET INIQUITÉ DU DUALISME 317 

et élisent tous leurs fonctionnaires, depuis le maire 
jusqu'à Tingénieur; c'est l'application la plus étendue 
qu'il y ait en Europe du self-govemment. 

Tel est le dualisme au point de vue de son fonction- 
nement intérieur. C'est, on le voit, un organisme d'une 
énorme complication, préparé dès 1865 par Déak en tous 
ses traits, et établi par l'accord du même Déak le Ma- 
gyar et du Saxon de Beust. Mais si on se place au point 
de vue des diverses nationalités de l'Austro-Hongrie et 
surtout au point de vue Slave, quels inconvénients et 
quelle iniquité I Et comme on comprend bien les protes- 
tations des races sacrifiées I 

Le dualisme ne prononce même pas le nom des Slaves, 
c'est-à-dire de la nationalité qui a la majorité numéri- 
que dans l'empire I Les 8 millions 1/2 d'Allemands et les 
6 millions 1/2 de Magyars se sont tranquillement par- 
tagé l'empire sans tenir le moindre compte des 16 mil- 
lions de Slaves, sans qu'il fût même question d'eux. 
Tout ce qui n'est ni Hongrois ni Allemand est devenu 
sujet des Allemands dans la Gisleithanie, des Hongrois 
dans la Transleithanie : les Slaves du Nord sont germa- 
nisés, les Slaves du sud magyarisés. La veille de la signa- 
ture de l'Ausgleich , le grand historien national des 
Slaves de Bohème, Palacky, s'écriait éloquemment : « Si 
l'on se décide à établir ce qui est le contraire de la mis- 
sion de l'Autriche, si cet empire composé d'un assem- 
blage de peuples et unique dans son genre, refusant 
d'accorder à tous les mêmes droits, organise la supré- 
matie des uns sur les autres; si les Slaves, considérés 
comme une race inférieure, ne doivent plus être qu'une 
matière à gouvernement entre les mains des deux peu- 
ples dominateurs, alors la nature reprendra ses droits ; 
une résistance inflexible changera l'esprit de paix en 
esprit de guerre, l'espérance en désespoir, et l'on verra 
s'élever des conflits, éclater des luttes dont nul ne sau- 
rait prévoir la direction, l'étendue et la fin... Nous exis- 
tions avant l'Autriche, nous existerons après elle. » Ces 

18. 



818 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

protestations furent inutiles : jusqu'en 1886, le gouver* 
nement allemand de Vienne avait combattu les Magyars 
et les Slaves : trop faible contre ces deux adversaires^ 
U s*allia avec l'un, les Magyars, pour combattre l'autre, 
les Slaves, faisant ce qu'on appelle la part du feu, mais 
il ne comprit pas, ce jour-là, que ses Allemands gravite^ 
raient vers l'unité germanique , qu'il forçait ses Sla* 
ves à graviter vers l'unité slaviste représentée par là 
Russie et que de la vieille Autriche il ne pourrait rester 
que la Hongrie écrasée entre le pangermanisme et l6 
panslavisme. Si le dualisme ne se change pas en fédé^ 
ralisme respectant l'autonomie de chaque nationalitéi 
nous vivrons peut-être assez pour voir se réaliser cette 
hypothèse d'une Autriche réduite à la Hongrie. 

La lutte des Slaves et des Roumains contre cette coa-^ 
lition des Allemands et des Magyars qu'on appelle le 
dualisme forme la véritable histoire des dix années de 
l*Bmpire d'Autriche depuis Sadowa. Le peu que nous 
venons de dire doit faire excuser l'énergie et comprendre 
la légitimité des revendications qui n'ont cessé de sa 
produire à Prague, à Agram, à Lemberg, à Karlovics et 
à Klausenbourg. 

Le ministère commun fut constitué le 24 décembre 
1887 et ses trois portefeuilles furent ainsi distribués : 
affaires étrangères au comte de Beust, finances au 
baron de Beck, guerre au général John. Le !•' janvier, 
le ministère cisleithan se constitua de la façon suivante : 
prince d'Auersperg, président, docteur Giskra à l'inté- 
rieur, M. de Brestl aux finances, M. Herbst à la justice, 
M. de Hasner à l'instruction publique et aux cultes, le 
comte de Taaffe à la guerre et à la sûreté publique, 
M. de Plener au commerce, le Polonais comte Potocki à 
l'agriculture, M. Berger ministre sans portefeuille. 

Le ministère et le Reichsrath avaient une lourde 
tâche, celle de reconstruire l'Autriche au point de vue 
des idées modernes, en la dotant d'une législation libé- 
rale qui fit disparaître les dernières traces de l'absolu- 



RÉFORME RELIGIEUSE : LOIS CONFESSIONNELLES 919 



. En même temps il fallait lui donner une organi- 
d«ttion militaire autre que celle qui avait succombé à 
iowa et travailler à sa prospérité industrielle et com- 
erciale, seul remède à son délabrement financier. On 
mit courageusement à ce lourd labeur dont François^ 
oseph, on peut lui rendre cette justice, favorisa de tous 
efforts Taccomplissement. 
Le premier point était d'arracher la nouvelle Autriche 
joug clérical sous lequel lavait placée le concordat 
1855. Une grande agitation se manifestait à cet égard 
^ans Topinion qui sentait parfaitement qu'un pays es-> 
dave de Rome ne se régénérerait jamais. Les pétitions 
•dans ce sens affluaient au Reichsrath et les publications 
«nti-concordataires se multipliaient. Le ministère ne fit 
^ju'obéir à ce mouvement en présentant au Reichsrath 
en octobre 1867, les lois sur le mariage et sur les écoles* 
la loi sur le mariage était timide : le mariage, célébré 
devant le prêtre qui en tiendrait acte, ne serait de la 
compétence des autorités civiles qu'au refus du prêtre; 
les causes matrimoniales seraient jugées par les tribu- 
naux laïques. Elle n'en souleva pas moins des tempêtes 
et les ultramontains s'écrièrent que l'esprit de Joseph II 
faisait son retour en Autriche. A la chambre des dépu* 
tés, les députés de la Garinthie et surtout de l 'ultras- 
catholique Tyrol, l'abbé Pintar, le fameux abbé Greuter, 
l'abbé Degara défendirent violemmentle concordat. Ils fu- 
rent éloquemment combattus par un grand nombre d'ora* 
teurs, tels que M. Hormuzaki qui fit un tableau saisissant 
des effets du concordat dans la Bukovine, M. de Weichs, 
M. Berger, le D' Mûhlefeld, député de Vienne, qui dé- 
montra l'insuffisance de la loi, etc., etc. Cette belle disr 
cussion peut encore se lire avec profit dans les pays 
asservis au cléricalisme ou troublés par les prétentions 
ultramontaines. La loi fut adoptée. La discussion fut 
encore plus vive à la chambre haute, où comme tou- 
jours l'aristocratie et l'Eglise étaient coalisées. Les car- 
dinaux de Schwartzenberg, Rauscher, les féodaux de 



320 HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

Thun, Giam-Martinitz, de Mensdorf-Pouilly, le comte 
Rechberg, le professeur Arndts déclarèrent que TAu- 
triche n'avait pas le droit de rompre le concordat sans 
le consentement de Rome. Le ministre Hasner leur 
répondit en invoquant hardiment Joseph II et les droits 
de Tétat laïque. Le comte Antoine Auersperg fut étiace- 
lant de verve et de raison et prouva que le concordat 
n'avait pas même amené Tamélioration morale. Les 
Schmerling, les Hartig, les Lichstensfeld développèrent 
la thèse : « L*£glise libre dans TÉtat libre. » La cham- 
bre haute vota la loi le 23 mars 1868 par 65 voix 
contre 45; Vienne illumina; c'était le premier pas de 
l'émancipation. La loi sur les écoles, destinée à soustraire 
l'enseignement à la tutuelle de l'Eglise, eut le même 
sort. La discussion, nourrie de faits et de chiffres, prouva 
combien les Autrichiens étaient en arrière des autres 
nations sous le rapport de l'instruction, qui avait même 
reculé depuis 1855 ; le congrès des instituteurs, tenu 
les 5, 6 et 7 septembre 1867 dans une des salles même 
du palais impérial, du vieiix burg des Habsbourgs, 
l'avait pleinement mis en lumière. La chambre des 
députés vota; la chambre haute, après avoir entendu 
contre la loi le comte Léo de Thun, chef des vieux 
Tchèques, et pour, l'éloquent physiologiste Rokitansky, 
la vota également (31 mars). Enfin une troisième loi, 
appelée loi interconfessionnelle et destinée à mettre fin 
aux luttes entre les diverses confessions et à régler les 
mariages mixtes, fut également adoptée le 14 mai. 
L'empereur n'allait-il pas apposer son veto aux nou- 
velles lois ? Tout fut mis en œuvre par le clergé pour 
agir sur François-Joseph : on comptait sur l'influence 
de la jeune et belle impératrice qui était sur le point 
d'accoucher et à laquelle Pie IX envoya des reliques. 
Les semaines s'écoulaient : l'opinion publique était 
ilans une grande anxiété. Enfin le 25 mai, l'empereur 
sanctionna les lois confessionnelles. 

Rome protesta et le clergé autrichien se prépara à la 



RÉSISTANCE DU CLERGÉ AUTRICHIEN 321 

irésistance : le 26 mai 1868, le nonce Falcinelli adressa 
£l h. de Beust la plus blessante et la plus audacieuse 
des protestations. A Rome, l'envoyé autrichien comte 
Crivelli échoua dans toutes ses négociations pour un 
arrangement amiable. Enfin le 22 juin, dans le consis- 
toire, Pie IX prononça une allocution véhémente qui 
annulait les lois votées par le Reichsrath et sanctionnées 
par l'empereur et imposait aux peuples d'Autriche la 
désobéissance à ces lois. Le clergé autrichien avait 
commencé la lutte. Dès février, Tévêque de Linz, Rudi- 
ger; le 5 juin, Tévêque de Saint-Poelten, Fessier; le 
12 juin, Tévêque de Brûnn; quelques jours après toutTé- 
piscopat de Bohème et à sa tète le violent évèque d'Ol- 
mûtz lancèrent des mandements provoquant à la déso- 
béissance aux lois. Cette conduite ne fit que soulever 
rindignation publique. M. de Beust rappela M. de Mey- 
senbug, son nouvel envoyé à Rome, et tint fermement 
la main à Texécution des lois confessionnelles . Le 
12 septembre, une nouvelle lettre pastorale du fou- 
gueux Rudiger fut saisie et déférée aux tribunaux et son 
auteur poursuivi, ce qui abolissait en fait l'article 14 du 
concordat exemptant les ecclésiastiques de la juridic- 
tion civile. L'évèque de Prague fut aussi poursuivi. Les 
10 et 20 janvier 1869, la cour suprême de cassation 
rendit deux arrêts soumettant les ecclésiastiques à la 
juridiction civile. Le 5 juin, M. Rudiger fut conduit de 
force devant le juge d'instruction; le 11 juillet, la cour 
d'assises de la Haute-Autriche condamna le prélat à 
quinze jours de prison pour tentative de perturbation 
de la tranquillité publique. L'impression fut immense 
dans toute la Gisleithanie et un troisième envoyé autri- 
chien à Rome, M. de Trautmannsdoff, communiqua au 
Saint-Siège une dépèche très-ferme de M. de Beust. L'af- 
faire de la sœur Barbara Ubryk trouvée enfermée dans 
un cachot du couvent des CarméUtes de Cracovie 
(22 juillet 1869) porta un nouveau coup à l'influence 
cléricale et mit à l'ordre du jour la question de la sup- 



332 HISTOIRE DE L'AUTRIGHB 

pression des couvents et de Texpulsion des Jésuites. En 
1868, le clergé autrichien possédait un milliard et demi 
de biens-fonds : Tévèché de Gran avait 500,000 florins 
de revenu (un million 250,000 francs), celui d'Olmûtz 
300,800 florins; de Prague, 71,680 florins; de Saint- 
Florentin 95,000 florins. Certains couvents avaient des 
revenus de 200,000 florins. 

L*Autriche, en même temps qu'elle s'arrachait au 
joug mortel du clergé, poursuivait son or^nisation 
civUe et militaire. La loi sur le jury, présentée le 
12 mai 1868, fut définitivement votée en 1869. En mai 
et juin 1868, on discuta avec une grande animation les 
lois de finances : la situation était désastreuse et il 
fallait de. prompts et énergiques remèdes. Ces diverses 
lois furent votées du 6 au 12 juin, et promulguées le 
20 juin. A la fin de 1867, la dette de rAutriche ne 
comptait pas moins de 68 catégories diff'érentes de titres 
et obligations offrant 14 taux d'intérêt différents. C'était 
le chaos. La loi du 20 juin 1868 convertit tous ces titres 
en titres d'une dette unique en monnaie d'Autriche, 
portant, à quelques exceptions près, 5 0/0 d'intérêt en 
monnaie fiduciaire ou, pour certains, en espèces métal- 
liques. Un impôt de 16 0/0 non susceptible d'être aug- 
menté serait prélevé sur la nouvelle rente 5 0/0. Les 
emprunts -loterie seraient passibles d'un impôt de 
20 0/0, plus 20 0/0 sur leurs primes. Ces impôts sur 
les arrérages nuisirent beaucoup au crédit de l'Au- 
triche. La gigantesque opération de la conversion 
qui a duré de 1861 au l»"^ janvier 1874, n'en fut pas 
moins menée avec ordre et habileté. A la fin de l'an- 
née 1873, le total général de la dette publique autri- 
chienne était 2,525,280,267 florins, monnaie d'Autriche, 
dont 222,021,219 pour la dette dite du rachat foncier. 
La loi militaire, ardemment discutée en octobre et no- 
vembre 1868, fut votée le 13 novembre ; elle fixait l'ef- 
fectif de guerre à 800,000 hommes pour une durée 
de 12 ans : le service obligatoire de 3 ans dans l'armée 



AMNISTIE EN HONGRIE : LES PARTIS S23 

acUye, et 7 ans dans la réserve ; le service de deux ans 
dans la Landwehr pour ceux qui sortent de Tarmée 
active et de 12 ans pour les autres; enfin la Landsturm 
oïl levée en masse. La promulgation de cette loi le 
5 décembre fut accompagnée d'une proclamation de 
l'empereur disant : « La monarchie a besoin de la paix ; 
il faut que nous sachions la maintenir. » La loi sur la 
Ijandwehr ne fut votée que le 16 mars 1869. 

La réorganisation fut moins laborieuse dans la Trans- 
leithanie : la Hongrie coupa court aux luttes confes- 
Moanelles en déclarant que le concordat n'ayant pas été 
voté par sa diète, n'avait pas force de foi dans les limites 
du royaume de Saint-Étienne. Le ministère transleithan 
fut complètement formé le 20 février 1867, il était 
ainsi composé : Andrassy, président et ministre de la 
défense du pays. — Festetios, ministre à latere. — De 
Wencke, intérieur. — Horwath, justice. — De Lonyay, 
finances. — Eotvos, instruction publique et cultes. — 
Gorove, agriculture, industrie et commerce. — Miko, 
travaux publics. Nous avons dit que le couronnement de 
François-Joseph eut lieu le 8 juin 1867. Le 9 juin, 
l'amnistie fut décrétée, et d'illustres bannis, comme les 
généraux Klapka, Tûrr, etc., en profitèrent. Le 8 oc- 
tobre, la Hongrie fit son premier emprunt national de 
150 millions de francs pour étendre le réseau de ses 
chemins de fer. Le 1*' février 1868, pour la première 
fois, le nouveau mécanisme des délégations fonctionna : 
la délégation hongroise siégea à Vienne à côté de la 
délégation cisleithane et se montra, surtout dans la 
discussion de la loi militaire, très-ombrageuse et très- 
susceptible. 

. Dans la Hongrie même la lutte des partis était fort 
vive. Au parti déakiste, le parti par excellence de la 
conciliation et qui avait la majorité, étaient opposés 
trois partis vigoureux : 1° la gauche, dirigée par MM. Ke- 
glivicz et Jokay, ayant pour organe le journal le Hon 
(le Pays) ; — 2® le centre gauche, plus constitutionnel, 



' .il 



• 1 ' 



CHAPITRE IV 



Politique extérieure. — Fête des tireurs allemands. — Mouve- 
ments des nationalités : Bohême; Croatie; Gallicie; Roumains. 
— RéTolte du Oattaro. — Serbes. — Ministère Potodd. -- 
Gndrre franoo^tUemasade. — Ministère Hobenwart. — Eiitre- 
Tues d'iBcbl, de Ga^tein et de Saltcboufg. -r- Ctiute de M. de 
Beuat : M- Andrassy. — Réforme étectorale de .1873. 



Nons passerons rapidement sur les incidents de la 
poKtique extérieure de l'Autriche pendant ces années 
de réorganisation intérieure et de mise en train du sys- 
iètù^ compliqué du dualisme. L'entrevue de Saltzbourg 
où l'Empereur et Tlmpératrice' reçurent Napoléon III 
et Eugénie fit beaucoup ^parler d'elle, alarma TAllema- 
gne, mais ne produisit aucun résultat effectif, pas plus 
du reste que le voyage de François-Joseph à Paris 
(octobre i86T), à propos de l'Exposition universelle. 
Quand l'aiSfetire du Luxembourg faillit fkire éclater la 
guerre entre la France et la Prusse, rAutriche se posa 
en médiatrice. Un traité entre elle et le ZôUvereiri parut 
constater un rapprochement avec la Prusse ; l'Autriche 
semblait avoir pris son parti de soù exclusion de l'Alle- 
magne. Mais lefe fêtes dû tii* â Vienne du 24 juillet au 
5 août 1868 dissipèrent ces illusions et prouvèrent que 
la partie allemande de la tnonarchie des Habsbourg» 
aspirait à reprendre sa place dans la grande patrie. 



DIFFICULTÉS AVEC BÈRLIN — LA BOHÊME 32? 

M. Muller, de Francfort, M. Mittermaïer, de Heidelberg, 
exprimèrent au nom de TAUemagne du sud des senti- 
ments d'amour pour TAutriclie, de haine pour la Prusse, 
qui excitèrent à Berlin des transports de fureur et qui 
firent la plus fâcheuse impression à Pesth et à Prague. 
Il fallut, le dernier jour des fêtes, un habile discours de 
M. de Beust pour atténuer TefFet de ces manifestations. 
Dans le conflit gréco-turc, TAutriche prit parti pour la 
Turquie et, dans le conflit franco-belge, pour la France. 
La réconciliation avec Tltalie fut complète, ainsi que le 
constata une dépèche de M. de Beust du 19 avril 1869. 
La publication dans le livre de l'état-major autrichien ^ 
sur la guerre de 1866 d une dépèche chiffrée de M. Aé^ 
Bismark à M. de Goltz en date du 20 juillet 1856, Sou- 
leva à Berlin un terrible orage. M. de Beust iut obligé 
d*adresser le 6 mai 1869 une dépêche explicative aiii 
envoyés de l'Autriche. Peu après, un discours (te M. de 
Beust devant les délégations souleva de nouveau une 
polémique irritante avec M. de Thil,, ministre.des Affaires 
étrangères à BerUn, et provoqua un échange de 4épèn , 
ches acerbes. 

Nous avons maintenant à examiner les jpouvi&ments 
des nationalités tant en Gisleithanie (BohêmQy Galliicie, 
Dalmatie, Carniole, etc.), qu'en Transl^tbaoie (Croate*,» 
Serbes , Roumains , etc.), contre le dualisme auatro- 
hongrois; 

Bohême : La Bohême fut la nation qui protesta le plus 
énergiquement contre le dualisme. Elle aurait proféré 
le centralisme de SchraerUpg à ce compromis qui lui 
donnait deux maîtres : les Allemands et les Magyars* Sa 
prétention était d'être traitée en état autonoin.e, Gomm,e 
la Hongrie, ayant son parlement, son ministère re$pon^ 
sable devant ce parlement, 9on roi couronné et la parti* 
cipation aux affaires communes de l'Empire .par le 
moyen de délégations. En un mot, il était dans les vœux 
du parti tchèque de substituer au dualisme : Autriche — 
Hongrie, la triade : Autriche — Hongrie — Bohème. Il 







'sblt'bar îëHbët^alisAië et lëTOéfeAïèl^cBWttie^ïê'sl^jëtiiiJs 




de Vienne, elle refusa de le fairè^^^ri'^ifeferiàWttëâ, 
dlsaït l-adr^sée ' Vôtéè lé'ïi ^tfevH^^^rJà!f^ Ï3e'»vèft^ Mon- 
tré W; '(iu^bripàséât Wtrë'à éé^îpttnÉpV dûé'A^iaiiyfe'tîëtf- 
.'côurs de la ttîète dp 'royatttfie,-Wétî 'iié'pèinf4it ^sè'^^ 




HôngViè tMtfe'a^ëc'rÈkiiilk^' ^dlBs' ehd^^^ 

Ti" riôtigrlé, Aiàls'U'tt'àiipartièirf çhH i'M:Bêk^4e'é^ 

dér avec M: de fieûst qtielà' sérottià Vàvèttfrfié^m^pbHs 




àWoAnêéà; t'es AHèniànds^ 4^î'«<iMt'i^(îbkitrë'2'»*AtS^fe 
^Bolièmie; tiHtatnéiièht; gtkté à uhe saVatAef IbP^éfëètofrtUé, 
'fçi iboïttè dek àéplité^ â'ia •ttiêté'i'dé' '^lùr 7«^ i^s 

éftklfertt réàei'Véfe àuk 'gi-âtïdb Jirtprtétëtfes da pa^r^i'^iie 
' 'èétiii-<il*Tû'rent' ëlUèJ ef ,'biétt ^éleùi* éïtkim m^ëmi^ 

léél ^6(èhniVéti%iWiâ^pûm âii R«îlëHsi^ath/(3'ét!itt*la 
' reiibnhkiysâiibé' bfflcifeHe bà'r îi'rie ^ diêté'MàîVè 'd* fëMb 




' ïitiiéés , 'de^^ nàfiôiik hist6¥i(îtièfs^' fc^ànt ifeui^' • ébU V^Vilite, 
leurs droits, leurs intérêts distincts, qu'y renoncer serait 



l'adresse tchèque de 1868 329 

xin suicide », tfejô^s^iûîifiitr dies plus fâcheusesC iie 
^*8tâf^P>4W iSfi9» )?P étu(^wt^ }jQb^q^^^,s9fll^yère^^^ nue 

a^jPf{n^l^j?}}»RW?ip^iJ^,I^r^Çi^q pr,oi^f^.çQnff-qJesïpis 

., , . X'eWP-^rfiHT m^B.^>^^g^e |«)ufl eg^$,^y^r,d>pai^r ^ç.s |^?- 

4onfîA 3a 4énïJswn,..et f^l, .reijnp^açé, p9.r, ]^., djç Taa^fi^. 
jj^.dr^f i#>Writ.te (33.oqtQ|brç. 48§â.^t^.a^ 

j^j^^}fmë^^^9^^ «W ^t 1^ >î?-#i{Pf!qçp^]3ie 4u.p.aBti 
#ati<tîbal.jei1r qttir6^Frésqui^;iaii>4î; 1,^ la„9f>h.^p>,çi el, 1^ djr 
^wUl^ ides, Jï^t>^ft*«« ?^^ îU^^^ I P Wf^ ffpnrtf^t, PX^iftlN- 

^ Qn^e 4^^ .4eux ,p^^4es,fJfis, d^ojit^ et^^q?. /(JjÇAfpirs t^r^^^s 

, ^ ^çf^âii,}6m^^h ; M .Bpiuêi»^; , p > . j aim^i?, .été en, union 
,TéeU0. ^v^; çJip^jikC^^ quel, flwtrp; #.4t dç,..VAi#iciie. 
.,3î,Mqu^hchjBw^gej|ieiit. ei?^rçJe.ffQya^ 
, id BQuyeFain^ jpie peut, êtr^ . pffectvié , qu'j^u . Wpy^ip r d'v^n 
^i^wyeau ps^iîtfi entxô lO; roi d^j Bphêmç, €it,.%, 4^^. rf* 
^i(^^n\e& repréïsent^ptf de la patipa boHv^eX^ Rei- 
.pl^çr^h n'a .fluix?uuç,tju4ité |)our ^eJÇ^iriÇK,^* ^i^evl 
jofiçyw de.^rentreï, dans les çopditiofls.^orpiales, invp- 
',guée«..déjà par le. r^scvit impjér^ali^il ,8.jiVj:il iS^S ,et 
, wfeî^eip^rJie dip^ôDj^ d^ 2p, pck^ï^re, i86p^' c^iw aç- 
_,oord,4Vpct .ent^eVepxpepeur ^t.l^ ^atio^^ 4«.]t4aJIoJ,4^e9- 
^ toral^ 4e, k fiiète. est, à ré^fom^r- 1^ fli^me j p,ur ?p^ pa^^Qi- 
.,^.r/?s.,4^ \s^ diète de Mpfla^^ pupère^if i^l^rogr^fl^^ 
_,^eiMiq]t|e,flia diète de.Pra^e^ dgini^ep^ 1)?s^.f.l!f- 
.;,ç[iap4s, ;4éçiara ^émis^ionnaires^tl, d^8.^^igu9.1j^i/f s ^d^ 
^^pg^ammç.. -tes ^lajotités (fos.d^^^^ 



330 HISTOIRE DE L'AUTRIGBÊ 

Silésie condamnèrent aussi le programme. La majorité 
allemande de Prague profita de son trioniphe .{^our 
abroger la loi qui obligeait les élèves .de» écoles à. ap- 
prendre lalangue tchèque. 

La colère grandit à Prague : la polémique des journaux 
tchèques et des journaux allemands monta à un dis^pason 
passionné. Les 4 et 5 novembre il y eut des émeutes ré- 
primées par la force armée. Le 11 novembre, la Gazette 
de Vienne publia une ordonnance qui mettait Prague et 
deux districts voisins en état de siège. Qn commença 
des barricades, mais le général Koller, commandant de 
Tétat de siège, dispersa la foule : le régime du ^abre 
régna avec le^ réunions publiques interdite^ et lesjqmy 
naux saisis et suspendus. L'état de sÀ^ge dura jusqn^au 
28 avril 1869. Les meetings recommencèrent : celui 
de Prague du IS mai compta 25,000 assistants, lie 4 sep- 
tembre la fête de Jean Huss fut célébrée avec éclat. Cette 
agitation nationale devait se perpétuer à trayers des 
phases diverses. 

Gallicie : Un assez grand nombre de partie se parta- 
gent en Gallicùe le terrain politique. Jl y a des démo- 
crates, dont le chef est M. Smolka et qui sont purement 
et simplement fédéralistes ; le parti Sapieha, qui subor- 
donne toutes ses aspirations à l'espoir de la reconstitu- 
tion du royaume de Pologne et qui dès lors, ne se con- 
sidérant comme lié à TAutricbe que temporairement et 
défait, se désintéresse complètement de Torg^nisation du 
reste de la monarchie (ce parti dut à la résolution du 
20 septembre 1868 — que nous analyserons ci-après — 
le nom de r^soluttonntste) ; le parti polonais^ dirigé par 
le comte . Goluchowski , qui envoie quand même des 
députés au reichsraht ejl y soutient la politique générale 
du gouvernenient; \^s Mnionistes féodaux et cléricaux; 
enfin le parti Huthène, qui aspire à Tunion avec la 
Russie, En somme Smolka et ses amis s'occupent seuls 
des intérêts généraux des Slaves : Sapieha, Goluchowski 
et leurs amis, indifférents au reste de Tempixe, ne pen- 



LA RÉSOLUTION GALLIGIENNE 331 

» 

seiit <ïu'à fkirè la Gallîcie la meilleure çt la plus Indépen- 
' dstiite ppssible pour y vivre à Taise en attendant sa rentrée 
*4)àris là' vieille Pologne rétablie : Ils soutiennent contre 
les autres races de l'empire le ministère de Vienne dont 
0s attendent le plus d'autonomie. Aussi, sous rinfltiénce 

* de M. Gôluchowski, la diète de lienxberg, où les Ru- 
Uiènes avaient perdu une vingtaine de àiégés, accepta lès 
'nouvelles institutions de Tempire et vota le 2 mars ISOT, 

* par 99 voix contre 34, qu'elle enverrait des députés au 
Reichsrath. En récompense, la Galllcie vit entrer un des 
âiens, le comte Potocki, dans le cabinet Auersperg et on 
lui ^t des concessions relativement à l'emploi de la 
langue polonaise dans les tribunaux (29 février lft68). 

* L'empereur et l'impératrice se disposèrent même à 
faire * i^n voyage en Gallicie. Mais daiis le pays, on 
trouvait que la constitution nouvelle ne faisait pas la 
part assez large à l'autonomie gallicîenne et que les dé- 
putés polonais au Reiehsrath avaient été de trojp faCÛe 
composition. Aussi, dès le- 22 ao.ût, jour d'ouverture de 
la dëète, M. Sm^olka porta ces pl8|,întés et ces reproches 
à la tribune, et M. Zyblikiéwîz. proposa de faire examiner 
les lois fondamentales par uiie ciommi$sion de la diète. 
Cette commission fit son rapport le 16 septembre et 
formula les vœux du pays danç une adresse qui est 
restée la Charte de la Gallicie, comme la fameuse déclara- 
tion est restée celle de la Bohême. L^adresse constatait 
que la constitution générale du 21 décembre 1867 ne 
répondait pas aux vœux et aux exigences politiques et 
matérielles du pays et elle posait les points suivants : 
1« La diète du pays doit régler le mode d'élection et la 
durée de l'exercice du mandat des députés au Reichsrath, 
sans qu'on puisse jamais ordonner des élections directes 
dans le royaume de Gallicie. 2* Les députés Qalliciens 
ne participeront aux délibérations du Reich3rath qvie 
lorsqu'il s'agira d'affaires communes à la Gallicie et aux 
autres parties.de la monarchie représentées dans le 
Reichsrath, 3^ On éliminera des matières qui entrent 



chuinte' <ioaipèl^c«i4lu'lléMteE)rdkiV p^i«^^ ^ùm^r^^tOÊ^ 

tatim»iSdi»ic]i§diJt, iiefe^imattièrei^ sàttftô^9,'i(Ies é^itÉ^^ 
cîié )et> ^li«^ dés^ étrangère; a<E!^4^t'«rï«frift0P'è41|^ii»^t 

tvatit>ii,i'ete: l» 'Pbuir^«(Hi^^f# lèB^ fi^iis' iitf ^o#«^#Mii^éttt 

soitime b^a'^ ^ou^imiteinàU- ëôtit^teri^^I >Rd[i[$k^t^. | 
5* Tous les biens de Tétai seront incorporés dimi^te^è^ 
nkaina en )par^. <B^et iifeLUfieid^li4 ^uWt^tOi^ti^ i^^iE^iies | 
tti^bypofttlétQpiâes ikn^ ]«ryré»nsbkit^ii^ft)t'^Utt>âlètèC^^« SA 
âaiMote» aura tsari^di^ (feiîëisâti^ti^i 1l!>4ki l^k^b^é^ ^iië»Èi^ I 
mstt>é-psr':wnigoiiv0rrjèn]rèM^ s6|kré^^€ft^re§{^iil(^y!^ <i8^ 
Ttot kl idlMéi^fidustlâf '^éc^Ti ><j<>tt|i<(Ayé^^ 
ow^d^li ikiinl8ti»€(Tebp(>*i^bleMe^iSfcllidi^;^'ï^'*'f ^^^^^< ^'^ 
i ' ! C^ètoîti i'àulodoiiiieJtk) Aplôt'ë.iîïié^Mthê^tféëi 4Sî?tot^ 
rmltet ^l[iilttètieiit il» salieJ Mî iSoto(|h)(y«^f[caÈh£^it)l^ 
dressb qtii<n%nifutipàsiiii^iM{V(ité0^krS4^|)t€liïibi^^ i 

ihy 4edup^ • l'e)mper«ftp^et t' iAttpéi'6ti4ciB^^dncè^f€jh¥tiài iet^r 
T^àge^in «lâAliciei ^ Mv'GélufoboWëkl^étfhna'^tt^éiîii^^ 
8io»i'> La>diétè (se^pài^^le^t^ bôf^étoèi. À 'Uet^ées^li ^ 
itoiobsHBitb^ de>t86*^ tefi^'4épli«ési>pok>iliàÎ3 t«f^è^00t l!6 
véte^PdïlgArriiati(»y d'udè'fe'àute eéu^ d^ijustlce-^ 
ywt^J-'^dbaigée d« ^Jfei^i"' îé^'f(?dfftestâr«](ns<>%i*<i^î*l^ 
diV0r8ipty8»ae»:k 'cqùk>««di<ôtîehtî^0»4w''^^ lé 

iteteii»ralth>jpifeiW;sè idl^feè4feiïl.àtèb«rd^%ïtpï|^ 
ti<to< id<ëî^la;4>éâ0htllénH du> â4'^ s^ptètifb^e" qfoi] âèvs^ éit» 
tgidûmfeèi4ùl^l8ioteI«t(te/OI*1€(tt^^ôppt>Mqd^^^ 
iii«s^fimsbn^^i(le>^âéèdiii^ pk*]!éméi^a&i»^' ))tlts ^^w^fm^ 

t««s> teâ-rpoinlsTetrwéïdèp^a^isijRHi^g^p^i^ le^O >fflfii 
Ma^i > qu«lqu6di ^^mm ^ul^éh 1 3 avIMi kf^tiMiè idéi Ui 
fii»Â0totiUl^i ]^alôiiai8'pi^e$t;èfêfrïiéiï^gl^^^it:dt4éiir 
(3i^p|ttHd(ei,iiB eèinl«({totciick^ il^njili*dQlâ*àtrteatS^ 

0% 



4ftWPV l^-diMQ 4^«r«WBi îfieltereil M}'.m^.'^immmiK^Ui^ 

la base invarisJalfljçliPSi^lQhmppi^ftridUiJdwyi |i*^Wie«; 
2^tlç.frroya^ipaitpiiiH4taw>!i^;?,. ni.i^^ 
jfôlej i Jégikte . qMiel«a»i(i^lr ud '^n tBlfc> ^ ^ 

lai .«lettvrfiBi^! ;ï)fii^\\}iemm^t(:»ii^Qïï «^t^auti^.f iLa^dièt^ 
fiilt di«ôouteite i jaftWi;iW7>iQn.l4'iîé«BiliàihQttVea»)J(i 

d^^ilotéipapilaî.cMète dftjPiéstbîûielteMrjgJîwayQt.trt'dwr 
0O|at^i)<^;26>m9ilHi'aYiipQreiAr elé^Mija «H mi|Hiie<ilenipf6^qii^ 

k§f^iùrsiD0mxktt^iii, laJMmfBbtie déclàraltiqu'âUeteÂ'vfeiH' 
siiU im/ ^ép^és^iiYian^ etiiioit» ài Agi dm. > L^i20()OolQ+ 
b^e jlîWï, ,Ifemp^r«itfrpmit4ifi* (prQivfe(»eemflnti la lét élei> 
tcii»lch«t4»<|Conîij^eiâipoii<ie( lifrdiète^'iefQ<jt€Sfï^t.i^â<^ià 

^t-t (vôtft^ > Ij^ î38^ fjaiiwep 136»^ <vm néftciatron 1 tendant ; 4 
în)ncl}iD$ unj^]3itia^Ç9iPQnt^adr«<^{li()H€ff^§pri0^]mqi%à ^n^ 
itf tion ^palaX^m^tiO) eilaiponiitèi» flK^ 
à!l|ijGircmtto»:J^e$ietiVftféffaii$e»ij^r|eRli tja^ ^ethneôsleo 

19. 



334 HISTOIRB DB 1,'AUTRIGflE 

MM. Gaengery et Zuvie. Ge oomproistifi do^^^ ^ ^ 
Groatie et à la Slavpnie une autonomie complète eo. ce 
qui concerne les aifaîres intérieures, la jusUce^^t lt*ins- 
truction publique ; il énumérait les affairea^ communes 
et qui seraient traitées comme telles par le parlement 
hongrois ; il portait que la Croatie n'aurait pas <le mi- 
nistère spécial, et que le Ban, qui ne pourrait être un 
militaire, serait nommé par le roi, d'accord ..avec le mi- 
nistère commun, que la Groatie aurait dans le cabinet 
de Pesth un ministre sans portefeuille, que le croate 
serait la langue officielle de la Groatie, et que la Croatie 
enverrait 31 députés au Bjeichstag de Pesth ; que les 
recettes de la Croatie, déduction f^ite de 2,200,00Q flo- 
rins pour les frais d'administration, seraient versées au 
trésor hongrois. La diète d'Agram yota le compromis 
le 16 septembre 1868. Le i9 novembre, un rescrit royal 
le sanctionna, et le 24 novembre, le^ 31 députés croates, 
élus par la diète d'Agram, faisaient au, milieu des ap- 
plaudissements , leur entrée dans le. parlement hon- 
grois . Pmme fut déclaré territoire particulier apparte- 
nant à la Hongrie, 

Roumains : Les Roumains de la Transylvanie n.Vspi- 
raient qu'à se joindre à leurs frères de race réunis squs 
le sceptre de Charles de Hohenzollern. Bukarest est 
leur centre . d'attraction et un foyer de propagande 
ardente pour leur annexion. Le 15 mai 1868,. ils se 
rassemblèrent sur le Champ de la Liberté à Blaseiu^orf, 
et renouvelèrent leur programme de la célèbre . asse^i- 
blée du 15 mai 1848. Ils demandèrent la. mise en vigueur 
des ai;ticles de la diète dUermanstadt de 1863-64 qui 
les reconnaissaient comme nation régnicole, et, leur 
garantissait leur langue et leur religion. Us dénièï^çat^à 
la diète de Pesth le droit de créer des lois pou^jla 
Transylvanie, et déclarèi^ent que les .Transylvain? ^ui 
siégeaient à cette diète n'étaient pas leurs représentants. 
Pèsth répondit en votant en déceïnbre un prc^t quijà 
partir du !•' mai 1869, imposait à la Transylvanie 



RÉVOLTE DES BOUCHÉS-DU-GÂTTARO 335 

* entière le» institutians hongroises et abolissait les dis- 

' 'tin'rtiôns entre Szeklers, Saxons, Magyars et Roumains. 

' Telles furent, à la suite du dualisme, les agitations, 

' les prétentions et les événements dans les principales 

* nationalités de l'Austro-Hongrie. II y eut aussi des 
troubles sur divers autres points, tant par suite de 

' l'ésistance contre le dualisme que d'aversion pour les 
progrès du libéralisme et du laîcisme dans les institu- 
tions de là vieille Autriche. A Trieste, ITiostilité eatre la 
population italienne de la ville et les paysans slaves du 
territoire se manifesta les 12, 13 et 14. juillet 1868 par 
dç sanglantes collisions. Dans le Tyrol, pays ultra- 
catholique, centre du plus obstiné fanatisme, la diète 
résista aux lois confessionnelles, et on fut obligé de la 

, dissoudre le 8 octobre 1868. En Garniola, les Slovènes, 
dans des jfneetings tçnus à Laybach et autres lieux en 
janvier et février 1869,. demandèrent la formation d'un 
royaume de Slovénie comprenant la Basse-Styrie, la 
Carinthîe méridionale, la Carniole, Gceritz et Qradiscâ, 
llstrie et le territoire de Trieste. Le parti italien excita 
encore des troubles à. Trieste en juillet 1869. 
- Mais la plus terrible de ces agitations loca-les eut lieu 
dans les deniers mois de 1869 chez les Bocchèses, ainsi 
'qu'on appelle les habitants des Bouches-du-Cattaro, à 
Vextrémité la plus n^éridionale de la Dalmatie. La 
population des villes est. italienne, celle des tnontagnes 
serbo-slave et très-sympathique aux Monténégrins. 
Quand, en 1868, on appliqua la loi sur la Landwehr 
dans le district de Gattaro., les montagnards se soule- 

' vèrent de toutes parts (8 septembre). Le général Wagner 
ne put venir à bout de cette insurrection : les hommes 

' et les femmes se battaient avec une indoipplable fureur. 
Lé général d'Auersperg remplaça Wagner et commença 
far soumettre les districts cultivés et par faire pendre, 
comme aux beaux jours de 1848, les insurgés prison- 
niers. Mais il échoua dans les districts des montagnes, 
et une expédition qu'il dirigea pour le ravitaillement 



* ! 

« J ••• 



336 HIS*rt)tlftOTii^iii»tïrt8llfl*^^»' ^ 

des foTtS'dé DMgttQ e^'def'GcA^ktiè^ W^tetfâ^a^^^ ^uJ 

reiraité'^ësaitreusé. (îl^'^n^^^icjfiie te •ft>ij^tivk«* kWi^^^^h 
que tes dëfrnterei livBii^^<ii9 te^)dl^iî«&&il^géiifértl -beabiiii'm 
de RèdfcAÈ;l'AÉLrot^e M éti^viriéé d^ ïà^mUc^Vèéi^txe^i'-^^* 
laqucJHèrAftirtcJite viht^à bcmt d^'ioe^^etii ï>*ys;i^<i tn#jf*Jito/ 

éner^^iiebiiéAt^fiû d^aKsnM^-et 4eâ^Mttg)^«Ap^il8é >fyeméui'i" . 
cuièi^tit 'aVéfcr ach'artiMy^ikt. Ij« fmaifttiébiidfe 'VChmb^'^ > /) 

les eblèi^'dtk vtâ«A«tèk^Jâe'Pe8tt^':^fO0âée<<»ha0ût*ê866r **'îi 
par qtièH^déâ éi^dtéeMs dé I«oVi^Saii4,'âât^ 
menY'litlékire;' elle dévltii i^âefiieAl >pi6iitiqtt« ^-^rit 
des *](À^ofildriibns doifMdiStttbleë, ttiféMi^^iâaÉ!^ lb'»8èifMe/n'j 
indépèridàrité. Oudnd le ptittK^ dëBerbierfiticheiiObpei^i < h 
novic; fiii'iftsstti^iliél'éfn jiiiA'1^868V'On<«blf;f a idlni)^ > * ^ 
dans le ' eëtti^tot; Mifôtl€/«lifefiâur^pàytiinAtioMl<sé«i»é^t mi -^ 
députa 'â'P^tli. Le«> Milj^i«^,> à; leétté» époque,! avaient- <!' 
le déiii* 'de' 9%iMiëxer tôt* 6* l»i^a i4^ '•• 

Milan ài l^èâ^-&è^bie^,'^l<d€f^«[iié d^nerlairélgfèheei:!* i> 
à la Veuve ^é)^^é Vfe tJfiébM, • là' ^l»iiMîës«e^^ie^. Wit^^'^\^\ 
du cc^té^^HtoyieldiviEh 1869, i«>)60«fart&' Anîb^siyrparMit >i 
même publiquement des droit^-de; laticoerotine ^^^itaii^ 
Ëtienl^'£fùrlft B66^ie,^^t4a< Péi^ii ^l^ttif : des Ma^atë I 
étaient dbii^'Wdîns ' d^Vèttéd *sa4>^'â^ ki.lthès€|iidte ilîht^nf ,,i 

hongfbik 8ép^pel^'ré^igl^^«éî4be' %t l^gU«ii EboaiaiÉè^ 
mai^i^t Vdta eh ^^ëttiëléÈAp^^miéM doxdffireiquirldiabJîsv^T 
sait l^dël ëeôlës âétlÉtUt^^ùa^énéeS^ttiiept doit êtrëfiMkM i 
en Mngilté Ét^é^^^e^^t'éfrelftiqu^ â<^Hif0ë^^ 
fondé/és ^^àr fés^cJô«i^fé^î^i^^^ 

doi veîit ' Abnt à' ^là ^is ^ay^^ Udéùirm^af^ lafocanlmbdàî-j >^ J 
ble8,'tel é^és €è l?£tàt]é% IWeiisrîgné mi )mag]$r^r4«tii]>(ii 
entrët^ib â^et^ré' fl^èâà^ dèè^ élîôlé^s ^oonfessioniHByftB/iflîr ^ b 
elles ' Vè^leJÀt ' ^û%hl èttïséi^n^ 'dans > 1^^ 'langue; Au anids ; : iti j; 
de féfriëf^^SêB^, lèà i^i^ës ^M Rotomîns^i^e^ éiidH qju 
saierit^^ltiW'fefd^^uerëUé^^ i^^«ttbe0^>ftailèrmBèi«nl dâis e r.o : 



n*f 






LE C0N9R$ftî 99IIQIS rrr :||f f,*?;!^, 337 ..; -^ 

laient pas-ip^ }^,f «irf)«& fiM^QestiA^^xi^çf^/iipJipTup.u 

pa.triatohe>fIieKpat»wircl|fcft^M^^î^^ S4,r^tTO^- ,> .. 

l>artLt<jiértcaH fUi4isgiw4rfe ,le.j4^^gîîè§,.,plutMf:^ve,^ç ,..,, 
pactiaeil < ateo 4 [tes. , »*vaiutfoniwW<?s^ :»i CSft . fjél^^, ffif^fti- , b , , ; 

seur)«tl%kôVàe..qm(fi?饫^tH,6ii< #^i 48ïft/ wj.ftpj^^yeçiu^,,, j, 
et oàM0Bj;v(>tald«9,!^^é9ofta|iQp^fa^opr^SJà:/r|^fiW^t^^ ,! 

d'unMartéeicîinfeéfféîipw Mileiti0.(i«Mri.s.,*a«rjottraa!^M <^<*^i il/ 
tovâj^Afi AndrtLSfiy ftb'iaïir^er Jç^îvjErîllaftt tiilwn„et, ^,'piV- , j .j 
tendit popr/ te. ftére'coïï^maer.plkl^ le. l#bTO«^^ , / 

en ad(âril>i6'i0,'àiuo:.an-dmpiti9onnh ;--o i«. .H-M'jM'M.in -.nr. jî 
Taile i^lC, -eli ia7(H toi sîtNbati0n:4eiikij^yfP'^s,j[\at^ } 
nalité8tdé;riÉnpii\9i!LeidoaJii^it^&yi9Mr^^ ^ ,, . 

fait ges»(pBl?oves .4wîa?^'éftB|Uj;qtt)uM..^ , j 

sion aUéoiflndËf (kn%-I$ Qiski^l^ie^iietin^gy.^^r/g d^n^,,, .,1 
la Tpaiisleithamei.i]3ftn»^)a'Ti7f^|)3Jlfp^aQifi,.Ji^ Joi.^Wr ^.>.i,. 
natiomaiité»^ voiétf^hM^^^Ulg mi9G»,^ïl(f^9f.,q^'^ p^ 

diète-, jid&radmini8lrj*io»«Éi des^ iriJwiw;i^. 4®:l'$^ 
Les idbanânft •éd6t;iî& ;id$)0^( ï^©«iitat^. e|t.df!P i^e^îlil^i^ ., ? 
instittiés'pai» «ettft lQii.icmt( lété reip^p^fti^a, cplS^i» P#r. , ,■ 
des tribaBîiw&:pjipetnent.iQa93raMr£f^ ç^ç^o^QSiéa, dp jifj§^Si,r .^ 
amoi^hs .choifitfipar Bestb^ Tou^, .k^^e^p)pi^;ÇÎ>^ sqi^t^ 
donnés ià defirl|ag^ara.0t*ii Imi^. Qté^i^^% j^is^:^c^g}^ar 
rons. Al/ Chnimtiej IftBfi^i Jft%^ll,iunij#ç^,cÇ^^^^^ 



.1 



HISTOIRE DE L'AUTRICHE 

compromis, travaillait de façon à ne fôîre |enyoj^f|r ^ 
Peslh que des députée dérotiéd aux Magyars': U if èiGopà 
de plus dans une affaire de dessèchement 4e, marau^ 
(le lionjsko Polje) qu'un journal, le ira^oc^t*,.xévêïâ 
avec pièces à Tappui, et qui compromit uiiefoulç df 
grands seigneurs magyars et croates, à la grande jpi^ 
du parti national croate. En août 1869, une patente 
impériale réunit les confins croates à.la Hongrie„m9lgi;i$ 
eux, car ils aimaient encore mieux 8uJ)îr leur triste ré- 
gime que d*étre livrés à l'administration de leurs eiin©: 
mis. L'archevêché d'Agran^^ qui revenait de (Jroit au 0*67 
lèbre Strossmayer, évêque^ de Diakovo, et qui rapporta 
200,000 fiorins par an,, fut livré par Andrassy à une 
créature des Magyars, Fabbé Mikalovic (Â mai 18;ïO)i 
chargé de jeter la discorde parmi leâ Croates. 

Ce que ièB Magyai^ faisaient dans la Transleîthanie, 
les Allemands le faisaient dans la Cislelf^hanie^ et lés 
colères et les plaintes des Tchèques, des Slovènes, de^ 
HoUmains et même des Galliciens, se faisaient entendre 
hautement» Aussi, en janvier 1810, le comte Potockî^ 
favorable aux idées fédéralistes, et quelques-uns de se^ 
collègues, donnèrent leur démission. Le président du 
conseil, prince d'Auersperg , les suivit dans leur, re- 
traite; Alors on vit une confusion extrême sous les 
ministères Oiskra et Hasner. Dès le 17 janvier, feç dé- 
putés tyroliens déposèrent leur mandât et furent imités 
en mars par ceux de la Gàllîde, de la .Car^iiole,' dé 
Hëtrie et ée la Bakovine. François- Joseph, éperdu, 
appela À la tète du cabinet cldeithan le comte Potocky, 
avec Tespoir qu'il* saurait concilier les revendications 
autonomistes des peuples avec les idées. libérales et 
démocratiquesdont les centralistes allemands se prér 
tendaient les seub représentants. M. Potocky avait 
élaboré ^vec son collaborateur, M. Rechbauer, un pro- 
gramme qui maintenait la constitution dé décembre^, 
mais qui transformait la chambre des seigneurs en 
cbamlûre.4i^s^ états> composée- des représentants . des 



LA GUERRE FHAfilCO-AU/fillANDE 389 

pro^ince^ élises par les diètes et dans leur seio» ayec 
élecliops directes pour la chaoïbre des, députés, .largf 
décentralisation, maintien de la Bohême dan$ sa sUua-^ 
tlon actuelle, loi progressive des nationalité^, etc. Pour 
consulter le pays sur la possibilité de ce progr^mm^» 
M. Potocky fit appel en juillet aux électem:s, mais il fut 
l>£Lttu et dut se. retirer : c'était à désespérer. : 

Sur ces entrefaites éclata la guerre fraxu^o^allemaoïdar 
Dès le 18 juillet rAutriche proclama sa neutraliié tout 
en offrant sa médiation avec celle de lltalie^ Le 30 juil- 
let son chancelier adressait à Tambafisadeur d'Autriche 
Hongrie à Paris, prince de Metternich, une dépêche. pu 
il disait nettement que rentrée de rAutriche esi eamr 
pagne amènerait de suite celle de la fiussie, alUée de 
la Prusse, qui menace TAutriche non-seulement en Gai- 
licie, mais sur le Pruth et le Bas-Danube^' que ies Aiie- 
mfinds de Tempire voyaient dans la gueprre, noa.pas un 
duel entre la Prusse et la Fraace,> mais le commenceBaeiit 
d'une lutte nationale; que les Hongrois refoseraîenl. dM^ 
donner leur sang et leur or poux reconquérir à l'Autinehe 
sa position en Allemagne. Les défaites d^ la France jo» 
firent qu'enfoncer TAutriche, aux prises avec tant d'emr 
barras intérieurs, plus avant dan^ cette neutralité ^tn-> 
pc^thique et elle ne put donner à M. Thiers, -— -qui vint 
en octobre à Vienne — ique de; vains témoignages. de 
condoléance. M. de Beust poursuivait en même temps 
la lutte religieuse. Il protesta contré le çyllabus et -à 
la nouvelle de la déclaration du dogme de Tinfaillibilité 
qu'avaitt combattu au concile Tévéque Strossmayeir. il 
suspendit le concordat (30 juillet). L'Autriche subit, la 
conséquence de son attitude pacifique ejb.dutse i^éaigner 
à laisser la Russie dénoncer le 23 novembre le traité; (te 
Paris de 1856^ Dans la Transleithanie^ pendant «toute la 
guerre, Andrassy et les Magyars' prodiguèrentJea iiiak>>*- 
ques de sympathie les plus éclatantes aux-sucoèsdes 
Allemands. 
L'année 1871 s'ouvrit sous de. sombres i^erspecttves 



d^ -ËlSf ômB msri'; 



{yè#r'U'enipelidtttfMFraiiçoi&^wplUi{;Iid >pr<^ièi»e j^iji^ 
-ftàttoMiitèis'fi^iposëitiipluB impÀâeiili,i|lKL&4ia#»^a^ 
lilftib'àbddi pKis iinbltiMé que janàais, .I)otO0ki;ire^^4? 
t<AAib(^<eitt'élâitlnipo8Btble)^ rae<kii:Jttl4fi^,p]^Y^iil^# 
iMTi nriiii90èt^ «ïebti^aliste àUerïiai^ 4'M tCfi^kn^.l^^^Qr 
if roiè! aVftieni > iirtoiiti*é < pendalit: lia > ;giftéiq[ia ^n'tfs. ^nA<^t 
Idniëâft iâ«r0i9qr«l^ éthiœgèraii^uiiKaftpiratlQrmiiâ^rJi'mtl^ 

lierf^^'tétrte i'Ai'Incbâ) o^ntfflnpomfâv Fraj^ç^rÂor 
«e^^iië réglai' tout ài:<xm|k èpBe-jîeftefi^ta^^^l^^^^W^flhls 

lement. Le 4 février il mit à la tète duredbklfft 1^>QW4^ 
Mohén^^afth^iidéVduâ itiiKMidéès(a£Éd^ali^teat>r^ 4ljlui 

M^âekbLetnquHroAù mbubti^e diêçlaiî^i.ba^teixi^i^tcpi'l^ 
«titèiiidèllitàfiiBperillt;^aiiboniFa h^ p^fiil^e^fdeidlktÔ^^ 
lliaaié^ pàr'lin >s^tèiiiAeid«i;ciojace$sionfl>jdiiMe|iDiiQ& i^^M^r 
]^8ableà^ ^eti qu'il ^laa êntaB^ï^d^Mâé^qvjiAîpl^P m^ 
teH'lTctièiqfiieè^leâ Polonais «l le«i]Latia8i 9)^;i^/(ji^,co^ 

J«iill€ftPM^' Graobofaïkil iim d^M^cfb^s l 'djiii.par.t^ ii^q^^^^ 
iii6dété^' fyA i' pmataé/ iiili w^ Jideî/GaUiQi^. /^I|^ ^ p^j;^. 

métti^) "de > kif €lâllîcià«>MH J iâieg^ri GlamHM^N^^i^ t (^ .^ 

^fl!faVecâ^tiesiïctiàqii0S4i (>-'«; ^, .ncai-r. 'ji', ^'.în'jîj^r .--i-ij 
-^'Oh devifl9'4ia8tl6 fatla^furetiridtijparti ça):)#tU);jyiom^^ 
ijfeksthdii>(^<AI'i c'était raEipioma^t^^ ovulât, n^q a^^ 
mmâk^ cdb^éràf(^ltaflul )de(g^oii»^ oùn lt'a9»i^er,jaU^^ap4 
e^lài'6iblluié!ldttéinAitde'ià|h(îeht èt^^ iiTJM^o4aq§ 

TËurope, qu'on songeait à transiger avec ces « mi^^pif 

tdtivnèt^iit'ai^eiGr^pafaâlioo) ^yerBilàuri i&tèr0^i d^, iPer)^] (^ 
dubliaftt «bnlplôt0ipelil)de8aofivy»om.5^^ 
fofi|tèrrèn4| £rveoiiéGieBgieiiklur& laotiiiQi^fiitfii.AUK l^te^.,^ 
fttuMiJéaiBforaVi^iaù^iBQ : \à& teur^fC^efe». M., de^ ,]^aif^r- 



MINISTÈRE HOHlRWAIlT/f JlSIIEIIJlIlMIiiALLEM ANDS (^ 

Ae^ IMiAm^É^^ fééèPsàssfoé eoiquHkm^ a|i$)c^(^ mmrti^ 

'ptfr^ lallkimnd Ut 'n lavait îparaaiB'Btibi de^pi^f^^Aici^ ta^jb 
qu^t'ii^'é^lftitilivotiijtrë j^t8b9iet^:éqliiflaMefleoJYtDS| U» Mtim 

i'^^X.^ aioseé^niéthiènl-làîquané» leiii doAtil«?i^ilaiGlih 

kiiM'tét*meiâ'd^là({iâ«»Ue'ila eh^iinre dcsdépatéd dU' Aeî^ 
^r«Lth^élàit'di6ë€r«^ÇttiieiSéooiHi6<M^re<qiiii4i6a<A 
tHè^éâ de^ahaùt^'et'de lajba8ée:A]iétid2e$)derib^ Stynîti 
ëte^â <SlBtr^hi<»^, >de<l«i*Stlé8i0fel (luiTylt)]ipUne.4/rt)i«ièf9(f 
q^l'^oévoquail toùtes^lesi dIèièsrpéQti leil4:Bff»(^[ftbp#( 
&étsÂt "éW (sMpf ' d^étaiii ié^ali dâss tte'jseiia < ifMép^J^^ ,1^ 
flÀ^ih^' Ji^r l'eiti^raàr cl^Anindhef B6!i)eae€Btfî 
tèfM'éVëc ^fëmDuV^Ukiiperehrnd'AIlëitiagm; t A^aiti:^^ 
déjp^tt, ii 'ttva!it>! Vti' <Mif Aiegev^ili'a^àdtrfeAga^ ^m^^Ck}^ 
rër Aëa^ pr^nti^H ^ 'M»- f (^è^ues :iq«i.iieiMlailsii|/i le^ > nimf 
pi^oht i^ ' im t^âbte ' et l«i -aiiàit FUisséi éhibi^ vj^ir^^pit; #i^ 

très patentes elles-mêmes prouvai^tl jâHiXiSlfiiy'^^qm 
teti#> '^uVéraim ite^ «tdottrait pësiddnà i1éaè^i»ii0;4e riiSias- 
tëiif Fitlfiuêiic^'gèrtifaûiqaei : tlft]i]'';bUt.j[iéiail>id:*Pl>fl9r 

'^ Gè^ bè^^esr 'dàltilèt^t <<adx> Altomatadt niiM . itâiit^bld 

lit^Mtitaâeiyi^ls 'j^enhajnîqiies latiaqnèMçtii'te .)«iibit)M 
#^e« là dëfti%^^'<vl()toiice;iHLBurja9gam6i}t; pimdpei 



chait le déBir de rendre à rélément cléridàl et^fëodal 
Ht préétamente, accusation iiiallkeufeùiseïÂiènï jùst^SS^ 
par les vieux Tehèqués et par les Gallicren^ cétli6Ii<|Qek. 
On fiit mètÈte obligé de faire s«tié'ir'un dek 'iiUtné^iils'cl^ 
journal de 'Vienne le plus dévoué à M. à^ Bisitil^çk 
et à TAllemagne, la Nouvelle Pf esse libres De lëdr/.côlè 
les feuiHes fédéralistes dédaraient que VèntreVue de 
Oâdiein n*avaît d'autre objet que la propagande prÙB- 
sienne eit Gialeithanie et llngéteîice Ûe Dif . de Bismarck 
en faveur des néo-Prussien» autrichiens. Le Tagb,latf 
-parlait même d'une alliance de FAutriche et de rAU^ 
magne contre la Russie slave et la Fi^anbe vaincue; 'et 
ad donnait comme une des preuves la vîviacité de M. 'fle 
Bismapck darts la question des chemins "de fér roùmaihs 
construits pan" le fangeux Strbtisébeïg. C'est' s^Hs^cè^ 
koprèssioDs (Hverse^ qu^bn se prépara aux élections, 
d'après ip sjrstèibe compliqué que nous avotiâ expoâè 
plus haut et qui ddnne tant d'avantages à la ^aiide 
propiiélé. . ' ' 

' MaigM ' tout, les élections donnèrent clan^ le^ diètes 
une AMjiorité fédéraliste. Le 14 ' septembre- la diète dé 
Bohème s*ouVrit par la lecture d'un rescrit royal détila- 
Tantque le souverain était prêt à renouveler lès droits 
du royaume de Bohême par lehermeht du couronnement; 
qu'on présenterait un projet ûé réforme de la loi élec- 
torale et qu'une nouveùe loi sur les nationalités serait 
élàbo^éei^. il ajoutait qu'il priait -là diète de délibérer dç 
fbçem à né pas léser les droits des autres provinces et 
royaumes^. Le prinee Lobkowitz était nommé Ohèrklarii^ 
mancAô// (maréchal suprême du pays) et le comte Chot^l^ 
lieutenant du Royaume. Mais les Alfemands, obéissant à 
un mot d'ordre venu de Vienne, «e retirèrent deà diètes 
dePi*àgue; de Moravie et de Gamiole ; en Silésie; où Us 
étalètïi en majorité^ ilS' imposèrent leur langue. La diète 
galicienne se montra bien diëposée, ainsi que la diète 
dalmate, malgré les protestations des Ruthènes daAs 
Tuno ei desltaliensi dans Tautre. 



I> ÉMISSIONS DB M^M, DK H0Q6NWART ET DE BEUST 348 

Ijajoie d^s fédéralistes fut (^.courte dupée. Il est 
pripi^yé roaintenant q.M,e dans ce§; e^trcivu^ idlfiieh^, de 
Gâstein et de Saltzbpurg entre,C|i^itta«rne, Frasaçoi^ 
Joseph, Bismarck et Andras&y., <{ui p^éoceupàreiitjtaiit 
l'opinion eufopi^niie en aaût-sppteqibï^e J871^GuUlaume 
et Bismàrcky appuyés duMagya?: An(îra^&y, firent tenoDr 
cer FrançioisnJoseph aux idées fédéra^listea slaves et le dé*- 
cidèrent au maintien du dualisme de 1867;, qui Uviratt iejs 
nationalités de TAutriche au de^poU&me des< Aileoiands 
et de leurs alliés les ]\fagyars. La chute du<mimstère 
Hphenwart y fut décidée.. Dès le 17 octobre le conseil lde^ 
ministres cisleithc^n^ décidait, que, le^ farMclQ». fondiuacieiiie 
ta-ux/ proposés par la diète de Pr^g^e .^raient simple- 
rpfsnt soumis au {tçiqh3rath et, le clph déakiaieidePeeth 
se prononça c^ontre tout projet d'accord avec; la fiohéniefc 
Lies . journaujç^ tchèques, la,JPQ(itik^ le fiokroh^ fiu^epA 
saisis. Rieger se J^endit v^inament à Yi^nne pour eoiir 
jurer révénem,ent que tout.le;mondô.pw^entatili rà 80» 
retour, il fut Tobjet d'une manifestation que la p^dice 
réprima brutalement,. Le ^6.ociobjre, M. de fiobwîLWart 
et ses collègues donnèrent le^r démis^io^ :.lA.i(iiiibia4ive 
fédéraliste avait définitiyemenjb ^cfakoué • tant bousi >là 
pression de Berlin que $ouç eelle des deux nations >qui 
opprimaient l'empire. « La vieille. Antriiche triomphe I » 
s'écria avec ivre^^e la Nmmlh Pr^98e Mbre^ Le qoupqp-- 
nement de la prfee fut, Je 6 nov^mbre^. la démissioft 
de M. de Bèust lui-ipême, donft la <?hute de. M.- de. Ho* 
henwart paraissait cependant avoii? conaolidét larposih 
tion. Le 8 novembre la diète d^ Pra^e fut 'cloae^ et le 
14 novembre M- le courte Andrassy, l'ami -et le séide àéd 
M. de Bismarck, succédai M. de Beu^t. M^ deBismarek 
savait que le noble Magyar ne poiji^^qrait pasI'Autiâebû» 
comme M, de Beust, à repreadre sa position en Allema? 
gne. Le 29 novembre un nouveau ministère jeisleiiban 
constitutionnel allemand fut constitué sous. la pcéâir 
dence du prince d'Auerspfsrg avec M. Lasser à.l'lu^ 
rieur, M. Stremayèr à l'instruction publique et aax.fiul-^ 



tM,.M. «Iftoar :à k JV»Uc.<!, ]|f.,Banto»8 au <»mmeree, 



î MwAj«h'i»^.a^t.p9iir.su€e^$QfVr ^ la présidence *i 
mimsi^rA Mc^ri^roM \f, içç^e, de^ JL^W^ay^ ^jéakiate^^^tittiïs'. 
Le leM^fimmd^jlïL.pQ^nwUQi^^jl^^ l^rAndrk^V^^^^ 
Mute de rflg^peçeiir p^c^np^^|(yJe les /éiéclW^ 
rmhsraUi. ^. , iUfse^t , dir.eçj.q!wtéal , J^s . ii^^ l6' et' jffr d'éj- 
eembrv 1871, e«'. qui éUiit ufi Yéritable coup d'Ëlàt. tiè^ 

ooi^ennit; 
Hfurs^.eA 

•iOnqifi iwmt ,frit, iusqu.*alopS| ïfj. iraïï|ié!^sé des- Aatlo- 
nalké«! st$Y^[ cle. Teçfiftve,, ç^,éta^t lïs9^^®4^. ^ fëittfe 
eifovfa^ rabs^nce. ^^, ([^ncordanc^/aa^^ jeur Jâ(^^^ 
f$«ivam4,«bAÇ¥nf(,l|^r chiçm^n Qt .visaient letv'Mf^ns 

atéOcior . Wî, è^eirgiç? Vaw^q iMiyft '1^?^ '^^ W^ 
dlunion *o«tBqv|UîD^^q^ fifitrç tes; Tc^equ^ Içj^'ftWik^ 
-et te»^.Seifl:jeflrf w^.ençqi)e .eotrq l^s.i|édéràiisték tcj6%^^^^ 
«il>liiigituohe'd)}.pa<*}i^(Q,çat ^^.ngrpis las^^^^ dli noilt 8fes 
Béakwie^y. Cette, ppipja §fe fitf s^îus jj^ patronage rf^'R^ 
«tlthvfqiM viVAit ià Tm'in e^qijp l'exil avc^it dépoiiîiîié rfe 
•ec«(<haiDa9 alanfios, qfti,ïui g^y^èni.éte si fiçiialèfe |êïi'Wl8. 
fièula,iie9$iiiUiçÎQ|[],$^,captpnpés dans leur.^gôi^bl? MiiàU 
naU iMNraaflit, icmr^ Yiofui^.à jêtre ^é plus aises (jii*iiè'^p«ft#- 
raîept. fi«n». MO^/àutri<?)tï^e /prospère è^^^^ 
caoatiltution dfl ^ft Po^^,>«e ienaïenl enddh^i^ ili/t* 
nioilv4»{^t;,i}^f^ jjpKçwijtJi^ç^nt tfop i.pouviBi(t lèl '^^ 
;fidè^ •^Ufifn9rfliA ^i^stèrei <^? Yîeipne,' ses plus' adiéili^^ 

no<ni^; liJwft|p«.qu'iJi^/,i;éva4eni|, attendu (|^è cette aritt^ 
•floiDi^.i^tuirmeiiaitrjil. de "Bismark poiif séâ^ priûi^vfifeës 
potoBaipçs,^ft,r.8i;id^ ji'é^aH'pas p â lôus^^fes 

Slftrtîe^f 4;A^tF|çh€;,4yriti^mit la Biissie. lie gbiïvêrijferaPFt 






«vfif jet ïes ojpjposafiTs nï^^'ât^:'irt)rônèrita('ltti'«sgfcC. 
lution (iélaMe^de Mèti^;et^fïkà'àttt 4«, âO^itSaiawa 
iftÇ^'^^S^fK??? en JBohême, àvec'làt vôlbhté^e't»ttt<mytUre 
eç^^^jvrçipp^^^ fivoir iihédîëtè allëtilàiiaë. e»t<'4f28^p*fods 

^eç^^emen! çiûx fleriiièVë'é 'éfecKidhsV ' Le^ > mittfetêi^v ' 'aide 
^ ^yèrnpfiràé ïa Bbh'êhii^'lrf; 'KdDëi^/ ttgtt 'del» toiiiefe 
J^^ %t>p^ sur'ce^' pr6^^ •ri^^négli^éèl'ifaiï?: 

.^f^^esi de journaux ', ^ài^hlsitfrëfe ' • ^ébittinc/ ^à * Solbin ^ 

^^çjjaa^ds ipoîxdiëp àè' tKalfei^/fel(f.; •e«è'.' GrirttraiifemwKl'jt 
Jj'jijjMnipfljtrôp'.rè en Etirbpê qui' iéeiViîiié<le'|MBipU 

national tchèque avecïe parti tiltrértWè^tttbirt;Uee'gr«iid»- 
j[J.]yip5^ ducs et pi'Lnces de Toscane, de ModènerjÔ^Rohani, 
M^M Ppoçriétaires ,en Bôhêmirf; pWteilt 'î>àTrti ip^utJles 




.j|?iflilpW (l^ai^onneJ ,Wé|dèîilii^iTif ,.'te6ttitef»feés 'Aiehtlbtti'fe 

JPTOpriét^ires fêdëràiis^s icJtiï'aVaiént' rMëié «U5t> dfifreB 
,jp[9^iBqqes d'acliat 'ojb ' ïetii*^ 'ttropriété^ ' faît& =patt 'iéfe 
.q^eata^. 4?s wiînislres Ùiigejr' et 'Mssè^,' dé»» êéWtes'ide 
4;Alfpmàgiie. toyi rôuïaîi 'éh éiffèt'^ér éëé âOU^prbpwéu 
.taires^lisapt àëùx seuïs 70'dëptit4 è' id diêfièv Malgré 
^tpu^ieserforits oflïéiefe^ii'j eut' "tiré Mt^e miiwm^îéêé^ 
_raU$te,^roais dès lors iè' gôù>^èfnèhi^nt 'se'pï^pataàià 
jréfprqier la loi ëlecfôkl^pai: ISntWdutftiondëê él^fetiMB 
^dijP^ç$. Les dallicîenjS'i dé lè'ai' ëôté', ^afesfetàieiil att^>Rei- 
;,chsrath à li?î disciission; dÀlis'le Comité HôèWdtitiitiOtt*- 
Q^, d'wïi^çompromls quirie les 'satisfaisait pas/Lè«!fifeit|- 
çailles de la princesse Gisèle, jBHfe àirtëéâé'VÈikpeféAf', 



d4é HISTOlkE DB L^AUTRIGHB 

avec un prince bavarois (avril), semblaient donner une 
riouvelle force au parti allemand. 

Mêmes difficultés dans la Transleithanie. La discorde 
y était partout : entre les Magyars eux-mêmes chez les- 
quels le parti Déak et la gauche ne pouvaient s'accor- 
der, entre les Magyars et leurs sujets les Serbes, les 
Croates et les Roumains, te parti Déak avait proposé 
qu'il n'y eût des élections générales que tous les cinq 
ans au lieu de tous les trois ans. Il calculait que le pacte 
dualiste, ÏAtigÈkich, devant être renouvelé en 1877, il 
serait alors maître du terrain, tandis que si la gauchie 
triomphait aux élections générales de 1875, ce serait 
elle qui serait au pouvoir lors du renouvellement. On 
essaya d'un compromis entre les deux partis, mais il 
échoua. Le parti Déak né se maintenait au pouvoir que 
par l'appoint des 31 députés croates magyarons, comme 
à Vienne le parti cortstitutîohnel ne pouvait réussir au 
Reichsrath que grâce à l'appoint gallicien. Quand M. (le 
Lonyay,' le chef du cabinet hongrois, vit que le parti 
national croate l'avait eînporté dans la diète croate élue 
en 187i, il se hâta de dissoudre cette diète dès sa pre- 
mlère^éance et d'indiquer de nouvelles élections, avec 
l'intetttion ou de séduire le parti national croate par 
des concessions, où, s'il échouait, de faire voter à Pesth 
une réforme électorale privant du droit de vote plus de 
cent mîHe électeurs et étendant la durée du mandat 
de trois â cinq ans. La gauche manœuvra pour que 
ces deux projets ne vinssent pas en discussion, en fai- 
sant faire par chacun de ses membres un long discours 
sur chacun des 104 articles du projet, de façon à prolon- 
ger la discussion jusqu'au 19 avrfl, date obligatoire de 
la dernière Séance du Reichstag. M. le comte Lonyay, 
chef du cabinet, était un manieur d'affaires enrichi avec 
une rapidité vertigineuse. Il arriva au ministère malgré 
Déak et n'eut jamais de considération dans le parle- 
ment, ir était agréable à la cour dont il avait liquidé 
les ihtérèts dans l'affaire Langrand-Dumonceau. 



LÉS SLAVES SOUS LA bOMINAtlON MAGYARE 319 

Serbes et Croates, sentirent durement sa main. ÏX pro- 

rôiiitst là dissolution du congrès Serbe (juillet I873)iet. 

nLomma Grujic, évêque de Fakrak, métroprfitain. Un 

xitttiVeaU'cÔfcgrês fut convoqué près duquel on envoya 

com'iïië coihmissaiipé royal le général Molinary, qui^ dès 

le ^21' àoM, renvoya à son tour rassemblée. De plus on 

aVi-feta,' à leur retour, les Serbes qui s'étaient rendus. 

aux fêtes de là majorité du prince Milan à Belgrade. 

* Pendant ce' temps avaient eu les élections au parle- 
ment hongrois (juillet), qui donnèrent 245 Déakistes et 
445 mëAibrës de la gauche. Miletic y protesta, au nom 
des Serbes, contre les procédés autocratiqUses du gou- ; 
vèi*nemeHt hongrois. La diète croate, oii, qn dépit des 
mêrties 'procédés magyars, le parti national l'avait em- 
porté sur les unionistes, envoya des députés à, "Vienne 
pour deriiande^ à reviser, d'accord avec les députés hoQ- 
gr^îs, l'arficle 1*' du compromis de 1868, ce. à quoi VEni- . 
peïeuf consentit. 

'11 faudrait t)ottvoir exposer ici par le menu ce que c'e^t , 
que la domination dés Magyars sur leurs sujets cypates» 
serbes et roumains, pour bien comprendre quelle hqrreur 
et quelle haine inspire cette domination. Alors ils étaient . 
maîtrrcs dèè élections par le scrutin public. Malheur à 
ceux qui votaient contre le candidat magyar; ils s'expo- 
saient à mille avanies et persécutions dont ils ne pQu- 
vstient obtenir justice ni auprès des juges, tous magyars, 
ni auprès des fonctionnaires tous magyars ou magya- 
rons : ils étaient sous la canhç du I*andour ou du Pla- 
yache. Leurs impôts, exigés avec une rigueur impitoya- 
ble, allaient alimenter à Pesth le trésor soldant cette 
armée prête à les mitrailler, ces administrations et ces 
tribunaux ligués contre eux, ces écoles où l'on ensei- 
gnait en niagyar des idées magyares. On leur laissait 
seulement la faculté, après les avoir épuisés, de fonder 
deséeoles nationales à leurs frais. Tous ces faits relevés, 
commentés par une presse nombreuse et active, une 
presse oroate, une presse roumaine, une presse serbe, 



348 HISTOIRE OE l'AUTBIjfïHB 

une presse slovaque, exaspéraiept i*ûpiDio|i. Ç.^e^t, jbi 
perspecltve de passer sous ce jouç'abnorré qjin îpft )[fs 
armes à U main atix conflnaires ^ns récUâuffouf*èe 4^ 
Rakovica si exploitée depuis par lès'magyiBLF9j(8.sLl A pp- 
wmbre 1871); et qui rendit leurs plates si. yiyes 
quand le i" décembre 187*2; ils furent rendus à, l^jiutorîté 
civile, c'est-â-dîfé à/l'aulorlté magyare ^(Iç reste 'd^s 
èbnfihs subit îe'mérae sort J^é 8 août i873^ datel^e H dj(ç- 
parition définitive de .celle inàliliition). Même ôppres- 
*sion des malheureux Hoùmains abandoaués par li^urs 
arefaevèqufes Schagupa (du rite grée oriental, résidait à 
Stbîco) el Vancea (du rite grec-càttiofe(rae, résidant à 
Blasiu ou Bfadetidorf). Là aussi les Hongrois ^aisalont 
passer dès 'l!)éakiàtes grâce aux ihôyéns les plus inoujfi 
de la coirajkioh 'et|'de la violpnce . ' " , . ] 
' Sur ce'é entrefaites' eut Ifénle ô.septiembre 1872, à 
llèrlth,'la fameuse ehtrévtie djss .tjTois Empereurs qu^^fij^ 
TôMet 3e' sft nombreux' fco;nmentàires a,fuas,j^ pi*i^?çe 
elii'ôpéëhné bt bù* se resserra entre les^trçis cours ,1)^- 
lî^nlcé que t^biible tàn't aUjovfrd*huilaques(io|\ ^lànenj^t 
Lb Hongrie 'n'en mbht'rà, dans lés délégatiojjLS, que. pWs 
dfe rédstance à iaughiéntei^ le tiùdgèt de la guerre^ tant 
èlîé ctai^nàît'què .rAi;triche né se laissât tçnt,er par i]||!i| 
interventions dans les 'affairés européennes que là 'ïrjfe^i^ 
leithanie, uiiîqueiiiëht occupée d'elle-même, n'adniei; msâ 
Le 18 novembre un scandale înôuf sç produisit au Rêi- 
étrstag : u biembre de la^ gaùqhe , Csernatonyi^ dé-; 
nohça avec tarit d'énergie et aussi d'évidence les tjrîpp^l 
t»gé!s flriatlcW^ dé M. de lionyay-, que celui-ci dut 
donner sa déiùlssibn. Il fut remplacé par M, ,J[osép)i^ 
SkfetVjr, filsi d*ùii jhiajôf autrichien, p^articipanti^ co^mé, 
UT. AndràssyVd^ rînisiirrectîon dé 1848^* qùijjïui^ y^^^ 
cîhqt 'ans de prisin. Mais, le régîtaé^Vdçç .jp;eùplésj^w 
iiiagyai*s né' flirt iiullemerit (Clîarigë par ^et éye'nenj^^^^ 
Dànsîeé pi^etniersî ihoi^ de 1873, ïa diète dT^^i'am^Acj^T 
cliëte/deé souffrahce^ iniérîéurés du pays ' cons^n^^îi. 
cbndurë'àveo tes Hongrois ùfa nouveau^^ompjpQniîs.gui 



ÉTABLI SSSH'È>It 'nésÉLECTIONS DIRECTES 349 

'Aeddrifiaît'aux'Çlroàtes que âes 5ajtistact!oifa,trè»ri^par- 

'raitfeà', '^t' qui eut "pour récitât de Ipriyw .pçii|i)aùt 

'^uèld^iés (k'nnées les Serbes et le^ Roitfnams ai^çoju^e.t^a 

' 'de fa Croatie Jtê' nouveau 'com^ii^Dii^ fut yç^ l«i,^,fiej9- 

"l'e/rtibré" parla |vtix'conlre IjOJj,, ' , !^ , , ,;, -i ..;;,,-,. ,,i. 

' JÀ^buVerriemenl cisIeitliGiji,, dé^sf Sfajit .de, veqù; à 

"bout I des diètes i^jû étisaipt (çs députés ,^u,B,ejcJi^atbi 

Wi'èdîlait, av^n's-nous dit,^ d'introclHirè, J^ )ïyat^jnp.,4^ 

électibiia directes, Qommç en j^ranf:;e,,j]^fi .^tjdif;„,fîa 

'Allèiil'aghé.' tji se prononça pour^ ('élection, par,9QrutMi 

limnqmiiial,' ou daiTon'dis3eniçQt.,]Les,éLet;t^r^,ser«iw^ 

ïeiiii qui 'volaient ct^à, pQjLir k ^ripatiQ^jd^a dj^^t 

iltKiids propriétaires^ ipdùaiÉrie)f!^, I^uta.;|aW^^"^^^r 

tÂiifà' des 'cômiitùnéal comnierj;çïift3,i étç,.iL^ dVf^ dfl 

m^adat serait de siii; aiis. Lg^ ^ouvéU^ ,lf:iyé;(ait.i;a4fiiilé& 

8e' ifaçon à ê'trte . fàvorabljC aijx .^yem^d^i iAift^ii«| 

ë8bème', elle dohnaii'$4"(i^Riitée',è3.50P.QOO,gl^ve3,pt 

S6 a l,Sboib(X),AJléin?fl,às. En,.iin, njpt, p^ pi:qjetT, pVf- 

d'œuvij^ de ^. Her(^t^^,^pç sçïia8ajj;.ni £l^^.le,npIpbJn^,()« 

la' popuiàtîori pi iqr le cbiffpe; des (nipô^s. j t , squjfîrp , 1^ 

colère des 'Polonais, tfieo qu'on leur .pffflt.epooaipeiii 

sation ' des cc^cessions d'autonom^' Qjfa(Kl.ie,,proJ8t 

ftit patenté le 13 février 187(1, M. GrojcboUJU) d,44Âr« 

qu'A était une violation dés droits des dictea,^' Uquitt» 

le Rpichsràth avec ses amis. Le vote li'en, eut pas iqoiii^ 

lieu lé ë n^ars par 1^ yoi^c contre 2( les représentants 

polonais et tchèques étant'absents; et. i|Ç 3,9Vi:U^'empe-. 

reui-' sanctionna celte loi q^î d.wiffaïttaiix A]|£^u{inds la. 

pleine domination dans la Ci^eitlianié- Le ^septe^re», 

unrescritimpéiîalp.rononfà^disaolutJon,di;Heicli;âraUi. 

et ordonna leS ^ectlons dilates jinttté|difttes, aQii quR Ip 

nouveau Reichsratb pût ,se réiwiwle î.njjvéïnbre 1873,. 

Cette annéi^ 18Ï3 vit en infù l'ouverture ^(Tijxppsition, 

universelle de, Vienne qui, i^ipntjarlée paç, ^ç cboWa et; 

par la situation intérieure de l'empire, (^e. réussit qu(i 

médiocrement : eHe attira à Vienne 1^ t(à ^It^lie (17 â) 

2S septembre). ïl y avait été précédé le l" juin par le 



aSO ftlSTOlM DB L'AÛTltrGHË 

Gzar et le 25 juin par iltnpératrlce d'AUemagne. Le 
mois même de l*oaverttire de l*expoâitîon éclata'à Vicra» 
cette grande crise financière (Krach) qui amena la chate 
de tant d'établissements financiers et d'entreprises 
industrielles et commerciales, la ruine de tant de spécu- 
lateurs et de tant de familles, le suicide de tant d'action- 
naires, et qui affecta pour si longtemps le crédit de 
rAutriche. L'Autriche est devenue la patrie favorite" de 
l'agiotage et de la bancocratie internationale'. La situa- 
tion n'est pas meilleure en Transleithanîe. Depuis 1867, 
la dette hongroise s'est accrue de 887 millions de francs 
(emprunts de 1867, 1870, deux de 1871, deux de 1873). 
De plus sa part de la dette consolidée et de la dette 
rurale de lAutriche montait à près d'un miilard' de 
florins. Ces dépenses ont servi à entretenir l'armée 
nationale des Honveds, à construire des chemins de fer, 
à subventionner le théâtre de Pesth et ont été prises 
sur les malheureuses nations annexes, lès partes annexât. 
Bn 1874, M. Ghiczy, ministre des finances translei- 
thanes, dédsirait que le budget de 1873 se soldait par 
un déficit de 42 millions de florins et, tout en proposant 
des expédients, avouait que jusqu'en 1876, il faudrait 
a^r avec une extrême économie, ce qui n'empêchait pas 
les délégations de voter le gros budget militaire destiné 
à maintenir les forces de l'Austro-Hongrie sur un pîed 
de paix armée. 

Les premiers mois de l^année 1874 furent employés à 
de graves discussions sur les projets de loi présentés par 
le gouvernement cisleithan et destinés à régler les rap- 
ports de rÉglise et de l*État -d'après les idées modernes 
et, on peut le dire, d'après les principes qui inspiraient 
en même temps à Berîin les fameuses lois ecclésiasti- 
ques. Ces projets furent présentés le 9 mars au Reichs- 
rath : il s'agissait de régler le mode de nomination des 
fonctionnaires ecclésiastiques» Dès le 2 février. Pie IX 
avait adressé aux évêques autrichiens une encyclique 
où il condamnait les lois confessionnelles. Quelques 



L.OIS ECCLÉSIASTIQUES r- LSS i£UNES TCHÈQUES 351 

Q^i^clievèquesy ceux, de yieûne, de Breslau, de SaltZ"* 
li^ourg; entre autres, déclarèrent ouvertement . qu'ils 
xi^obéiraîent pas aux nouvelles lols.Jje prince Âuersperg 
déclapa énergiquement de 3on côté que 1« gouvernement 
saurait se faire obéir et répondit avec fermeté çlu Vati- 
can. ÏjSl loi, votée par la chambre à une majorité de^ 
trois quarts des voix, fut adoptée le 1 1 avril par la chambrç 
4ies seigneurs sans modifications, à la grande gloire de 
cette chambre qui ne se montra pas cléricale avant toutj 
comme les ehambres hautes et les sénats de tant d'au-* 
très pays. Koions que ces lois étaient très-moderées. On 
se soumit. Pie IX autmisa même spécialement Tévêque 
de lintz à les accepter : il avwt assez de la lutte relir 
gieuse en Prusse contre MM. de Bismarck et Falk. 
L'Empereur sanctionna les nouvelles lois le 8 mai. Le 
gouvernement, d'i^illeurs, savait .que les évéque^, s'ils 
commençaient la campagne, seraient abandonnas de 
leur clergé, ifnalgré les efforts du cardinal archevêque 
de Vienne, Aauscher. Le prêtre autrichien, sauf dans le 
Tyrol toujours voué à rultmmontanisme , est plutôt 
l'homme du seigneur qui confère les bénéfices, (en 
Bohême sur 2,000 bénéfices, 1,280 sont entre les main$ 
des grands propriétaires) et de la nationalité que 
l'homme de l'Eglise. 

Cette même année vit les jeunes Tchèquiss rompre 

résolument avec la politique d'abstention qui depuis 1867 

avait si mal réussi aux: vieux Tchèques. Sans rien céder 

sur les revendications autonomistes de la Bohême, sans 

renoncer à l'espoir d'obtenir pour le royaume de Persn 

myl un compromis ou Augskich semblable à celui qu'a 

obtenu le royaume de Saint-Etienne, ils déclarèrent en 

septembre 1874 qu'ils siégeraient à la diète de Prs^gue^ 

qu'ils reconnaîtraient la constitution de décembre et 

qu'ils iraient au Reiohsrath de Vienne, pour essayer d'y 

faire triompher leurs idées; ceci au grand scandale des 

! féodaux les Thun, les Belcredi, les Glam-Martinitz, etc. 

Le même moi3, à l'occasion des grandes manœuvre^ 



un YoyBg;e' oïi il fui reçii avec eii,tliousiiLgine. mais oiul 
refusa. (Tel itendiie a,iicune aâiresse aiitbnpmrsté^ Xt^dl Wl 
Tchèque^ de itforayie 'Biégeaipiit jau^ Jfe^ ^â^ifsl 

l'èspoir d'amener' u)ie i^tionciliatjon'sur' J|l ^Wé ' ç(e^ | 
inslitutiofis exUWnt^/ deci 'ne yoiuait, pjis ~qir^^ une 1 
r)ëconcïliirion,àvec ce parti Ailema/id qui, (oat'en aè ' 
paranit du ti(re de Yérfassungiti-eù (les pdèles à^la,cot>s'-: 
tiltitïoa'), est ûaiquemQni tourné vers Bertip, aspii-é Â 
se' perdre dans. l'anii^ allemande' et né oons^dèré l'Âu- 
Inche qui; comme un pï^Uer eï un abrî provisfiire. 

iLép Serbes feijft'reiitavssî Quelque satisfaction : leur 
congrès éctlémâti^ue se Uni e^ jùalét à karloyics! npus 
avorit'jît'que'les Serbes, n'ont, comme itislruipëiit na- 
Uônal, que cè|Co'ngrès qui peul ftré 'iponsidéré'cymnop^ 
un'larg^, conseil' ^d^ifajbnqué bu'flgurerit J 'la fois le,' 
clergé' eî les laques, qui, nommer' les' iif^enSbrés Se la' 
hiérarchie ecclé»^ti^u^,.^t octininistre, (es fonds coiisi^ 
djérables deè églises, des, Toiiçlalibns et des ^col^^ ,1[^ 
congrèa.^Iuf.^ pour patriarche, I^éyêgtie Siajkôy^, iDaii|^ 
l*en)^réÛT ayant refusé de sanctionner ce cBji^iXj, le, 
congrès, o^rMiletlc fùirmëme se résigna à ïa ^oupiis^, 
sjon, ^iM,'^. la p'jacé iWéijue ro.umai)i yacst,ovip, ^m 
fu^'insla|lél|e'i8ao^f., ' '"" ,'',",'',!",■[,.' 

Ia Honme 'perdit Dôaif en mari, 18'75,'et plus jl m^ 
s'est, d^andé aî l'àuleur-dù-dualisnqe n''em^<^t'à[t;p,as 
avec' laî danf là t<^l>e. l'autohoniie .magyare. Èi^ 'îfpM, 
das apparences, les. hàif;e,& des i^iionaljtés ne sont' pas' 
apaisées contre les filsd'Àrparf. La 'Hongrie parlemen- 
taire, .(^yeC'pSçn^tuniultueux parlenii.'iit qui ccnsommn 
t^Qt,de ;niiii^èi¥.S J^c.'pst aiyo'urdlïui M. Tjsza, chef du 
centre Wuchç.*iHV^sV*V'P^"^**l''J> .-c^ t''''clii'iis eiila- 
cMeB,d^,c^iH>tjQHei de violences qui vont quelquefois! 
jiff>qu''au m'ç;uHc& ei surto'u,l sa mauvaise atlmiiùstralion! 
flfiancière qfjïruine'lep peuples tr^an^leithaps, ne'paraft' 
pas, avoir ^.g^uis Je3.sympal)[jLies des nalions du Danube. ' 
D6.3pI^ç6të^ l!êxtfêine gauche fl'a rioii abdiqué de sun'' 



ÉTAT KCTliki liE LA TRÀm'BITHANIE 3Bà 



lëiiii^kiVàb mt^rîeuf^ des Magyars liëcliiiiinu'éi^t fîeii de, 
!lear àrrogahceel déleurs procédés tJTân^^ 
T 'dès SÏ4ves'et;dès Roumà|n^, auii^iieîà îl^ cdiitîp.uènt 4 
ï îihposéi'/pair.'tbus ies'itioyehs'pto^ et 

leurs ncimmes; et cependant on constaté un phénomène- 
* singulier : la race magya.i'e n çst ççls t)rolin(jué comme 
son amie et Àlïiée la racé a^emande ': elle est eh ccin-j 
stantè diminution numérique', tâhdis que iés Rbiimàms 
se iQliUipliént propgieusen^^^ent, au point «neme d âb- 
sorbW avec ràpiàité lés' è^^^ Kbngi^ôîsMÎ y a Ij,' pour 
celte' nation hbrigroigé jeéùlë 'de sa race eh* Autriche," 
el isiïé'e .iar sa langue, sbii orgueil; él lés hàihéà qui 
1 ^ntouren^, un avj^nir menaçant. De piUs 1$ Çôngriep 
^àys ésséri(j^èli^mé^'''a^^ mérCt (l*uhej 

ihaùvàisé récçlîe,* et' clç grémei'? dé' l'tîuipbpe kùl^lt dH 
tWriBlés' disette^ 'qui' àii^enehrik tuih'ê-deâ 'gr^dâ ef 
de's'petfts-^rbpri^^^^ 

m'emtréà ' possèdent encô?e 'deà pjrbprfétêè duhé'îhi-^ 
riiérisô éténdiie retifermant plù^ ' dtè trèhle ' Vilfeges et liîi ' 
Ibi réodialitè seihblé s^ètrè réfugiée, ; s *bbèjfe et yénd \ina: 
partie de ses terres qu'achètent le' Juîî ou l'AllemdhdV' 
Le$ Juifs, ^r Tâchai dëk proprié(é^,'pak^ Wbàh^^^^ 
pàrUé'éaiaTét;'èonl' eh train dé/niiiièt* ï^s ^pbiplilaiiôîis' 
de ;ïâ ÛâlUcïe ei'dWé'pài^^ cleili t^dhsIeithaTiîe; et;; 
sbril en 'même temps ïes^ïnsfruttîéhft' dé 'ïâ' gértokifl- ' 
saiion. ' ' 

V^niêeAÉit a/étè'Wuk Wnreu^é tfbilr l^Xtel^ithaÔJè' 
que pàxxT ïa 'l^raAîslèi&am^ 
soïd^er par dés 'excédants, et' ïeptogi^éyécohorà 
industriel brçhctre 'lùie certaine '8tcuyité.*'^je' "5 àVm éùt ' 
lieu â Venise l'a .couirtôiçé èntreviié dé ï'MiicÔls-Jb^è^li^^ 
et' dé Viçtor-Emipanuel. Mais cette' ahri^ê ' a» vu' iiàîtrè' 
aussi Ilnsûrreçtion de la Êoshie éf dé'l^Iïériég'ôVineV! 
prélude de là question d'Orient où l*èxt^ténce'ihôirie de 

20, 



S54 



HISTOIRE DE L'AUTRICHE 



rAuiriche est engagée. Déjà à la fin de 1874, TAatriche- 
Hongrie, en concluant avec la Roumanie et la Serbie 
des traités de commerce sans demander la ratification 
de la Porte suzeraine, avait pour ainsi dire écrit la 
préface de cette terrible question au profit de la Russie. 
On sait avec quelle sympathie passionnée les Slaves 
autrichiens envoyèrent argent et hommes aux insur^s 
des Balkans et avec quelle joie ils envisagèrent la possi- 
bilité de l'annexion de la Bosnie qui fortifierait tant leur 
élément. Les Hongrois, au contraire, redoutant ce qui 
faisait la joie des autres, affichèrent la plus ardente 
amitié pour les Turcs, et c'est là qu'on vit se révéler les 
inconvénients du dualisihë. L'Autriche et la Hongrie 
ont des intérêts différents dfans la question d'Orient, et 
nous allons voii* sans donte VAujfsleïch soumis à une 
redoutable épreuve. Nous finissons en effet cette his- 
toire au seuil de la crise la plus redoutable qu'on puisse 
prévoir pour l'empire des Habébourès.' = • 



<•< 



CONCLUSION 



Au moment où noue terminons ce livre, le renouvel- 
lement du pacte austro-hongroia, de Vaugsleich^ est 
presque a^uré en droit pour dix nouvelles années, car, 
en lait, des événements plus ou moins prévus peuvent 
le soumetjbre à de redoutables épreuves. 

L'accord a failli échouer; sur la question de la banque. 
Les Magyars ont toujours trouvé que Vaugsleich avait 
eu le tort de ne pas réaliser trois des articles princi- 
paux de leur programme d'autonomie absolue : l'auto- 
nomie militaire par une armée exclusivement magyare 
commandée en magyar par des officiers magyars ; l'au- 
tonomie diplomatique par une représentation spéciale 
de la Hongrie auprès des gouvernements étrangers; 
l'autonomie financière par la création d'une banque 
hongroise à Pesth. Comprenant que les deux premiers 
points étaient actuellement impossibles à obtenir, les 
Magyars ont concentré leurs efforts sur le troisième. Ils 
ont dû cependant y renoncer. Après de longues et diffi- 
ciles négociations qui ont amené la démission du minis- 
tère Tisza, une transaction est intervenue, et on espère, 
malgré les apparences^ qu'elle sera ratifiée par le parle- 
ment transleithan [reichstag) comme elle vient de l'être 
par le parlement cisleithan {retchsrath). Il n'y aura 
qu'une banque, la banque impériale d'Autriche-Hongrie 
siégeant à Vienne. Cette banque sera dirigée : 1^ par un 



HISTOIRE DE L AUTRICBB 



gçuvemeuc qjip rempçrçur non^era «ly là doubte pré^ 
aûntfttipn du rair^istvé des finances de Vienne él^u ^t- 
liistre diçs , finapces ^e l^esth,; St* ^iâç deàx spus-gpuyer-. 
neur» .nompiéB, |^<jn^ûr la présen^tipn çïù ministre dé& 
fùij^nçeaci^eila^nçàii, l.autré 3u,r la^ré^n^ation du mi- 
nistre, des, .finances transfeitban^;, 3° par un cçnseil 
géo^I^ de jdouze memb^ps élus par Vhg§ev^\é(s générale^ 
^Ës actlonBaires qjiî ^e^a tenue dé choisir deux mem-r' 
t)rc4 autriifhiea^ "^^^ piembreB^hoivgroi^eL (]ui pourra 
éUrç| les hi^it^utr^f à.sron gré. La majeur^ f^artie' deà 
açUip^iis , dfi lÀ ,^^<^"c,. étant eotré Hès mains autrichien-' 
nes^il, est çe^aÏQ q_ue ^ur|.e9.clouzé mepbres du. conseil, 
di^ seront m^t^4ri^.;,^iifs,Mag;yars veulent' àvb^rlj^ 
infÛPi^té,,Ilf4\lt qu'ils senjettéint ^acquërir dés actions 
de 1a banque, ce qui fst peu probable dans l'état.dé dé- 
tresse AqaqcièFe de la. Hi^n^rie et avec Içs bàlutudés si 
faiit^useqùent dépensières des hùi^at^qi^ vîénflient à 
bout des plus éhormfs fortùnçe. 

ï.e renouyelleinefit au paçié au^trç^^on^is suhitjïï' 
aaaBurerârÀu»tro^Hongrie, sous')e régime ét'rànge du. 
dualisme, Ja sécurité, de l'avenir t trio(nphera-t-iI de^ 
conditions, intérieures et de conditions extérieures ëga- 

, DflnBcette.questîon d'Orient, dont on a pu dire qu'elle 
éfait ep grande partie la question du mode d'autonomie 
de^ âlave^dli S^d^ l'Aulfiche en. est réduite jiu rôle le,, 
p^^ iudécis et le plus fjottant, car iquélque parti qu'elle ' 
prèflûe, çlle ^ î^urle jâux plus ïonnidiLbles périls, Neù;^"- 
traUt^j.ailiancp avec 14 "Russie conlif la Turquie, al- 
liar^CQ avec, la Turquie ,^t l'Ângleteni' rentre la Russie., 
chacune de^çes résolutions est égal(iii''nt grosse de danr 
geM. tes H^ongrois vpulent le .maintit'ii de l'intégrité de ' 
la Turquie, ce quç Ip comté ^ndrassy appelle le stalii 
quo amélioré : la pressé magyare' retentit de violences, 
et 4'o^jurg^tions coQtre l'ambition panslaviate; Klapka 
met^niépéeaù service des Turcs, et la jeunesse univer- 
sitaire hongroise va "offrir des sabres d'honneur aux 



CONCLUSION 357 

I ■ ' 1 r ( • ' I ' "i ' - • i ' ' 



généraux osmanlis. L'armée autrichienne, sous lln- 
ûuehce dé TircHiat^c Aïbéri; est ^àtt 'ôôiitrkfrèpôtrr^ l*al^ 
liance nisse ' et "bout le E^r^^é ïïe là' tù^qùîè * ë^iré^ IS 
Russie, 1'Xufn(;5he'^ là Grèce: C'e^t là'é6iUtiôn^'slâW; 
E4lie est passionnément jàôuhàîit^fe èt.'Agriiiq^daîi' ïie tlût4)tf 
annexer que la Bôsftte aVec soh'iiaiioii dé felàyë^,' il y 
aurait alors dàns^la Tràrislelthààie,' gi^àcé^à'^^^^^ 
hextoh, pluà de Slaves' que de' Màgjraî»^, et fteèétiiôriïç^ 
de ces derniers, déjà pi contestée,' IHécévîiilt'uh Coup' 
quasî-mortel. Mais les j^^^^ Se rAùtiîché; â Teùr 

tour, ne vefulènt jpas jilùs de cétfe Jôoliitiôi^ (^é'Ié^'Hôii*-' 
gr'oîsi Ils n'en veulent pçis, entre 'âiuti'ès'iloihbi*eùs^^^ 
raisons,'au poiiitdé Vue^é/;ônoifaiqûeV'(iàj',''â6ù^ élf 

Autriche par la batt(iàé,' par^ïndùstrlè^ 
mérc^'îrs è(^toipteht;'<^ùè rânAèifon deB ïùfeéMilèy ^îi^di' 
vintes tùmues,' où tout est il clrfe^'ïiut 'à lSàWè':^sét*aït^ 
p'ôur le budget* si surchargée' deUlu^icliéitin^'sôtifëè^ 
nWvéllè dfe déficit eril^4nvbque|ii'i'efeMe tfe'WBàlî^; 
matie qui coûte plus qu elle ne rappône. , ' , 

'Ciinmént se fe' .dé ces iiiftîciiiM'?'i)M^ti'é a'tn 
tJi-ëra-t-ôn^ 'provisoirement; feii' -r^taMaiil"le ' ^Ws 'ïôp)5-;' 
téthpà liosMé' là crise' orientale: 'II ''est rii^nlé à'rèiïfâri'' 
qùer que;; dâns''tà'piuparï diés 'ihn^iidbrlibœs' Bi'biih'ù'ffeâJ 
et . ,artlélèa* , aùxôttelè' donné" naissance ' ëîi ' i^utlttche"ïà' ' 
cAéèitëriWd.le'séihm^yfenpVaïiqù'é'qa^tJn^èè'lié^Me 
à'^ècptniiiainaei', c'^st' l''4jourriè»héi)t, Maïfe àioùi^riéf h^éH' 
pà^ • tàoùdre: ' Là : âitWtion ' ie' l'iiuàtb'ifloRgrîë "^^^^ 
minë^'!^àrdès''fi(aUt'é^;'i)aK'une ioréedës ch^^^^ 
côjid'amh'e àVssi.kûryméht'qufelàïurijuîé S dUï)af^ttrë'l 
à tài mWibëiit dbnriél'Cé ,nWt U'tatfe àffiiï^ dénettias.'' 
Ndttï (irbir'ôns 'qiiè cètïé 'démonstration- ^i-yôrt. de tbïrtf 
ITil^ti^tfé que hdus've'nons d^é^é\ U'Utïi'M'^tiài^' 
modé'a^idiïiedès;Mst»8'et'd^^ 
sèrvàleùrs' :"'<<!. Ce biii éxîété'a tbuîb«rà'''uri£(''i'àM)ii" 

' rAllémaghe, ' â'-potré' ' sens, 'ne (eiitéi'r Jà^'àïy ' iliié' 
an'neiaôn viô'Iépte ' deé provinces, géiTtaânidàés-dë't*Aià-' 



358 HISTOIHB BK L'AOTRIGHE 

triche : elle «étendra q«e ie fruit pa:rftiHeinent'mtix- lui 
iQmbe natureUement dans la main et; en attendavit, '«lie 
empêchera qui que ce soit, la RuEfeie comprime, d'y tou- 
cher» La germanisation de la vallée du. Dafiube marolie 
avec une rapidité qu'on ne soupçonne pas en Europe* Il 
y a longtemps, que Téconomiste Frédéric litz affirmait 
que L'Allemagne devait s'emparer du cours du Danul>e 
et les Allemands accomplissent à bas bruit ce pro— 
gnimme^ lançant d'abord le Juif, avant-garde du Ger— 
main, puis ies ouvriers, puis les colons si prolifiques, 
s'emparant du commerce, de l'industrie, de la banque, 
jusqu'au jour où- ils peuvent s'écrier comme en Slesvig r 
Ce pays est allemand et fait partie dé la grande patrie 
allemande I L'envahissement commence par les villes. 
Les Allemands représentent déjà 48 •/« de la population 
à Budft^Pesth, 35 •/* à Rascbau, 47 •/© à Temesvar, 
70 V» ^ Hennanstadl, 3(5 •/© à Csernovîtz. Ils se sont 
emparés de la navigation du Danube, toute entière aux 
mains de la célèbre compagnie K.K. Bonaudamischiffùf^ 
th$ffes€tbûhafi. Ils ont conquis économiquement la Rou- 
Hiame,par les chemins de fer et par là convention corn- 
medrcdale qui a* été si inexactement appréciée à l'étran- 
ger, etleur germianisation dé ce pays est favorisée;par le 
prince» Charles de Hohenzollern. Dans- cette lente, mais 
irréslaiS)le prise de possession de la vallée du Danube, 
nonnseuiement ils ne sont pas gênés par les Magyars, 
mAis les Slaves eux-mém€», forcée de choisir- entre la 
laogoe magyare et la langue allemakide, préfèrefit encore 
la langue aJUemande. H n'est donc pas à prévoir que 
!3erlin ait des pensées de conquête contre cette Autriche 
qui est sa plus commode base d'opération dans ses pro^ 
jets sur l'Orient européen. Nous sommes de ceux qm,ert 
d^it de l'universalité de l'opinion contraire, croient 
beaucoup plus, le cas échéant, à une alliance austh>- 
allemande contre la Rtissie qu'à une alliance russioalle- 
mande imposant ses volontés et ses vues a la fragile 
moMrchie de H4d)»bourg. 



Lf^Autricho <n6 pourrait se sauver que par tme confé- 
djéra.tkKQ)dao& laquelle sea nationalités diverses, doutées' 
diaeune delà plus grande somme d^autpnomie', trav^^il- 
leraient librement à leur développement industrielicoiiih' 
mercial, politique et intellectuel, squs Finâuence deé 
idées démocratiques modernes et après avoir renvoyé 
dos à dos le curé et le pope, qui aux divisions nationales 
ajoutent si malencontreusement les divisions religieuses. 
Mais ni les Allen^ands, ni les Magyars ne veulent de. 
cette confédération où ils pourraient cependant trouver 
leur place. Les Magyars sont aussi intraitables que ja- 
mais , sans s'apercevoir que^ pressés entre deux races 
aussi prolifiques que la race slave et la race roumaine,' 
ils sont destinés à disparaître. Ils n'en pei^écutent pas 
moins leurs sujets slaves et roumains. 

On les a vus fermer en 1874 le lycée slovaque de TImr 

saiat Marton, et dissoudre en 1875 Idi matt'ca sbvenskd 

ou société littéraire slovaque de la même ville. Ib ont 

persécuté de toutes les façons Vomladtna serbe et les 

journaux. Us écrasent de leurs institutions et de leur 

éducation, les Roumains de la Transylvanie, et, comme 

nous le constatons plus baut, ces excès de rhégémonie' 

magyare profitent surtout au pangermanisme au sein 

duquel les Magyars disparaîtront t6t ou tard. Un de 

leurs plus sympathiques historiens français, M. Sayous, 

écrivait dernièrement : « Les maisons de second ordre 

(en Hongrie), confiantes depuis longtemps dans leurs 

domaines étendus, habituées depuis longtemps à une 

vie noble et fastueuse, se voient obligées d'emprunter, 

et, comme il n'y a plus qu'un petit nombre de majorais, 

elles finissent par vendre une partie de leurs terres. 

L'acquéreur est inévitablement le Juif ou rAllemaiid 

du voisinage, dont la maison s'élève à côté du château 

endetté. » 

L'avenir de la monarchie des Habsbourgs est donc, 
de quelque point qu'on l'envisage, absolument compro- 
mis. On a dit d'elle ce que Voltaire a dit de I>ieu : « Si 



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HISTOIRE DE L'AUTRIGHfi 



elle n'existait pas, il faudrait Tinventer. » Mais si ees 
formules ingénieuses ont encore cours en métaphy- 
sique, elles n'en ont plus en politique, car la politique 
est dominée par des réalités et par des nécessités inéluc- 
tables. 



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